36. Contre les vains jugements des hommes
1.Jésus-Christ: Mon fils, ne cherchez qu'en Dieu le repos de votre coeur, et ne craignez
point les jugements des hommes quand votre conscience vous rend témoignage de
votre innocence et de votre piété.
Il est bon, il est heureux de souffrir ainsi; et ce ne sera point chose pénible pour le
coeur humble qui se confie en Dieu plus qu'en lui-même.
On parle tant qu'on doit ajouter peu de foi à ce qui se dit.
Comment, d'ailleurs, contenter tout le monde ? cela ne se peut.
Bien que Paul s'efforçât de plaire à tous dans le Seigneur, et qu'il se fît tout à tous, il
ne laissait pas d'être fort indifférent aux jugements des hommes.
2.Il a fait tout ce qui était en lui pour l'édification et le salut des autres; car il n'a pu
empêcher qu'ils ne l'aient quelquefois condamné ou méprisé.
C'est pourquoi il a remis tout à Dieu, qui connaît tout, et il n'a opposé que l'humilité et
la patience aux reproches injustes, aux faux soupçons et aux mensonges de ceux qui se
livraient dans leurs discours à tout ce que leur suggérait la passion.
Il s'est cependant justifié quelquefois, de peur que son silence ne causât du scandale
aux faibles.
3.Qu'avez-vous à craindre d'un homme mortel ? Il est aujourd'hui, et demain il aura
disparu.
Craignez Dieu, et vous ne redouterez rien des hommes.
Que peut contre vous un homme par des paroles et des outrages ? Il se nuit plus qu'à
vous et, quel qu'il soit, il n'évitera pas le jugement de Dieu.
Ayez Dieu toujours présent et laissez là les contestations et les plaintes.
Que si vous paraissez succomber maintenant et souffrir une confusion que vous ne
méritez pas, n'en murmurez point et ne diminuez pas votre couronne par votre
impatience.
Levez plutôt vos regards au ciel, vers moi qui suis assez puissant pour vous délivrer de
l'opprobre et de l'injure, et pour rendre à chacun selon ses oeuvres.
37. Qu'il faut renoncer entièrement à soi-même pour obtenir la liberté
du coeur
1.Jésus-Christ: Mon fils, quittez-vous et vous me trouverez.
N'ayez rien à vous, pas même votre volonté, vous y gagnerez constamment.
Car vous recevrez une grâce plus abondante dès que vous aurez renoncé à vous-même
sans retour.
2.Le fidèle: Seigneur, en quoi dois-je me renoncer, et combien de fois ?
3.Jésus-Christ: Toujours et à toute heure, dans les plus petites choses comme dans les
plus grandes. Je n'excepte rien et j'exige de vous un dépouillement sans réserve.
Comment pouvez-vous être à moi et comment pourrai-je être à vous si vous n'êtes pas
libre, au-dedans et au-dehors, de toute volonté propre ?
Plus vous vous hâterez d'accomplir ce renoncement, plus vous aurez de paix; et plus il
sera parfait et sincère, plus vous me serez agréable et plus vous obtiendrez de moi.
4.Il y en a qui renoncent à eux-mêmes, mais avec quelque réserve, et parce qu'ils n'ont pas
en Dieu une pleine confiance, ils veulent encore s'occuper de ce qui les touche.
Quelques-uns offrent tout d'abord; mais, la tentation survenant, ils reprennent ce qu'ils
avaient donné, et c'est pourquoi ils ne font presque aucun progrès dans la vertu.
Ni les uns ni les autres ne parviendront jamais à la vraie liberté d'un coeur pur, jamais
ils ne seront admis à ma douce familiarité qu'après un entier abandon et un continuel
sacrifice d'eux-mêmes, sans lequel on ne peut ni jouir de moi, ni s'unir à moi.
5.Je vous l'ai dit bien des fois et je vous le redis encore: Quittez-vous, renoncez à vous,
et vous jouirez d'une grande paix intérieure.
