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  • : In hoc signo vinces. Parousie by ROBLES Patrick
  • : Blog Parousie de Patrick ROBLES (Montbéliard, Franche-Comté, France)
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  • Dominus pascit me, et nihil mihi deerit. Le Seigneur est mon berger : je ne manquerai de rien. The Lord is my shepherd; I shall not want. El Señor es mi pastor, nada me falta. L'Eterno è il mio pastore, nulla mi mancherà. O Senhor é o meu pastor; de nada terei falta. Der Herr ist mein Hirte; mir wird nichts mangeln. Господь - Пастырь мой; я ни в чем не буду нуждаться. اللهُ راعِيَّ، فلَنْ يَنقُصَنِي شَيءٌ (Ps 23,1)
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19 juillet 2008 6 19 /07 /juillet /2008 10:32

CHAPITRE IV

Des tentations qui le plus communément fatiguent ceux qui s'adonnent à l'oraison, et de leurs remèdes

Il sera bien de traiter maintenant des tentations qui, le plus communément, fatiguent les personnes qui s'adonnent à l'oraison, et des remèdes qu'il y faut apporter. Le plus souvent ces tentations sont les suivantes : le défaut de consolations spirituelles ; la guerre des pensées importunes ; les pensées de blasphème et d'infidélité ; la crainte désordonnée ; l'excès dans le sommeil ; la défiance et le découragement dans le service de Dieu ; la présomption d'être déjà très avancé ; le désir désordonné de savoir ; le zèle indiscret pour l'avancement du prochain.

Voilà les tentations les plus ordinaires dans ce chemin de l'oraison ; nous allons indiquer les moyens de les combattre et de les faire tourner au profit de l'âme.

Premier avis

Remède contre les sécheresses, la persévérance dans le saint exercice de l'oraison.

Mérite de cette persévérance.

Ressemblance avec Jésus-Christ qui a voulu souffrir sans consolation.

Lorsque les consolations spirituelles manquent à quelqu'un, la manière d'y remédier est celle-ci : qu'il ne laisse pas pour cela l'exercice ordinaire de l'oraison, quoiqu'elle lui paraisse sans goût et de peu de fruit ; mais qu'il se mette en la présence de Dieu comme un coupable et comme un criminel, qu'il examine sa conscience, et qu'il voie si ce n'est point par sa faute qu'il a perdu cette grâce ; qu'il supplie le Seigneur, avec une entière confiance, de lui pardonner, et de faire éclater les richesses inestimables de sa patience et de sa miséricorde en le supportant, et en accordant le pardon à qui ne sait que l'offenser. De cette manière, il tirera du profit de sa sécheresse, prenant occasion de s'humilier davantage à la vue de ses nombreux péchés, et d'aimer Dieu d'un plus grand amour à la vue de cette bonté infinie qui les lui pardonne. Et quoiqu'il ne trouve pas de goût dans ces exercices, qu'il se garde bien de les quitter, parce qu'il n'est pas nécessaire que ce qui doit nous être avantageux, soit toujours accompagné de goût et de consolation. Du moins constate-t-il par l'expérience que toutes les fois que l'homme persévère dans l'oraison avec un peu d'attention et de soin, faisant bonnement le peu qu'il peut, il en sort à la fin consolé et joyeux, voyant que de son côté il a fait quelque petite chose de ce qui était en son pouvoir. Celui-là fait beaucoup, aux yeux de Dieu, qui fait tout ce qu'il peut, quoiqu'il puisse peu. Notre-Seigneur ne regarde pas tant les richesses de l'homme, que son pouvoir et sa volonté. Celui-là donne beaucoup, qui désire donner beaucoup, qui donne tout ce qu'il a, et qui ne se réserve rien pour lui. Ce n'est pas beaucoup que de rester longtemps en oraison, lorsqu'on y trouve de grandes consolations. Ce qui est vraiment beaucoup, c'est que, lorsque la dévotion est petite, l'oraison soit longue, et qu'elle soit accompagnée de beaucoup plus d'humilité, de patience et de persévérance dans les bonnes œuvres.

