Saint Curé d'Ars
3) Recours à la prière : il est étrange que, Jésus-Christ s'étant si souvent, si solennellement engagé à exaucer tous nos vœux, la plupart des chrétiens se plaignent tous les jours de n'être pas écoutés. Car enfin, on ne peut pas rejeter la stérilité de nos prières sur la nature des biens que nous demandons, puisqu'il n'a rien excepté dans ses promesses : Omnia quœcumque orantes petitis, credite quia accipietis. On ne doit pas non plus l'attribuer, cette stérilité, à l'indignité de ceux qui demandent, puisqu'Il a promis sans exception à toutes sortes de personnes : Omnis qui petit, accipit. D'où peut donc venir que tant de prières sont rejetées ? Ne serait-ce point peut-être que, comme la plupart des hommes sont également insatiables et impatients dans leurs désirs, ils font des demandes si excessives ou si pressantes, qu'ils lassent, qu'ils rebutent le Seigneur ou par leur indiscrétion ou par leur importunité ? Non, non ; l'unique raison pour laquelle nous obtenons si peu de Dieu, c'est que nous Lui demandons trop peu, et avec trop peu d'insistance. Jésus-Christ, il est vrai, nous a promis, de la part de Son Père, de nous tout accorder, et même les plus petites choses ; mais Il nous a prescrit un ordre à observer, dans tout ce que nous demandons, et, sans l'observation de cette règle, en vain espérons-nous de rien obtenir. Il nous a dit, dans Saint-Matthieu : cherchez d'abord le Royaume de Dieu et sa Justice, et tout le reste vous sera donné comme surcroît : quærite primum regnum Dei et justitiam eius, et hæc omnia adjicientur vobis. Pour obtenir des biens : on ne vous défend pas de souhaiter des richesses, et tout ce qui est nécessaire à l'entretien, même à la douceur de la vie ; mais il faut souhaiter ces biens dans leur rang, et si vous voulez qu'à cet égard vos désirs soient infailliblement accomplis, demandez d'abord les plus grandes choses, afin qu'en vous les accordant, Il y ajoute encore les plus petites. Voilà justement ce qui arriva à Salomon. Dieu lui ayant donné la liberté de demander tout ce qu'il voudrait, il Le supplia de lui accorder la sagesse, dont il avait besoin pour s'acquitter saintement de ses devoirs de la royauté. Il ne fit aucune mention ni des trésors ni de la gloire du monde ; il crut que si Dieu lui faisait une offre si avantageuse, il devait en prendre occasion d'obtenir des biens considérables. Sa prudence lui mérita aussitôt ce qu'il demandait, et même ce qu'il ne demandait pas. Quia postulasti verbum hoc, et non petisti tibi dies multos, nec divitias..., ecce feci tibi secundum sermones tuos : je vous accorde volontiers cette sagesse, parce que vous Me l'avez demandée, mais Je ne laisserai pas de vous combler d'années d'honneurs et de richesses, parce que vous ne M'avez rien demandé de tout cela : Sed et hæc quæ non postulasti, divitias scilicet et gloriam. Si donc c'est là l'ordre que Dieu observe dans la distribution de ses Grâces, nous ne devons pas nous étonner que, jusqu'ici, nous ayons prié sans succès. Je vous avoue que souvent je suis touché de compassion, quand je vois l'empressement de certaines personnes, qui distribuent des aumônes, qui vouent des pèlerinages et des jeûnes, qui intéressent jusqu'aux ministres des autels pour le succès de leurs entreprises temporelles. Hommes aveugles, je crains que vous ne priiez et que vous ne fassiez prier en vain ! Il fallait faire ces offrandes, vouer ces jeûnes, ces pèlerinages, pour obtenir de Dieu une entière réforme de vos mœurs, pour obtenir la patience chrétienne, le mépris du monde, le détachement des créatures ; après ces premières démarches d'un zèle réglé, vous auriez pu faire des prières pour le retour de votre santé et pour l'avancement de vos affaires ; Dieu aurait écouté ces prières, ou plutôt Il les aurait prévenues et se serait contenté de connaître vos désirs pour les accomplir. Sans ces premières Grâces, tout le reste pourrait être nuisible et il l'est pour l'ordinaire, voilà