Donnez tout pour trouver tout; ne recherchez, ne demandez rien, demeurez fortement
attaché à moi seul, et vous me posséderez.
Votre coeur sera libre et dégagé des ténèbres qui l'obscurcissent.
Que vos efforts, vos prières, vos désirs n'aient qu'un seul objet: d'être dépouillé de tout
intérêt propre, de suivre nu Jésus-Christ nu, de mourir à vous-même, afin de vivre pour
moi éternellement.
Alors s'évanouiront toutes les pensées vaines, les pénibles inquiétudes, les soins
superflus.
Alors aussi s'éloigneront de vous les craintes excessives, et l'amour déréglé mourra en
vous.
38. Comment il faut se conduire dans les choses extérieures, et recourir
à Dieu dans les périls
1.Jésus-Christ: Mon fils, en tous lieux, dans tout ce que vous faites, en tout ce qui vous
occupe au-dehors, vous devez vous efforcer de demeurer libre intérieurement et maître
de vous-même, de sorte que tout vous soit assujetti et que vous ne le soyez à rien.
Ayez sur vos actions un empire absolu; soyez-en le maître et non pas l'esclave.
Tel qu'un vrai Israélite, affranchi de toute servitude, entrez dans le partage et dans la
liberté des enfants de Dieu qui, élevés au-dessus des choses présentes, contemplent
celles de l'éternité; qui donnent à peine un regard à ce qui passe et ne détachent jamais
leurs yeux de ce qui durera toujours; qui, supérieurs aux biens du temps, ne cèdent
point à leur attrait mais plutôt les forcent de servir au bien, selon l'ordre établi par
Dieu, le régulateur suprême, qui n'a rien laissé de désordonné dans ses oeuvres.
2.Si dans tous les évènements, vous ne vous arrêtez point aux apparences et n'en croyez
point les yeux de la chair sur ce que vous voyez et entendez; si vous entrez d'abord,
comme Moïse, dans le tabernacle pour consulter le Seigneur, vous recevrez
quelquefois sa divine réponse et vous reviendrez instruit de beaucoup de choses sur le
présent et l'avenir.
Car c'était toujours dans le tabernacle que Moïse allait chercher l'éclaircissement de ses
difficultés et de ses doutes; et la prière était son unique recours contre la malice et les
pièges des hommes.
Ainsi vous devez vous réfugier dans le secret de votre coeur pour implorer le secours
de Dieu avec plus d'instance.
Nous lisons que Josué et les enfants d'Israël furent trompés par les Gabaonites, parce
qu'ils n'avaient point auparavant consulté le Seigneur, et que, trop crédules à leurs
flatteuses paroles, ils se laissèrent séduire par une fausse piété.
39. Qu'il faut éviter l'empressement dans les affaires
1.Jésus-Christ: Mon fils, remettez-moi toujours vos intérêts; j'en disposerai selon ce qui
sera le mieux, au temps convenable.
Attendez ce que j'ordonnerai et vous y trouverez un grand avantage.
2.Le fidèle: Seigneur, je vous remets tout avec beaucoup de joie, car j'avance bien peu
quand je n'ai que mes propres lumières.
Oh ! que ne puis-je, oubliant l'avenir, m'abandonner dès ce moment sans réserve à votre
volonté souveraine !
3.Jésus-Christ: Mon fils, souvent l'homme poursuit avec ardeur une chose qu'il désire;
l'a-t'il obtenue, il commence à s'en dégoûter, parce qu'il n'y a rien de durable dans ses
affections, et qu'elles l'entraînent incessamment d'un objet à un autre.
Ce n'est donc pas peu de se renoncer soi-même dans les plus petites choses.
4.Le vrai progrès de l'homme est l'abnégation de soi-même; et l'homme qui ne tient plus à
soi est libre et en assurance.