Il est également nécessaire, durant ce temps, de veiller sur soi avec plus de soin et de sollicitude que dans les autres, ne se perdant point de vue, et examinant avec grande attention ses pensées, ses paroles et ses œuvres. L'essentiel alors, c'est que la joie de l'esprit qui, dans cette navigation, est la principale rame, ne nous manque pas ; et quant à ce qui nous manque du côté de la grâce, il faut y suppléer par nos soins et notre diligence. Lorsque vous vous verrez dans cet état, vous devez penser, comme dit saint Bernard, que les sentinelles vigilantes qui vous gardaient se sont endormies , que les murailles qui vous défendaient sont tombées, et que par conséquent toute l'espérance de votre salut est dans les armes, attendu que ce ne sont plus les murailles, mais l'épée et l'adresse à combattre qui doivent vous défendre. Oh ! Qu'elle est grande la gloire d'une âme qui combat de cette manière, qui sans bouclier se défend, qui sans armes soutient l'attaque, qui sans force se montre forte, et qui, se trouvant seule dans le combat, prend pour compagnons d'armes sa résolution et son courage !

Il n'y a pas de plus grande gloire au monde, que d'imiter le Sauveur dans les vertus. Or, entre ses vertus, une de celles qui tiennent un rang très éminent, c'est d'avoir enduré tout ce qu'il a souffert, sans admettre dans son âme aucun genre de consolation. Ainsi, quiconque souffrira et combattra de la sorte, sera un imitateur d'autant plus insigne de Jésus-Christ, qu'il se verra plus complètement privé de tout genre de consolation. C'est là boire le calice de l'obéissance tout pur, sans mélange d'aucune autre liqueur. C'est l'épreuve principale, où se révèle la fidélité des amis, et où l'on voit s'ils sont véritables ou non.

Deuxième avis

Remède contre les pensées importunes,

la constance à les combattre courageusement et l'humilité devant Dieu.

Le remède contre les tentations des pensées importunes qui ont coutume de nous assaillir dans l'oraison, est de les combattre avec courage et avec persévérance. Toutefois cette résistance ne doit pas se faire avec trop de fatigue et d'angoisse d'esprit, parce que ce n'est pas tant une œuvre de la force que de la grâce et de l'humilité. C'est pourquoi, lorsque quelqu'un se trouve dans cet état, attendu qu'en cela il n'y a point de sa faute, ou qu'elle est très légère, il doit sans scrupule et sans abattement se tourner vers Dieu, et lui dire en toute humilité et dévotion : « Vous voyez ici, ô Seigneur de mon âme, ce que je suis. Que pouvait-on attendre de ce fumier, sinon de semblables odeurs ? Que pouvait-on espérer de cette terre que vous avez maudite, sinon des ronces et des épines ? Voilà, Seigneur, le fruit qu'elle peut produire, si vous n'avez la bonté de la purifier. » Et cela dit, qu'il reprenne le fil de son oraison comme auparavant, et qu'il attende avec patience la visite du Seigneur, qui jamais ne manque aux humbles. Si cependant les pensées continuent de vous inquiéter, et si de votre côté vous leur résistez avec persévérance, faisant ce qui dépend de vous, vous devez tenir pour certain que vous avancez beau coup plus par cette résistance, que si vous étiez à jouir de Dieu, le cœur tout inondé de délices.

Troisième avis

Remède contre les tentations de blasphème.

Pour vous délivrer des tentations de blasphème, vous devez savoir que s'il n'en est point qui donnent plus de peine, de même il n'en est point qui offrent moins de danger. Ainsi, le remède contre ces tentations, c'est de n'en point faire de cas, attendu que le péché n'est pas dans le sentiment, mais dans le consentement et dans le plaisir ; et quant au plaisir, loin de se rencontrer ici, c'est plutôt le contraire. Ainsi cela peut plutôt s'appeler peine que faute, parce qu'autant l'homme est éloigné de recevoir du plaisir de ces tentations, autant est-il éloigné de commettre de faute, quand elles arrivent. C'est pourquoi le meilleur remède, comme je l'ai dit, est de les mépriser et de ne pas les craindre. Car quand on les craint avec excès, la seule crainte les réveille et les soulève.

Quatrième avis

Remède contre les tentations d'infidélité.

