
Canonisée le 30 avril 2000 à Rome
par le très Saint-Père Jean-Paul II
58. Une nuit, je reçus la visite d'une Sœur, morte depuis deux mois. C'était une Soeur du premier chœur. Je la vis dans une condition effrayante: toute en flammes, le visage tordu par la douleur. Cela dura quelques instants puis elle disparut. Un frisson me saisit l'âme, car j'ignorais si elle souffrait au Purgatoire ou en Enfer. Malgré cela, j'intensifiais mes prières à son intention. Elle revint la nuit suivante, dans un état encore plus effrayant, assaillie de flammes plus intenses, le désespoir peint sur ses traits. Je m'étonnai, après les prières que j'avais offertes pour elle, de voir que son état avait empiré, et je lui demandai : « Est-ce que mes prières ne vous ont pas aidée ? » Et elle me répondit que ma prière n'avait été et ne lui serait d'aucun secours. Je lui demandai : « Et les prières que toute la communauté a offertes pour vous ne vous ont-elles apporté aucune aide ? » Elle me répondit de même « Ces prières avaient profité à d'autres âmes ». Je lui répliquai : « Si mes prières ne vous sont d'aucun secours, veuillez cesser de venir me voir. » Elle disparut aussitôt. Malgré cela, je ne cessais de prier pour elle. Au bout d'un certain temps, elle m'apparut à nouveau, de nuit mais déjà dans un autre état. Elle n'était plus environnée de flammes comme auparavant, le visage rayonnant et les yeux brillants de joie, elle me dit que j'avais un véritable amour du prochain, que beaucoup d'autres âmes avaient profité de mes prières ; elle m'encouragea à persévérer dans mes prières pour les âmes du Purgatoire, et me dit qu'elle n'y resterait plus longtemps. Les jugements de Dieu sont surprenants !
59. 1933. Un autre jour j'entendis ces mots dans mon âme : « Fais une neuvaine pour ta Patrie. Elle se composera des litanies des Saints. Demandes-en la permission à ton confesseur ». En ayant obtenu la permission lors de la confession suivante, je commençai cette neuvaine le soir même.
60. Vers la fin des litanies, je vis une grande clarté et, dans cette clarté, Dieu le Père. Entre cette clarté et la terre, je vis Jésus cloué en Croix, placé de telle façon que lorsque Dieu voulait voir la terre, Il devait la regarder à travers les Plaies de son fils. Et je compris que c'est à cause de Jésus que Dieu bénit la terre.
61. « Jésus, je Vous remercie pour cette grand grâce, ce confesseur que Vous avez Vous-même daigné me choisir, et que vous m'avez fait connaître par une vision avant de l'avoir jamais rencontré. » Lorsque je me confessais au Père Andrasz, je lui confiais mon désir d'être libéré de ces inspirations intérieures. Le Père me répondit que ce n'était pas en son pouvoir et m'encouragea à prier pour avoir un directeur de conscience.
Après une courte et fervente prière, je vis une deuxième fois l'abbé Sopocko. Je le vis dans notre chapelle, entre le confessionnal et l'autel. J'étais alors à Cracovie. Ces deux visions fortifièrent mon esprit d'autant plus que je le trouvais tel que je l'avais vu dans mes visions, tant celle de Varsovie lors de ma troisième probation, que celle de Cracovie. Jésus, je Vous remercie pour cette grande grâce.
Maintenant, je suis maintes fois saisie de crainte lorsque j'entends des personnes dire qu'elles n'ont pas de confesseur attitré, c'est-à-dire de directeur de conscience. Car je sais quels grands dommages j'ai moi-même subi alors que je n'avais pas cette aide. Sans directeur, on s'égare facilement.
62. Ô vie grise et monotone, que de trésors tu recèles ! Aucune heure ne ressemble à une autre, car la grisaille et la monotonie disparaît quand je regarde tout avec l'œil de la foi. La grâce qui m'est donnée à cette heure-ci ne se représentera pas à l'heure suivante. La grâce me sera encore donnée, mais ce ne sera plus la même. Le temps passe et ne reviens jamais. Ce qu'il contient ne changera plus. Il est scellé du sceau éternel.
63. L'abbé Sopocko doit être très aimé de Dieu. Je le dis, parce que j'ai éprouvé avec quelle force Dieu le réclame à certains moments ; voyant ceci, je me réjouis infiniment que Dieu ait de tels élus.
64. 1928. - Excursion à Kalwaria.
J'avais été désignée pour remplacer pendant deux mois une Sœur de Wilno, partie pour sa troisième probation. J'y restai un peu plus longtemps.
Un jour, voulant me faire plaisir, la Mère Supérieure, m'autorisa à me rendre à Kalwaria en compagnie d'une Sœur pour faire ce qu'on appelle le tour des petits sentiers du Chemin de la Croix. J'en étais très heureuse. Nous devions faire le voyage en bateau bien que cela fût tout près. La veille au soir, Jésus me dit : « Je désire que tu restes à la maison. » Je répondis « Jésus tout est prêt pour partir demain matin ; que dois-je faire ? » Le Seigneur ajouta « Cette excursion serait préjudiciable à ton âme. » Je répondis : « Dirigez les circonstances pour que Votre Volonté soit faite ». A ce moment la cloche sonna le coucher. D'un regard je dis adieu à Jésus et je me rendis à ma cellule.
Le lendemain matin, la journée s'annonçait belle. Ma compagne se réjouissait à l'idée de tout visiter. Quant à moi, j'étais sûre que nous ne partirions pas. Cependant aucun obstacle ne semblait s'opposer au départ. Nous allions communier plus tôt et nous mettre en route immédiatement après l'action de grâce. Pendant la Sainte Communion, le temps changea. Des nuages assombrirent le ciel et une averse se mit à tomber. Tout le monde s'étonna d'un changement aussi soudain.