pourquoi on nous le refuse. Nous murmurons, nous accusons le Ciel de dureté, de peu de fidélité dans ses promesses. Mais notre Dieu est un Père plein de Bonté, qui aime mieux essuyer nos plaintes et nos murmures, que de les apaiser par des présents qui nous seraient funestes. Pour écarter les maux : ce que j'ai dit des biens, je le dis encore des maux dont nous souhaitons d'être délivrés. - Je ne soupire point, dira quelqu'un, pour une grande fortune, je me contenterais de sortir de cette extrême indigence où mes malheurs m'ont réduit ; je laisse la gloire et la haute réputation à ceux qui en sont affamés, je voudrais seulement éviter l'opprobre où me jettent les calomnies de mes ennemis ; enfin, je me passe des plaisirs, mais je souffre des douleurs que je ne puis plus supporter ; depuis longtemps je prie, je demande avec instance au Seigneur qu'il veuille les adoucir ; mais je le trouve inexorable. - Je n'en suis pas surpris ; vous avez des maux secrets bien plus considérables que les maux dont vous vous plaignez, maux néanmoins dont vous ne demandez point d'être affranchis ; si, pour l'obtenir, vous aviez fait la moitié des prières que vous avez faites pour être guéri des maux extérieurs, il y a longtemps que Dieu vous aurait délivré des uns et des autres. La pauvreté vous sert à tenir dans l'humilité votre esprit, naturellement orgueilleux ; l'attachement extrême que vous avez pour le monde vous rend nécessaires ces médisances qui vous affligent ; les maladies sont, en vous, comme une digue contre la pente que vous avez pour le plaisir, contre cette pente qui vous entraînerait dans mille malheurs. Ce ne serait pas vous aimer, ce serait vous haïr cruellement, que de vous décharger de ces croix, avant de vous donner les vertus que vous n'avez pas. Si le Seigneur vous voyait quelque empressement pour ces vertus, Il vous les accorderait sans délai, et il ne serait pas nécessaire de demander le reste. On ne demande pas assez. Vous voyez donc que, pour ne demander pas assez, nous ne recevons rien, parce que Dieu ne saurait nous accorder peu, ne saurait borner sa Libéralité à de petits objets, sans nous nuire à nous-mêmes. Je vous prie d'observer que je ne dis pas qu'on ne puisse, sans offenser Dieu, demander des prospérités temporelles, demander d'être délivré des croix sous lesquelles on gémit ; je sais que pour rectifier les prières par lesquelles on sollicite ces sortes de grâces, il suffit de les demander à condition qu'elles ne seront contraires ni à la Gloire de Dieu, ni à notre propre salut ; mais comme il est difficile qu'il soit glorieux à Dieu de vous exaucer ou utile pour vous d'être exaucé, si vous n'aspirez pas à de plus grands dons, je dis que, tandis que vous vous contentez de peu, vous courez le risque de ne rien obtenir. Voulez-vous que je vous donne une bonne méthode pour demander le bonheur même temporel, méthode capable de forcer Dieu à vous exaucer ? Dites-lui de tout votre cœur : mon Dieu, ou donnez-moi tant de richesses que mon cœur en soit satisfait ou inspirez-m'en un mépris si grand, que je ne les désire plus ; ou délivrez-moi de la pauvreté ou rendez-la-moi si aimable que je la préfère à tous les trésors de la terre ; ou faites cesser ces douleurs ou, ce qui Vous serait encore plus glorieux, faites qu'elles se changent en délices pour moi, et que loin de m'affliger et de troubler la paix de mon âme, elles deviennent à mon égard la source de la joie la plus douce. Vous pouvez me décharger de la croix ; Vous pouvez me la laisser, sans que j'en sente le poids. Vous pouvez éteindre le feu qui me brûle : Vous pouvez, sans l'éteindre, faire qu'au lieu de me brûler il me serve de rafraîchissements, comme il a servi aux jeunes Hébreux dans la fournaise de Babylone. Je Vous demande l'un ou l'autre. Qu'importe de quelle manière je sois heureux ? Si je le suis par la possession des biens terrestres, je Vous en rendrai d'immortelles actions de grâces ; si je le suis