Cependant l'ancien ennemi, qui s'oppose à tout bien, ne cesse pas de le tenter; il lui
dresse nuit et jour des embûches, et s'efforce de le surprendre pour le faire tomber dans
ses pièges.
Veillez et priez, dit le Seigneur, afin que vous n'entriez point en tentation.
40. Que l'homme n'a rien de bon de lui-même, et ne peut se glorifier de
rien
1.Le fidèle: Seigneur, qu'est-ce que l'homme pour que vous vous souveniez de lui ? Et
qu'est-ce que le fils de l'homme pour que vous le visitiez ?
Par où l'homme a-t'il pu mériter votre grâce ?
De quoi, Seigneur, puis-je me plaindre, si vous me délaissez ? Et qu'ai-je à dire si vous
ne faites pas ce que je demande ?
Je ne puis certes penser et dire avec vérité que ceci: Seigneur, je ne suis rien, je ne peux
rien de moi-même, je n'ai rien de bon, je sens ma faiblesse en tout, et tout m'incline
vers le néant.
Si vous ne m'aidez et ne me fortifiez intérieurement, aussitôt je tombe dans la tiédeur et
le relâchement.
2.Mais vous, Seigneur, vous êtes toujours le même, et vous demeurez éternellement bon,
juste et saint, faisant tout avec bonté, avec justice, avec sainteté, et disposant tout avec
sagesse.
Pour moi, qui ai plus de penchant à m'éloigner du bien qu'à m'en approcher, je ne
demeure pas longtemps dans un même état, et je change sept fois le jour.
Cependant je suis moins faible dès que vous le voulez, dès que vous me tendez une
main secourable, car vous pouvez seul, sans l'aide de personne, me secourir et
m'affermir de telle sorte que je ne sois plus sujet à tous ces changements, et que mon
coeur se tourne vers vous seul et s'y repose à jamais.
3.Si donc je savais rejeter toute consolation humaine, soit pour acquérir le ferveur, soit à
cause de la nécessité qui me presse de vous chercher, ne trouvant point d'homme qui
me console, alors je pourrais tout espérer de votre grâce et me réjouir de nouveau dans
les consolations que je recevrais de vous.
4.Grâces vous soient rendues, à vous de qui découle tout ce qui m'arrive de bien.
Pour moi, je ne suis devant vous que vanité et néant, qu'un homme inconstant et
fragile.
De quoi donc puis-je me glorifier ? Comment puis-je désirer qu'on m'estime ?
Serait-ce à cause de mon néant ? mais quoi de plus insensé ?
Certes, la vaine gloire est la plus grande des vanités, et un mal terrible, puisqu'elle nous
éloigne de la véritable gloire, et nous dépouille de la grâce céleste.
Car, dès que l'homme se complaît en lui-même, il commence à vous déplaire; et
lorsqu'il aspire aux louanges humaines, il perd la vraie vertu.
5.La vraie gloire et la joie sainte est de se glorifier en vous et non pas en soi; de se réjouir
de votre grandeur et non de sa propre vertu; de ne trouver de plaisir en nulle créature
qu'à cause de vous.
Que votre nom soit loué et non le mien; qu'on exalte vos oeuvres et non les miennes;
que votre saint nom soit béni, et qu'il ne me revienne rien des louanges des hommes.
Vous êtes ma gloire et la joie de mon coeur.
En vous je me glorifierai; je me réjouirai sans cesse en vous et non pas en moi, si ce
n'est dans mes infirmités.
6.Que les Juifs recherchent la gloire qu'on reçoit les uns des autres; pour moi, je ne
rechercherai que celle qui vient de Dieu seul.
Car toute gloire humaine, tout honneur du temps, toute grandeur de ce monde,
comparée à votre gloire éternelle, est folie et vanité.
Ô ma vérité, ma miséricorde, ô mon Dieu ! Trinité bienheureuse ! à vous seule louange,
honneur, gloire, puissance dans les siècles des siècles !