La Mère Supérieure nous dit : « Mes Sœurs, cela me peine que vous puissiez partir. » Je répondis : Petite Mère, cela ne fait rien ; c'était la volonté de Dieu que nous restions à la maison ». Cependant personne ne savait que c'était le désir exprès de Jésus pour moi. Je passai toute la journée dans le recueillement et la méditation : je remerciais le Seigneur de m'avoir retenue à la maison. Ce jour là, Dieu m'accorda beaucoup de consolations célestes.
65. Au noviciat, lorsque la Mère Maîtresse me destina à la cuisine des enfants, je m'en affligeais grandement, car j'étais incapable de maîtriser les énormes marmites. Le plus difficile pour moi était de vider l'eau des pommes de terre cuites dont la moitié parfois s'échappait avec l'eau de cuisson. La Mère Maîtresse à qui j'avais exposé mes craintes, me répondit que je m'accoutumerais et que j'allais acquérir de l'expérience. Cependant la difficulté demeurait. Et je sentais mes forces diminuer de jour en jour. Pour cette raison je m'écartais lorsque venait le moment de vider l'eau des pommes de terre. Les Sœurs s'aperçurent que j'évitais ce travail et s'en étonnèrent beaucoup car elles ignoraient que malgré tous mes efforts et sans me ménager, je ne pouvais arriver à les aider. A midi pendant l'examen de conscience je me plaignis à Dieu de ma faiblesse. Soudain j'entendis ces paroles. « A partir d'aujourd'hui tu n'auras plus aucune peine à faire ce travail. Je vais accroître tes forces. »
Le soir, lorsque vint le moment de ce service, je me hâtai la première, confiante dans la promesse du Seigneur. Je pris le récipient avec facilité et versai l'eau parfaitement. J'ôtai le couvercle pour faire évaporer les pommes de terre et que vis-je ? Des bottes de roses rouges d'une beauté indescriptible. Je n'en ai jamais vues de pareilles. Cela m'étonna beaucoup, je n'en comprenais pas la signification.
A ce moment, j'entendis une voix en mon âme : « Je change ton travail si pénible en bouquet des plus belles fleurs et leur parfum monte jusqu'à Mon trône.
Dès lors, je tâchais de vider l'eau des pommes de terre non seulement pendant la semaine qui m'était assignée, mais aussi durant celle des autres Sœurs. J'essayais de m'offrir la première pour tous les travaux pénibles, car j'avais expérimenté combien cela plaît à Dieu.
66. Ô trésor inépuisable de la pureté d'intention, qui rend toutes nos actions parfaites et si agréables à Dieu !
Ô Jésus, Vous savez combien je suis faible, soyez donc toujours avec moi ! Dirigez mes actes et tout mon être. Vous, mon Maître incomparable ! En vérité, Ô Jésus je suis saisie d'angoisse quand je vois ma misère. Mais je retrouve la paix dès que je vois Votre insondable miséricorde, qui de toute éternité, est plus grande que ma misère. Cette disposition intérieure me fait revêtir Votre puissance, et quelle joie de connaître ce que je suis. Ô Vous ,Vérité Inaltérable, Votre durée est éternelle.
67. Je suis tombée malade après mes premiers vœux. Malgré les soins affectueux et attentifs de mes Supérieures et les efforts du médecin je ne me sentais ni mieux, ni moins bien. J'appris que l'on croyait que je simulais. Cela me causa une grande souffrance morale et dura assez longtemps. Un jour que je me plaignais à Jésus d'être à charge de mes Sœurs, Il me répondit : « Tu ne vis pas pour toi, mais pour les âmes qui vont profiter de tes souffrances. Tes souffrances prolongées leur donneront lumière et force pour accepter Ma Volonté. »
68. La souffrance qui me pesait le plus était la pensée que ni mes prières ni mes bonnes actions ne plaisaient à Dieu. Je n'osais regarder le Ciel. Cela m'occasionnait une peine si profonde, durant les exercices spirituels communs, qu'un jour la Mère Supérieure me fit venir après les exercices et me dit : « Demandez à Dieu, ma Sœur la grâce de la consolation, car je vois bien moi-même ce que me disent les Sœurs. On a pitié rien qu'à vous voir. Je ne sais vraiment que faire de vous. Je vous ordonne de ne vous affliger de rien ». Mais ces entretiens avec la Mère Supérieure ne m'apportaient aucun soulagement, et ne m'éclairaient en rien. Des ténèbres encore plus épaisses me voilaient Dieu.
Je cherchais de l'aide au confessionnal, mais là non plus je n'en trouvais pas. Un saint prêtre voulut m'aider, mais j'étais si malheureuse que je ne savais même pas définir mes souffrances et cela ajoutait encore à mes tourments. Une tristesse mortelle saisissait mon âme à tel point que je ne pouvais pas la cacher et que cela transparaissait au dehors. Je perdis espoir. La nuit devint de plus en plus sombre. Le prêtre à qui je me confessais me dit : « Je vois en vous des grâces particulières, et je suis tout à fait tranquille en ce qui vous concerne. Pourquoi vous tourmentez-vous autant ? Cependant je ne comprenais pas alors, et j'étais très étonnée lorsque, pour pénitence, il me disait de réciter un Te Deum ou un Magnificat, parfois de faire un tour dans le jardin au pas de course le soir, ou encore de rire tout haut dix fois par jour. Ces pénitences me surprenaient beaucoup. Et pourtant ce prêtre ne me fut pas d'un grand secours. Manifestement Dieu voulait que je lui rende gloire par ma souffrance. Le prêtre cherchait à me consoler en me disant que j'étais plus agréable à Dieu dans cet état que si je jouissais en abondance des plus grandes consolations.