par la privation de ces mêmes biens, ce sera un prodige qui donnera encore plus de Gloire à Votre Nom, et je n'en serai que plus reconnaissant. Voilà une prière digne d'être offerte à Dieu par un véritable chrétien. Lorsque vous prierez de la sorte, savez-vous quel sera l'effet de vos vœux ? Premièrement, vous serez content, quoi qu'il arrive ; et que désirent autre chose ceux qui sont les plus affamés des biens temporels, si ce n'est d'être contents ? En second lieu, non seulement vous obtiendrez infailliblement l'une des deux choses que vous aurez demandées, mais, pour l'ordinaire, vous les obtiendrez toutes deux. Dieu vous accordera la jouissance des richesses ; et afin que vous les possédiez sans attachement et sans danger, Il vous en inspirera en même temps un mépris salutaire. Il mettra fin à vos douleurs, et, de plus, Il vous en laissera une soif ardente, qui vous donnera tout le mérite de la patience, sans que vous souffriez. En un mot, Il vous rendra heureux dès cette vie, et de peur que votre bonheur ne vous corrompe, Il vous en fera connaître et sentir la vanité. Peut-on rien désirer de plus avantageux ? Rien, sans doute. Mais comme un avantage si précieux est bien digne d'être demandé, souvenez-vous qu'il mérite encore d'être demandé avec insistance. Car la raison pour laquelle on obtient si peu, ce n'est pas seulement parce qu'on demande peu, c'est encore parce que, soit que l'on demande peu, soit que l'on demande beaucoup, on ne demande pas assez. Persévérance dans la prière : voulez-vous que toutes vos prières soient infailliblement efficaces ? Voulez-vous forcer Dieu à satisfaire tous vos désirs ? Je dis d'abord qu'il ne faut jamais se lasser de prier. Ceux qui se relâchent, après avoir prié quelque temps, manquent ou d'humilité ou de confiance ; et ainsi ils ne méritent pas qu'on les exauce. Il semble que vous prétendiez qu'on obéisse sur l'heure à votre prière, comme si c'était un commandement ; ne savez-vous pas que Dieu résiste aux superbes, et qu'il n'a de complaisance que pour les humbles ? Quoi ? votre orgueil ne saurait-il souffrir qu'on vous fasse revenir plus d'une fois pour la même chose ? C'est avoir bien peu de confiance en la Bonté de Dieu, que d'en désespérer si tôt, que de prendre les moindres délais pour des refus absolus. Quand on a véritablement conçu jusqu'où s'étend la Bonté de Dieu, on ne se croit jamais rebuté, on ne saurait croire qu'Il veuille nous ôter toute espérance. Pour moi, j'avoue que plus je vois que Dieu me fait demander une même grâce, plus je sens croître en moi l'espérance de l'obtenir ; je ne crois jamais que ma prière est rejetée, que quand je m'aperçois que j'ai cessé de prier ; lorsque, après un an de sollicitations, je me trouve autant de ferveur que j'en avais en commençant, je ne doute plus de l'accomplissement de mes désirs ; et bien loin de perdre courage après tant de délais, je crois avoir lieu de me réjouir, parce que je suis persuadé que je serai d'autant plus pleinement satisfait qu'on m'aura laissé prier plus longtemps. Si mes premières instances avaient été entièrement inutiles, je n'aurais pas si souvent réitéré les mêmes vœux, mon espérance ne se serait pas soutenue ; puisque mon assiduité n'a pas cessé, c'est une raison pour moi de croire que j'en serai payé libéralement. En effet, la conversion d'Augustin ne fut accordée à Sainte-Monique qu'après seize ans de larmes ; mais aussi ce fut une conversion entière, une conversion incomparablement plus parfaite qu'elle ne l'avait demandée. Tous ses désirs se terminaient à voir l'incontinence de ce jeune homme réduite dans les bornes du mariage, et elle eut le plaisir de lui voir embrasser les conseils les plus élevés de la chasteté évangélique. Elle avait seulement souhaité qu'il fût baptisé, qu'il fût chrétien, et elle le vit élevé au sacerdoce, à la dignité d'évêque. Enfin, elle ne demandait à Dieu que de le voir sortir de l'hérésie, et Dieu en fit la colonne de son Église