2.Car il y en a beaucoup qui, au temps de l'épreuve, tombent aussitôt dans l'impatience et
le découragement.
Cependant la voie de l'homme n'est pas toujours en son pouvoir. C'est à Dieu de
consoler et de donner quand il veut, autant qu'il veut, et à qui il veut, comme il lui
plaît, et non davantage.
Des indiscrets se sont perdus par la grâce même de la dévotion, parce qu'ils ont voulu
faire plus qu'ils ne pouvaient, ne mesurant point leur faiblesse, mais suivant plutôt
l'impétuosité de leur coeur que le jugement de la raison.
Et parce qu'ils ont aspiré, dans leur présomption, à un état plus élevé que celui où Dieu
les voulait, ils ont promptement perdu la grâce.
Ils avaient placé leur demeure dans le ciel, et tout à coup on les a vus pauvres et
délaissés dans leur misère, afin que par l'humiliation et le dénuement ils apprissent à ne
plus tenter de s'élever sur leurs propres ailes, mais à se réfugier sous les miennes.
Ceux qui sont encore nouveaux et sans expérience dans les voies de Dieu peuvent
aisément s'égarer et se briser sur les écueils, s'ils ne se laissent conduire par des
personnes prudentes.
3.Que s'ils veulent suivre leur sentiment plutôt que de croire à l'expérience des autres, le
résultat leur en sera funeste, si toutefois ils s'obstinent dans leur propre sens.
Rarement ceux qui sont sages à leurs yeux se laissent humblement conduire par les
autres.
Il vaut mieux être humble, avec un esprit et des lumières bornés, que de posséder des
trésors de science et de se complaire en soi-même.
Il vaut mieux pour vous avoir peu, que beaucoup dont vous pourriez vous enorgueillir.
Celui-là manque de prudence qui se livre tout entier à la joie, oubliant son indigence
passée, et cette chaste crainte du Seigneur qui appréhende de perdre la grâce reçue.
C'est aussi manquer de vertu que de se laisser aller à un découragement excessif au
temps de l'adversité et de l'épreuve, et d'avoir des pensées et des sentiments indignes de
la confiance qu'on me doit.
4.Celui qui, durant la paix, a trop de sécurité, se trouve souvent pendant la guerre le plus
timide et le plus lâche.
Si ne présumant jamais de vous-même, vous saviez demeurer toujours humble,
modérer et régler les mouvements de votre esprit, vous ne tomberiez pas si vite dans le
péril et le péché.
C'est une pratique sage que de penser, durant la ferveur, à ce qu'on sera dans la
privation de la lumière.
Et quand vous en êtes en effet privé, songez qu'elle peut revenir et que je ne vous l'ai
retirée pour un temps qu'en vue de ma gloire et pour exciter votre vigilance.
Souvent une telle épreuve vous est plus utile que si tout vous succédait constamment
selon vos désirs.
Car pour juger du mérite, on ne doit pas regarder si quelqu'un a beaucoup de visions ou
de consolations, ou s'il est habile dans l'Ecriture sainte, ou s'il occupe un rang élevé,
mais s'il est affermi dans la véritable humilité et rempli de la charité divine; s'il cherche
en tout et toujours uniquement la gloire de Dieu; s'il est bien convaincu de son néant;
s'il a pour lui-même un mépris sincère, et s'il se réjouit plus d'être méprisé des autres et
humilié par eux, que d'en être honoré.
8. Qu'il faut s'anéantir soi-même devant Dieu
1.Le fidèle: Je parlerai au Seigneur mon Dieu, bien que je ne sois que cendre et
poussière. Si je me crois quelque chose de plus, voilà que vous vous élevez contre
moi, et mes iniquités rendent un témoignage vrai et que je ne puis contredire.
Mais si je m'abaisse, si je m'anéantis, et si je me dépouille de toute estime pour
moi-même, et que je rentre dans la poussière dont j'ai été formé, votre grâce
s'approchera de moi et votre lumière sera près de mon coeur; alors tout sentiment
d'estime, même le plus léger, que je pourrais concevoir de moi disparaîtra pour jamais
dans l'abîme de mon néant.
Là vous me montrez à moi-même, vous me faites voir ce que je suis, ce que j'ai été,
jusqu'où je suis descendu: car je ne suis rien, et je ne le savais pas.
