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  • : In hoc signo vinces. Parousie by ROBLES Patrick
  • : Blog Parousie de Patrick ROBLES (Montbéliard, Franche-Comté, France)
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  • Patrick ROBLES
  • Dominus pascit me, et nihil mihi deerit. Le Seigneur est mon berger : je ne manquerai de rien. The Lord is my shepherd; I shall not want. El Señor es mi pastor, nada me falta. L'Eterno è il mio pastore, nulla mi mancherà. O Senhor é o meu pastor; de nada terei falta. Der Herr ist mein Hirte; mir wird nichts mangeln. Господь - Пастырь мой; я ни в чем не буду нуждаться. اللهُ راعِيَّ، فلَنْ يَنقُصَنِي شَيءٌ (Ps 23,1)
  • Dominus pascit me, et nihil mihi deerit. Le Seigneur est mon berger : je ne manquerai de rien. The Lord is my shepherd; I shall not want. El Señor es mi pastor, nada me falta. L'Eterno è il mio pastore, nulla mi mancherà. O Senhor é o meu pastor; de nada terei falta. Der Herr ist mein Hirte; mir wird nichts mangeln. Господь - Пастырь мой; я ни в чем не буду нуждаться. اللهُ راعِيَّ، فلَنْ يَنقُصَنِي شَيءٌ (Ps 23,1)

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 19:21
Transfiguration

Oh ! M.F., que nous serions heureux, si la pensée de la mort et la présence d'un cadavre, nous faisaient la même impression, opéraient le même changement en nous ! Cependant nous avons une âme à sauver comme ces personnes, qui se convertirent à la vue de cette jeune dame qui allait mourir ; et, de plus, nous avons les mêmes grâces si nous voulons en profiter. Hélas ! mon Dieu, pourquoi s'attacher si fort à la vie, puisque nous n'y sommes que pour un instant, après lequel, nous lais-sons tout, pour n'emporter que le bien et le mal que nous avons fait ?... Pourquoi, M.F., nous attacher si peu, au bon Dieu, qui fait, même dès ce monde, notre bonheur, pour le continuer pendant l'éternité ? Comment pour-rions-nous nous attacher aux biens et aux plaisirs de ce monde, si nous avions ces paroles bien gravées dans nos cœurs : « Nous ve-nons au monde tout nus et nous en sortirons de même ? » Cepen-dant nous savons et nous voyons tous les jours que le plus riche n'emporte pas plus que le plus pauvre. Le grand Saladin le recon-nut bien avant de mourir, lui qui avait fait trembler l'univers par la grandeur de ses victoires. Se voyant près de mourir, reconnaissant alors, mieux que jamais, le vide des grandeurs humaines, il com-manda à celui qui marchait ordinairement devant lui, portant son étendard, de prendre un morceau du drap dont il devait être enve-loppé, de le mettre à la pointe d'une pique, et de marcher dans la ville en criant autant fort qu'il pourrait : « Voilà tout ce que le grand Saladin, vainqueur de l'Orient, et maître de l'Occident, em-porte de tous ses trésors et de toutes ses victoires : un linceul. « Ô mon Dieu ! que nous serions sages, si cette pensée ne nous quit-tait jamais !
En effet, M.F., si cet avare, dans le moment où il n'épargne ni injustices, ni tromperies, pour amasser du bien, pensait que, dans peu de temps, il va tout quitter, pourrait-il bien s'attacher si fort à des objets qui vont le perdre pour l'éternité ? Mais, non, M.F., en voyant la manière dont nous vivons, l'on croirait que jamais nous ne devons quitter la vie. Hélas ! qu'il est à craindre que si nous vivons en aveugles, nous mourions de même ! en voici un exem-ple bien frappant.
Nous lisons dans l'histoire que le cardinal Bellarmin, de la Compagnie de Jésus, fut appelé vers un malade qui avait été pro-cureur, et qui, malheureusement, avait préféré l'argent au salut de son âme. Croyant qu'il ne le mandait que pour ranger les affaires de sa conscience, il y courut avec empressement. En entrant, il commence à lui parler de l'état de son âme ; mais à peine eut-il commencé à parler que le malade lui dit : « Mon Père, ce n'est pas pour cela que je vous ai demandé ; mais seulement pour consoler ma femme qui se désole de me perdre ; car, pour moi, je m'en vais tout droit en enfer. » Le cardinal rapporte que cet homme était si endurci et si aveugle, qu'il prononça ces paroles avec autant de tranquillité et la même froideur que s'il eût dit qu'il allait prendre un moment de plaisir avec quelques-uns de ses amis. « Mon ami, lui dit le cardinal, qui se désolait de voir sa pauvre âme tomber en enfer, pensez donc à demander pardon au bon Dieu de vos péchés et confessez-vous ; le bon Dieu vous pardonnera. » Ce pauvre malheureux lui dit qu'il ne fallait pas perdre son temps, qu'il ne connaissait pas ses péchés, ni ne voulait les connaître ; qu'il avait bien le temps de les connaître en enfer. Le cardinal eut beau le prier, le conjurer, en grâce, de ne pas se perdre pour l'éternité, puisqu'il avait encore tous les moyens de gagner le ciel, lui pro-mettant qu'il l'aiderait à satisfaire à la justice de Dieu, ajoutant qu'il était sûr que le bon Dieu aurait encore pitié de lui. Mais, non, rien ne fut capable de le toucher ; il mourut sans donner aucun sentiment de repentir.
