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  • : In hoc signo vinces. Parousie by ROBLES Patrick
  • : Blog Parousie de Patrick ROBLES (Montbéliard, Franche-Comté, France)
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  • Patrick ROBLES
  • Dominus pascit me, et nihil mihi deerit. Le Seigneur est mon berger : je ne manquerai de rien. The Lord is my shepherd; I shall not want. El Señor es mi pastor, nada me falta. L'Eterno è il mio pastore, nulla mi mancherà. O Senhor é o meu pastor; de nada terei falta. Der Herr ist mein Hirte; mir wird nichts mangeln. Господь - Пастырь мой; я ни в чем не буду нуждаться. اللهُ راعِيَّ، فلَنْ يَنقُصَنِي شَيءٌ (Ps 23,1)
  • Dominus pascit me, et nihil mihi deerit. Le Seigneur est mon berger : je ne manquerai de rien. The Lord is my shepherd; I shall not want. El Señor es mi pastor, nada me falta. L'Eterno è il mio pastore, nulla mi mancherà. O Senhor é o meu pastor; de nada terei falta. Der Herr ist mein Hirte; mir wird nichts mangeln. Господь - Пастырь мой; я ни в чем не буду нуждаться. اللهُ راعِيَّ، فلَنْ يَنقُصَنِي شَيءٌ (Ps 23,1)

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 19:20
Tenez, M.F., voulez-vous savoir combien nous sommes en-nemis du monde, et combien le monde nous a en haine ? Écoutez-moi un instant, et vous verrez ce que nous devons faire, si nous voulons espérer d'avoir un jour le ciel. Nous en avons un bel exemple dans la personne de saint Janvier, qui était évêque de Bénévent . Il fut dénoncé au gouverneur Timothée, parce qu'il faisait tout ce qu'il pouvait pour fortifier les chrétiens, et pour por-ter les païens à se convertir ; il leur disait qu'ils étaient du nombre de ceux que Jésus-Christ avait maudits par ces paroles : « Malheur au monde ! » Le gouverneur, transporté de colère à ce rapport, ordonna d'aller, sur-le-champ, prendre le saint, et de le lui amener pieds et mains liés, devant son tribunal. Il fit placer une idole devant le saint, lui ordonnant d'adorer aussitôt les dieux ; ou bien qu'il devait s'attendre à mourir dans les tourments les plus rigoureux que l'on puisse inventer. Le saint lui répondit sans s'émouvoir, qu'il n'était pas né et baptisé pour suivre le parti du monde, mais pour suivre Jésus-Christ portant sa croix et mourant sur le Calvaire ; que tous ces tourments dont il était menacé ne l'étonnaient point ; c'était son partage qui devait faire un jour tout son bonheur. « Vous, dit-il au gouverneur, vous êtes de ce monde que Jésus-Christ a maudit. » Cette réponse mit le gouverneur dans une telle fureur, qu'il ordonna que le saint fût jeté de suite, dans une fournaise allumée. Mais le bon Dieu, qui n'abandonne jamais ceux qui sont à lui et non du monde, fit que saint Janvier, au lieu d'être brûlé par les flammes, parut entrer dans un bain rafraîchis-sant. Ce saint en sortit sans que ni ses habits, ni même ses che-veux, fussent le moins du monde endommagés : ce qui étonna toute cette foule de païens qui étaient présents. Le gouverneur lui-même en fut tout étonné ; mais, pensant que cela était fait par le démon, il n'en devint que plus furieux, et il fit mettre le saint à la torture, pour lui faire souffrir un supplice tel que l'enfer seul avait pu le lui inspirer. Il ordonna qu'on lui arrachât tous les nerfs du corps les uns après les autres ; ensuite, voyant qu'il ne pouvait plus marcher que par miracle, il ordonna de le conduire en prison, dans l'espérance de le faire souffrir encore davantage. Les fidèles de son diocèse, ayant appris ce que l'on avait fait souffrir au saint évêque, partirent aussitôt pour l'aller visiter et le soulager, s'ils le pouvaient. Le gouverneur l'ayant appris, envoya aussitôt des sol-dats pour les arrêter tous et les amener devant son tribunal. Quand ils furent devant lui, il les interrogea sur leur religion, et sur le motif de leur voyage. Ils lui répondirent avec courage qu'ils étaient tous chrétiens et qu'ils venaient visiter leur évêque, dans l'espérance qu'ils auraient le bonheur de lui tenir compagnie dans ses supplices. Il s'adressa à saint Janvier en lui demandant si ces gens disaient la vérité. Le saint lui répondit que cela était tel, qu'ils étaient chrétiens comme lui, qu'ils avaient renoncé au monde pour se donner à Jésus-Christ. Sur cette déclaration, le gouverneur ordonna de leur mettre les fers aux pieds et aux mains, et de les faire marcher devant son chariot jusqu'à Pouzzo-les pour y être dévorés par les bêtes. La joie que tous ces saints faisaient paraître en allant au martyre, étonnait les païens. Nos saints ne furent pas plus tôt arrivés, qu'on les mit dans l'arène. Alors, saint Janvier qui était le chef, puisqu'il était leur évêque, s'adressant à tous ses compagnons : « Mes enfants, courage ! voi-ci le jour de notre triomphe. Combattons généreusement pour Jé-sus-Christ notre Maître, puisque nous l'avons pris pour notre Dieu : allons avec courage à la mort, comme il y est allé lui-même pour l'amour de nous. Donnons, mes enfants, donnons hardiment notre sang pour Jésus-Christ, comme il l'a donné pour nous. Oui, mes enfants, puisque nous avons renoncé au monde qui est mau-dit de Dieu, méprisons-le avec ceux qui suivent son parti ; que, ni les promesses, ni les menaces, ne soient dans le cas de nous faire tourner du côté du monde maudit ; mettons toute notre confiance