Si vous me laissez à moi-même, que suis-je ? Rien qu'infirmité; mais dès que vous
jetez un regard sur moi, à l'instant je deviens fort et je suis rempli d'une joie nouvelle.
Et certes cela me confond d'étonnement que vous me releviez ainsi tout d'un coup et
me preniez avec tant de bonté entre vos bras, moi toujours entraîné par mon propre
poids vers la terre.
2.C'est votre amour qui opère cette merveille, qui me prévient gratuitement, qui ne se
lasse point de me secourir dans les nécessités, qui me préserve des plus grands périls et,
à vrai dire, me délivre de maux innombrables.
Car je me suis perdu en m'aimant d'un amour déréglé; mais en ne cherchant que vous,
en n'aimant que vous, je vous ai trouvé et je me suis retrouvé moi-même, et l'amour
m'a fait rentrer plus avant dans mon néant.
Ô Dieu plein de tendresse ! vous faites pour moi beaucoup plus que je ne mérite, ou
plus que je n'oserais espérer ou demander.
3.Soyez béni, mon Dieu, de ce que tout indigne que je suis de recevoir de vous aucune
grâce, cependant votre bonté généreuse et infinie ne cesse de faire du bien même aux
ingrats et à ceux qui sont le plus éloignés de vous.
Ramenez-nous à vous, afin que nous soyons reconnaissants, humbles, fervents, parce
que vous êtes notre salut, notre vertu et notre force.
9. Qu'il faut rapporter tout à Dieu comme à notre dernière fin
1.Jésus-Christ: Mon fils, je dois être votre fin suprême et dernière, si véritablement vous
désirez être heureux.
Cette vue purifiera vos affections, qui s'abaissent trop souvent jusqu'à vous et aux
créatures.
Car si vous vous recherchez en quelque chose, aussitôt vous tombez dans la langueur
et la sécheresse.
Rapportez donc principalement tout à moi, parce que c'est moi qui vous ai tout donné.
Considérez chaque bien comme découlant du souverain bien, et songez que dès lors ils
doivent tous remonter à moi comme à leur origine.
2.En moi comme dans une source intarissable, le petit et le grand, le pauvre et le riche
puisent l'eau vive, et ceux qui me servent volontairement et de coeur recevront grâce
sur grâce.
Mais celui qui cherchera sa gloire hors de moi, ou sa jouissance dans un autre bien que
moi, sa joie ne sera ni vraie ni solide, et son coeur, toujours à la gêne, toujours à
l'étroit, ne trouvera que des angoisses.
Ne vous attribuez donc aucun bien, et n'attribuez à nul homme sa vertu; mais rendez
tout à Dieu, sans qui l'homme n'a rien.
C'est moi qui vous ai tout donné et je veux que vous vous donniez à moi tout entier,
j'exige avec une extrême rigueur les actions de grâce qui me sont dues.
3.Ceci est la vérité qui dissipe la vanité de la gloire.
Là où pénètrent la grâce céleste et la vraie charité, il n'y a plus de place pour
l'amour-propre ni pour l'envie, qui torturent le coeur.
Car l'amour divin subjugue tout et agrandit toutes les forces de l'âme.
Si vous écoutez la sagesse, vous ne vous réjouirez qu'en moi, vous n'espérerez qu'en
moi, parce que nul n'est bon que Dieu seul, à qui, en tout et par-dessus tout, est due à
jamais la louange et la bénédiction.
10. Qu'il est doux de servir Dieu et de mépriser le monde
1.Le fidèle: Je vous parlerai encore, Seigneur, et je ne me tairai point. Je dirai à mon
Dieu, mon Seigneur et mon Roi, assis dans les hauteurs des cieux:
Oh ! quelle abondance de douceur vous avez réservée pour ceux qui vous craignent.
Et qu'est-ce donc pour ceux qui vous aiment, pour ceux qui vous servent de tout leur
coeur ?
Elles sont vraiment ineffables, les délices dont vous inondez ceux qui vous aiment,
quand leur âme vous contemple.
Vous m'avez montré principalement en ceci toute la tendresse de votre amour; je n'étais
pas, et vous m'avez créé; j'errais loin de vous, vous m'avez ramené pour vous servir, et
vous m'avez commandé de vous aimer.
2.Ô source d'amour éternel, que dirai-je de vous ?