et le fléau des hérétiques de son temps. Si, après un ou deux ans de prières, cette pieuse mère se fut rebutée?; si, après dix ou douze ans, voyant que le mal croissait tous les jours, que ce malheureux fils s'engageait encore en de nouvelles erreurs, en de nouvelles débauches, qu'à l'impureté il avait ajouté l'avarice et l'ambition ; si alors elle eût tout abandonné par désespoir, quelle aurait été son illusion ! Quel tort n'aurait-elle pas fait à son fils ? De quelle consolation ne se serait-elle pas privée elle-même ! De quel trésor n'aurait-elle pas frustré son siècle et tous les siècles à venir ! Une confiance obstinée : en finissant, je m'adresse à ces personnes, que je vois courbées au pied des autels, pour obtenir ces précieuses grâces que Dieu a tant de complaisance de nous voir demander. Âmes heureuses à qui Dieu fait connaître la vanité des choses mondaines, âmes qui gémissez sous le joug de vos passions, et qui priez afin d'en être délivrées, âmes ferventes qui êtes tout enflammées du désir d'aimer Dieu et de le servir comme les Saints l'ont servi, et vous qui sollicitez pour la conversion de ce mari, de cette personne qui vous est si chère, ne vous lassez point de demander, soyez constants, soyez infatigables dans vos poursuites ; si on vous refuse aujourd'hui, demain vous obtiendrez tout ; si vous n'emportez rien cette année, l'année prochaine vous sera plus favorable ; ne pensez pas cependant que votre peine soit perdue : on vous tient compte de tous vos soupirs, vous recevrez à proportion du temps que vous aurez employé à demander ; on vous amasse un trésor qui comblera tout d'un coup, qui surpassera tous vos désirs. Il faut jusqu'au bout vous découvrir les ressorts secrets de la Providence : le refus que vous essuyez maintenant n'est qu'une feinte dont Dieu se sert pour enflammer davantage votre ferveur. Voyez comme Il en use envers la Chananéenne, comme Il refuse de la voir et de l'entendre, comme Il la traite d'étrangère, et plus durement encore. Ne diriez-vous pas que l'importunité de cette femme l'irrite de plus en plus ? Cependant, en lui-même, Il l'admire, Il est charmé de sa confiance et de son humilité ; et c'est pour cela qu'Il la rebute. Ô Clémence déguisée, qui prends le masque de la cruauté, avec quelle Tendresse rejettes-Tu ceux que Tu veux le plus exaucer ! Gardez-vous de vous y laisser surprendre ; au contraire, pressez d'autant plus qu'on semblera vous rebuter davantage. Faites comme la Chananéenne, servez-vous contre Dieu même des raisons qu'Il peut avoir de vous refuser. Il est vrai que me favoriser - devez-vous dire - ce serait donner aux chiens le pain des enfants ; je ne mérite pas la grâce que je demande, mais aussi n'est-ce pas à mes mérites que je prétends qu'on l'accorde, c'est aux mérites de mon Aimable Rédempteur. Oui, Seigneur, vous devez craindre que vous n'ayez plus d'égard à mon indignité qu'à Votre Promesse, et qu'en voulant me faire justice, Vous ne vous fassiez tort à Vous-même. Si j'étais plus digne de Vos bienfaits, il Vous serait moins Glorieux de m'en faire part. Il n'est pas juste de faire des faveurs à un ingrat ; hé ! Seigneur, ce n'est pas Votre Justice, c'est votre Miséricorde que j'implore. Soutenez votre courage, âme heureuse, qui avez si bien commencé à lutter avec Dieu, ne Lui donnez point de relâche ; il aime la violence que vous Lui faites, Il veut être vaincu. Signalez-vous par votre importunité, faites voir en vous un miracle de constance, forcez Dieu à quitter le déguisement et à vous dire avec admiration : Magna est fides tua, fiat tibi sicut vis. Ô homme, que votre foi est grande ; J'avoue que Je ne puis plus vous résister : allez, vous aurez ce que vous désirez, et pour cette vie et pour l'autre. Exercice particulier de conformité à la Divine Providence : la pratique de ce pieux exercice est d'une grande importance, à cause des avantages précieux qu'en retirent toujours les personnes qui veulent bien s'y appliquer.