« Quelle grande grâce l'état de tourment où vous vous trouvez, ma Sœur ! Non seulement vous n'offensez pas Dieu, mais vous vous exercez à la vertu. En considérant votre âme, je découvre en vous de grands desseins de Dieu, des faveurs spéciales, et je Lui en rends grâce ».
Malgré cela, mon âme était à la torture, en proie à des tourments indicibles. Comme un aveugle qui se confie à son guide et lui tient fermement la main, je m'attachais à l'obéissance qui devint, pour moi, la main secourable durant cette épreuve.
Journal Faustine 3
« Jésus, Vérité éternelle, affermissez mes faibles forces. Vous pouvez tout, Seigneur. Je sais que sans Vous mes efforts sont inutiles. Ô Jésus, ne me cachez pas Votre Visage, car je ne puis vivre sans Vous ! Soyez attentif à l'appel de mon âme, ayez pitié de ma misère, parce que Votre miséricorde est inépuisable ! Votre amour infini dépasse l'intelligence des Anges et celle de l'humanité toute entière, et bien qu'il me semble que Vous ne m'entendiez pas, j'ai déposé ma confiance dans l'océan de Votre miséricorde et je sais que mon espoir ne sera pas déçu.
Jésus seul sait combien il est difficile et pénible de s'acquitter de ses devoirs, lorsque l'âme est tourmentée intérieurement, les forces physiques amoindries, et l'esprit assombri. Dans le calme de mon cœur, je répétais : « Ô Christ à Vous les délices, l'honneur et la gloire, à moi la souffrance. Je ne ralentirai pas d'un seul pas à Votre suite bien que les épines me blessent les pieds ».
71. Lorsque je fus envoyée pour une cure à la maison de Plock, j'eus le bonheur d'avoir à orner la chapelle de fleurs. C'était à Biala , Sœur Tekla n'en avait pas toujours le temps. Je fleurissais donc souvent, seule, la petite chapelle. Un jour j'avais cueilli de très belles roses pour fleurir la chambre d'une certaine personne. Comme j'arrivais près de la galerie, j'y aperçus Jésus qui me demanda gracieusement : « Ma fille, à qui portes-tu ces fleurs ? » Mon silence fut ma réponse, car au même moment, je reconnus que j'éprouvais pour cette personne un très subtil attachement dont je ne m'étais pas encore aperçue. Et Jésus disparut. A l'instant même, j'ai jeté les fleurs et me suis rendue devant le Saint Sacrement, le cœur comblé de gratitude pour la grâce de la connaissance de moi-même.
Ô Soleil divin ! A la lumière de vos rayons, l'âme voit les plus petits grains de poussière qui peuvent vous déplaire.
72. Jésus, Vérité éternelle, notre vie, j'implore et je mendie Votre miséricorde pour les pauvres pécheurs. Très doux cœur de mon Seigneur, empli de pitié et d'indicible bonté, je vous supplie pour les pauvres pécheurs. Ô Cœur Sacré, Source de Miséricorde dont les rayons de grâces inconcevables se répandent sur tout le genre humain, je vous en supplie, donnez la lumière aux pauvres pécheurs. Ô Jésus, souvenez-Vous de Votre Passion amère et ne permettez pas que périssent les âmes rachetées au prix de Votre précieux Sang. Ô Jésus, lorsque je considère le don de Votre Sang, je me réjouis de son inestimable valeur car une goutte aurait suffi pour tous les pécheurs. Bien que le péché soit un gouffre de méchanceté et d'ingratitude, le prix donné pour nous est sans commune mesure - c'est pourquoi chaque âme doit avoir confiance en la passion du Seigneur, confiance dans Sa miséricorde. Dieu ne refuse Son Pardon à personne. Le ciel et la terre peuvent changer, mais la Miséricorde de Dieu ne s'épuisera jamais. Oh ! Quelle joie brûle dans mon cœur quand je vois Votre inconcevable bonté ! Ô mon Jésus, je désire amener tous les pécheurs à Vos pieds pour qu'ils louent Votre Amour infini, pendant des siècles sans fin.
73. Mon Jésus, bien que la nuit soit obscure autour de moi et que de sombres nuages me voilent l'horizon, je sais que le soleil ne s'éteint pas. Ô Seigneur, bien que je ne puisse concevoir ni comprendre Votre action, j'ai confiance en Votre Miséricorde ! Si Votre Volonté, Seigneur, est que je vive toujours dans de telles ténèbres, soyez béni ! Je vous demande une chose, mon Jésus, ne permettez pas que je vous offense jamais, en quoi que ce soit. Ô mon Jésus, vous seul connaissez les langueurs et les douleurs de mon cœur ! Je me réjouis de pouvoir souffrir, si peu que ce soit, pour vous.
Lorsque je sens que la souffrance dépasse mes forces, j'ai recours au Seigneur dans le Saint Sacrement et un profond silence est ma façon de parler au Seigneur.