41. Du mépris de tous les honneurs du temps
1.Jésus-Christ: Mon fils, n'enviez point les autres si vous les voyez honorés et élevés
tandis qu'on vous méprise et qu'on vous humilie.
Elevez votre coeur au ciel vers moi et vous ne vous affligerez point d'être méprisé des
hommes sur la terre.
2.Le fidèle: Seigneur, nous sommes aveuglés et la vanité nous séduit bien vite.
Si je me considère attentivement, je reconnais qu'aucune créature ne m'a jamais fait
d'injustice, et qu'ainsi je n'ai nul sujet de me plaindre de vous.
Après vous avoir tant offensé et si grièvement, il est juste que toute créature s'arme
contre moi.
La honte et le mépris, voilà donc ce qui m'est dû; et à vous la louange, l'honneur et la
gloire.
Et si je ne me dispose à souffrir avec joie, à désirer même d'être méprisé, abandonné de
toutes les créatures et compté pour rien, je ne puis ni posséder au-dedans de moi une
paix solide, ni recevoir la lumière spirituelle, ni être parfaitement uni à vous.
42. Qu'il ne faut pas que notre paix dépende des hommes
1.Jésus-Christ: Si vous faites dépendre votre paix de quelque personne, à cause de
l'habitude de vivre avec elle et de la conformité de vos sentiments, vous serez dans
l'inquiétude et le trouble.
Mais si vous cherchez votre appui dans la vérité immuable et toujours vivante, vous ne
serez point accablé de tristesse quand un ami s'éloigne ou meurt.
Toute amitié doit être fondée sur moi; et c'est pour moi que vous devez aimer tous
ceux qui vous paraissent aimables et qui vous sont les plus chers en cette vie.
Sans moi, l'amitié est stérile et dure peu, et toute affection dont je ne suis pas le lien
n'est ni véritable ni pure.
Vous devez être mort à toutes ces affections humaines, jusqu'à souhaiter de n'avoir, s'il
se pouvait, aucun commerce avec les hommes.
Plus l'homme s'éloigne des consolations de la terre, plus il s'approche de Dieu.
Et il s'élève d'autant plus vers Dieu qu'il descend plus profond en lui-même, et qu'il est
plus vil à ses propres yeux.
2.Celui qui s'attribue quelque bien empêche que la grâce de Dieu descende en lui, parce
que la grâce de l'Esprit-Saint cherche toujours les coeurs humbles.
Si vous savez vous anéantir parfaitement et bannir de votre coeur tout amour de la
créature, alors, venant à vous, je vous inonderai de ma grâce.
Quand vous regardez la créature, vous perdez de vue le créateur.
Apprenez à vous vaincre en tout à cause de lui et vous pourrez alors parvenir à le
connaître.
Le plus petit objet désiré, aimé avec excès, souille l'âme et la sépare du souverain bien.
43. Contre la vaine science du siècle
1.Jésus-Christ: Mon fils, ne vous laissez pas émouvoir au charme et à la beauté des
discours des hommes, car le royaume de Dieu ne consiste pas dans les discours, mais
dans les oeuvres.
Soyez attentif à mes paroles qui enflamment le coeur, éclairent, attendrissent l'âme, et
la remplissent de consolation.
Ne lisez jamais pour paraître plus savant ou plus sage;
Etudiez-vous à mortifier vos vices; cela vous servira plus que la connaissance des
questions les plus difficiles.
2.Après avoir beaucoup lu et beaucoup appris, il en faut toujours revenir à l'unique
principe de toutes choses:
C'est moi qui donne à l'homme la science et qui éclaire l'intelligence des petits
enfants, plus que l'homme ne le pourrait par aucun enseignement.
Celui à qui je parle est bientôt instruit, et fait de grands progrès dans la vie de l'esprit.