Pour vaincre les tentations d'infidélité, que l'homme, se souvenant d'un côté de sa petitesse, et de l'autre de la grandeur de Dieu, s'occupe de ce que Dieu lui commande, et n'ait pas la curiosité d'approfondir ses œuvres, puisque nous voyons que la plupart d'entre elles surpassent infiniment tout ce que nous pouvons comprendre. Ainsi donc, celui qui a dessein d'entrer dans ce sanctuaire des œuvres divines, doit le faire avec beaucoup d'humilité et de respect ; il doit le regarder avec des yeux simples, comme ceux d'une colombe, et non pas avec ceux d'un serpent plein de malice, avec le cœur d'un disciple, et non pas d'un juge téméraire. Qu'il se fasse petit enfant, parce que c'est à ceux qui sont tels que Dieu enseigne ses secrets. Qu'il ne se mette point en peine de savoir le pourquoi des œuvres divines ; qu'il ferme l'œil de la raison, et qu'il ouvre seulement celui de la foi, parce qu'il est l'instrument avec lequel se doivent mesurer les œuvres de Dieu. Pour examiner les œuvres humaines, l'œil de la raison humaine est excellent ; mais pour examiner les œuvres divines, il n'y a rien de plus disproportionné que lui.

Mais parce que d'ordinaire cette tentation est pour l'homme un très grand sujet de peine, le remède est celui que nous avons indiqué pour la tentation de blasphème, c'est-à-dire qu'il ne faut point en faire cas, et qu'il faut plutôt considérer cela comme une peine que comme une faute, attendu qu'il ne peut y avoir de faute en une chose que la volonté combat, ainsi que nous l'avons expliqué dans l'avis précédent.

Cinquième avis

Remède contre la tentation d'une crainte désordonnée.

Il est quelques personnes qui sont saisies de grandes frayeurs quand, la nuit, elles s'éloignent des autres pour prier. Le remède contre cette tentation, c'est de se faire violence et de persévérer dans ce saint exercice. Car la crainte s'augmente en fuyant, et le courage en combattant. Il est encore utile de considérer que ni le démon, ni aucune autre chose, quelle qu'elle soit, ne peuvent nous nuire sans la permission de Notre-Seigneur. Une autre considération également propre à dissiper ces frayeurs, c'est de penser que nous avons un ange gardien à côté de nous, et que dans l'oraison, il est plus près de nous que partout ailleurs : car il s'y trouve présent pour nous aider, pour porter nos prières au ciel, pour nous défendre contre l'ennemi et l'empêcher de nous faire du mal.

Sixième avis

Remède contre la tentation du sommeil.

Le remède contre le sommeil excessif est de considérer que quelquefois il provient de la nécessité, et en ce cas, il ne faut point refuser au corps ce qui lui est nécessaire, afin qu'il laisse à l'âme la liberté d'agir. D'autres fois il vient de quelque infirmité ; et alors nous ne devons pas nous en affliger, puisqu'il n'y a pas de notre faute. Nous ne devons pas non plus céder entièrement, mais faire bonnement de notre côté tout ce qui sera en notre pouvoir, afin de ne pas perdre entièrement l'oraison, sans laquelle nous n'avons ni assurance ni véritable joie en cette vie.

D'autres fois, le sommeil vient de la paresse et du démon qui l'excite. En ces cas, le remède est le jeûne, de ne pas boire de vin, de boire de l'eau pure, de se tenir à genoux, ou debout, ou les bras en croix, et sans être appuyé, de prendre quelque discipline, ou de pratiquer quelque autre pénitence qui réveille et qui mortifie la chair. Enfin, l'unique et général remède pour ce mal comme pour tous les autres, est de le demander à Celui qui est toujours disposé à donner, dès qu'il rencontre des cœurs qui ne se lassent pas de prier.

Septième avis

Remède contre les tentations de défiance et de présomption.

Pour surmonter les tentations de défiance et de présomption, qui sont des vices contraires, il faut de toute nécessité employer des remèdes différents. Pour la défiance, le remède est de considérer que, dans l'affaire de la perfection chrétienne, le succès ne dépend pas seulement de nos efforts, mais encore de la grâce divine, laquelle s'obtient d'autant plus vite que l'homme se défie plus de sa propre vertu, et se confie davantage en la seule bonté de Dieu, à qui tout est possible.