74 La confession d'une de nos élèves
Un jour, je fus poussée à faire des démarches pour obtenir la Fête de la Miséricorde et je ne pouvais goûter de repos avant que ne fût peinte l'image de Jésus Miséricordieux. Ce sentiment me pénétra entièrement, mais une certaine peur me prit : Est-ce que je n'étais pas dans l'illusion ? A vrai dire, ces incertitudes venaient toujours du dehors, car au fond de moi, je sentais que mon âme était toute pénétrée du Seigneur. Le confesseur, auquel je me confessais alors me dit que parfois on peut s'illusionner et je sentais que ce prêtre semblait avoir peur de me confesser. C'était pour moi un supplice. Voyant que je ne pouvais attendre beaucoup d'aide de la part des hommes, je recourus d'autant plus à Jésus, ce Maître incomparable. Une fois, dans l'incertitude où j'étais de savoir si la voix qui me parlait était ou non celle du Seigneur, je me suis adressée à Jésus intérieurement sans prononcer de paroles. Tout de suite une force me pénétra et je dis : « Si Vous êtes vraiment mon Dieu, si c'est Vous qui m'êtes présent et qui me parlez, je Vous en prie, Seigneur, que cette élève aille aujourd'hui encore se confesser. Ce signe me rassurera. » Au même moment, cette enfant demanda à se confesser. La Maîtresse de classe s'étonna de cette décision soudaine mais elle tâcha, tout de suite de trouver un prêtre et l'enfant se confessa avec grande contrition. Alors, j'entendis en mon âme cette voix : « Est-ce que tu Me crois maintenant ». Et de nouveau, une force étonnante me pénétra et m'affermit de telle sorte, que j'étais stupéfaite moi-même d'avoir pu me laisser envahir par le doute. Ces doutes viennent toujours de l'extérieur, ce qui me dispose à m'enfermer en moi-même.
75. Lorsque je perçois l'incertitude du prêtre pendant la confession, alors je ne dévoile pas mon âme plus profondément, je m'accuse seulement de mes péchés. Un tel prêtre ne me donnera pas la paix puisque lui-même ne la possède pas. Ô prêtres, vous, les cierges lumineux qui éclairent les âmes, que votre clarté ne s'obscurcisse jamais. J'ai compris alors que ce n'était pas la volonté de Dieu que je dévoile le fond de mon âme. Plus tard, Dieu me donna cette grâce.
76. « Mon Jésus, dirigez mon âme, prenez complète possession de tout mon être, enfermez-moi au fond de votre cœur et défendez moi contre les attaques de l'ennemi. En vous est ma seule espérance ! Parlez par ma bouche quand je serai avec les puissants et les savants, moi, la plus misérable des créatures, pour qu'ils reconnaissent que cette affaire est la Vôtre et qu'elle vient de vous ».
Ténèbres et tentations
77. Mon esprit était assombri d'une manière singulière ; aucune vérité ne me semblait claire. Quand on me parlait de Dieu, mon cœur était comme un roc. Je ne pouvais en tirer un seul sentiment d'amour pour lui.
Lorsque je m'efforçais de rester auprès de Dieu par un acte de volonté, j'éprouvais de grands tourments et il me semblait que je poussais Dieu à une plus grande colère. Je ne pouvais plus méditer comme auparavant. J'ai senti dans mon âme un grand vide que je ne pouvais remplir. J'ai commencé à souffrir la soif et la nostalgie de Dieu, mais je voyais toute mon impuissance. J'essayais de lire lentement, phrase par phrase, et de méditer de cette façon, mais cela aussi était vain. Je ne comprenais rien de ce que j'avais lu. Mon gouffre de misère m'était sans cesse présent. Chaque fois que j'entrais pour quelque exercice à la chapelle, j'éprouvais les pires tourments et tentations. Plus d'une fois j'ai dû combattre des pensées de blasphèmes qui, pendant toute la Sainte Messe, se pressaient sur mes lèvres. Je ressentais un désir de m'éloigner des Saints Sacrements. Il me semblait que je n'en profitais aucunement. Je ne les fréquentais que par obéissance à mon confesseur, et cette obéissance aveugle était pour moi le seul chemin sur lequel je devais marcher, la Voie du salut. Le prêtre m'expliquait que c'étaient des épreuves permises par Dieu et que dans l'état où j'étais, non seulement je n'offensais pas Dieu, mais que je lui étais très agréable.
C'est un signe, me disait-t-il que Dieu vous aime énormément, qu'Il a confiance en vous lorsqu'Il vous afflige par de pareilles épreuves. Mais ces mots ne me consolaient pas, il me semblait qu'ils ne s'appliquaient nullement à moi. Une chose m'étonnait : il m'arriva plus d'une fois, lorsque je souffrais terriblement ces terribles tourments, qu'au moment où je m'approchais du confessionnal, mais dès que je m'éloignais, ils revenaient à la charge avec encore plus d'acharnement. Alors je tombais face contre terre, devant le Saint Sacrement et je répétais ces paroles : « Même si vous me tuez, j'aurai confiance en Vous ! » Il me semblait que j'agonisais dans ces douleurs. Une pensée terrible pour moi était de croire que j'étais rejetée par Dieu. Puis d'autres pensées me venaient : - Pourquoi tâcher d'acquérir des vertus et de faire des bonnes actions ? Pourquoi se mortifier et s'anéantir ? A quoi bon faire des vœux ? A quoi bon prier ? A quoi bon se sacrifier et s'anéantir ? A quoi bon faire, à chaque pas, le sacrifice de soi-même ? A quoi bon ? Si j'étais déjà rejetée par Dieu, à quoi bon ces efforts ? Ici Dieu seul sait ce qui se passait dans mon cœur.
78. Un jour où ces souffrances terribles m'étreignaient, j'entrai à la chapelle et je dis ces mots du fond de mon âme : « Faites de moi ce qui Vous plaît, ô Jésus, je veux Vous adorer en tout. Que Votre volonté soit faite en moi, ô mon Seigneur et mon Dieu, et moi je vais louer votre infinie miséricorde !». Cet acte de soumission dissipa mes terribles tourments. Tout à coup, j'aperçus Jésus, qui me dit : « Je suis toujours dans ton cœur. » Une joie inconcevable pénétra mon âme et la remplit d'un grand amour de Dieu, ce qui enflamma mon pauvre cœur. Je vois que Dieu ne permet jamais plus que ce que nous pouvons supporter. Oh ! je n'ai peur de rien. Si Dieu envoie à l'âme un si grand tourment, il la soutient par une grâce plus grande encore, bien que nous ne nous en rendions pas compte. Dans de tels moments, un acte de confiance rend à Dieu plus de gloire que des heures entières passées en prières, remplies de consolation. Maintenant je vois que si Dieu veut maintenir une âme dans les ténèbres, aucun livre, ni aucun confesseur ne pourra l'éclairer.