1) Acte de Foi, d'Espérance et de Charité
I. - On produit d'abord un acte de foi en la Providence Divine. On tâche de bien se pénétrer de cette vérité, que Dieu prend un soin continuel et très attentif, non seulement de toutes choses en général, mais encore de chacune en particulier, de nous surtout, de notre âme, de notre corps, de tout ce qui nous intéresse, que Sa Sollicitude, à laquelle rien n'échappe, s'étend à notre réputation, à nos travaux, à nos besoins de toute nature, à notre santé comme à nos maladies, à notre vie comme à notre mort et jusqu'au moindre de nos cheveux, qui ne peut tomber sans sa permission.
II. - Après l'acte de foi, on fait un acte d'espérance. On s'excite alors à une ferme confiance que cette Providence Divine pourvoira à tout ce qui nous concerne, qu'elle nous dirigera, nous défendra avec une vigilance et une affection plus que paternelles, et nous gouvernera de telle sorte que, quoi qu'il arrive, si nous nous soumettons à sa conduite, tout nous sera favorable et tournera à notre bien, même les choses qui y sembleraient le plus contraires.
III. - Il faut ajouter à ces deux actes celui de charité. On témoigne à la Divine Providence l'attachement le plus vif, l'amour le plus tendre, comme un enfant le témoigne à sa bonne mère en se réfugiant dans ses bras ; on proteste d'une estime absolue pour tous ses desseins, quelque impénétrables qu'ils soient, sachant bien qu'ils sont les fruits d'une Sagesse infinie qui ne peut se tromper et d'une souveraine Bonté qui ne peut vouloir que la perfection de ses créatures ; on fait en sorte que cette estime soit assez pratique pour nous disposer à parler volontiers de la Providence et même à prendre hautement sa défense contre ceux qui se permettraient de la nier ou de la critiquer.
2) Acte de filial abandon à la Providence : après avoir plusieurs fois renouvelé ces actes et s'en être bien pénétrée, l'âme s'abandonne à la Divine Providence, elle se repose et s'endort doucement entre ses bras, comme un enfant entre les bras de sa mère. Elle fait siennes alors ces paroles de David : je dormirai et me reposerai en paix, parce que c'est Vous, Seigneur, qui avez affermi mon espérance en Votre Providence. Ou bien elle dira avec le même prophète : le Seigneur me régit et rien ne me fera défaut ; Il m'a placé Lui-même au milieu de ses pâturages, Il m'a conduit près d'une eau pure et fortifiante pour mon âme ; Il m'a fait entrer dans les sentiers de la justice pour la gloire de Son Nom et pour ma perfection. Ô mon Seigneur ! Guidé par Votre Main et couvert de Votre protection, je marcherai au milieu des ombres de la mort, au milieu de mes ennemis et je ne craindrai aucun mal, parce que Vous êtes avec moi. Vous m'avez préparé une nourriture contre ceux qui me persécutent ; Votre Miséricorde m'accompagnera tous les jours de ma vie, afin que j'habite dans la maison du Seigneur, pendant la durée des jours éternels. Pleine de l'allégresse que lui inspirent d'aussi suaves paroles, l'âme, dans cette heureuse disposition, reçoit avec respect des mains de la Providence Divine, tous les événements présents et elle attend tous ceux qui doivent survenir, avec une douce tranquillité d'esprit, avec une paix délicieuse. Elle vit comme un enfant, à l'abri de toute inquiétude. Ce n'est pas, toutefois, qu'elle demeure dans une attente oisive des choses dont elle a besoin et qu'elle néglige de s'appliquer aux affaires qui se présentent. Au contraire, elle fait, de son côté, tout ce qui dépend d'elle pour les mener à bien, elle y emploie toutes ses facultés ; mais elle ne s'adonne à de tels soins que sous la direction de Dieu, elle ne regarde sa propre prévoyance que comme entièrement soumise à celle de Dieu et elle Lui abandonne la libre disposition de tout, n'attendant d'autre succès que celui qui est dans les desseins de la Volonté Divine.