Quant à la présomption, le remède est de considérer qu'il n'y a point d'indice plus clair que l'homme est éloigné du terme, que de s'en croire très proche, parce que, dans le chemin de la vie spirituelle, ceux qui découvrent plus de terre, sont ceux qui se hâtent davantage, excités qu'ils sont par la vue du grand espace qui leur reste a parcourir. Pour cette raison, ils ne font jamais cas de ce qu'ils possèdent, en comparaison de ce qu'ils désirent. Considérez-vous donc dans le miroir de la vie des saints, et de tant de personnes de vertu insigne qui sont encore sur la terre ; vous verrez que vous n'êtes devant elles que comme un nain en présence d'un géant, et vous ne serez pas tenté de présumer de vous-même.

Huitième avis

Remède contre la tentation du désir immodéré de savoir.

Le premier remède contre la tentation du désir immodéré de savoir et d'étudier, est de considérer combien la vertu est plus excellente que la science, et combien la sagesse divine surpasse la sagesse humaine, afin que l'homme voie par là avec combien plus de cœur il doit travailler et s'exercer à acquérir l'une plutôt que l'autre. Que la science du monde ait toute la gloire et toutes les couronnes qu'elle peut souhaiter ; à la fin, cette gloire et ces couronnes s'en vont avec la vie. Qu'y a-t-il donc de plus misérable que d'acquérir, au prix d'un si grand labeur, ce dont on doit jouir si peu de temps ? Tout ce que tu peux savoir ici-bas n'est rien. Et si tu t'exerces dans l'amour de Dieu, tu iras bientôt le contempler face à face, et en lui tu verras toutes choses. Au jour du jugement, on ne nous demandera pas ce que nous avons lu, mais ce que nous avons fait ; ni si nous avons bien parlé ou prêché, mais si nous avons fait de bonnes actions.

Neuvième avis

Remède contre la tentation du zèle indiscret pour l'avancement du prochain.

Le principal remède contre la tentation qui nous porte à travailler avec un zèle indiscret au bien des autres, est de nous appliquer de telle sorte à l'avancement du prochain, que cela ne tourne point à notre préjudice ; et de nous occuper de la direction des consciences, de telle sorte, que nous prenions aussi du temps pour la nôtre. Ce temps doit être tel, qu'il suffise pour maintenir continuellement notre cœur dévot et recueilli, parce que c'est là, comme dit l'Apôtre, marcher en esprit, ce qui veut dire que l'homme marche plus en Dieu qu'en lui-même. Et puisque c'est un point qui doit être la racine et le principe de tout notre bien, c'est à nous d'employer toutes nos forces et tout notre travail pour nous tenir dans unetelle union avec Dieu, qu'elle suffise pour conserver toujours notre cœur dans cette sorte de solitude et de dévotion. Or, pour le mettre en cet heureux état, toute sorte de recueillement ne suffit pas ; mais il faut une oraison longue et profonde.

CHAPITRE V

De quelques avis nécessaires aux personnes qui s'adonnent à l'oraison.

Une des choses les plus ardues et les plus difficiles qui se rencontrent dans la vie spirituelle, est de savoir aller à Dieu et de traiter familièrement avec lui. C'est pourquoi, pour marcher dans ce chemin sans s'y égarer, il faut d'abord à l'âme un bon guide ; et il lui faut ensuite quelques avis. C'est ce qui nous détermine à en donner ici quelques-uns avec notre brièveté accoutumée.

Premier avis

De la fin que nous devons nous proposer dans tous nos exercices,

et en quoi consiste notre avancement spirituel.

Entre ces avis, le premier est relatif à la fin que nous devons nous proposer dans ces exercices.

Pour bien comprendre quelle est cette fin, il faut se rappeler que cette communication avec Dieu étant une chose pleine de douceur et de délices, comme le dit le Sage, il en résulte que plusieurs personnes attirées par la force de cette merveilleuse suavité, qui surpasse tout ce que l'on en peut dire, s'approchent de Dieu et s'adonnent à tous les exercices spirituels, à la lecture des bons livres, à l'oraison, à l'usage des sacrements, à cause du goût extraordinaire qu'elles y trouvent ; de telle sorte que la principale fin qui les porte à ces exercices est le désir de cette merveilleuse suavité. Or, c'est là une très grande erreur, dans laquelle malheureusement l'on voit tomber un grand nombre de personnes. La fin principale de toutes nos œuvres devant être d'aimer Dieu et de chercher Dieu, ces âmes montrent par leur conduite qu'elles s'aiment et se cherchent elles-mêmes plutôt que Dieu, c'est-à-dire qu'elles cherchent leur propre goût et leur contentement, ce qui est la fin que les philosophes se proposaient dans leur contemplation. Cette conduite, comme dit un docteur, est une espèce d'avarice, d'incontinence, et de gourmandise spirituelle, qui n'est pas moins dangereuse que celle des sens.