Hélas ! M.F., celui qui ne pense pas à la mort pendant sa vie se met dans un grand danger de n'y jamais penser, ou de ne vou-loir réparer le mal que quand il n'y aura plus de remèdes. Ô mon Dieu ! que ceux qui ne perdent jamais la pensée de la mort évitent de péchés pendant la vie et de regrets pour l'éternité ! Le même cardinal rapporte qu'étant allé visiter un de ses amis qui était ma-lade par un excès de débauche, il voulut l'exhorter au repentir et à se confesser de ses péchés, ou du moins, à en faire un acte de contrition. Le malade lui répondit : « Mon père, que voulez-vous me dire par un acte de contrition ? Je n'ai jamais connu ce lan-gage. » Le cardinal eut beau lui vouloir faire comprendre que c'était regretter les péchés qu'on avait commis, pour que le bon Dieu nous pardonne. - « Mon père, laissez-moi, vous me trou-blez, laissez-moi tranquille. » Il mourut sans vouloir produire un acte de contrition, tant il était aveuglé et endurci. O mon Dieu ! quel malheur pour une personne qui a perdu la foi ! hélas ! il n'y a plus de ressources ! Ah ! M.F., que l'on a bien raison de dire : Telle est la vie, telle est la mort. Hélas ! M. F, si cet ivrogne pen-sait un peu à ce moment de la mort, qui doit terminer toutes ses dissolutions et ses débauches, où son corps sera livré aux vers, pendant que sa pauvre âme brûlera en enfer ; ah ! M.F., aurait-il le courage de continuer ses excès ? Mais, non, si on lui en parle, il s'en moque, il ne pense qu'à se divertir, à contenter son corps, comme si tout devait finir avec lui, nous dit le prophète Isaïe.
Ah ! M.F., le démon a grand soin de nous en faire perdre le souvenir, parce qu'il sait bien mieux que nous combien il nous est salutaire pour nous tirer du péché et nous ramener au bon Dieu. Les saints, M.F., qui avaient tant à cœur le salut de leur âme, avaient soin de n'en perdre jamais le souvenir. Saint Guillaume, archevêque de Bourges, assistait aux enterrements autant qu'il le pouvait, afin de bien graver en lui la pensée de la mort. Il se re-présentait combien nous sommes misérables de nous attacher à la vie qui est si malheureuse, si remplie du danger de nous perdre pour l'éternité ! Il y en a un autre qui alla passer un an dans un bois, pour avoir le loisir de se bien préparer à la mort : « parce que, disait-il, quand elle arrive, il n'est plus temps. » Ces saints avaient, sans doute, bien raison, M.F., parce que de cette heure dépend tout, et que, souvent, si nous attendons pour y penser le moment où la mort nous frappe, quelquefois cela ne sert à rien.
Oh ! que la pensée de la mort est puissante pour nous garan-tir du péché, et nous faire faire le bien ! Hélas ! M.F., si ce mal-heureux qui se traîne dans les ordures de ses impuretés, pensait bien au moment de la mort où son corps, qu'il prend tant de soin de contenter, sera pourri en terre ; ah ! s'il faisait la moindre ré-flexion sur ces os secs et arides, amoncelés dans le cimetière ; s'il prenait la peine d'aller sur ces tombeaux, pour y contempler ces cadavres puants et pourris, ces crânes à demi rongés par les vers, ne serait-il pas frappé d'un tel spectacle ? Aurait-il d'autre pensée que de pleurer ses péchés et son aveuglement, s'il pensait au re-gret qu'il aura à l'heure de la mort, d'avoir profané un corps qui est « le temple du Saint-Esprit et les membres de Jésus-Christ ? »Voulez-vous, M.F., connaître la fin malheureuse d'un impudique qui n'a pas voulu voir la mort pendant sa vie ? Saint Pierre Damien rapporte qu'un Anglais, pour avoir de quoi satis-faire sa passion honteuse, se donna au démon, à condition qu'il l'avertirait trois jours avant sa mort, dans l'espérance qu'il aurait bien le temps de se convertir. Hélas ! que l'homme est aveugle, une fois dans le péché ! Mais, après qu'il se fut traîné, roulé et baigné dans le jus de ses impuretés, le moment de son départ arri-va. Le démon, tout menteur qu'il est, tint parole à ce scélérat. Mais l'Anglais fut bien trompé dans son attente ; car, au grand étonnement de tous les assistants, dès qu'on lui parlait de son sa-lut, il paraissait s'endormir, ne faisait aucune réponse ; mais si on lui parlait des affaires temporelles, il avait parfaitement sa connaissance ; de sorte qu'il mourut dans ses impuretés, comme il y avait vécu. Pour bien nous montrer qu'il était réprouvé, le bon Dieu permit que de gros chiens noirs parussent environner son lit, comme prêts à s'élancer sur leur proie ; on les vit encore sur son tombeau, comme pour garder ce dépôt abominable. Hélas ! M.F., que d'autres exemples aussi effrayants que ceux-là !...
Dites-moi, si cet ambitieux pensait bien à ce moment de la mort, qui lui fera voir tout le néant des grandeurs humaines, pour-rait-il bien ne pas faire ces réflexions, que bientôt il sera couvert de terre et foulé aux pieds des passants, n'ayant pour toute marque de grandeur, que ces deux mots : « Ici repose un tel ? » O mon Dieu ! que l'homme est aveugle ! Nous lisons dans l'histoire, qu'un homme, pendant toute sa vie, n'avait nullement pensé à son salut ; mais seulement à se divertir et à amasser du bien. Étant près de mourir, il reconnut bien son aveuglement de n'avoir point travaillé à faire une bonne mort. Il recommanda que l'on mît sur sa tombe : « ici repose l'insensé, qui est sorti de ce monde sans savoir pourquoi le bon Dieu l'y avait mis. » Si, M.F., tous ces pé-cheurs qui se raillent de toutes les grâces que le bon Dieu leur fait pour sortir du péché et qui les méprisent ; s'ils pensaient bien que, dans le moment où ils sortiront de ce monde, ces grâces leur se-ront refusées, et que, le bon Dieu qu'ils ont fui, les fuira à son, tour, et les laissera mourir dans leurs péchés ; dites-moi, auraient-ils le courage de mépriser tant de grâces que le bon Dieu leur pré-sente maintenant pour sauver leur pauvre âme ?