79. Marie, notre Mère et notre Reine, je vous confie mon âme, mon corps, ma vie, ma mort et tout ce qui la suivra. Je dépose tout entre vos mains. Ô ma Mère, couvrez mon âme de votre manteau virginal et donnez-moi la grâce de la pureté du cœur, de l'âme et du corps ; défendez-moi par votre puissance de tous les ennemis et spécialement de ceux qui cachent leur méchanceté sous le masque de la vertu. Ô Lis ravissant, vous êtes pour moi un miroir, ô ma Mère !
80. Jésus, divin prisonnier de l'amour, lorsque je considère Votre amour et Votre anéantissement pour moi, mes sens m'abandonnent. Vous cachez Votre inconcevable majesté et Vous Vous abaissez vers mon néant. Ô Roi de gloire, bien que Vous cachiez Votre beauté, le regard de mon âme déchire le voile. Je vois les chœurs angéliques qui ne cessent de Vous rendre honneur et toutes les Puissances célestes, qui vous louent sans fin, chantant : « Saint, Saint, Saint. »
81. Oh ! qui comprendra Votre amour et Votre insondable miséricorde envers nous ! Ô prisonnier de l'amour, j'enferme mon pauvre cœur dans ce tabernacle pour qu'il vous adore sans cesse nuit et jour; je ne connais aucun obstacle à cette adoration et même quand je serai éloignée physiquement, mon cœur sera toujours avec Vous. Rien ne peut mettre des barrières à mon amour pour Vous. Les obstacles n'existent pas pour moi. Ô mon Jésus, je vais Vous consoler de toutes les ingratitudes, blasphèmes froideurs, haines et sacrilèges des impies ! Ô Jésus, je désire brûler comme une offrande pure, immolée devant le trône de Votre abaissement, Vous priant sans cesse pour les pécheurs agonisants...
Ô Sainte Trinité, Dieu Unique, Indivisible, soyez béni pour cet immense don et ce testament de Miséricorde ! Mon Jésus, en expiation pour les blasphémateurs, je garderai le silence quand on me réprimandera injustement, pour réparer au moins un peu. Je vous chante un hymne incessant dans mon âme, et personne ne s'en doutera, ni ne comprendra. Le chant de mon âme n'est connu que de Vous, ô mon Créateur et mon Seigneur.
82. Je ne permettrai pas que le tourbillon du travail m'absorbe au point d'oublier Dieu. Je passerai tous mes moments libres aux pieds du Maître, caché dans le Saint Sacrement. Là Il m'enseigne depuis mes plus tendres années.
83. « Ecris ceci : Avant de venir comme un Juge équitable, Je viens d'abord comme Roi de Miséricorde. Avant qu'advienne le jour de Justice, il sera donné aux hommes ce signe dans les cieux : toute lumière dans le ciel s'éteindra et il y aura de grandes ténèbres sur toute la terre. Alors le signe de la Croix se montrera dans le ciel ; des Plaies des Mains et des Pieds du Sauveur, sortiront de grandes lumières, qui, pendant quelques temps illumineront la terre. Ceci se passera peu de temps avant le dernier jour. »
84. Ô Sang et Eau, qui avez jailli du Coeur de Jésus, comme source de miséricorde pour nous, j'ai confiance en vous !
Wilno 2.VIII. 1934
85. Vendredi, après la Sainte Communion, je fus transportée en esprit devant le Trône de Dieu entouré par les Puissances célestes qui L'adorent sans cesse. Derrière le trône, je vis une clarté inaccessible aux créatures, uniquement réservée au Verbe Incarné, Médiateur. Lorsque Jésus pénétra dans cette clarté, j'entendis ces paroles : « Ecris tout de suite, ce que tu entends : Je suis le Seigneur dans Sa réalité et Je ne connais ni ordres, ni besoins. Si J'appelle la créature à la vie, c'est en vertu de Ma Miséricorde infinie. »
Et à ce moment je revins à la réalité ; j'étais dans notre chapelle, sur mon prie-Dieu, la Sainte Messe finissait. Ces paroles étaient déjà écrites.
86. Quand je vis combien mon confesseur aurait à souffrir à cause de cette œuvre que Dieu veut mener à bien par son entremise, la peur me prit un instant et je dis au Seigneur : « Jésus, cette affaire est vôtre pourquoi agissez-Vous de la sorte envers lui ? Il me semble que Vous lui suscitez des difficultés, tout en lui ordonnant d'agir. »
« Ecris que nuit et jour Mon regard se pose sur lui et que Je permets ces contrariétés pour augmenter ces mérites. Ce n'est pas la réussite que Je récompense, mais la patience et la peine prises pour Moi. »
Wilno , 26.X. 1934
87. Vendredi, quand je revenais du jardin avec nos élèves à l'heure du souper (il était six heures moins dix), je vis Jésus au-dessus de notre chapelle, exactement comme Il était lorsque je Le vis pour la première fois, tel qu'Il est peint sur l'image. Les deux rayons qui sortaient de Son Cœur couvraient notre chapelle et l'infirmerie, puis toute la ville, et ils se répandirent sur le monde entier. Cela dura environ quatre minutes, puis tout s'évanouit.