Malheur à ceux qui interrogent les hommes sur toutes sortes de questions curieuses et
qui s'inquiètent peu d'apprendre à me servir !
Viendra le jour où Jésus-Christ, le Maître des maîtres, le Seigneur des anges, apparaîtra
pour demander compte à chacun de ce qu'il sait, c'est-à-dire pour examiner les
consciences.
Et alors, la lampe à la main, il scrutera Jérusalem: les secrets des ténèbres seront
dévoilés, et toute langue se taira.
3.C'est moi qui, en un moment, élève l'âme humble et la fais pénétrer plus avant dans la
vérité éternelle que ne le pourrait celui qui aurait étudié dix années dans les écoles.
J'enseigne sans bruit de paroles, sans embarras d'opinion, sans faste, sans arguments,
sans disputes.
J'apprends à mépriser les biens de la terre, à dédaigner ce qui passe, à rechercher et à
goûter ce qui est éternel, à fuir les honneurs, à souffrir les scandales, à mettre en moi
toute son espérance, à ne désirer rien hors de moi et à m'aimer ardemment par-dessus
tout.
4.Quelques-uns, en m'aimant ainsi, ont appris des choses toutes divines, dont ils parlaient
d'une manière admirable.
Ils ont fait plus de progrès en quittant tout, que par une profonde étude.
Mais je dis aux uns des choses plus générales; aux autres, de plus particulières.
J'apparais à quelques-uns doucement voilé sous des ombres et des figures; je révèle à
d'autres mes mystères au milieu d'une vive splendeur.
Les livres parlent à tous le même langage, mais il ne produit pas sur tous les mêmes
impressions, parce que moi seul j'enseigne la vérité au-dedans, je scrute les coeurs, je
pénètre leurs pensées, j'excite à agir, et je distribue mes dons à chacun selon qu'il me
plaît.
44. Qu'il ne faut point s'embarrasser dans les choses extérieures
1.Jésus-Christ: Mon fils, il faut que vous vous teniez dans l'ignorance de beaucoup de
choses, que vous soyez comme mort au monde, et que le monde soit mort pour vous.
Il faut aussi fermer l'oreille à bien des discours et penser plutôt à vous conserver en
paix.
Il vaut mieux détourner les yeux de ce qui déplaît et laisser chacun dans son sentiment,
que de s'arrêter à contester.
Si vous prenez soin d'avoir Dieu pour vous et que son jugement vous soit toujours
présent, vous supporterez sans peine d'être vaincu.
2.Le fidèle: Hélas ! Seigneur, où en sommes-nous venus ? On pleure une perte
temporelle, on court, on se fatigue pour le moindre gain, et l'on oublie les pertes de
l'âme ou l'on ne s'en souvient qu'à peine et bien tard.
On est attentif à ce qui ne sert que peu ou point du tout, et l'on passe avec négligence
sur ce qui est souverainement nécessaire, parce que l'homme se répand tout entier
au-dehors et que, s'il ne rentre promptement en lui-même, il demeure avec joie enseveli
dans les choses extérieures.
45. Qu'il ne faut pas croire tout le monde, et qu'il est difficile de garder
une sage mesure dans ses paroles
1.Le fidèle: Secourez-moi, Seigneur, dans la tribulation: car le salut ne vient pas de
l'homme.
Combien de fois ai-je en vain cherché la fidélité où je croyais la trouver ? combien de
fois l'ai-je trouvée où je l'attendais le moins ?
Vanité donc d'espérer dans les hommes; mais vous êtes, mon Dieu, le salut des justes.
Soyez béni, Seigneur, en tout ce qui nous arrive. Nous sommes faibles et changeants,
un rien nous séduit et nous ébranle.
2.Quel est l'homme si vigilant et si réservé, qu'il ne tombe jamais dans aucune surprise,
ni dans aucune perplexité ?