Comment pourrai-je vous oublier, vous qui avez daigné vous souvenir de moi lorsque,
déjà épuisé, consumé, je penchais vers la mort ?
Votre miséricorde envers votre serviteur a passé toute espérance, et vous avez répandu
sur lui votre grâce et votre amour bien au-delà de tout ce qu'il pouvait mériter.
Que vous rendrai-je pour une telle faveur ? car il n'est pas donné à tous de tout quitter,
de renoncer au siècle pour embrasser la vie religieuse.
Est-ce faire beaucoup que de vous servir, vous que doivent servir toutes les créatures ?
Cela doit me sembler peu de chose; mais ce qui me paraît grand et merveilleux, c'est
que vous daigniez agréer le service d'une créature si pauvre et si misérable, et
l'admettre parmi les serviteurs que vous aimez.
3.Tout ce que j'ai, tout ce que je puis consacrer à votre service est à vous.
Et néanmoins, prenant pour ainsi dire ma place, vous me servez plus que moi-même je
ne vous sers.
Voilà que le ciel et la terre, que vous avez créés pour le service de l'homme, sont
devant vous, et chaque jour ils exécutent tout ce que vous leur avez commandé.
C'est peu encore; vous avez préparé pour l'homme le ministère même des anges.
Mais ce qui surpasse tout, vous avez daigné le servir vous-même, et vous avez promis
de vous donner à lui.
4.Que vous rendrai-je pour tant de biens ? Ah ! si je pouvais vous servir tous les jours de
ma vie ! si je pouvais même un seul jour vous servir dignement !
Il est bien vrai que vous êtes digne d'être servi universellement, digne de tout honneur
et d'une louange éternelle.
Vous êtes vraiment mon Seigneur et je suis votre pauvre serviteur, qui doit vous servir
de toutes mes forces et ne me lasser jamais de vous louer. Je le veux ainsi, je le désire
ainsi; daignez suppléer vous-même à tout ce qui me manque.
5.C'est un grand honneur, une grande gloire de vous servir, et de mépriser tout à cause de
vous.
Car ils recevront des grâces abondantes, ceux qui se courbent sous votre joug très saint.
Ils seront abreuvés de la délectable consolation de l'Esprit-Saint, ceux qui pour votre
amour auront rejeté tous les plaisirs des sens.
Ils jouiront d'une grande liberté d'esprit, ceux qui pour la gloire de votre nom seront
entrés dans la voie étroite et auront renoncé à toutes les sollicitudes du monde.
6.Ô aimable et douce servitude de Dieu, dans laquelle l'homme retrouve la vraie liberté
et la sainteté !
Ô saint assujettissement de la vie religieuse qui rend l'homme agréable à Dieu, égal aux
anges, terrible aux démons, respectable à tous les fidèles !
Ô esclavage digne à jamais d'être désiré, embrassé, puisqu'il nous mérite le souverain
bien et nous assure une joie éternelle.
11. Qu'il faut examiner et modérer les désirs du coeur
1.Jésus-Christ: Mon fils, il faut que vous appreniez beaucoup de choses que vous ne
savez pas encore assez.
2.Le fidèle: Et quoi, Seigneur ?
3.Jésus-Christ: Vous devez soumettre entièrement vos désirs à ma volonté, ne point vous
aimer vous-même, et ne rechercher en tout que ce qui me plaît.
Souvent vos désirs s'enflamment et vous emportent impétueusement, mais considérez
si cette ardeur a ma gloire pour motif ou votre intérêt propre.
Si c'est moi que vous avez en vue, vous serez content, quoi que j'ordonne; mais si
quelque secrète recherche de vous-même se cache au fond de votre coeur, voilà ce qui
vous abat et vous trouble.
4.Prenez donc garde de vous trop attacher à des désirs sur lesquels vous ne m'avez point
consulté, de peur qu'ensuite vous ne veniez à vous repentir, ou que vous n'éprouviez du
dégoût pour ce qui vous avait plu d'abord, et que vous aviez cru le meilleur.
Car tout mouvement qui paraît bon ne doit pas être aussitôt suivi; de même qu'on ne
doit pas non plus céder sur-le-champ à ses répugnances.