3) Utilité de cet exercice : oh ! que l'âme ainsi disposée rend d'Honneur et de Gloire à Dieu ! C'est, en effet, une très grande Gloire pour lui, que d'avoir une créature si attachée à Sa Providence, si dépendante de Sa Conduite, pleine d'une si ferme espérance et jouissant d'un si profond repos d'esprit dans l'attente de ce qu'Il voudra bien lui envoyer. Aussi quel soin Dieu ne prend-Il pas d'une telle âme ! Il veille sur les plus petites choses qui l'intéressent : Il inspire, aux hommes établis pour la gouverner, tout ce qui est nécessaire pour la bien conduire ; et, si par quelque motif que ce fût, ces hommes voulaient agir envers elle d'une manière qui lui fût nuisible, Il ferait naître, par des voies secrètes et inopinées, des obstacles à leurs desseins et Il les forcerait d'adopter ce qui serait le plus avantageux à cette âme chérie. C'est ainsi que le Seigneur garde tous ceux qui L'aiment. Si l'Écriture donne des yeux à ce Dieu de Bonté, c'est pour veiller sur eux ; si elle lui donne des oreilles, c'est pour les écouter ; si elle lui donne des mains, c'est pour les défendre. Et celui qui les touche le touche à la prunelle de l'oeil. Je vous porterai dans mes bras, dit le Seigneur par la bouche du prophète Isaïe, Je vous presserai contre mon sein, Je vous caresserai sur mes genoux ; comme une mère caresse son petit enfant, ainsi Je vous consolerai. Dans Osée : et J'étais comme un Père nourricier pour Ephraïm ; Je les portais entre mes bras. Moïse avait dit longtemps auparavant : dans le désert, le Seigneur Votre Dieu vous a portés comme un père a coutume de porter son petit enfant, par tous les chemins que vous avez suivis. Dieu dit encore dans Isaïe : vous serez nourris de la mamelle des rois, vous recevrez une Nourriture Délicieuse et Divine, et vous apprendrez, par une douce expérience, avec quelle Sollicitude Moi, le Seigneur, Je veille à votre Salut. Oh l'heureuse situation pour mon âme ! On trouve, dans la personne de Noé, une image sensible du bonheur que goûte celui qui s'abandonne entièrement à Dieu. Pendant que des pluies épouvantables tombaient du ciel et au milieu du bouleversement général des éléments et de toute la nature, Noé était en repos et en paix dans l'arche avec les lions, les ours, parce que Dieu le conduisait. Les autres, au contraire, étaient dans la plus étrange confusion de corps et d'esprit, perdaient leurs biens, leurs femmes, leurs enfants et se perdaient eux-mêmes, engloutis impitoyablement dans les flots. Ainsi l'âme qui s'abandonne à la Providence, qui lui laisse le gouvernail de sa barque, vogue avec tranquillité sur l'océan de cette vie, au milieu des orages du ciel et de la terre, tandis que ceux qui veulent se gouverner eux-mêmes et que le Sage appelle des âmes indisciplinées, fugitives et rebelles à la Providence sont dans de continuelles agitations et, n'ayant pour pilote que leur volonté inconstante et aveugle, finissent, après avoir été longtemps le jouet des vents et des tempêtes, par un funeste naufrage. Abandonnons-nous donc absolument à la Providence Divine, laissons-lui tout pouvoir de disposer de nous ; conduisons-nous comme ses véritables enfants, suivons-la avec amour comme notre mère ; confions-nous à elle dans toutes nos nécessités, attendons sans inquiétude qu'elle y apporte les remèdes de sa charité. Enfin, laissons-la faire et elle nous pourvoira de tout, au temps, au lieu et de la manière convenables ; elle nous conduira par des voies admirables au repos de l'esprit et à la béatitude dont nous sommes appelés à jouir dès cette vie même, comme d'un avant-goût de l'éternelle félicité qui nous est promise.