Mais celui, mon Dieu, qui se confie en vous et qui vous cherche dans la simplicité de
son coeur, ne chancelle pas si aisément.
Et s'il éprouve quelque affliction, s'il est engagé en quelque embarras, vous l'en tirerez
bientôt ou vous le consolerez, car vous n'abandonnez pas pour toujours celui qui
espère en vous.
Quoi de plus rare qu'un ami fidèle, qui ne s'éloigne point quand l'infortune accable son
ami ?
Seigneur, vous êtes seul constamment fidèle et nul ami n'est comparable à vous.
3.Oh ! que de sagesse dans ce que disait cette sainte âme: Mon coeur est affermi et fondé
en Jésus-Christ !
S'il en était ainsi de moi, je serais moins troublé par la crainte des hommes et moins
ému de leurs paroles malignes.
Qui peut prévoir, qui peut détourner tous les maux à venir ? Si ceux qu'on a prévus
souvent blessent encore, que sera-ce donc de ceux qui nous frappent inopinément ?
Pourquoi, malheureux que je suis, n'ai-je pas pris de plus sûres précautions pour
moi-même ? Pourquoi aussi ai-je eu tant de crédulité pour les autres ?
Mais nous sommes des hommes, et rien autre chose que des hommes fragiles, quoique
plusieurs nous croient ou nous appellent des anges.
A qui croirai-je, Seigneur, si ce n'est à vous ? Vous êtes la vérité qui ne trompe point et
qu'on ne peut tromper.
Au contraire, tout homme est menteur, faible, inconstant, fragile, surtout dans ses
paroles; de sorte qu'on doit à peine croire d'abord ce qui paraît le plus vrai dans ce qu'il
dit.
4.Que vous nous avez sagement avertis de nous défier des hommes; que l'homme a pour
ennemis ceux de sa propre maison, et que si quelqu'un dit: Le Christ est ici, ou il est
là, il ne faut pas le croire.
Une dure expérience m'a éclairé; heureux si elle sert à me rendre moins insensé et plus
vigilant !
Soyez discret, me dit quelqu'un, soyez discret; ce que je vous dis n'est que pour vous.
Et pendant que je me tais et que je crois la choses secrète, il ne peut lui-même garder le
silence qu'il m'a demandé; mais dans l'instant, il me trahit, se trahit lui-même et s'en va.
Eloignez de moi, Seigneur, ces confidences trompeuses; ne permettez pas que je tombe
entre les mains de ces hommes indiscrets, ou que je leur ressemble.
Mettez dans ma bouche des paroles invariables et vraies; et que ma langue soit
étrangère à tout artifice. Ce que je ne peux souffrir en autrui, je dois m'en préserver
avec soin.
5.Oh ! qu'il est bon, qu'il est nécessaire pour la paix, de se taire sur les autres, de ne pas
tout croire indifféremment, ni tout redire sans réflexion, de se découvrir à peu de
personnes, de vous chercher toujours pour témoin de son coeur, de ne pas se laisser
emporter à tout vent de paroles, mais de désirer que tout en nous et hors de nous
s'accomplisse selon qu'il plaît à votre volonté.
Que c'est encore un sûr moyen pour conserver la grâce céleste, de fuir ce qui a de l'éclat
aux yeux des hommes, de ne point rechercher ce qui semble attirer leur admiration,
mais de travailler ardemment à acquérir ce qui produit la ferveur et corrige la vie !
A combien d'hommes a été funeste une vertu connue et louée trop tôt !
Que de fruits, au contraire, d'autres ont tirés d'une grâce conservée en silence durant
cette vie fragile, qui n'est qu'une tentation et une guerre continuelle !
46. Qu'il faut mettre sa confiance en Dieu, lorsqu'on est assailli de
paroles injurieuses
1.Jésus-Christ: Mon fils, demeurez ferme, et espérez en moi. Qu'est-ce, après tout, que
des paroles ? un vain bruit: elles frappent l'air, mais ne brisent point la pierre.