Quelquefois il est à propos de modérer le zèle le plus saint et les meilleurs désirs, de
peur qu'ils ne préoccupent et ne distraient votre esprit, ou qu'en les suivant
indiscrètement vous ne causiez du scandale aux autres; ou qu'enfin l'opposition que
vous y trouverez ne vous jette vous-même dans le trouble et dans l'abattement.
5.Il faut aussi quelquefois user de violence et résister aux convoitises des sens avec une
grande force, sans prendre garde à ce que veut la chair et à ce qu'elle ne veut pas; et
travailler surtout à la soumettre à l'esprit malgré elle.
Il faut la châtier et l'asservir jusqu'à ce que, prête à tout, elle ait appris à se contenter de
peu, à aimer les choses simples et à ne jamais se plaindre de rien.
12. Qu'il faut s'exercer à la patience, et lutter contre ses passions
1.Le fidèle: Seigneur mon Dieu, je vois combien la patience m'est nécessaire; car cette
vie est pleine de contradictions.
Elle ne peut jamais être exempte de douleur et de guerre, quoi que je fasse pour avoir
la paix.
2.Jésus-Christ: Oui, mon fils; mais je ne veux pas que vous cherchiez une paix telle que
vous n'ayez ni tentations à vaincre, ni contrariétés à souffrir.
Croyez au contraire avoir trouvé la paix lorsque vous serez exercé par beaucoup de
tribulations et éprouvé par beaucoup de traverses.
Si vous dites que vous ne pouvez supporter tant de souffrances, comment
supporterez-vous le feu du purgatoire ?
De deux maux il faut choisir le moindre; afin donc d'éviter des supplices éternels,
efforcez-vous d'endurer pour Dieu, avec patience, les maux présents.
Pensez-vous que les hommes du siècle n'aient rien ou que peu de choses à souffrir ?
C'est ce que vous ne trouverez pas, même en ceux qui semblent environnés de plus de
délices.
3.Mais ils ont, dites-vous, des plaisirs en abondance; ils suivent toutes leurs volontés et
ainsi ils sentent peu le poids de leurs maux.
Soit, je veux qu'ils aient tout ce qu'ils désirent; combien cela durera-t'il ?
Voilà que les riches du siècle s'évanouiront comme la fumée, et il ne restera pas même
un souvenir de leurs joies passées.
Et durant leur vie même, ils ne s'y reposent pas sans amertume, sans ennui et sans
crainte.
Car souvent, là même où ils se promettaient la joie, ils rencontrent le châtiment et la
douleur, et avec justice, puisqu'il est juste que l'amertume et l'ignominie accompagnent
les plaisirs qu'ils cherchent dans le désordre.
4.Oh ! que tous ces plaisirs sont courts, qu'ils sont faux, criminels, honteux !
Et cependant des malheureux, enivrés et aveuglés, ne le comprennent point; mais
semblables à des animaux sans raison, ils exposent leur âme à la mort pour quelques
jouissances misérables dans une vie qui va finir.
Pour vous, mon fils, ne suivez pas vos convoitises, et détachez-vous de votre volonté.
Mettez vos délices dans le Seigneur, et il vous accordera ce que votre coeur demande.
5.Si vous voulez goûter une véritable joie et des consolations plus abondantes, méprisez
toutes les choses du monde, repoussez toutes les joies terrestres; et je vous bénirai, je
verserai sur vous mes inépuisables consolations.
Plus vous renoncerez à celles que donnent les créatures, plus les miennes seront douces
et puissantes.
Mais vous ne les goûterez point sans avoir auparavant ressenti quelque tristesse, sans
avoir travaillé, combattu.
Une mauvaise habitude vous arrêtera; mais vous la vaincrez par une meilleure.
La chair murmurera; mais elle sera contenue par la ferveur de l'esprit.
L'antique serpent vous sollicitera, vous exercera; mais vous le mettrez en fuite par la
prière; et en vous occupant surtout d'un travail utile, vous lui fermerez l'entrée de votre
âme.
13. Qu'il faut obéir humblement, à l'exemple de Jésus-Christ
1.Jésus-Christ: Mon fils, celui qui cherche à se soustraire à l'obéissance se soustrait à la
grâce; et celui qui veut posséder seul quelque chose perd ce qui est à tous.
Quand on ne se soumet pas volontairement et de bon coeur à son supérieur, c'est une
marque que la chair n'est pas encore pleinement assujettie, mais que souvent elle
murmure et se révolte.