en notre Dieu, et, avec son secours, ne craignons ni les tourments ni la mort. Voyez, mes enfants, voyez votre pasteur à qui l'on a tiré tous les nerfs du corps. Je donne volontiers tout le reste de mon corps aux bêtes féroces qui vont venir me dévorer. Regar-dons le ciel, mes enfants, notre Dieu nous attend pour nous ré-compenser ; encore un moment de souffran-ces, et nous aurons une éternité de bonheur. » A peine le saint eut-il fini de parler, qu'on lâcha contre eux toutes ces bêtes féroces, en présence d'une multitude étonnante de peuple, qui était venu voir ce spectacle. Les lions, les tigres et les léopards, que l'on avait laissé jeû-ner de-puis plusieurs jours, coururent avec autant de fureur qu'un torrent d'eau qui tombe du haut d'un rocher dans un précipice ; mais, au lieu de les dévorer, comme tout le monde le croyait, on vit tout à coup ces bêtes perdre entièrement leur férocité naturelle, se jeter à leurs pieds, les lécher comme par respect, les flattant de leur queue, sans qu'aucune osât seulement les toucher. Ce miracle frappa tellement toute cette multitude, qu'on l'entendit s'écrier : « Oui, oui, il n'y a que le Dieu des chrétiens qui soit le vrai Dieu, et tous nos dieux ne sont que des dieux qui nous trompent et nous perdent ; jamais les prêtres de nos idoles n'ont fait rien de sem-blable. » Le gouverneur, entendant ces murmures, craignit pour lui-même, et ordonna de mener les martyrs dans la place publique pour leur couper la tête ; mais, comme on les y conduisait, saint Janvier, passant devant le gou-verneur, dit : « Seigneur, ôtez, je vous prie, la vue à ce tyran, afin qu'il n'ait pas le barbare plaisir de voir mourir vos enfants. » Aussitôt, le gouverneur perdit la vue. Ce châtiment si miraculeux lui fit reconnaître le pouvoir de ce serviteur de Dieu. De suite, il commanda d'arrêter l'exécution de la sentence qui avait été portée contre les saints martyrs, et s'étant fait amener le saint, il lui dit d'un ton suppliant : « Vous qui ado-rez le Dieu tout-puissant, priez-le donc pour moi, afin qu'il me rende la vue dont il m'a privé, en punition de mes péchés. » Comme les saints n'ont ni fiel, ni haine, pour montrer, par un double miracle, la puissance du vrai Dieu, il fit une seconde prière en faveur du gouverneur. Elle fut aussi efficace que la première. Timothée recouvra la vue sur-le-champ. Cette merveille ne fut pas inutile pour la gloire de Dieu et le salut des âmes ; presque cinq mille païens, qui en furent témoins, se convertirent le même jour ; mais le gouverneur, pour qui ce miracle avait été fait, était si en-durci qu'il ne se convertit pas lui-même. Craignant que, s'il venait à épargner les martyrs, il ne fût disgracié par l'empereur, il ordon-na, en secret, à ses officiers de faire mourir le saint évêque. Pen-dant qu'on le conduisait en la place pour y être exécuté, un bon vieillard lui demanda, après s'être jeté à ses pieds, quel-que chose qui lui eût servi pour le conserver bien respec-tueusement. Le saint, touché de sa foi, lui dit : « Mon ami, je n'ai que mon mou-choir qui va me servir pour me bander les yeux ; mais soyez sûr, qu'après, vous l'au-rez. » Ceux qui l'entendaient parler de la sorte se mirent à rire, et, après avoir fait mourir le saint, mirent les pieds sur le mouchoir, en disant : « Qu'il donne mainte-nant son mouchoir à ce vieux homme à qui il l'a pro-mis. » Mais ils furent bien étonnés, lorsqu'en passant, ils virent ce vieillard qui le tenait entre les mains. Le saint s'écria, au moment qu'on lui coupa la tête : « Mon Dieu, je remets mon âme entre vos mains. » Eh bien ! M.F., voilà le monde et Jésus-Christ, c'est-à-dire, ceux qui ont méprisé le monde pour ne suivre que Jésus--Christ avec sa croix ; ceux qui ont véritablement quitté le monde, ses biens et ses plaisirs, pour ne chercher que le ciel et le salut de leur âme ! Voyez de quel côté vous vous tourneriez, si le bon Dieu vous mettait à une semblable épreuve que saint Janvier et ses compa-gnons martyrs. Hélas ! mon Dieu, qu'il y en aurait peu... parce qu'il y en a bien peu qui ne soient pas du monde, c'est--à-dire, qui n'aiment pas le monde, ses biens et ses plai-sirs.
Est-il bien possible que, quoique le monde ne fasse que des malheureux, qu'il promette beaucoup sans jamais donner ce qu'il promet, et quoique nous soyons si malheureux à sa suite, nous l'aimions encore ! Tous se plaignent de sa perfidie, et malgré cela, nous cherchons encore à lui plaire, et si nous ne pouvons le contenter, nous voulons au moins lui donner nos plus beaux ans, notre jeunesse et souvent notre santé, notre réputation et même notre vie. Ah ! maudit monde ! jusques à quand nous tromperas-tu en nous appelant à ta suite pour nous accabler de tant de maux, être toujours malheureux et jamais heureux ? Ô mon Dieu ! ou-vrez-nous, s'il vous plaît, les yeux de l'âme et nous connaîtrons notre aveuglement d'aimer celui qui ne cherche que notre perte éternelle ! Mais pour vous faire comprendre mieux encore lequel des deux partis vous devez suivre, considérons ce monde compo-sé de trois sociétés : les uns sont tout pour le monde, les autres sont tout pour le bon Dieu, comme nous venons de le voir, et en-fin, d'autres sont entre deux ; ceux-là voudraient être au monde sans cesser d'être à Dieu, ce qui est impossible, comme vous allez le voir.