Ah ! M.F., que de péchés ne se commettraient pas, si l'on avait le bonheur de penser souvent à la mort. C'est pourquoi le Saint-Esprit nous recommande si fort de ne jamais perdre le sou-venir de nos fins dernières, parce que nous ne pécherions jamais . Ce fut encore cette pensée, M.F., qui acheva de convertir saint François de Borgia. Étant encore dans le monde, il se trouvait à la cour d'Espagne, lorsque l'impératrice Élisabeth , femme de Charles-Quint, mourut. Comme on devait l'enterrer dans le tombeau de ses prédécesseurs, qui était à Grenade, l'on donna la conduite de ce corps à François de Borgia. A l'arrivée à Grenade, on voulut faire la cérémonie, et l'on ouvrit le cercueil où était le corps. François de Borgia devait protester que c'était bien le même que l'on avait mis dans le cercueil. Quand on eut découvert ce visage qui avait été si beau, il se trouva tout noir et à demi pourri ; les yeux étaient tout fondus ; il en sortait une odeur insupportable. Alors il dit : « Oui, je jure que c'est le corps qu'on a mis dans le cercueil, et que c'est celui de la princesse ; mais je ne le reconnais plus. » Dès ce moment, il fit réflexion sur le néant des grandeurs humaines et combien elles sont peu de chose ; il prit la résolution de quitter le monde, pour ne plus penser qu'à sauver son âme. « Ah ! disait-il, qu'est devenue la beauté de cette princesse, qui était la plus belle créature du monde ? O mon Dieu ! que l'homme est aveugle de s'attacher à de viles créatures en perdant son âme ! » Heureuse pensée, M.F., qui lui a valu le ciel !
Mais pourquoi est-ce, M.F., que nous oublions cette mort, qui nous ferait toujours tenir prêts à bien mourir ? Hélas ! l'on ne veut pas y penser, l'on meurt sans y avoir pensé, et nous regar-dons cette mort comme bien éloignée de nous. Le démon ne nous dit pas, comme autrefois, à nos premiers parents : « Vous ne mourrez pas ; » parce que cette tentation serait trop grossière, elle ne tromperait personne ; « mais, nous dit-il, vous ne mourrez pas si tôt ; » et par cette illusion, nous ren-voyons la pensée de nous convertir à notre dernière maladie, où nous ne serons plus en état de rien faire. C'est ainsi, M.F., que la mort en a tant surpris, et en surprendra tant jusqu'à la fin du monde. C'est cependant cette pensée qui en a tant tiré du péché ; en voici un exemple bien frap-pant. Il est rapporté dans l'histoire qu'un jeune homme et une jeune fille avaient eu ensemble un commerce infâme. Il arriva que ce jeune homme, passant dans un bois, fut égorgé. Un petit chien qui le suivait, voyant son maître tué, va trouver cette fille, la prend par son tablier, la tirant comme pour lui dire de le suivre. Étonnée de cela, elle suit ce petit chien, qui la mène au lieu où était son maître. Il s'arrêta auprès d'un tas de feuilles. Ayant re-gardé ce qu'il y avait, elle vit ce pauvre jeune homme tout ensan-glanté : des voleurs l'avaient poignardé. Rentrant en elle-même, elle se mit à pleurer, se disant : « Ah ! malheureuse, si le même sort t'était arrivé, où serais-tu ? hélas ! tu brûlerais en enfer. Peut-être ce jeune homme brûle-t-il maintenant dans les abîmes à cause de toi !... Ah ! malheureuse, comment as-tu pu mener une vie si criminelle ? Ah ! dans quel état est ta pauvre âme !... Mon Dieu ! je vous remercie, de ne m'avoir pas fait servir d'exemple aux au-tres ! » Elle quitta le monde, alla s'ensevelir dans un monastère pour toute sa vie, et mourut comme une sainte. Ah ! M.F., com-bien y a-t-il de pécheurs que de semblables exemples ont conver-tis ! O mon Dieu ! qu'il faut que nos cœurs soient durs et insensi-bles pour n'être touchés de rien, et vivre dans le péché, peut-être, sans penser à en sortir !
Hélas ! M.F., il est à craindre que, dans le moment où nous voudrons revenir au bon Dieu, nous ne le puissions pas ; le bon Dieu, en punition de nos péchés, nous aura abandonnés. Je vais vous le montrer dans un exemple. Nous lisons dans l'histoire , qu'un homme avait vécu longtemps dans le désordre. S'étant converti, il retomba au bout de quelque temps dans ses anciens péchés. Ses amis, qui en étaient bien chagrinés, firent tout ce qu'ils purent pour le ramener au bon Dieu ; il leur promettait tou-jours et n'en faisait rien. Ils lui dirent qu'il y avait une retraite dans la paroisse voisine ; qu'ils l'y conduiraient avec eux, et qu'il devait s'y préparer. L'autre, qui depuis longtemps se moquait de Dieu et de tous leurs conseils, leur répondit en riant, que oui ; qu'ils n'avaient qu'à venir le prendre le matin du jour où elle devait commencer, et qu'ils partiraient tous ensemble. Les autres ne manquèrent pas d'aller le trouver, dans l'espérance de le ramener au bon Dieu ; mais en entrant, il le virent étendu au milieu de sa maison : il était mort, la nuit, de mort subite sans avoir eu le temps ni de se confesser, ni de donner le moindre signe de repen-tir. Hélas ! M.F., où alla cette pauvre âme qui avait tant méprisé les grâces du bon Dieu ?