Apprenez donc à obéir avec promptitude à vos supérieurs si vous désirez dompter votre
chair.
Car l'ennemi du dehors est bien plus vite vaincu quand l'homme n'a pas la guerre
au-dedans de soi.
L'ennemi le plus terrible et le plus dangereux pour votre âme, c'est vous, lorsque vous
êtes divisé en vous-même.
Il faut que vous appreniez à vous mépriser sincèrement si vous voulez triompher de la
chair et du sang.
L'amour désordonné que vous avez encore pour vous-même, voilà ce qui vous fait
craindre de vous abandonner sans réserve à la volonté des autres.
2.Est-ce donc cependant un si grand effort que toi, poussière et néant, tu te soumettes à
cause de Dieu, lorsque moi le Tout-Puissant, moi le Très-Haut, qui ai tout fait de rien,
je me suis soumis humblement à l'homme à cause de toi ?
Je me suis fait le plus humble et le dernier de tous afin que mon humilité t'apprît à
vaincre ton orgueil.
Poussière, apprends à obéir, apprends à t'humilier, terre et limon, à t'abaisser sous les
pieds de tout le monde.
Apprends à briser ta volonté et à ne refuser aucune dépendance.
3.Enflamme-toi de zèle contre toi-même et ne souffre pas que le moindre orgueil vive en
toi; mais fais-toi si petit et mets-toi si bas que tout le monde puisse marcher sur toi et
te fouler aux pieds comme la boue des places publiques.
Fils du néant, qu'as-tu à te plaindre ? Pécheur couvert d'ignominie, qu'as-tu à répondre,
quelque reproche qu'on t'adresse, toi qui as tant de fois offensé Dieu, tant de fois
mérité l'enfer ?
Mais ma bonté t'a épargné parce que ton âme a été précieuse devant moi; mais je ne t'ai
point délaissé afin que tu connusses mon amour et que mes bienfaits ne cessassent
jamais d'être présents à ton coeur, que tu fusses toujours prêt à te soumettre, à
t'humilier et à souffrir les mépris et la patience.
14. Qu'il faut considérer les secrets jugements de Dieu pour ne pas
s'enorgueillir du bien qu'on fait
1.Le fidèle: Vous faites tomber sur moi vos jugements, Seigneur, et tous mes os ont
tremblé d'épouvante, et mon âme est dans une profonde terreur.
Interdit, effrayé, je considère que les cieux ne sont pas purs à vos yeux.
Si vous avez trouvé le mal dans vos anges, et si vous ne les avez pas épargnés, que
sera-ce de moi ?
Les étoiles sont tombées du ciel; moi, poussière, que dois-je attendre ?
Des hommes dont les oeuvres paraissent louables sont tombés aussi bas qu'on puisse
tomber, et j'ai vu ceux qui se nourrissaient du pain des anges faire leurs délices de la
pâture des pourceaux.
2.Il n'est donc point de sainteté, Seigneur, si vous retirez votre main.
Point de sagesse qui soit utile, si vous ne la dirigez plus.
Point de force qui soit de secours, si vous cessez de la soutenir.
Point de chasteté assurée, si vous n'en prenez la défense.
Point de vigilance qui nous serve, si vous ne veillez vous-même pour nous.
Laissés à nous-mêmes, nous enfonçons dans les flots et nous périssons; venez-vous à
nous, nous nous relevons et nous vivons.
Car nous sommes chancelants, mais vous nous affermissez; nous sommes tièdes, mais
vous nous enflammez.
3.Oh ! que je dois avoir d'humbles et basses pensées de moi-même ! que je dois estimer
peu ce qui paraît de bien en moi !
Oh ! que je dois m'abaisser profondément, Seigneur, devant vos jugements
impénétrables où je me perds comme dans un abîme, et vois que je ne suis rien que
néant et un pur néant !
Ô poids immense ! ô mer sans rivages, où je ne retrouve rien de moi, où je disparais
comme le rien au milieu du tout !
Où donc l'orgueil se cachera-t'il ? où la confiance en sa propre vertu ?
Toute vanité s'éteint dans la profondeur de vos jugements sur moi.
4.Qu'est-ce que toute chair devant vous ? L'argile s'élèvera-t'elle contre celui qui l'a
formée ?
Comment celui dont le coeur est vraiment soumis à Dieu pourrait-il s'enfler d'une
louange vaine ?