Nous disons 1?, M.F., qu'une partie, et peut-être la plus grande partie, sont tout pour le monde ; et, de ce nombre, sont ceux qui sont contents d'avoir étouffé tout sentiment de religion, toute pensée de l'autre vie, qui ont fait tout ce qu'ils ont pu pour effacer la pensée terrible du jugement qu'ils auront à subir un jour. Ils emploient toute leur science et souvent leurs richesses pour attirer autant de personnes qu'ils peuvent dans leur route ; ils ne croient plus à rien, ils se font même gloire d'être plus impies et plus incrédules qu'ils ne le sont en réalité, pour mieux convaincre les autres, et leur faire croire, je ne dis pas les vérités, mais les faussetés qu'ils voudraient faire naître dans leur cœur. Comme Voltaire qui un jour, dans un dîner donné à ses amis, c'est-à-dire, à des impies, se réjouissait de ce que, de tous ceux qui étaient là, pas un ne croyait à la religion. Et cependant lui-même y croyait, comme il le montra bien à l'heure de sa mort. Alors, il demanda avec empressement un prêtre pour pouvoir se réconcilier avec le bon Dieu ; mais c'était trop tard pour lui ; le bon Dieu, contre qui il s'était déchaîné avec tant de fureur, lui avait fait comme à An-tiochus : il l'avait abandonné à la fureur des démons. Voltaire n'eut, dans ce terrible moment, que le désespoir et l'enfer pour partage. « L'impie, nous dit le Saint-Esprit, dit en lui-même qu'il n'y a pas de Dieu , » mais ce n'est que la corruption de son cœur qui le peut porter à un tel excès, il ne le croit pas dans le fond de son âme. Ce mot : « Il y a un Dieu, » ne s'effacera jamais. Le plus grand pécheur le prononcera souvent, même sans y penser ; mais laissons ces impies de côté. Heureusement, quoique vous ne soyez pas aussi bons chrétiens que vous devriez l'être, grâce à Dieu, vous n'êtes pas encore de ce nombre.
Mais, me direz-vous, qui sont ceux qui sont tantôt à Dieu, tan-tôt au monde ? - M.F., le voici. Je les compare, si j'ose me servir de ce terme, à ces chiens qui se donnent au premier qui les ap-pelle. Suivez-les, M.F., du matin jusqu'au soir, du commencement de l'année jusqu'à la fin : ces gens-là ne regardent le dimanche que comme un jour de repos et de plaisir ; ils restent plus long-temps au lit que les jours de la semaine, et, au lieu de donner leur cœur au bon Dieu, ils n'y pensent pas même. Ils penseront, les uns à leurs plaisirs, aux personnes qu'ils verront ; les autres, aux mar-chés qu'ils feront ou à l'argent qu'ils iront porter ou recevoir. A peine font-ils un signe de croix, tant bien que mal ; sous prétexte qu'ils iront à l'église, ils ne feront point de prières en se disant : « Oh ! j'ai bien le temps de la faire avant la messe. » Ils ont tou-jours à faire avant de partir à la messe ; ils ont cru qu'ils auraient du temps de reste pour faire leur prière, et ils ne sont pas seule-ment au commencement de la sainte Messe. S'ils trouvent un ami en chemin, ils ne font point difficulté de le mener chez eux et de laisser la messe pour une autre fois. Cependant, comme ils veu-lent encore paraître chrétiens aux yeux du monde, ils y vont en-core quelquefois ; mais, c'est avec un ennui et un dégoût mortel. Voilà la pensée qui les occupe : « Mon Dieu, quand est-ce que ce-la sera fini ! » Vous les voyez à l'église, surtout pendant l'instruc-tion, tourner la tête d'un côté et d'un autre, demander à leur voisin quelle heure il est ; d'autres bâillent et s'étendent, tournent les feuillets de leur livre, comme pour examiner si le libraire y a fait quelques fautes ; d'autres, vous les voyez dormir comme dans un bon lit. La première pensée qui se présente à eux, ce n'est pas d'avoir profané un lieu si saint, mais : Mon Dieu, cela ne finira plus !....jamais je ne reviens !... » Et enfin, d'autres à qui la parole de Dieu, qui a tant converti de pécheurs, donne mal au cœur : ils sont obligés de sortir, disent-ils, pour respirer un peu l'air, pour ne pas mourir ; vous les voyez tristes, peinés pendant les saints offi-ces ; mais lorsque l'office est fini, et même souvent, le prêtre n'est pas encore descendu de l'autel, qu'ils se pressent à la porte à qui sortira le premier ; vous voyez alors renaître cette joie qu'ils avaient perdue à l'office. Ils sont si fatigués que, souvent, ils n'ont pas le courage de revenir à vêpres. Si on leur demande pourquoi ils ne vont pas à vêpres : « Ah ! vous disent-ils, il faudrait être toute la journée à l'église ; nous avons autre chose à faire ! » Pour ces personnes-là, il n'est question ni de catéchisme, ni de chapelet, ni de prière du soir : tout cela est regardé par elles comme des riens. Si on leur demande ce que l'on a dit à l'instruction : « Ah ! vous répondront-ils, il a assez crié !... il nous a assez ennuyés !... je ne m'en rappelle pas seulement !... si ce n'était pas si long, on retiendrait bien mieux ; voilà ce qui dégoûte le monde d'aller aux offices : c'est parce que c'est trop long. » Vous avez raison de dire : le monde, parce que ces gens-là sont du nombre de ceux qui sont du monde, sans bien le savoir. Mais, allons, nous tâcherons de leur mieux faire comprendre ; du moins s'ils le veulent ; mais étant sourds et aveugles, comme ils le sont, il est bien difficile de leur faire entendre les paroles de vie, et, étant aveugles, il sera en-core mal aisé de leur faire comprendre leur état malheureux. D'abord, chez eux il n'est plus question de dire leurs Benedicite avant le repas, ni leur action de grâces après, ni leur Angelus. Si, par une ancienne habitude, ils le font, si vous en êtes témoin, cela vous fait mal au cœur : les femmes le font en travaillant, en criant après leurs enfants ou leurs domestiques ; les hommes le font en tournant leur chapeau ou leur bonnet entre les mains, comme pour examiner s'ils ont des trous ; ils pensent bien autant du bon Dieu, que s'ils croyaient véritablement qu'il n'y en ait point, et que c'est pour rire qu'ils font cela. Ils ne se font point de scrupule de vendre ou d'acheter, le saint jour de dimanche, quoiqu'ils sachent très bien, ou du moins ils doivent savoir qu'un marché un peu gros fait le dimanche, sans nécessité, est un péché mortel . Ces gens-là re-gardent toutes ces choses comme des riens. Ils iront, en ces saints jours, dans une paroisse, pour affermer des domestiques ; si on leur dit qu'ils font mal : « Ah ! vous disent-ils, il faut bien y aller quand on peut les trouver. » Ils ne font point difficulté d'aller payer leurs impôts le dimanche ; parce que, dans la semaine, il faudrait aller un peu plus loin, et prendre quelques moments de plus.