II. - Nous avons dit qu'il est très utile de penser souvent à la mort : 1? pour nous faire éviter le péché et nous faire expier ceux que nous avons eu le malheur de commettre, et 2? pour nous déta-cher de la vie. Saint Augustin nous dit qu'il ne faut pas seulement penser à la mort des martyrs, chez qui, par une grâce admirable, la peine du péché est devenue comme un instrument de mérite, mais à la mort de tous les hommes. Cette pensée de la mort serait pour nous un des plus puissants moyens de salut, et un des plus grands remèdes à nos maux, si nous en savions tirer les avantages que la miséricorde divine veut nous procurer par le châtiment que sa jus-tice exige de nous. Nous ne sommes condamnés à mourir que parce que nous avons péché ; mais il nous suffirait, pour ne plus pécher, de bien penser à la mort ; comme nous dit l'Esprit-Saint .
Nous disons, M.F., que la pensée de la mort produit en nous trois effets : 1? elle nous détache du monde 2? elle arrête nos pas-sions ; 3? elle nous engage à mener une vie plus sainte. Si le monde, M.F., peut nous tromper pendant quelque temps, cela cer-tainement ne durera pas toujours ; car il est sûr que toutes les cho-ses du monde n'ont pas grande force contre la pensée de la mort. Si nous pensons que, dans quelques moments ; nous aurons dit adieu à la vie pour n'y reparaître jamais ! L'homme qui a la mort toujours présente à l'esprit ne peut se regarder que comme un voyageur sur la terre, qui ne fait qu'y passer, et qui laisse sans peine tout ce qu'il rencontre, parce qu'il tend à un autre terme et qu'il avance vers une autre patrie. Telle fut, M. F :, la disposition de saint Jérôme : comme il voyait qu'une fois mort il ne pourrait plus animer ses disciples par ses exemples de secrètes vertus, il voulut, en mourant, leur laisser de saintes instructions : « Mes en-fants, leur dit-il, si vous voulez, comme moi, ne rien regretter à la mort, accoutumez-vous à vous détacher de tout pendant la vie. Voulez-vous encore ne rien craindre dans ce terrible moment ? N'aimez rien de ce, qu'il vous faudra quitter. Quand on est bien détrompé du monde et de toutes ses illusions, qu'on a méprisé ses biens, ses fausses douceurs et ses folles promesses ; quand on n'a pas mis sa félicité dans la jouissance des créatures, l'on n'a point de peine à les quitter et à s'en séparer pour toujours. » O heureux état, s'écriait ce grand saint, que celui d'un homme, qui, plein d'une juste confiance en Dieu, ne se trouve retenu par aucun atta-chement au monde et aux biens de la terre ! Voilà, M.F., les dis-positions auxquelles nous conduit la pensée de la mort.
Le second effet que la pensée de la mort produit en nous, c'est d'arrêter nos passions. Oui, M.F., si nous sommes tentés, nous n'avons qu'à penser vite à la mort, et de suite, nous sentirons tomber la passion : c'était la pratique des saints. Saint Paul nous dit qu'il meurt tous les jours . Notre-Seigneur étant encore sur la terre, parlait souvent de sa passion . Sainte Marie Égyptienne étant tentée, pensait vite à la mort ; et de suite, la tentation la quit-tait . Saint Jérôme ne perdait pas plus cette pensée que la respira-tion. Il est rapporté dans la Vie des Pères du désert, qu'un solitaire qui avait vécu quelque temps dans le grand monde, étant touché de la grâce, alla s'ensevelir dans un désert. Le démon ne cessa de lui rappeler la jeune personne pour laquelle il avait eu un amour criminel. Un moment avant qu'elle mourût, Dieu le lui fit connaî-tre. Il sort de sa solitude, il va la voir : elle était prête à être mise en terre ; il s'approche du cercueil, lui découvre le visage, prend dans son mouchoir un abcès qui sortait de sa bouche. Après cela, il retourne dans son désert, et toutes les fois qu'il était tenté, il prenait ce mouchoir et se disait à lui-même, en se représentant les ordures de cette pauvre créature : « Insensé que tu es, voilà la douce faveur de l'objet que tu as tant aimé aux dépens de ton âme ; si à présent, tu ne peux supporter cette horrible puanteur qui est sortie du corps de cette créature, quelle n'a donc, pas été ta, folie de l'avoir aimée pendant sa vie, au préju-dice de ton salut. ; mais quel serait ton aveuglement que d'y penser encore après sa mort ! » Saint Augustin nous dit que quand il se sentait violem-ment porté au mal, la seule chose qui le retenait, c'était de penser qu'un jour il mourrait, et qu'après sa mort, il serait jugé. « Je di-sais souvent à mon cher ami Alype, lorsque je m'entretenais avec lui de ce qui devait faire le différent partage des bons et des mé-chants, je lui avouais que, malgré tout ce que pouvaient me dire autrefois les impies, j'ai toujours cru, qu'à l'heure de notre mort, le bon Dieu nous fera rendre compte de tout le mal que nous aurons fait pendant notre vie . »
Il est rapporté dans l'histoire des Pères du désert, qu'un jeune solitaire disait à un ancien : « Mon père, que faut-il faire quand je suis tenté, surtout contre la sainte vertu de pureté ? » - « Mon fils, lui dit le saint, pensez vite à la mort et aux tourments réservés aux impudiques dans les enfers, et vous êtes sûr que cette pensée chassera le démon. » Saint Jean Climaque nous dit qu'un solitaire qui avait toujours la pensée de la mort gravée dans son esprit, quand le démon voulait le tenter pour le porter à se relâcher, s'écriait : « Ah ! malheureux, voilà que tu vas mourir, et tu n'as encore rien fait pour être présenté au bon Dieu. » Oui, M.F., une personne qui veut sauver son âme, ne doit jamais perdre le souve-nir de la mort.
