Prière de Francis Jammes « Je Vous salue, Marie »
"Agonie"
Par le petit garçon qui meurt près de sa mère
Tandis que des enfants s’amusent au parterre ;
Et par l’oiseau blessé qui ne sait pas comment
Son aile tout à coup s’ensanglante et descend,
Par la soif et la faim et le délire ardent :
"Flagellation"
Par les gosses battus par l’ivrogne qui rentre,
Par l’âne qui reçoit des coups de pied au ventre
Et par l’humiliation de l’innocent châtié,
Par la vierge vendue qu’on a déshabillée,
Par le fils dont la mère a été insultée :
Je Vous salue, Marie.
"Couronnement d'épines"
Par le mendiant qui n’eut jamais d’autre couronne
Que le vol des frelons, amis des vergers jaunes,
Et d’autre sceptre qu’un bâton contre les chiens ;
Par le poète dont saigne le front qui est ceint
Des ronces des désirs que jamais il n’atteint :
Je vous salue, Marie.
"Portement de Croix"
Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids,
S’écrie : « Mon Dieu ! » Par le malheureux dont les bras
Ne purent s’appuyer sur une amour humaine
Comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène ;
Par le cheval tombé sous le chariot qu’il traîne :
Je Vous salue, Marie.
"Crucifiement"
Par les quatre horizons qui crucifient le Monde,
Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe,
Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains,
Par le malade que l’on opère et qui geint
Et par le juste mis au rang des assassins :
Je Vous salue, Marie.
"Invention de Notre Seigneur au Temple"
(rajouté dans la récitation de Philippe Torreton)
Par la mère apprenant que son fils est guéri,
Par l’oiseau rappelant l’oiseau tombé du nid,
par l’herbe qui a soif et recueille l’ondée,
Par le baiser perdu par l’amour redonné
Et par le mendiant retrouvant sa monnaie :
Je Vous salue, Marie.
Source : Francis Jammes in « L’Église habillée de feuilles », du recueil « Clairières dans le Ciel », 1902-1906 ; (chapitre "ROSAIRE" – "33. Agonie", dernière strophe : "ROSAIRE" - "31. Annonciation"), 1905.
Lecture de Philippe Torreton
Vendredi Saint 10 avril 2020
Reprise du poème de Francis Jammes
par Georges Brassens, "La Prière" (1953)
"Usque ad mortem obœdiens factus"
"Il s'est fait obéissant jusqu'à la mort"
cf Philippiens 2 : 8
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