Une des enfants, qui m'accompagnait, un peu en arrière des autres, voyant également ces rayons, mais pas Jésus, ne pouvait imaginer d'où sortaient ces rayons. Elle était saisie et le raconta à ses compagnes. Les élèves riaient d'elle disant qu'elle avait rêvé ; peut-être était-ce la lumière d'un avion ? Mais elle s'obstinait et disait que jamais elle n'avait vu de tels rayons. Des compagnes lui dirent alors que ce pouvait être un réflecteur ; elle répondit qu'elle savait ce qu'était la lumière d'un réflecteur, mais qu'elle n'avait jamais vu de tels rayons. Après le souper, cette enfant me dit que ces rayons l'avaient tellement émue qu'elle ne pouvait rester tranquille. « J'en parlerai toujours ! » Cependant elle n'avait pas vu Jésus. Revenant sans cesse sur ces rayons elle me mit dans une position difficile, car je ne pouvais lui dire que j'avais vu Jésus. Je priais pour elle, demandant au Seigneur qu'Il lui donne les grâces dont elle avait tant besoin. Mon cœur se réjouit que Jésus seul se fasse connaître dans Son œuvre. Cela m'a causé de grands ennuis, mais on peut tout supporter pour Jésus.
88. Pendant mon adoration, je sentis la proximité de Dieu. Après un moment, j'aperçus Jésus et Marie. Cette vision emplit mon âme de joie, et je demandai au Seigneur : « Quelle est Votre volonté, Jésus, dans cette affaire ? Mon confesseur m'a ordonné de Vous le demander. » Jésus répondit : « Ma volonté est qu'il soit ici et qu'il ne se dispense de rien lui-même. »J'ai demandé à Jésus : « Est-ce que l'inscription peut-être comme suit : « Christ, Roi de Miséricorde » ? Il me répondit : « Je suis le Roi de Miséricorde - et il n'a pas dit « Christ ». - Je désire que cette image soit publiquement exposée le premier dimanche après Pâques, jour de la fête de la Miséricorde. Par le Verbe Incarné, Je fais connaître l'infini de ma Miséricorde. »
89. Il est étonnant de voir que les choses s'arrangèrent comme le Seigneur l'exigeait. La première fois, que cette image reçut les honneurs publics, elle était placée à Ostra Brama, au faîte de la fenêtre, et l'on pouvait l'apercevoir de très loin. A Ostra Brama, l'on célébrait solennellement, durant ces trois jours, la Clôture du Jubilé de la Rédemption du monde, 1900 après la Passion du Sauveur. Je comprends maintenant que l'œuvre de la Rédemption est unie à cette œuvre de la Miséricorde que le Seigneur exige.
90. Un jour, je vis intérieurement combien mon confesseur allait souffrir. Tous vont vous contredire et vos forces physiques diminueront. Je vous ai vu telle une grappe de raisins, choisie par le Seigneur et jetée dans le pressoir des souffrances. Votre âme, mon Père, sera à certains moments remplie de doute et d'incertitude à propos de cette œuvre et de moi. Et j'ai vu, comment Dieu seul vous contredisait. J'ai demandé au Seigneur pourquoi Il agissait de la sorte envers vous, comme pour rendre difficile ce qu'Il ordonnait Lui-même. Et le Seigneur dit : « J'agis ainsi envers lui pour témoigner que cette œuvre est Mienne. Dis-lui qu'il n'ait peur de rien, Mon regard repose sur lui nuit et jour. Il y aura tant de fleurons dans sa couronne et tant d'âmes seront sauvées par cette œuvre ! Je ne récompense pas le succès du travail, mais la souffrance. »
91. Mon Jésus, Vous seul savez quelles persécutions je souffre, uniquement parce que je Vous suis fidèle et que j'accepte Vos exigences. Vous êtes ma force - soutenez-moi, pour que j'accomplisse toujours fidèlement ce que Vous exigez de moi. Seule, je ne puis rien, mais toutes les difficultés s'évanouissent si Vous me soutenez. Ô mon Seigneur, ma vie est devenue un combat continuel et de plus en plus acharné dès le moment où mon âme reçut la faculté de Vous connaître. Chaque matin pendant la méditation, je me prépare au combat pour toute la journée ; la Sainte Communion est une garantie que je remporterai la victoire, et il en est ainsi. Je crains le jour où je ne pourrais recevoir la Sainte Hostie. Ce pain des Forts me donne toute l'énergie nécessaire pour accomplir cette œuvre, et le courage de faire tout ce qu'exige le Seigneur. Le courage et la force qui sont en moi ne viennent pas de moi, mais de Celui qui demeure en moi par l'Eucharistie.
Mon Jésus que l'incompréhension est grande ! Parfois, sans l'Eucharistie, je n'aurais pas le courage d'aller plus loin sur la voie que Vous m'indiquez.
92. L'humiliation est ma nourriture de chaque jour. Je comprends que l'épouse participe à tout ce qui concerne son Epoux, donc son manteau d'injures doit me couvrir aussi. Aux moments où je souffre beaucoup, je tâche de me taire, car je me méfie de ma langue qui, en de tels moments, est encline à parler de soi, alors qu'elle doit me servir à louer Dieu pour tant de bienfaits et de dons accordés. Quand je reçois Jésus dans la Sainte Communion, je Le prie avec ferveur de guérir ma langue pour que par elle, je n'offense ni Dieu, ni le prochain. Je veux qu'elle ne cesse de rendre gloire à Dieu. Les fautes que commet la langue sont graves. L'âme ne parviendra pas à la sainteté si elle ne maîtrise pas sa langue.
93. Abrégé du catéchisme des vœux religieux
Question : Qu'est-ce qu'un vœu ?
Réponse : Le vœu est une promesse volontaire, faite à Dieu d'accomplir un acte plus parfait.