APPENDICE
Exemple de conformité à la Volonté de Dieu, proposée par Saint-François de Sales : « je veux vous présenter un soleil auprès de tout cela (les exemples qu'il vient de citer), un vrai esprit franc et libre de tout engagement, et qui ne tient qu'à la Volonté de Dieu. J'ai pensé souvent quelle était la plus grande mortification de tous les Saints de la vie desquels j'ai eu connaissance ; et, après plusieurs considérations, j'ai trouvé celle-ci : Saint Jean-Baptiste alla au désert à l'âge de cinq ans et savait que notre Sauveur, et le sien, était né tout proche de lui, c'est-à-dire une journée, ou deux ou trois, comme cela. Dieu sait si le cœur de Saint-Jean, touché de l'Amour de son Sauveur dès le sein de sa mère, eût désiré de jouir de sa Sainte présence. Il passe néanmoins vingt-cinq ans là au désert, sans venir une seule fois voir Notre-Seigneur, et sortant, s'arrête à catéchiser, sans venir à Notre-Seigneur, et attend qu'Il vienne à lui ; après cela, L'ayant baptisé, il ne le suit pas, mais demeure à faire son office. Ô Dieu ! quelle mortification d'esprit ! Être si près de son Sauveur, et ne Le voir point ! L'avoir si proche, et n'en jouir point ! Et qu'est-ce cela, sinon avoir son esprit désengagé de tout, et de Dieu même, pour faire la Volonté de Dieu et Le servir ? Laisser Dieu pour Dieu, et n'aimer pas Dieu pour l'aimer tant mieux et plus purement. Cet exemple étouffe mon esprit de sa grandeur ».
Quelques pensées du général de Sonis (1825-1887) « Je mets toujours le cap de mon navire vers le Bon Dieu. Quels que soient les vents qui soufflent, qu'ils soient favorables ou contraires, je maintiens ma direction : car, après tout, c'est à ce port-là que je veux aborder ». « Je tends toujours mon dos aux coups du sort, dont la main est, quoi que fasse le diable, tenue en respect par la Toute-Puissante Providence ». « Soumettons-nous à la Sainte Volonté de Dieu. Être chrétien n'est que cela, et si je devais résumer en deux mots notre Divin symbole, je ne sache pas qu'il y en ait de plus vrais que ceux-ci : Amour et Résignation. Là est tout le christianisme ». « On nous dit ordinairement de supporter nos peines, parce qu'une grande joie nous en récompensera dans le Ciel. Mais déjà sur cette terre, combien ces peines deviennent légères pour le vrai chrétien, qui aime Jésus-Christ et porte sa croix avec lui ! Il n'y a vraiment que nous qui sachions ce qu'est le bonheur ; le monde ne le connaît pas. Nous sommes au Calvaire, et déjà nous triomphons dans le Ciel ». « Que Dieu soit mille fois béni dans la douleur comme dans la joie ! Il faut savoir porter avec résignation sa couronne d'épines et ouvrir son coeur aux blessures qui font couler les larmes que Saint-Augustin appelle "le sang de notre cœur". Il faut aussi porter sa croix et se traîner dans ce chemin rocailleux de la vie, à la suite de ce Divin Maître, qu'il faut suivre jusqu'au bout, sous peine de mourir de mort ». « Qu'il fait bon de se mettre, comme l'enfant, entre les mains de Dieu, et de lui dire : Fiat ». « Plaise à Dieu que cette série d'épreuves que je considère comme une bénédiction de Notre-Seigneur, qui veut bien me permettre de porter un petit bout de sa croix, tourne à mon profit et à ma sanctification... S'il plaît à Notre-Seigneur de ne pas me rendre la santé, c'est sans doute que cela convient mieux, et il faut toujours le remercier de tout, de la peine comme de la joie ; l'essentiel, c'est que l'âme se porte bien, et c'est à quoi il faut aviser de mieux en mieux tous les jours ». « Il en sera ce que Dieu Voudra. Lui seul sait ce qui convient, et rien n'est bon comme sa Volonté Adorable ». « Que la Sainte Volonté de Dieu se fasse donc partout et toujours, dans la joie comme dans la peine, dans la santé comme dans la maladie. C'est là le fondement de toute vie chrétienne ».