La pensée de la mort nous fournit encore de pieuses ré-flexions : elle nous met toute notre vie devant les yeux ; alors, nous pensons que tout ce qui nous réjouit selon le monde pendant notre vie, nous fera verser des larmes à l'heure de la mort ; tous nos péchés, qui ne doivent jamais s'effacer de notre mémoire, sont autant de serpents qui nous dévorent ; le temps que nous avons perdu, les grâces que nous avons méprisées : tout cela nous sera montré à la mort. D'après cela, il est impossible de ne pas travail-ler à mieux vivre et à cesser de faire le mal. Il est rapporté dans l'histoire, qu'un mourant, avant de rendre le dernier soupir, fit ap-peler son prince, à qui il avait été très fidèle pendant bien des an-nées. Le prince s'y rendit avec empressement : « Demandez-moi, lui dit-il, tout ce que vous voudrez, et vous êtes sûr de l'obtenir. » - « Prince, lui dit ce pauvre mourant, je n'ai qu'une chose à vous demander, c'est un quart d'heure de vie. » - « Hélas, mon ami, lui reprit le prince, cela n'est pas en mon pouvoir, demandez-moi toute autre chose, afin que je puisse vous l'accorder. » - « Hélas ! s'écria le malade, si j'avais servi le bon Dieu aussi bien que je vous ai servi, je n'aurais pas un quart d'heure de vie, mais une éternité. » Même regret éprouva un homme de loi, lorsqu'il fut près de sortir de la vie, sans avoir pensé à sauver son âme : « Ah ! insensé que je suis, moi qui ai tant écrit pour le monde ; et rien pour mon âme ; il me faut mourir, je n'ai rien fait qui puisse me rassurer, et il n'y a plus de remèdes ; je ne vois rien dans ma vie que je puisse présenter au bon Dieu. » Heureux, M.F., s'il profita lui-même de cela, c'est-à-dire, de ses bons sentiments.
3? Voici les réflexions que la pensée de la mort doit nous faire faire : Si nous négligeons de nous y préparer, nous serons séparés pendant toute l'éternité de la compagnie de Jésus-Christ, de la sainte Vierge, des anges et des saints, et nous serons, forcés d'aller passer notre éternité avec les démons, pour brûler avec eux. Nous lisons dans la vie de saint Jérôme, qu'une longue expé-rience l'avait rendu si savant dans la science du salut, qu'étant au lit de mort, il fut prié par ses disciples de leur laisser, comme par testament, de toutes les vérités de la morale chrétienne, celle dont il était le plus persuadé. Que pensez-vous, M.F., que leur répondit ce grand saint docteur ? « Je vais mourir, leur dit-il, mon âme est sur le bord de mes lèvres ; mais je vous déclare que de toutes les vérités de la morale chrétienne, celle dont je suis le plus convain-cu, c'est, qu'à peine, sur cent mille personnes qui auront mal vécu, s'en trouvera-t-il une seule de sauvée en faisant une bonne mort, parce que, pour bien mourir, il faut y penser tous les jours de sa vie. Et ne croyez pas que ce soit un effet de ma maladie : je vous en parle avec l'expérience de plus de soixante ans. Oui, mes en-fants, à peine de cent mille personnes qui auront mal vécu, y en aura-t-il une seul qui fasse une bonne mort ! Non, mes enfants, rien ne nous porte mieux à bien vivre que la pensée de la mort !
Que conclure de tout cela ? M.F., le voici : c'est que si nous pensons souvent à la mort, nous aurons un grand soin de conser-ver la grâce du bon Dieu ; si nous avons le malheur d'avoir perdu cette grâce, nous nous hâterons de la recouvrer, nous nous déta-cherons des biens et des plaisirs du monde, nous supporterons les misères de la vie en esprit de pénitence, nous reconnaîtrons que c'est le bon Dieu qui nous les envoie pour expier nos péchés. Hé-las ! devons-nous dire en nous-mêmes, je cours à grands pas vers mon éternité, tout à l'heure, je ne serai plus de ce monde... Après ce monde, où vais-je aller passer mon éternité ?... Serai-je dans le ciel ou dans l'enfer ?... Cela dépend de la vie que je vais mener ; oui, jeune ou vieux, je penserai souvent à la mort, afin de m'y préparer de bonne heure.
Heureux, M.F., celui qui sera toujours prêt ! C'est le bon-heur que je vous souhaite !...

16ème DIMANCHE APRÈS LA PENTE-CÔTE
Sur l'Humilité

Omnis, qui se exaltat, humiliabitur, et qui se humiliat, exaltabitur.
Quiconque s'élève sera humilié, et quiconque s'abaisse sera élevé.
(S. Luc, XVIII, 14.)