Le monde entier ne saurait inspirer d'orgueil à celui que la vérité a soumis à son
empire, et jamais il ne sera ému des applaudissements des hommes, celui dont toute
l'espérance est affermie en Dieu.
Car ceux qui parlent ne sont rien; ils s'évanouiront avec le bruit de leurs paroles: mais
la vérité du Seigneur demeure éternellement.
15. De ce que nous devons être et faire quand il s'élève quelque désir en
nous
1.Jésus-Christ: Mon fils, dites en toutes choses: Seigneur, qu'il soit ainsi, si c'est votre
volonté; Seigneur, que cela se fasse en votre nom, si vous devez en être honoré.
Si vous voyez que cela me soit bon, si vous jugez que cela me soit utile, alors
donnez-le-moi, afin que j'en use pour votre gloire.
Mais si vous savez que cela me nuira ou ne servira point au salut de mon âme, éloignez
de moi ce désir.
Car tout désir n'est pas de l'Esprit-Saint, même lorsqu'il paraît bon et juste à l'homme.
Il est difficile de discerner avec certitude si c'est l'esprit bon ou mauvais qui vous porte
à désirer ceci ou cela, ou même votre esprit propre.
Il s'est trouvé à la fin que plusieurs étaient dans l'illusion, qui semblaient d'abord être
conduits par le bon esprit.
2.Ainsi, tout ce qui se présente de désirable à votre esprit, vous devez le désirer toujours
et le demander avec une grande humilité de coeur, et surtout avec une pleine
résignation, vous abandonnant à moi sans réserve et disant:
Seigneur, vous savez ce qui est le mieux; que ceci ou cela se fasse comme vous le
voulez.
Donnez ce que vous voulez, autant que vous le voulez et quand vous le voulez.
Faites de moi ce qu'il vous plaira, selon ce que vous savez être bon, et pour votre plus
grande gloire.
Placez-moi où vous voudrez et disposez absolument de moi en toutes choses.
Je suis dans votre main, tournez-moi et retournez-moi en tout sens à votre gré.
Voilà que je suis prêt à vous servir en tout. Car je ne désire point vivre pour moi, mais
pour vous seul: heureux si je le pouvais dignement et parfaitement.
3.Prière pour demander à Dieu la grâce d'accomplir sa volonté
Le fidèle: Accordez-moi, ô bon Jésus ! votre grâce; qu'elle soit en moi, qu'elle agisse
avec moi, et qu'elle demeure avec moi jusqu'à la fin.
Faites que je désire et veuille toujours ce qui vous est le plus agréable et ce que vous
aimez le plus.
Que votre volonté soit la mienne; et que ma volonté suive toujours la vôtre et jamais
ne s'en écarte en rien.
Qu'uni à vous, je ne veuille ni ne puisse vouloir que ce que vous voulez; et qu'il en soit
ainsi de ce que vous ne voulez pas.
4.Donnez-moi de mourir à tout ce qui est du monde, et d'aimer être oublié et méprisé du
siècle à cause de vous.
Faites que je me repose en vous par-dessus tout ce qu'on peut désirer, et que mon coeur
ne recherche sa paix qu'en vous.
Vous êtes la véritable paix du coeur, son unique repos; hors de vous, tout pèse et
inquiète. Dans cette paix, c'est-à-dire en vous seul, éternel et souverain bien, je
dormirai et je me reposerai ! Ainsi soit-il.
16. Qu'on ne doit chercher qu'en Dieu la vraie consolation
1.Le fidèle: Tout ce que je puis désirer ou imaginer pour ma consolation, je ne l'attends
point ici, mais dans l'avenir.
Quand je posséderais seul tous les biens du monde, quand je jouirais seul de tous ses
délices, il est certain que tout cela ne durerait pas longtemps.
Ainsi, mon âme, tu ne peux trouver de soulagement véritable et de joie sans mélange
qu'en Dieu, qui console les pauvres et relève les humbles.
Attends un peu, mon âme, attends sa divine promesse, et tu posséderas dans le ciel tous
les biens en abondance.
Si tu recherches trop avidement les biens présents, tu perdras les biens éternels et
célestes.
Use des uns et désire les autres.
Aucun bien temporel ne saurait te rassasier parce que tu n'as point été créée pour en
jouir.