Ce qui est encore plus grave, c'est que de cette erreur il en suit une autre qui n'est pas moindre, et qui fait que l'homme juge de lui-même et des autres par ces goûts et par ces sentiments, croyant que chacun a plus ou moins de perfection, selon qu'il a plus ou moins de goût de Dieu, ce qui est se tromper de la manière la plus grossière. Or, contre ces deux erreurs, un remède efficace sera cet avis et cette règle générale : Que chacun comprenne bien que la fin de tous ces exercices, et de toute la vie spirituelle, est l'obéissance aux commandements de Dieu, et l'accomplissement de la divine volonté ; et que pour cela, il est nécessaire que la volonté propre, qui lui est si contraire, meure, afin que de cette manière la volonté divine vive et règne en nous.

Mais comme une si grande victoire ne peut se remporter sans de grandes faveurs et de grandes consolations de Dieu, une des fins principales pour lesquelles on doit s'exercer dans l'oraison, est d'obtenir ces faveurs et de sentir ces délices qui nous feront réussir dans cette entreprise. Quand on se conduit de cette manière, et que c'est pour une pareille fin qu'on demande et qu'on recherche les délices de l'oraison, cela est très permis, comme nous l'avons dit plus haut ; et c'est ainsi que David les demandait, quand il disait. « Rendez-moi, Seigneur, la joie de votre salut, et confirmez-moi par votre esprit principal (1). » C'est donc à la lumière de cette vérité que l'homme comprendra la fin qu'il doit se proposer dans ces exercices ; et c'est encore à la lumière de cette vérité qu'il entendra par où il doit estimer et mesurer son avancement et celui des autres : que ce ne doit point être sur les goûts qu'il aura reçus de Dieu, mais sur ce qu'il aura souffert pour l'amour de lui, tant en faisant la volonté divine qu'en renonçant à la sienne propre.

Que ce doive être là la fin de toutes nos lectures et de toutes nos oraisons, je n'en veux point d'autre preuve que cette divine oraison contenue dans le psaume Beati immaculati in via. Ce psaume, composé de cent soixante-seize versets, et le plus long du psautier, ne renferme pas un verset qui ne parle de la loi de Dieu, et de l'observation exacte de ses commandements. Le Saint-Esprit a voulu qu'il en fût ainsi, afin que les hommes vissent clairement par là comment toutes leurs oraisons et leurs méditations devaient se rapporter en tout et en partie à cette fin, c'est-à-dire à la garde et à l'accomplissement de la loi de Dieu. Tout ce qui s'écarte de ce principe est un des plus subtils et des plus spécieux artifices de l'ennemi, à l'aide duquel il fait croire aux hommes qu'ils sont quelque chose, n'étant véritablement rien. C'est pourquoi les saints disent très bien que la véritable preuve de l'avancement spirituel de l'homme n'est pas le goût de l'oraison, mais la patience dans la tribulation, le renoncement à soi-même, et l'accomplissement de la loi divine, bien que pour tout cela, l'oraison, ainsi que les goûts et les consolations qui s'y rencontrent, soient d'un très grand secours.

Conformément à cette vérité, que celui qui veut connaître combien il a avancé dans ce chemin spirituel, considère combien il avance chaque jour dans l'humilité intérieure et extérieure ; comment il souffre les injures que les autres lui peuvent faire ; comment il sait excuser les faiblesses d'autrui ; avec quelle affection il va au secours des nécessités du prochain ; comment il est ému de compassion, au lieu de s'indigner des défauts des autres ; comment il sait espérer en Dieu dans le temps de la tribulation ; comment il gouverne sa langue, comment il garde son cœur, comment il tient sa chair domptée avec tous ses appétits et ses sentiments ; comment il sait tirer profit des prospérités et des adversités ; de quelle manière, avec quelle gravité et quelle discrétion, il se conduit en toutes choses ; par-dessus tout, qu'il considère s'il est mort à l'amour de l'honneur, du plaisir et du monde ; qu'il considère jusqu'à quel point il a avancé ou reculé en tout cela : et qu'il se juge là dessus, et non sur ce qu'il sent ou ce qu'il ne sent pas de Dieu. Pour ce sujet, il doit toujours tenir un œil, et le principal, fixé sur la mortification, et l'autre sur l'oraison, parce que cette même mortification ne peut parfaitement s'obtenir sans le secours de l'oraison.