Notre divin Sauveur, M.F., pouvait-il nous montrer d'une manière plus claire et plus évidente, la nécessité de nous humilier, c'est-à-dire d'avoir de bas sentiments de nous-mêmes, soit dans nos pensées, soit dans nos paroles, soit dans nos actions, si nous voulons espérer d'aller chanter les louanges de Dieu pendant l'éternité ? - Étant un jour dans la compagnie de plusieurs person-nes, et voyant, dis-je, que plusieurs semblaient se glorifier du bien qu'elles avaient fait et méprisaient les autres, Jésus-Christ leur proposa cette parabole qui, selon toute apparence ; était une véri-table histoire. « Deux hommes, leur dit-il, montèrent au temple pour y faire leur prière ; l'un d'eux était pharisien, et l'autre publi-cain. Le pharisien se tenant debout parlait ainsi à Dieu : « Je vous rends grâce, ô mon Dieu, de ce que je ne suis point comme le reste des hommes, qui sont voleurs, injustes, adultères, ni même comme ce publicain : je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que je possède. » Voilà sa prière, nous dit saint Augustin . Vous voyez bien que cette prière n'est qu'une affecta-tion pleine de vanité et d'orgueil ; il ne vient pas pour prier Dieu, ni lui rendre grâce : mais pour se louer et insulter à celui-là même qu'il prie. Le publicain, au contraire, se tenant loin de l'autel, n'osait même lever les yeux au ciel ; il frappait sa poitrine, en di-sant : « Mon Dieu, ayez pitié de moi, qui suis un pécheur. » - « Je vous déclare, ajoute Jésus-Christ, que celui-ci s'en est retourné chez lui justifié, et non pas l'autre. » Les péchés du publicain lui sont pardonnés ; et le pharisien avec toutes ses vertus rentre dans sa maison plus criminel qu'il n'en était sorti. Si vous voulez en sa-voir la raison, la voici : c'est que l'humilité du publicain, quoique pécheur, fut plus agréable à Dieu que toutes les prétendues bon-nes œuvres du pharisien avec son orgueil . Et Jésus-Christ conclut de là, que « celui qui veut s'élever sera humilié, et que celui qui s'humiliera sera élevé. » Voilà la règle, M.F., ne nous y trompons pas, la loi est générale ; c'est notre divin Maître qui vient la publier. « Quand vous auriez élevé la tête jusqu'au ciel, dit le Seigneur, je vous en arracherais . »
Oui, M.F., l'unique chemin qui conduit à l'élévation pour l'autre vie, c'est l'humilité . Sans l'humilité, cette belle et précieuse vertu, vous n'entrerez pas plus dans le ciel, que sans le baptême . Comprenons donc aujourd'hui, M.F., l'obligation que nous avons de nous humilier, et les motifs qui doivent nous y engager. Je vais donc, M.F., vous montrer : 1? Que l'humilité est une vertu qui nous est absolument nécessaire si nous voulons que nos actions soient agréables à Dieu et récompensées dans l'autre vie ; 2? Nous avons tous sujets de la prati-quer, soit du côté de Dieu, soit du côté de nous-mêmes.

I. - Avant, M.F., de vous faire comprendre le besoin que nous avons de cette belle vertu, qui nous est aussi nécessaire que le baptême après le péché originel ; aussi nécessaire, dis-je, que le sacrement de la pénitence après le péché mortel, il faut vous dire en quoi consiste cette aimable vertu, qui donne un si grand mérite à toutes nos bonnes actions, et orne si richement toutes nos bon-nes œuvres. Saint Bernard, ce grand saint qui l'a pratiquée d'une manière si extraordinaire, qui a quitté biens, plaisirs, parents et amis, pour aller passer sa vie dans les forêts, parmi les bêtes sau-vages, pour y pleurer ses péchés, nous dit que l'humilité est une vertu par laquelle nous nous connaissons nous-mêmes ; ce qui nous porte à n'avoir que du mépris pour nous-mêmes, et à ne prendre nullement plaisir à nous voir louer .
Je dis 1? que cette vertu nous est absolument nécessaire si nous voulons que nos actions soient récompensées au ciel ; puis-que Jésus-Christ nous dit lui-même que nous ne pouvons pas plus nous sauver sans l'humilité que sans le baptême. Saint Augustin nous dit : « Si vous me demandez quelle est la première vertu d'un chrétien, je vous répondrai que c'est l'humilité ; si vous me de-mandez quelle est la deuxième, je vous dirai que c'est l'humilité ; si vous redemandez quelle est la troisième, je vous dirai encore que c'est l'humilité ; et autant de fois que vous me ferez cette de-mande, je vous ferai la même réponse . »
Si l'orgueil engendre tous les péchés , nous pouvons de même dire que l'humilité engendre toutes les vertus . Avec l'hu-milité, vous aurez tout ce qu'il vous faut pour plaire à Dieu, sau-ver votre âme ; et, sans l'humilité, avec toutes les autres vertus, vous n'avez rien. Nous lisons dans le saint Évangile que quelques mères présentaient leurs enfants à Jésus-Christ pour les faire bénir. Les apôtres les faisaient retirer. Notre-Seigneur le trouvant mauvais, il leur dit : « Laissez venir à moi ces petits enfants ; car le royaume du ciel est à eux et à ceux qui leur ressemblent. » Il les embrassait et leur donnait sa sainte bénédiction. Pourquoi tant d'accueil de la part de ce divin Sauveur ? C'est que les enfants sont simples, humbles et sans malice. De même, M.F., si nous voulons être accueillis de Jésus-Christ, il faut que nous soyons simples et humbles, dans tout ce que nous faisons. « Ce fut, nous dit saint Bernard, ce fut cette belle vertu qui fut la cause que le Père éternel regarda la sainte Vierge avec complaisance ; et si, nous dit-il, la virginité attira les regards de Dieu, son humilité fut causé qu'elle conçut le Fils de Dieu. Si la sainte Vierge, est la Reine des vierges, elle est aussi la Reine des humbles . » Sainte Thérèse demandait un jour à Notre-Seigneur, pourquoi autrefois, le Saint-Esprit se communiquait avec tant de facilité aux personnages de l'Ancien Testament, soit aux patriarches, soit aux prophètes, et leur déclarait ses secrets, tandis qu'il ne le faisait plus à présent. Notre-Seigneur lui répondit, que c'était parce qu'ils étaient plus simples et plus humbles, et qu'à présent les hommes ont le cœur double et qu'ils sont remplis d'orgueil et de vanité. Dieu ne se communique pas à eux, il ne les aime pas, comme il aimait ces bons patriarches et ces prophètes, qui étaient simples et humbles. Saint Augustin nous dit : « Si vous vous humiliez profondément, et si vous reconnaissez que vous n'êtes rien, que vous ne méritez rien, le bon Dieu vous donnera des grâces avec abondance ; mais si vous voulez vous élever et vous croire quelque chose, il se retirera de vous, et vous abandonnera dans votre pauvreté. »