Question : Est-ce que le vœu oblige dans une matière ordonnée par un commandement ?
Réponse : Oui. La réalisation d'un acte dans la matière ordonnée par un Commandement est à double valeur et mérite ; et sa négligence est double transgression et perversité, car si on viole un vœu, on ajoute alors au péché contre le Commandement, celui du sacrilège.
Question : Pourquoi les vœux religieux ont-ils une telle valeur ?
Réponse : Parce qu'il sont le fondement de la vie religieuse approuvée par l'Eglise, dans laquelle les membres réunis en une communauté religieuse, s'engagent à tendre toujours vers la perfection par trois vœux religieux : de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, observé selon les règles.
Question : Que veut dire : tendre à la perfection ?
Réponse : Tendre à la perfection veut dire que l'état religieux n'exige pas de perfection déjà acquise, mais oblige, sous peine de péché à un travail quotidien pour l'atteindre. Donc, le religieux qui ne veut pas se perfectionner, néglige son principal devoir d'état.
Question : Que sont les vœux religieux solennels ?
Réponse : Les vœux religieux solennels sont tellement absolus que, dans les cas extraordinaires, seul le Saint Père peut en relever.
Question : Que sont les vœux simples ?
Réponse : Ce sont des vœux moins absolus - Le Saint Siège peut relever des vœux perpétuels et des vœux simples.
Question : Quelle est la différence entre le vœu et la vertu ?
Réponse : Le vœu renferme seulement ce qui est commandé sous peine de péché. La vertu s'élève plus haut et facilite l'exécution de vœu. Au contraire en violant le vœu, on manque à la vertu et on la blesse.
Question : A quoi engagent les vœux religieux ?
Réponse : Les vœux engagent à s'efforcer d'acquérir les vertus et à se soumettre complètement à ses Supérieurs et aux Règles en vigueur ; ainsi le religieux donne sa personne à la Communauté, renonce à tout droit sur elle et sur ses actions qu'il sacrifie au service de Dieu.
Le vœu de pauvreté
Le vœu de pauvreté est un renoncement volontaire au droit de propriété ou à l'usage de cette propriété dans le but de plaire à Dieu.
Question : Quels objets concernent le vœu de pauvreté ?
Réponse : Tous les biens et objets appartenant à la Communauté, Tout ce que l'on a donné, choses ou argent : lorsque ces dons ont été acceptés, on y a plus droit. Tous les dons ou les présents à titre de remerciement ou autre, appartiennent de droit à la Communauté. On ne peut employer, sans violer le vœu, tout payement de travail y compris la rente viagère.
Question : Quand rompt-on ou viole-t-on le vœu selon le septième commandement ?
Réponse : On le rompt ou on le viole, lorsque sans permission :
- On prend pour soi ou pour quiconque une chose appartenant à la maison ;
- On garde une chose pour se l'approprier ;
- On vend ou on échange une chose appartenant à la Communauté ;
- On emploie un objet à un autre usage que celui auquel le Supérieur l'avait destiné ;
- On donne ou on accepte n'importe quoi ;
- On détruit ou abîme par négligence ;
- On emporte avec soi quelque chose en changeant de maison.
En cas de rupture de vœu, le religieux est obligé à la restitution envers la Communauté.
La vertu de pauvreté
C'est une vertu évangélique qui contraint le cœur à se libérer de l'attachement aux choses temporelles ; en vertu de sa profession, le religieux y est strictement obligé.
Question : Quand pèche-t-on contre la vertu de pauvreté ?
Réponse : Lorsqu'on désire une chose contraire à cette vertu. Lorsqu'on s'attache à quelque chose et lorsqu'on emploie des choses superflues.
Question : Quels sont les degrés de pauvreté ?
Réponse : Il y a pratiquement quatre degrés de pauvreté selon la profession :
- Ne disposer de rien ; dépendre des Supérieurs : la stricte matière du vœu.
- Eviter le luxe, se contenter des choses indispensables, cela dépend de la vertu.
- Se contenter volontiers des choses les moins bonnes en ce qui concerne la cellule, le vêtement, la nourriture etc. et en éprouver du contentement intérieur.
- Se réjouir de la gène.
Le vœu de chasteté
Question : A quoi oblige ce vœu ?
Réponse : A renoncer au mariage et à éviter tout ce qui est interdit par le sixième et le neuvième Commandements.
Question : Est-ce que une faute contre cette vertu est une violation de vœu ?
Réponse : Chaque faute contre cette vertu est en même tems une violation du vœu, car ici il n'y a pas de différence, comme dans la pauvreté ou l'obéissance, entre le vœu et la vertu.
Question : Est-ce que chaque mauvaise pensée est un péché ?
Réponse : Non, chaque mauvaise pensée n'est pas un péché, elle le devient seulement lorsque la complaisance de la volonté et le consentement se joignent à la considération de l'esprit.
Question : Qu'est-ce qui, outre les péchés contre la chasteté, nuit à cette vertu ?
Réponse : La liberté des sens, la liberté de l'imagination et la liberté des sentiments, la familiarité et les tendres amitiés, nuisent à cette vertu.
Question : Par quels moyens conserve-t-on cette vertu ?
Réponse : En repoussant les tentations intérieures par la pensée de la présence de Dieu et en les combattant sans peur. Et pour les tentations extérieures, en évitant les occasions de pécher.
Il y a en tout sept principaux moyens :
- Surveiller les sens ;
- Eviter les occasions ;
- Eviter l'oisiveté ;
- Eloigner promptement les tentations ;
- S'écarter de toute amitié, notamment des amitiés particulières ;
- Cultiver l'esprit de mortification ;
- Révéler toutes les tentations à son confesseur.