Extrait de l'Imitation de Jésus-Christ Jésus-Christ. - Mon fils, laissez-Moi disposer de vous selon Ma Volonté ; Je sais ce qui vous convient. Pour vous, vous pensez en homme, et vous jugez, en beaucoup de choses, d'après les inclinations de la nature. Le Fidèle. - Seigneur, ce que Vous dites est vrai. Vous avez infiniment plus de soin de moi, que je ne puis en avoir moi-même. Celui-là est bien en danger qui ne se repose pas du tout sur Vous. Pourvu, Seigneur, que ma volonté demeure droite et ferme en Vous, faites de moi ce qu'il Vous plaira ; car tout ce que Vous ferez de moi ne peut être que bon. Si Vous voulez que je sois dans les ténèbres, soyez-en béni; et si vous Voulez que je sois dans la lumière, soyez-en de nouveau béni. Si Vous daignez me consoler, soyez-en béni ; et si Vous me voulez dans la tribulation, soyez-en toujours également béni. Jésus-Christ. - Mon fils, c'est ainsi qu'il faut vous comporter, si vous désirez marcher avec Moi. Vous devez être aussi prompt à accepter la souffrance que la joie. Vous devez vous estimer aussi heureux d'être pauvre et dans le besoin, que riche et dans l'abondance. Le Fidèle. - Seigneur, je souffrirai de grand cœur, pour l'amour de Vous, tout ce qui m'arrivera par Votre Volonté. Je veux recevoir indifféremment de Votre main le bon et le mauvais, le doux et l'amer, la joie et la tristesse, et Vous rendre pour tout des actions de grâces. Préservez-moi seulement de tout péché, et je ne craindrai ni la mort, ni l'enfer. Pourvu que Vous ne me rejetiez pas à jamais, et que Vous ne m'effaciez pas du Livre de Vie, tout ce qui peut m'arriver de tribulation ne saurait me nuire. Accordez-moi Votre Grâce, Ô très Doux Jésus ! Qu'elle soit avec moi, qu'elle agisse avec moi, et qu'elle demeure avec moi jusqu'à la fin. Faites que toujours je désire et veuille ce qui Vous est le plus agréable, et Vous plaît davantage. Que votre Volonté soit la mienne, et que ma volonté suive constamment la Vôtre dans une conformité parfaite. Puissé-je vouloir et ne vouloir pas avec Vous, voulant, ou ne voulant pas, ce que Vous Voulez, ou ne Voulez pas. Donnez-moi de mourir à tout ce qui est du monde, et d'aimer pour Vous à être méprisé et inconnu dans cette vie. Faites que je me repose en Vous par-dessus tout ce qu'on peut désirer, et qu'en Vous mon cœur trouve la paix. Vous êtes la véritable Paix du cœur, son unique repos ; hors de Vous tout fatigue et inquiète. Dans cette Paix-là, c'est-à-dire en Vous seul éternel et souverain Bien, je m'endormirai et me reposerai. Amen. Acte de conformité à la Volonté de Dieu : que la très Juste, la très Haute et très Aimable Volonté de Dieu soit faite, louée et éternellement exaltée en toutes choses.