Notre-Seigneur, pour nous bien faire comprendre que l'hu-milité est la plus belle et la plus précieuse de toutes les vertus, commence les béatitudes par l'humilité, en disant : « Bienheureux les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux leur appar-tient. » Saint Augustin nous dit que ces pauvres d'esprit, sont ceux qui ont l'Humilité en partage . Le prophète Isaïe dit à Dieu : « Seigneur, sur qui votre Esprit-Saint descend-il ? Est-ce sur ceux qui ont grande réputation dans le monde et sur les orgueilleux ? - Non, dit le Seigneur, mais sur celui qui a le cœur humble . »
Non seulement cette vertu nous rend agréables à Dieu, mais encore aux hommes. Tout le monde aime une personne qui est humble ; l'on se plaît dans sa compagnie. D'où vient qu'ordinai-rement les enfants sont aimés, sinon parce qu'ils sont simples et qu'ils sont humbles ? Une personne qui est humble cède à tout, ne contrarie jamais personne, ne fâche personne, se contente de tout ; elle cherche toujours à se cacher aux yeux du monde. Nous en avons un bel exemple dans la personne de saint Hilarion. Saint Jérôme rapporte que ce grand saint était recherché des empereurs, des rois et des princes, de la foule du peuple attiré dans son désert par l'odeur de sa sainteté et par l'éclat et le bruit de ses miracles ; mais que lui, au contraire, fuyait le monde autant qu'il le pouvait. Il changeait souvent de cellule, afin de vivre caché et inconnu ; il pleurait sans cessé à la vue de cette multitude de religieux et du monde qui venaient à lui pour être guéris de leurs maux. Regret-tant son ancienne solitude : « Je suis, disait-il en pleurant, je suis retourné dans le monde, je recevrai ma récompense dans cette vie, puisqu'on me regarde comme une personne de quelque considéra-tion. » - « Et rien, nous dit saint Jérôme, de plus admirable que de le voir si humble parmi tant d'honneurs qu'on lui rendait. Le bruit s'étant répandu, qu'il allait se retirer dans le fond du désert et qu'on ne pourrait plus le voir, l'on mit vingt mille hommes pour le garder ; mais le saint leur dit qu'il ne prendrait pas de nourriture avant qu'on le laissât libre. On le garda pendant sept jours ; voyant qu'il ne mangeait rien.... Il s'enfuit dans le désert le plus reculé, où il se livra à tout ce que son amour pour Dieu put lui inspirer. Ce fut seulement là qu'il crut commencer à servir le bon Dieu . » Dites-moi, M.F., est-ce là une humilité, un mépris de soi-même ? Hélas ! que ces vertus sont rares ! mais aussi que les saints sont rares ! Autant on a de haine pour un orgueilleux, au-tant on aime une personne humble, parce qu'elle prend toujours la dernière place, elle respecte tout le monde et les estime tous ; c'est ce qui fait qu'on aime tant la compagnie de ces personnes qui ont de si belles qualités.
2? Je dis que l'humilité est le fondement de toutes les autres vertus . Celui qui désire servir le bon Dieu et sauver son âme, doit commencer à pratiquer cette vertu dans toute son étendue. Sans quoi, notre dévotion sera semblable à quelques bûches de paille que vous aurez plantées, et qui, au premier coup de vent, seront renversées. Oui, M.F., le démon craint fort peu ces dévotions qui n'ont pas l'humilité pour fondement, parce qu'il sait bien qu'il les renversera quand il voudra. Ce qui arriva à ce solitaire qui alla jusqu'à marcher sur des charbons ardents sans se brûler ; mais qui, manquant d'humilité, tomba quelque temps après dans les excès les plus déplorables . Si vous n'avez pas l'humilité, dites que vous n'avez rien, qu'à la première tentation vous serez renversé. Il est rapporté dans la vie de saint Antoine , que le bon Dieu lui fit voir le monde tout rempli de lacets que le démon avait tendus pour faire tomber les hommes dans le péché. Il en fut si surpris, que son corps tremblait comme la feuille des forêts, et s'adressant à Dieu : « Hélas ! Seigneur, qui pourra éviter tant de pièges ? » Il entendit une voix qui lui dit : « Antoine, celui qui sera humble ; parce que Dieu donne sa grâce aux humbles pour résister aux tentations ; au lieu qu'il permet que le démon se joue des orgueilleux, qui, dès qu'ils seront dans l'occasion, tombe-ront dans le péché. Au contraire, il n'ose pas attaquer les personnes qui sont humbles. » Quand saint Antoine était tombé, il ne faisait que s'humilier profondément devant le bon Dieu, en disant : « Hélas, Seigneur, vous savez que je ne suis qu'un misérable pécheur ! » De suite, le démon prenait la fuite.
Lorsque nous sommes tentés, M.F., tenons-nous cachés sous le voile de l'humilité, et nous verrons que le démon aura peu de force sur nous. Nous lisons dans la Vie de saint Macaire, qu'allant un jour dans sa cellule chargé de feuilles de palmier, le démon vint au-devant de lui avec une fureur épouvantable, voulant le frapper, et ne le pouvant, vu que le bon Dieu ne lui en avait pas donné le pouvoir, il s'écria : « O Macaire ! que tu me fais souf-frir ; je n'ai pas la force de te maltraiter, quoique j'accomplisse plus parfaitement que toi tout ce que tu fais : car tu jeûnes quel-quefois, mais, pour moi, je ne mange jamais ; tu veilles quelque-fois, mais, pour moi, je ne dors jamais. Il n'y a qu'une chose, en laquelle j'avoue que tu me surmontes. » Saint Macaire lui deman-da en quoi c'était. - « C'est en ton humilité. » Le saint se jeta la face contre terre, demanda au bon Dieu de ne pas succomber à la tentation, et, de suite, le démon prit, la fuite . Oh ! M.F., que cette vertu nous rend agréables à Dieu, et qu'elle est puissante pour chasser le démon ! Mais qu'elle est rare ! ce qui est bien facile à comprendre, puisqu'il y a si peu de chrétiens qui résistent au démon lorsqu'ils sont tentés.