Ah ! me direz-vous, nous ne faisons pas attention à tout cela. - Vous ne faites pas attention à tout cela, mon ami, je n'en suis pas étonné, c'est que vous êtes du monde ; c'est-à-dire, que vous voudriez être à Dieu et contenter le monde. Savez-vous, M.F., ce que sont ces personnes ? Ce sont des personnes qui n'ont pas en-core entièrement perdu la foi, et à qui il reste encore quelque atta-chement au service de Dieu, qui ne voudraient pas tout abandon-ner, car elles blâment elles-mêmes ceux qui ne fréquentent plus les offices ; mais elles n'ont pas assez de courage pour rompre avec le monde, et pour se tourner du côté du bon Dieu. Ces gens-là ne voudraient pas se damner, mais ils ne voudraient pas non plus se gêner ; ils espèrent pouvoir se sauver, sans tant se faire de violence ; ils ont la pensée que le bon Dieu étant si bon, ne les a pas créés pour les perdre, qu'il les pardonnera bien tout de même ; qu'un temps viendra où ils se donneront au bon Dieu, qu'ils se corrigeront, qu'ils quitteront leurs mauvaises habitudes. Si, dans quelques moments de réflexion, ils se mettent leur pauvre vie un petit peu devant les yeux, ils en gémissent, et quelquefois même ils en verseront des larmes.
Hélas, M.F., quelle triste vie mènent ceux qui voudraient être au monde sans cesser d'être à Dieu ! Allons un peu plus loin et vous allez encore mieux le comprendre, vous allez voir combien leur vie même est ridicule. Un moment, vous les entendrez prier le bon Dieu ou faire un acte de contrition, et un autre moment, vous les entendrez jurer, peut-être même le saint nom de Dieu, si quelque chose ne va pas comme ils veulent. Ce matin, vous les avez vus à la sainte Messe chanter ou entendre les louanges de Dieu, et, dans le même jour, vous les voyez tenir les propos les plus infâmes. Les mêmes mains qui ont pris de l'eau bénite, en demandant à Dieu de les purifier de leurs péchés, un instant après les mêmes mains sont employées à faire des attouchements sales sur eux ou peut-être même sur d'autres. Les mêmes yeux qui, ce matin, ont eu le grand bonheur de contempler Jésus-Christ lui-même dans la sainte hostie, dans le courant du jour se porteront volontairement sur les objets les plus déshonnêtes, et cela, avec plaisir. Hier, vous avez vu cet homme faire la charité à son pro-chain, ou lui rendre service ; aujourd'hui, il tâchera de le tromper, s'il peut y trouver son profit. Il n'y a qu'un moment que cette mère souhaitait toutes sortes de bénédictions à ses enfants, et mainte-nant qu'ils l'ont contrariée, elle les accable de toutes sortes de malheurs : elle ne voudrait jamais les avoir vus, elle voudrait être aussi loin d'eux qu'elle en est près ; elle finit par les donner au démon, afin de s'en débarrasser. Un moment, elle envoie ses en-fants à la sainte Messe ou se confesser ; un autre, elle les enverra à la danse, ou du moins, elle fera semblant de ne pas le savoir, ou elle le leur défendra en riant, ce qui veut dire : « Pars. » Une fois, elle dira à sa fille d'être bien réservée, de ne pas fréquenter les mauvaises compagnies, et une autre fois, elle la voit passer des heures entières avec des jeunes gens, sans rien lui dire. Allez, ma pauvre mère, vous êtes du monde ; vous croyez être à Dieu, par quelque extérieur de religion que vous pratiquez. Vous vous trompez : vous êtes du nombre de ceux à qui Jésus-Christ dit : « Malheur au monde ! » Voyez ces gens qui croient être à Dieu et qui sont au monde : ils ne se font point scrupule de prendre à leur voisin, tantôt du bois, tantôt quelques fruits et mille autres choses ; tant qu'ils sont flattés dans leurs actions, qu'ils font pour ce qui regarde la religion, ils ont même bien du plaisir à le faire, ils montrent beaucoup d'empressement, ils sont bons pour donner des conseils aux autres ; mais, sont-ils méprisés ou calomniés, alors vous les voyez se décourager, se tourmenter parce qu'on les traite de cette manière ; hier, ils ne voulaient que du bien à ceux qui leur font du mal, et aujourd'hui ils ne peuvent plus les souffrir, ni souvent même les voir ni leur parler.
Pauvre monde ! que vous êtes malheureux, allez votre train ordinaire ; allez, vous ne pouvez espérer que l'enfer ! Les uns voudraient même fréquenter les sacrements, au moins une fois l'année ; mais, pour cela, il faudrait un confesseur bien facile, ils voudraient seulement... et voilà tout. Si le confesseur ne les voit pas assez bien disposés et qu'il leur refuse l'absolution ; les voilà qui se déchaînent contre lui, en disant tout ce qui pourra les justi-fier de ce qu'ils n'ont pas achevé leur confession ; ils en diront du mal ; ils savent bien pourquoi ils restent en chemin, mais comme ils savent aussi, que le confesseur ne peut rien leur accorder, alors ils se contentent en disant tout ce qu'ils veulent. Allez, monde, al-lez votre train ordinaire, vous verrez un jour ce que, vous n'avez pas voulu voir. - Il faudrait donc que nous puissions partager no-tre cœur en deux ! - Mais non, mon ami, ou tout à Dieu ou tout au monde. Vous voulez fréquenter les sacrements ? Eh bien ! laissez les jeux, les danses et les cabarets. D'ailleurs, vous avez bien bonne grâce de venir aujourd'hui vous présenter au tribunal de la pénitence, vous asseoir à la Table sainte manger le pain des an-ges ; et, dans trois ou quatre semaines, peut-être moins, l'on vous verra passer la nuit parmi les ivrognes qui regorgent de vin, et en-core bien plus, faire les actes les plus infâmes de l'impureté. Al-lez, monde, allez ! vous serez bientôt en enfer : on vous y appren-dra ce que vous deviez faire pour aller au ciel, que vous avez per-du bien par votre faute.