Deuxième avis

Nous ne devons pas désirer les faveurs extraordinaires.

Que si nous ne devons pas désirer des consolations et des délices spirituelles, pour nous y arrêter uniquement, mais à cause des avantages qu'elles nous procurent, beaucoup moins encore devons-nous désirer des visions, des révélations, des ravissements, et choses semblables, qui peuvent être plus dangereuses pour ceux qui ne sont pas fondés dans l'humilité. Que l'homme ne craigne pas d'être désobéissant à Dieu en ce point : car quand Dieu veut révéler quelque chose, il sait le découvrir par des voies qui triomphent de toutes les résistances de l'homme, et il le lui fait connaître avec une telle évidence, qu'il lui est impossible, quand il le voudrait, de concevoir le moindre doute.

Troisième avis

Tenir secrètes les faveurs que nous recevons dans l'oraison.

De même, il est très à propos de tenir secrètes les faveurs et les consolations que Notre-Seigneur nous fait dans l'oraison, et de ne nous en ouvrir qu'au maître spirituel qui nous dirige. C'est ce qui fait dire à saint Bernard que l'homme dévot doit avoir ces paroles écrites dans sa cellule : « Mon secret est à moi, mon secret est à moi. Secretum meum mihi, secretum meum mihi. »

Quatrième avis

Avec quelle humilité et quel respect nous devons nous comporter envers Dieu.

L'homme doit encore être fidèle à se comporter envers Dieu avec la plus grande humilité et le plus grand respect possible. Ainsi, que l'âme, alors même qu'elle reçoit de Pieu les plus grandes faveurs et les plus grandes délices, ne manque jamais de tourner les yeux sur son intérieur, de considérer sa bassesse, de replier ses ailes, et de s'humilier devant une si haute Majesté, comme le faisait saint Augustin, de qui il est dit : qu'il avait appris à se réjouir avec crainte en la présence du Seigneur.

Cinquième avis

Outre les exercices quotidiens,

nous devons prendre de temps en temps quelques jours pour la retraite.

Nous avons dit plus haut que le serviteur de Dieu doit travailler à avoir ses temps réglés pour s'entretenir avec lui dans l'oraison. Mais indépendamment du temps qu'il consacre chaque jour à ce commerce, il doit à certaines époques se délivrer de toute espèce d'affaires, même de celles qui seraient saintes, pour se livrer entièrement aux exercices spirituels, et pour donner à son âme une nourriture abondante à l'aide de laquelle il puisse réparer ce qui se perd par les défauts de chaque jour, et prendre de nouvelles forces pour passer plus avant. Et, bien que ceci doive se faire en d'autres temps, on doit, néanmoins, le pratiquer plus spécialement aux principales fêtes de l'année, dans les temps de tribulations et de peines, après de longs voyages, et, après avoir été occupé d'affaires qui ont distrait et dissipé le cœur, afin de le faire rentrer dans le recueillement.

Sixième avis

De la mesure et de la discrétion dans les exercices spirituels.

Il se rencontre des personnes qui ont peu de mesure et de discrétion dans leurs exercices quand elles sont bien avec Dieu, et à qui leur prospérité même devient une occasion de danger. En effet, ces personnes se figurent que cette grâce leur est donnée à pleines mains ; et comme elles trouvent tant de suavité dans la communication avec le Seigneur, elles s'y abandonnent si fort, elles prolongent tellement l'oraison et les veilles, et augmentent de telle sorte les austérités corporelles, que la nature ne pouvant souffrir la continuité d'une si rude charge, vient à tomber par terre avec elle.

Il arrive de là que plusieurs personnes viennent à se gâter l'estomac et la tête, et par suite se rendent inhabiles, non-seulement pour les autres travaux corporels, mais encore pour ces mêmes exercices de l'oraison. C'est pourquoi il convient d'user de beaucoup de mesure et de discrétion dans les exercices de la vie spirituelle, surtout dans les commencements, où les ferveurs et les consolations sont plus grandes, et où l'expérience et la discrétion n'abondent pas, afin de nous accoutumer à marcher de telle sorte, que nous ne demeurions pas au milieu du chemin.