Mais, afin que vous ne vous trompiez pas et que vous connaissiez que vous ne l'avez jamais eue, entrons dans un détail bien simple. Non, M.F., ce ne sont pas toutes les paroles et toutes les belles manifestations de mépris de soi, qui nous prouvent que nous l'avons. Avant de commencer, je vais vous citer un exemple, qui vous prouvera que les paroles signifient peu de chose. Nous trouvons dans la Vie des Pères , qu'un solitaire étant venu voir saint Sérapion, ne voulait pas prier avec lui, parce que, disait-il, j'ai tant commis de péchés que j'en suis indigne ; je n'ose même respirer là où vous êtes. Se tenant assis à terre, il n'osait pas même s'asseoir sur le même siège que saint Sérapion. Saint Sérapion voulant lui laver les pieds selon la coutume, il lui résista encore davantage. Voilà une humilité qui, selon nous, a toute l'apparence d'être bien sincère, et vous allez voir à quoi aboutit cette humilité. Saint Sérapion se contenta de lui dire, qu'il ferait bien mieux de rester dans sa solitude, que de courir de cellule en cellule en vi-vant en vagabond, et de travailler pour vivre. Alors, le solitaire ne put s'empêcher de montrer que son humilité n'était qu'une fausse vertu ; il se monta contre le saint et le quitta. Sur quoi le saint lui dit : « Eh ! mon fils, vous me disiez tout à l'heure que vous aviez fait tous les crimes imaginables, que vous n'osiez ni prier ni man-ger avec moi, et, pour un simple avertissement, qui n'a rien qui puisse vous offenser, vous vous laissez aller à la colère ! Allez, mon ami, votre vertu et toutes vos bonnes œuvres sont dénuées de la plus belle qualité, qui est l'humilité. »
Nous voyons, par cet exemple, qu'il y a bien peu de vérita-ble humilité. Hélas ! combien en est-il qui, tant qu'on les flatte, qu'on les loue, ou du moins, qu'on parait les estimer, sont tout de feu pour les pratiques de la piété, ils donneraient tout et se dé-pouilleraient de tout ; mais un petit reproche, un air d'indifférence leur jette l'amertume dans le cœur, les tourmente, leur arrache des larmes, leur fait prendre mauvaise humeur, leur fait faire mille ju-gements téméraires, pensant qu'on les traite indignement, qu'on ne le ferait pas à un autre. Hélas ! que cette belle, vertu est rare parmi les chrétiens de nos jours ! que de vertus qui n'ont que l'apparence et qui, au premier coup, sont emportées !
Mais en quoi consiste l'humilité ? - Le voici : je vous dirai d'abord qu'il y a deux sortes d'humilité, l'une intérieure et l'autre extérieure. L'humilité extérieure consiste, 1? à ne pas se louer d'avoir bien réussi dans quelque ouvrage que nous avons fait, à ne pas le répéter au monde ; à ne pas raconter nos traits de folie, les voyages que nous avons faits, notre adresse et notre habileté, ni ce que l'on nous a dit peut-être à notre avantage ; 2? à cacher le bien que nous pouvons avoir fait, comme sont nos aumônes, nos priè-res ; nos pénitences, les services que nous avons rendus au pro-chain, les grâces intérieures que le bon Dieu nous a faites ; 3? à ne pas prendre plaisir quand on nous loue ; à tâcher de détourner la conversations attribuant à Dieu le bon succès dont on nous loue ; ou à faire connaître que cela nous fait de la peine, et nous en aller, si nous le pouvons ; 4? à ne jamais dire du bien ni du mal de soi-même. Il y en a qui disent souvent du mal d'eux, afin qu'on les loue : ceci est une fausse humilité, qu'on appelle une humilité à crochet. Ne dites rien de vous, contentez-vous de penser que vous êtes un misérable, qu'il faut toute la charité d'un Dieu pour vous souffrir sur la terre ; 5? il ne faut jamais se disputer avec ses égaux ; il faut leur céder dans tout ce qui n'est pas contraire à la conscience ; ne pas toujours croire qu'on a droit ; quand on l'au-rait, il faut vite penser que l'on pourrait bien se tromper, comme cela est. arrivé tant d'autres fois ; et surtout ne jamais s'opiniâtrer à avoir le dernier mot, ce qui montre un esprit très orgueilleux ; 6? il ne faut jamais témoigner de la tristesse lorsqu'on paraît nous mépriser, ni aller s'en plaindre à d'autres ; cela montrerait que nous n'avons point d'humilité, puisque si nous en avions, nous ne trouverions jamais que l'on nous méprise, parce que jamais l'on ne pourra nous traiter comme nous le méritons à cause de nos pé-chés ; au contraire, il faut en remercier le bon Dieu, comme le saint roi David, qui rendait le bien pour le mal , en pensant com-bien il avait lui-même méprisé le Seigneur par ses péchés ; 7? il faut être bien content quand on vous méprise, à l'exemple de Jé-sus-Christ, dont il est dit « qu'il se rassasiait d'opprobres , » et à l'exemple des apôtres, de qui il est dit « qu'ils avaient une grande joie d'être trouvés dignes de souffrir quelque mépris, quelques ignominies pour l'amour de Jésus-Christ ; » ce qui fera tout notre bonheur et notre espérance à la mort ; 8? nous ne devons pas nous excuser de nos fautes, quand nous avons fait quelque chose qui peut nous faire blâmer ; ne pas faire penser que ce n'est pas, soit par des mensonges ou des détours, ou par notre air qui semble dire que ce n'est pas nous. Quand même nous serions accusés à fort, pourvu que la gloire du bon Dieu n'y soit pas intéressée, nous ne devons rien dire. Voyez ce qui arriva à cette jeune fille à qui on avait donné le nom de frère Marin .....Hélas ! qui de nous aurait été mis à des épreuves pareilles à celle-là sans se justifier, le pouvant si facilement ? 9? cette humilité consiste à faire tout ce qu'il y de plus dégoûtant, ce que les autres ne veulent pas faire, et à aimer à être vêtu simplement.

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