Non, M.F., ne nous y trompons pas ; il faut, de toute nécessi-té, ou sacrifier le monde à Jésus-Christ, ou bien faire à Jésus-Christ le sacrifice de tout ce que nous avons de plus cher sur la terre. Mais que peut vous donner le monde qui puisse entrer en comparaison avec ce que Jésus-Christ nous promet dans le ciel ? D'ailleurs, M.F., parmi tous ceux qui se sont attachés au monde, qui n'ont cherché qu'à contenter leur penchant brutal et corrompu, il n'y en a pas un qui n'en soit la dupe et qui, à l'heure de la mort, ne se repente de l'avoir aimé. Oui, M.F., c'est alors que nous senti-rons la vanité et la fragilité de ces choses, et nous les sentirions même dès ce moment, si nous voulions jeter un coup d'œil sur no-tre vie passée ; nous verrions que la vie est bien peu de chose. Di-tes-moi, M.F., vous à qui les années commencent à faire courber la tête sur les épaules : pendant votre jeunesse, vous couriez après les plaisirs du monde, et il vous semblait ne plus pou-voir vous en rassasier ; vous avez passé nombre d'années à ne chercher que vos plaisirs : les danses, les jeux, les cabarets et la vanité faisaient toute votre occupation ; vous avez toujours remis plus loin votre retour à Dieu. Lorsque vous avez atteint un âge plus avancé, vous avez pensé à ramasser du bien. Vous voilà donc arrivé à la vieil-lesse, sans que vous ayez rien fait pour votre salut. Maintenant, que vous voilà désabusé des folies de la jeunesse ; maintenant, que vous avez travaillé pour vous ramasser quelque chose, vous pensez qu'à présent vous ferez mieux. Je n'en crois rien, mon ami. Les infirmités de la vieillesse qui vont vous accabler ; vos enfants, qui, peut-être, vous mépriseront ; tout cela sera un nouvel obstacle à votre salut. Vous avez cru être à Dieu et vous vous trouvez être du monde : c'est-à-dire, du nombre de ceux qui sont tantôt à Dieu et tantôt au monde, et qui finissent par recevoir la récompense du monde.
Malheur au monde ! Allez, monde, suivez votre maître comme vous l'avez fait jusqu'à présent. Vous voyez très bien que vous vous êtes trompés en suivant le monde ; eh bien ! M.F., en serez-vous plus sages ? Non, M.F., non. Si une personne nous trompe une fois, nous dirons : Nous ne nous fions plus à elle ; et nous avons bien raison ; le monde nous trompe continuellement, et cependant nous l'aimons. « Gardez-vous bien, nous dit saint Jean, d'aimer le monde et de vous attacher à quoi que ce soit dans le monde . » - « C'est en vain, nous dit le Prophète, que nous porterions la lumière à cette sorte de gens ; ils ont été trompés et ils le seront encore ; ils n'ouvriront les yeux que dans le temps où ils n'auront plus d'espérance de revenir à Dieu. » Ah ! M.F., si nous faisions bien réflexion sur ce que c'est que le monde, nous passerions notre vie à recevoir ses adieux et à lui faire les nôtres. A l'âge de quinze ans nous avons dit adieu aux amusements de l'en-fance, nous avons regardé comme des niaiseries que de courir après les mouches, comme font les enfants qui leur bâtissent des maisons de cartes ou de boue. A trente ans, vous avez commencé à dire adieu aux plaisirs bruyants d'une jeunesse fougueuse ; ce qui vous plaisait si fort dans ce temps-là, commence déjà à vous ennuyer. Disons mieux, M.F., chaque jour nous disons adieu au monde ; nous faisons comme un voyageur qui jouit de la beauté des pays où il a passé, à peine les voit-il, qu'il faut déjà les quit-ter ; il en est de même des biens et des plaisirs auxquels nous avons tant d'attache. Enfin, nous arrivons au bord l'éternité, qui engloutit tout dans ses abîmes. Ah ! c'est alors, M.F., que le monde va disparaître pour toujours à nos yeux, et que nous recon-naîtrons notre folie de nous y être attachés. Et tout ce que l'on nous a dit du péché !... Tout cela était donc bien vrai, dirons-nous. Hélas ! je n'ai vécu que pour le monde. je n'ai cherché que le monde dans tout ce que j'ai fait, et les biens et les plaisirs du monde ne sont plus rien pour moi ! tout m'échappe des mains : ce monde que j'ai tant aimé, ces biens et ces plaisirs, qui ont tant oc-cupé mon cœur et mon esprit !... Il faut maintenant que je re-tourne vers mon Dieu !... Ah ! M.F., que cette pensée est conso-lante pour celui qui n'a cherché que Dieu seul Pendant sa vie ! mais qu'elle est désespérante pour celui qui a perdu de vue son Dieu et le salut de son âme !