Il y a une autre extrémité contraire à celle-ci, et c'est celle des délicats qui, sous couleur de ménagements, dérobent leur corps au travail et à la souffrance. Cette extrémité, quoique très nuisible pour toute espèce de personnes, l'est cependant beaucoup plus pour ceux qui commencent. Et saint Bernard en donne ainsi la raison : « Il est impossible, dit-il, que celui-là persévère longtemps dans la vie religieuse qui étant novice se ménage déjà, qui ne faisant que de commencer, veut être prudent, et qui, étant encore nouveau et tout jeune, commence à se traiter et à se soigner comme un vieillard. » Il n'est pas facile de juger laquelle de ces deux extrémités est la plus dangereuse. Ce qui est vrai, comme le dit très bien Gerson, c'est que l'indiscrétion est plus incurable, parce que tant que le corps est sain, il y a espérance qu'on pourra apporter remède au mal ; mais lorsqu'il est déjà ruiné par l'indiscrétion, il est bien malaisé de trouver un remède.

Septième avis

Qu'avec l'oraison, nous devons faire marcher de front la pratique des vertus.

Il y a encore un autre danger dans le chemin de la vie spirituelle, et plus grand peut-être que tous ceux dont j'ai parlé jusqu'ici. Je m'explique. Bien des personnes ayant diverses fois expérimenté la vertu inestimable de l'oraison, et vu par expérience comment tout le concert de la vie spirituelle dépend d'elle, se figurent qu'elle seule est tout, et qu'elle seule suffit pour les mettre en sûreté ; et ainsi elles viennent à oublier la pratique des autres vertus, et à se relâcher en tout le reste. Il arrive de là que comme toutes les autres vertus concourent à affermir cette vertu, dès que le fondement croule, tout l'édifice vient à tomber aussi ; et ainsi, plus l'homme s'efforce d'acquérir cette vertu, moins il y peut réussir.

C'est pourquoi le serviteur de Dieu ne doit point fixer ses regards sur une vertu seule, quelque grande qu'elle soit, mais sur toutes les vertus. Car, comme dans un luth une seule corde, sans le concours de toutes les autres, ne fait point d'harmonie ; ainsi, une seule vertu, sans le concours de toutes les autres, ne suffit point pour faire cette consonance spirituelle. Et comme dans une horloge, s'il y a un seul ressort qui soit embarrassé, tout le reste s'arrête ; ainsi en arrive-t-il dans l'horloge de la vie spirituelle, si une seule vertu vient à manquer.

Huitième avis

Qu'il faut considérer les choses de la vie spirituelle non comme une œuvre d'art,

mais comme une œuvre de la grâce.

Il convient d'avertir ici que toutes les choses que nous venons de signaler comme favorables à la dévotion, doivent être regardées comme de simples préparatifs par lesquels l'homme se dispose à l'action de la grâce divine, et qu'ainsi, tout en les mettant soigneusement en pratique, il ne doit pas établir en eux sa confiance, mais en Dieu seul. Je dis ceci, parce qu'il y a quelques personnes qui font comme un art de toutes ces règles et de tous ces enseignements. Il leur semble que, de même que celui qui apprend un métier, s'il en garde bien les règles, doit, en vertu de ces règles, devenir promptement un habile ouvrier ; de même aussi, celui qui observera fidèlement ces règles de la vie spirituelle, doit en vertu de cela' acquérir en peu de temps ce qu'il désire. Mais ces personnes ne considèrent pas que c'est là faire un art de la grâce, et attribuer à des règles et à des industries humaines, ce qui est un pur don et une miséricorde du Seigneur.

C'est pourquoi il convient de considérer ces affaires de la vie spirituelle, non comme une chose d'art, mais comme une chose de la grâce. En les regardant ainsi, l'homme saura que le principal moyen pour obtenir des dons si précieux, est une profonde humilité et une parfaite connaissance de sa propre misère, avec une confiance entière en la miséricorde de Dieu. De cette vue de la misère et de la miséricorde, naîtront de continuelles larmes et de ferventes oraisons ; et l'homme, entrant ainsi par la porte de l'humilité, obtiendra par l'humilité ce qu'il désire, et le conservera avec humilité, sans se confier d'aucune manière ni en la méthode de ses exercices, ni en quoi que ce soit qui vienne de lui.

(1) Ps. L, 14

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