Si vous êtes coupable, songez que votre désir doit être de vous corriger. Si votre
conscience ne vous reproche rien, pensez que vous devez souffrir avec joie cette légère
peine pour Dieu.
C'est bien le moins que de temps en temps vous supportiez quelques paroles, vous qui
ne pouvez encore soutenir de plus dures épreuves.
Et pourquoi de si petites choses vont-elles jusqu'à votre coeur, si ce n'est que vous êtes
encore charnel, et trop occupé des jugements des hommes ?
Vous craignez le mépris, et à cause de cela vous ne voulez pas être repris de vos fautes
et vous cherchez des excuses pour les couvrir.
2.Scrutez mieux votre coeur et vous reconnaîtrez que le monde vit encore en vous, et le
vain désir de plaire aux hommes.
Car votre répugnance à être abaissé, confondu par vos faiblesses, prouve que vous
n'avez pas une humilité sincère, que vous n'êtes pas véritablement mort au monde, et
que le monde n'est pas crucifié pour vous.
Ecoutez ma parole et vous vous inquiéterez peu de toutes les paroles des hommes.
Quand on dirait contre vous tout ce que peut inventer la plus noire malice, en quoi cela
vous nuirait-il, si vous le laissez passer comme la paille que le vent emporte ? En
perdriez-vous un seul cheveu ?
3.Celui dont le coeur n'est pas renfermé en lui-même et qui n'a pas Dieu toujours
présent, s'émeut aisément d'une parole de blâme.
Mais celui qui se confie en moi et qui ne s'appuie pas sur son propre jugement, ne
craindra rien des hommes.
Car c'est moi qui connais et qui juge ce qui est secret, je sais la vérité de toutes choses,
qui a fait l'injure et qui la souffre.
Cette parole, elle est venue de moi; cet événement, je l'ai permis afin que ce qu'il y a
de caché dans beaucoup de coeurs fut révélé.
Je jugerai l'innocent et le coupable; mais par un secret jugement, j'ai voulu auparavant
éprouver l'un et l'autre.
4.Le témoignage des hommes trompe souvent, mais mon jugement est vrai; il subsistera
et ne sera point ébranlé.
Le plus souvent il est caché et peu de personnes le découvrent en chaque chose;
cependant il n'erre jamais et ne peut errer, quoiqu'il ne paraisse pas toujours juste aux
yeux des insensés.
C'est donc à moi qu'il faut remettre le jugement de tout, sans jamais s'en rapporter à
son propre sens.
Le juste ne sera point troublé, quoiqu'il arrive par l'ordre de Dieu. Il lui importera
peu qu'on l'accuse injustement.
Et si d'autres le défendent et réussissent à le justifier, il n'en concevra pas non plus une
vaine joie.
Car il se souvient que c'est moi qui sonde les coeurs et les reins, et que je ne juge point
sur les dehors et les apparences humaines.
Ce qui paraît louable au jugement des hommes, souvent est criminel à mes yeux.
5.Le fidèle: Seigneur, mon Dieu, juge infiniment juste, fort et patient, qui connaissez la
fragilité de l'homme et son penchant au mal, soyez ma force et toute ma confiance; car
ma conscience ne me suffit pas.
Vous connaissez ce que je ne connais point; ainsi j'ai dû m'abaisser sous tous les
reproches et les supporter avec douceur.
Pardonnez-moi, dans votre bonté, toutes les fois que je n'ai pas agi de la sorte, et
donnez-moi plus abondamment la grâce qui apprend à souffrir.
Car je dois compter bien plus sur votre grande miséricorde pour obtenir le pardon, que
sur ma vertu apparente, pour justifier ce que ma conscience recèle.
Quoique je ne me reproche rien, je ne suis cependant pas justifié pour cela; parce que
sans votre miséricorde, nul homme vivant ne sera juste devant vous.
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