Non, non, M.F., ne nous y trompons pas, fuyons, ou nous nous mettons dans un grand danger de nous perdre. Tous les saints ont fui, méprisé et abandonné le monde toute leur vie. Ceux qui ont été obligés d'y rester y ont vécu comme n'y étant pas. Combien de grands du monde l'ont quitté pour aller vivre dans la solitude ! voyez un saint Arsène. Frappé de cette pensée : Qu'il est très difficile de se sauver dans le monde, il abandonne la cour de l'empereur, et va passer sa vie dans les forêts, pour y pleurer ses péchés et y faire pénitence . Oui, M.F., si nous ne fuyons le monde, du moins autant qu'il nous sera possible, nous ne pouvons que nous perdre avec le monde, à moins d'un grand miracle. En voici un bel exemple et bien capable de nous le faire comprendre. Nous lisons dans l'Écriture sainte que Josaphat, roi de Juda, fit alliance avec Achab, roi d'Israël. Le Saint-Esprit nous dit que le premier, c'est-à-dire Josaphat, était un saint roi ; mais il nous dit que le second, qui est Achab, était un impie. Néanmoins, Josaphat consentit à aller avec Achab pour combattre contre les Syriens. Avant de partir, il voulut voir un prophète du Seigneur, pour lui demander ce qu'il en serait de ce combat. Achab lui dit : « Nous avons bien ici un certain prophète du Seigneur, mais il ne nous prédit que des malheurs. » - « Eh bien ! lui dit Josaphat, faites-le venir, et nous le consulterons. » Le prophète étant devant le roi, Josaphat lui demande s'il fallait aller combattre contre les enne-mis, ou non. Le roi Achab se hâte de lui dire que tous ses prophè-tes l'ont assuré de la victoire. « Oui, dit le prophète du Seigneur, allez, Princes, vous attaquerez vos ennemis, vous les battrez et vous reviendrez victorieux et chargés de leurs richesses. » Le roi Josaphat vit bien que ce n'était pas ce que pensait le prophète, il lui demanda de dire ce que le Seigneur lui inspirait. Alors le pro-phète prenant le ton de prophète du Seigneur : « Vive le Seigneur, en la présence de qui je suis ! Voici ce que le Seigneur, le Dieu d'Israël, m'a commandé de vous dire : Vous livrerez bataille ; mais vous serez vaincu. Le roi Achab y périra, et son armée sera mise tout en déroute et chacun reviendra chez soi sans chef. » Le roi Achab dit à l'autre : « Je vous avais bien dit que ce prophète n'annonce que des malheurs. » Il le fit mettre en prison, pour le punir à son retour. Mais le prophète s'inquiéta fort peu de cela, car il savait bien que le roi ne reviendrait pas, mais qu'il y périrait. Ayant livré le combat, Achab, voyant que le gros de l'armée se tournait sur lui, changea d'habit. Alors l'on prit le roi Josaphat pour Achab à qui seul on en voulait. Se voyant près d'être percé par les ennemis : « Ah ! Seigneur. Dieu d'Israël, s'écria-t-il, ayez pitié de moi ! » Alors le Seigneur le secourut et écarta de lui tous ses ennemis. Mais il lui envoya son prophète pour le reprendre de ce qu'il avait voulu accompagner ce roi impie : « Vous auriez mé-rité de périr avec lui, mais parce que le Seigneur a vu en vous de bonnes œuvres, il vous a conservé la vie, et vous aurez le bonheur de retourner dans votre ville. » Pour Achab, il périt dans ce com-bat, comme le prophète le lui avait prédit avant son départ.
Voilà, M.F., ce que c'est que de fréquenter le monde ce qui nous montre que, nécessairement, nous devons fuir le monde si nous voulons ne pas périr avec lui. Avec les gens du monde, nous prenons l'esprit du monde et nous perdons l'esprit de Dieu : ce qui nous entraîne dans un abîme de péché, presque sans nous en aper-cevoir ; nous en avons un bel exemple dans l'histoire. Saint Au-gustin nous rapporte qu'il avait pour ami un jeune homme qui vivait parfaitement bien. Il suivait son chemin aussi bien qu'un jeune homme peut le faire. Un jour, que quelques-uns de ses compagnons d'études sortaient avec lui après dîner, ceux-ci fâchés de ce qu'il ne faisait pas comme eux, ils essayèrent de l'entraîner à l'amphithéâtre. C'était un jour que l'on y faisait égorger des hom-mes par d'autres hommes. Comme ce jeune homme avait une ex-trême horreur pour ces sortes de curiosités, il résista d'abord de toutes ses forces ; mais ses compagnons usèrent de tant de flatte-ries et de tant de violences, que, cette fois, ils l'entraînèrent pour ainsi dire, malgré lui. Il leur dit : « Vous pouvez bien entraîner mon corps et le placer parmi vous à l'amphithéâtre ; mais vous ne pouvez pas disposer de mon esprit ni de mes yeux, qui, assuré-ment, ne prendront jamais part à un spectacle si horrible. Aussi y serai-je comme n'y étant pas, et, par là, je vous contenterai sans y prendre part. » Mais Alype eut beau dire, ils l'emmenèrent, et, pendant que tout l'amphithéâtre était dans les transports de ces barbares plaisirs, le jeune homme défendait à son cœur d'y pren-dre part, et à ses yeux de regarder, en les tenant fermés. Ah ! plût à Dieu qu'il se fût bouché aussi les oreilles ; car, ayant été frappé d'un grand cri qui se fit entendre, la curiosité l'emporta : ne vou-lant voir que cela, il ouvrit les yeux, c'en fut assez pour le perdre. Plus il regardait ; plus son cœur y sentait du plaisir ; il alla si loin dans la suite que, bien loin de se faire prier pour y aller, il y en-traînait lui-même les autres. « Hélas ! mon Dieu, s'écrie saint Au-gustin, qui pourra le tirer de cet abîme ? Rien autre, sinon un mi-racle de la grâce de Dieu. »
Je conclus, M.F., en disant que si nous ne fuyons le monde avec ses plaisirs, si nous ne nous cachons pas autant que nous pourrons, nous nous perdrons et nous serons damnés. Mais la route la plus commode, c'est d'être tantôt au monde, tantôt à Dieu, c'est-à-dire, faire quelques pratiques de piété et suivre le train du monde : les jeux, les danses, les cabarets, travailler le dimanche ; nourrir ces haines, ces vengeances, ces ressentiments, relever ces petits torts. Mais pour être tout à Dieu, il faut vous attendre à être méprisés et rejetés du monde. Heureux, M.F., celui qui sera de ce nombre, et qui marchera avec courage à la suite de son Maître, portant sa croix ; puisque ce n'est que par là que nous aurons le grand bonheur d'arriver au ciel ! Ce que je vous souhaite.

15ème DIMANCHE APRÈS LA PENTE-CÔTE
Sur la pensée de la mort

Cum appropinquaret porte civitatis, ecce defunctus efferebatur filius uni-cus matris suae : et haec vidua erat.
Jésus, étant près des portes de la ville de Naïm, trouva qu'on portait en terre le fils unique d'une mère qui était veuve.
(S. Luc, VII, 12.)

Non, M.F., rien n'est plus capable de nous détacher de la vie et des plaisirs du monde, et de nous porter à nous occuper de ce moment terrible qui doit décider de tout pour l'éternité, que la vue d'un cadavre que l'on conduit dans le tombeau. C'est pourquoi l'Église, qui est toujours attentive et occupée à nous fournir tous les moyens les plus capables de nous faire travailler à notre salut, nous met, trois fois par année, le souvenir de ces morts que Jésus-Christ ressuscita ; afin de nous forcer, en quelque sorte, à nous en occuper pour nous préparer à ce voyage. Dans un endroit de l'Évangile , elle nous présente une jeune fille âgée seulement de douze ans, c'est-à-dire dans un âge où à peine l'on peut commen-cer à jouir des plaisirs. Quoiqu'elle fût fille unique, très riche et tendrement aimée de ses parents, malgré cela cependant, la mort la frappe et la fait disparaître pour jamais aux yeux des vivants. Dans un autre endroit , nous voyons un jeune homme d'environ vingt-cinq ans, qui était à la fleur de son âge, le seul appui et la seule consolation d'une mère veuve ; cependant, ni les larmes, ni la tendresse de cette mère désolée, ne peuvent empêcher que la mort, cette impitoyable mort, n'en fasse sa proie. Dans une autre partie de l'Évangile , nous voyons un autre jeune homme, qui est Lazare. Il tenait lieu de père à ses deux sœurs, Marthe et Made-leine ; il nous semble que la mort aurait dû au moins avoir égard à ce dernier ; mais, non, cette cruelle mort le moissonne, et le réduit au tombeau, pour en faire la pâture des vers. Il fallut que Jésus-Christ fît trois miracles pour leur rendre la vie. Ouvrons les yeux, M.F., et contemplons un instant ce touchant spectacle, qui va nous prouver, de la manière la plus forte, la caducité de la vie et la né-cessité de nous en détacher, avant que cette mort inexorable nous en arrache malgré nous. « Jeune ou vieux, disait le saint roi Da-vid, je penserai souvent que je mourrai un jour, et je m'y prépare-rai de bonne heure. » Pour vous engager à faire de même, je vais vous montrer combien la pensée de la mort nous est nécessaire pour nous détacher de la vie et pour nous attacher à Dieu seul.

I. - Nous voyons, M.F., que malgré le degré d'impiété et d'in-crédulité où les hommes sont parvenus dans le malheureux siècle où nous vivons, ils n'ont cependant pas encore osé nier la certi-tude de la mort ; mais seulement, ils font tout ce qu'ils peuvent pour en bannir la pensée, comme d'un voisin qui pourrait les in-quiéter dans leurs plaisirs, et les troubler dans leurs débauches. Mais aussi, nous voyons dans l'Évangile, que Notre-Seigneur Jé-sus-Christ veut que nous ne perdions jamais de vue la pensée de notre départ de ce monde pour l'éternité . Pour bien nous faire comprendre que nous pouvons mourir à tous les âges, nous voyons qu'il ne ressuscite ni des enfants qui sont encore insensi-bles aux plaisirs de la vie, ni des vieillards décrépits, qui, malgré leur attachement à la terre, ne peuvent pas douter que leur départ ne soit peu éloigné. Mais il ressuscite ceux qui sont dans un âge où nous oublions le plus ordinairement cette pensée salutaire : c'est-à-dire, depuis douze jusqu'aux environs de quarante ans. En effet, depuis quarante ans, la mort semble nous poursuivre rapi-dement ; nous perdons tous les jours quelque chose, qui nous an-nonce que nous devons bientôt sortir de ce monde ; nous sentons, chaque jour, nos forces diminuer, nous voyons nos cheveux blan-chir, notre tête devenir chauve, nos dents tomber, notre vue s'af-faiblir : tout cela nous dit adieu pour jamais, et nous avouons nous-mêmes que nous ne sommes plus ce que nous étions autre-fois. Non, M.F., personne n'a le moindre doute là-dessus. Oui, M.F., il est certain qu'un jour viendra où nous ne serons plus du nombre des vivants, et que l'on ne pensera pas plus à nous que si nous n'avions jamais été au monde. Voilà donc cette jeune fille mondaine, qui a pris tant de soin et tant de peine à paraître aux yeux du monde : la voilà réduite à un peu de poussière, qui est foulée sous les pieds des passants. Voilà cet orgueilleux, qui fai-sait tant de cas de son esprit, de ses richesses, de son crédit et de sa charge, le voilà conduit dans un tombeau, mangé des vers, et mis en oubli jusqu'à la fin du monde ; c'est-à-dire, jusqu'à la ré-surrection générale, où nous le reverrons avec tout ce qu'il aura fait pendant les jours de sa malheureuse vie.
Mais, peut-être allez-vous me demander ce que c'est que, ce moment de la mort qui doit tant nous occuper, et qui est si capable de nous convertir ? - C'est, M.F., un instant qui, peu sensible dans sa durée, nous est peu connu, et qui, cependant, suffit pour nous faire faire le grand passage de ce monde à l'éternité. Moment formidable par lui-même, M.F., où tout ce qui est dans le monde meurt pour l'homme, où l'homme, en même temps, meurt pour tout ce qui est à lui sur la terre. Moment terrible, M.F., où l'âme, malgré l'union si intime qu'elle a avec son corps, en est arrachée par la violence de la maladie ; après quoi, l'homme étant dépouillé de tout, ne laisse aux yeux du monde qu'une figure hideuse de lui-même, des yeux éteints, une bouche muette, des mains sans ac-tion, des pieds sans mouvement, un visage défiguré, un corps qui commence à se corrompre et qui n'est plus qu'un objet d'horreur. Moment impitoyable, M.F., où les plus puissants et les plus riches perdent toutes leurs richesses et leur gloire, et où ils n'ont pour tout héritage que la poussière du tombeau. Moment bien humi-liant, M.F., où le plus grand est confondu avec le plus misérable de la terre. Tout est confondu : plus d'honneurs, plus de distinc-tions, tous sont mis au même niveau. Mais moment, M.F., mille fois plus terrible encore par ses suites que par sa présence puisque les pertes en sont irréparables. « L'homme, nous dit le Saint-Esprit, parlant du mourant, ira dans la maison de son éternité . » Moment court, il est vrai, M.F., mais bien décisif ; après lequel le pécheur n'a plus de miséricorde à espérer, et le juste de mérites à acquérir. Moment dont la pensée a rempli les monastères de tant de grands du monde, qui ont tout quitté pour ne penser qu'à ce ter-rible passage de ce monde à l'autre. Moment, M.F., dont la pensée a peuplé les déserts de tant de saints, qui n'ont cessé de se livrer à toutes les rigueurs de la pénitence que leur amour pour le bon Dieu a pu leur inspirer. Moment terrible, M.F., mais bien court, qui, cependant, va décider de tout pour une éternité entière.
D'après cela, M.F., comment se peut-il faire que nous n'y pen-sions pas ou, du moins, que nous y pensions d'une manière si fai-ble ? Hélas ! M.F., que d'âmes brûlent maintenant, pour avoir né-gligé cette pensée salutaire ! Laissons, M.F., laissons un peu le monde, ses biens et ses plaisirs, pour nous occuper de ce terrible moment. Imitons, M.F., les saints, qui en faisaient leur principale occupation ; laissons périr ce qui périt avec le temps, donnons nos soins à ce qui est éternel et permanent. Oui, M.F., rien n'est plus capable de nous détacher de la vie du péché, et de faire trembler les rois sur leurs trônes, les juges et les libertins au milieu de leurs plaisirs, que la pensée de la mort. En voici un exemple, M.F., qui va vous montrer que rien ne peut résister à cette pensée bien mé-ditée. Saint Grégoire nous rapporte qu'un jeune homme, au salut de l'âme duquel il s'intéressait beaucoup, avait conçu une telle passion pour une jeune fille, que celle-ci étant morte, il ne pouvait plus s'en consoler. Saint Grégoire, pape, après bien des prières et des pénitences, alla trouver ce jeune homme : « Mon ami, lui dit-il, venez avec moi, et vous verrez encore une fois celle qui vous fait pousser tant de soupirs et verser tant de larmes. »
Le prenant par la main, il le conduit au tombeau de cette jeune fille. Quand il eut fait lever la planche qui couvrait son corps, ce jeune homme voyant un corps si horrible, si puant, si rempli de vers, n'étant plus qu'un amas de corruption, recule d'horreur : « Non, non, mon ami, lui dit saint Grégoire, avancez et soutenez un instant la vue de ce spectacle que la mort vous pré-sente. Voyez, mon ami, considérez ce qu'est devenue cette beauté périssable, à laquelle vous étiez éperdument attaché. Voyez-vous cette tête toute décharnée, ces yeux éteints, ces ossements livides, cet amas horrible de cendres, de pourriture et de vers ? Voilà, mon ami, l'objet de votre passion, pour lequel vous avez poussé tant de soupirs, et sacrifié votre âme, votre salut, votre Dieu et vo-tre éternité. » Des paroles si touchantes, un spectacle si effrayant firent une impression si vive sur le cœur de ce jeune homme, que, reconnaissant dès ce moment le néant de ce monde et la fragilité de toute beauté périssable, il renonça aussitôt à toutes les vanités de la terre, ne pensa plus qu'à se préparer à bien mourir en se reti-rant du monde, pour aller passer sa vie dans un monastère, y pleu-rer, le reste de ses jours, les égarements de sa jeunesse, et mourir en saint. Quel bonheur, M.. F., pour ce jeune homme ! Faisons de même, M.F., puisque rien n'est plus capable de nous détacher de la vie, et de nous déterminer à quitter le péché que cette heureuse pensée de la mort.
Ah ! M.F., à la mort, comme l'on pense bien autrement que pendant la vie ! En voici un bel exemple. Il est rapporté dans l'his-toire, qu'une dame possédait toutes les qualités capables de plaire au monde, dont elle goûtait tous les plaisirs. Hélas ! M.F., cela ne l'empêcha pas d'arriver comme les autres à ses derniers moments, et bien plus tôt qu'elle n'aurait voulu. Au commencement de sa maladie, on lui dissimula le danger où elle se trouvait, comme on ne le fait que trop souvent à ces pauvres malades. Cependant le mal faisait chaque jour de nouveaux progrès ; il fallut l'avertir qu'elle devait penser à son départ pour l'éternité. Il lui fallait faire alors ce qu'elle n'avait jamais fait et penser ce qu'elle n'avait ja-mais pensé ; elle en fut extrêmement effrayée. « Je ne crois pas, dit-elle à ceux qui lui donnaient cette nouvelle, que ma maladie soit dangereuse, j'ai encore le temps ; » mais on la presse, en lui disant que le médecin la trouvait en danger. Elle pleure, elle se lamente de quitter la vie dans un temps où elle pouvait encore jouir de ses plaisirs. Mais, tandis qu'elle pleurait, on lui représente que personne n'étant immortel, si elle échappait à cette maladie, une autre l'emmènerait, que tout ce qu'elle avait à faire était de mettre ordre à sa conscience, afin de pouvoir paraître avec confiance devant le tribunal de Dieu. Peu à peu elle rentra en elle-même, et, comme elle était instruite, elle fut bientôt convaincue de cela ; ses larmes se tournèrent du côté de ses péchés ; elle de-manda un confesseur pour lui faire l'aveu de ses fautes, qu'elle au-rait bien voulu n'avoir jamais commises. Elle fait elle-même le sacrifice de sa vie ; elle confesse ses fautes avec une grande dou-leur, une abondance de larmes ; elle prie ses compagnes ou ses amies de venir la voir avant qu'elle ne sorte de ce monde, ce qu'el-les firent avec empressement. Quand elles furent autour de son lit, elle leur dit en pleurant : « Mes chères amies, vous voyez dans quel état je suis ; il me faut aller paraître devant Jésus-Christ, pour lui rendre compte de toutes les actions de ma vie ; vous savez vous-mêmes combien j'ai mal servi le bon Dieu et combien j'ai à craindre ; mais, cependant, je vais m'abandonner à ses miséricor-des. Tout le conseil que j'ai à vous donner, mes bonnes amies, c'est de ne pas attendre, pour bien faire, ce moment où l'on ne peut rien, et où, malgré les larmes et le repentir, l'on est en si grand danger d'être perdu pour l'éternité. C'est pour la dernière fois que je vous vois ; je vous en conjure, ne perdez pas un mo-ment du temps que le bon Dieu vous donne et que je n'ai pas moi-même. Adieu, mes amies, je vais partir pour l'éternité, ne m'ou-bliez pas dans vos prières, afin que, si j'ai le bonheur d'être par-donnée, vous m'aidiez à me tirer du purgatoire. » Toutes ses com-pagnes, qui ne s'attendaient nullement à ce langage, se retirèrent en versant des larmes, et remplies d'un grand désir de ne pas at-tendre ce moment, où nous avons tant de regrets d'avoir perdu un temps si précieux.

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