Outre cela il y a encore cinq moyens de préserver cette vertu :
- l'humilité ;
- l'esprit d'oraison ;
- la modestie ;
- la fidélité à la règle :
- une sincère dévotion à la Sainte Vierge Marie.
Vœu d'obéissance
Le vœu d'obéissance est supérieur aux deux premiers, car il est, à vrai dire, un holocauste. Et il est le plus nécessaire, parce qu'il forme et anime le corps monastique.
Question : A quoi oblige le vœu d'obéissance ?
Réponse : Par le vœu d'obéissance, le religieux promet à Dieu d'être obéissant à ses Supérieurs légitimes en tout ce qu'ils ordonneront au nom de la règle. Le vœu d'obéissance rend le religieux dépendant de son supérieur, au nom de la règle, dans toute sa vie et toutes ses affaires. Le religieux commettra un péché grave contre ce vœu, chaque fois qu'il désobéira à un ordre donné.
La vertu d'obéissance
La vertu d'obéissance va plus loin que le vœu, elle embrasse les règles, les règlements et même les conseils des supérieurs.
Question : Est-ce que la vertu d'obéissance est indispensable au religieux ?
Réponse : La vertu d'obéissance lui est tellement indispensable que, même s'il faisait des bonnes actions en dehors de l'obéissance, elles deviendraient mauvaises ou sans mérite.
Question : Peut-on pécher gravement contre la vertu d'obéissance ?
Réponse : On pèche gravement quand on méprise l'autorité ou l'ordre du Supérieur. Quand un dommage spirituel ou temporel pour la Communauté résulte de la désobéissance.
Question : Quelles fautes mettent le vœu en danger ?
Réponse : Etre prévenu contre le Supérieur ou avoir de l'antipathie pour lui, les murmures ou critiques, la lenteur et la négligence.
Les degrés de l'obéissance
1. L'exécution prompte et entière. 2. L'obéissance de la volonté, lorsque la volonté décide la raison à se soumettre à l'avis du Supérieur. Pour faciliter l'obéissance, Saint Ignace suggère trois moyens :
- Toujours voir Dieu dans son Supérieur, quel qu'il soit.
- Justifier en soi l'ordre ou l'avis du Supérieur.
- Accepter chaque ordre comme un ordre de Dieu, sans examiner ou réfléchir.
Moyen général : l'humilité par laquelle rien n'est difficile.
94. Ô mon Seigneur, enflammez mon cœur d'amour pour Vous, pour que mon esprit ne se lasse pas parmi les orages, les souffrances et les épreuves ! Vous voyez comme je suis faible. L'amour peut tout.
95. La connaissance plus profonde de Dieu peut effrayer l'âme. Au commencement, Dieu se révèle comme Sainteté, Justice, Bonté, c'est-à-dire Miséricorde. L'âme ne connaît pas tout à la fois, mais par étapes ou lueurs successives, qui la rapprochent, chaque fois de Dieu. Ces lueurs sont de courte durée, car l'âme ne pourrait supporter l'intensité de cette lumière. C'est pendant l'oraison que l'âme reçoit les éclairs de cette lumière, qui rendent impossible son ancienne manière de faire oraison. L'âme peut faire les efforts qu'elle voudra pour revenir à l'ancienne oraison, ce sera en vain ; il lui devient complètement impossible de continuer à prier de la même façon qu'avant d'avoir reçu cette lumière. La lumière qui a touché l'âme brille en elle, sans que rien puisse l'étouffer, ni l'obscurcir. Cette lueur de la connaissance de Dieu attire l'âme et allume son amour pour Lui. Mais cette vive clarté révèle en même temps à l'âme son état particulier ; elle se voit intérieurement toute entière dans la lumière d'en haut, et elle se lève effrayée et alarmée. Mais elle ne reste pas sous l'effet de cette frayeur et commence à se purifier, à s'humilier et à s'abaisser devant le Seigneur. Et ces lumières deviennent plus fortes et plus fréquentes. Plus l'âme s'épure et plus ces lumières sont pénétrantes. Dieu comble de Ses consolations et Se donne de manière sensible à l'âme qui répond fidèlement et courageusement à ces premières grâces. Elle entre par instants dans une sorte d'intimité avec Dieu et en éprouve une grande joie. Elle croit déjà avoir atteint le degré de perfection qui lui était destiné; ses imperfections et ses défauts sommeillent toujours en elle, mais elle croit les avoir perdus. Rien ne lui semble difficile, elle est prête à tout. Elle commence à se plonger en Dieu et à en goûter les délices. Portée par la grâce, elle ne se rend pas du tout compte que le temps de l'épreuve peut venir. Et en effet, cet état ne dure pas longtemps. Voici venir des moments d'une autre nature. Mais je dois souligner que l'âme répond plus fidèlement à la grâce divine, si elle a un confesseur éclairé à qui elle confie tout.
96. Les épreuves de Dieu dans une âme particulièrement aimée de Lui. Tentations et ténèbres, Satan.
L'amour de Dieu, en cette âme, n'est pas encore tel que Dieu l'exige. Elle perd tout à coup le sentiment de la présence de Dieu, toutes sortes de fautes et de défauts, qu'elle doit combattre avec acharnement, se lèvent en elle. Toutes ses propres imperfections réapparaissent, mais sa vigilance est grande. Au lieu de sentir la présence de Dieu, elle connaît la sécheresse spirituelle. Elle ne se sent plus aucun goût pour les exercices spirituels. Elle ne peut plus prier, ni comme autrefois, ni comme elle priait désormais. Elle s'élance de tous cotés et ne trouve nulle part de satisfaction.
Dieu s'est caché d'elle et elle ne trouvera de consolation en rien ni en personne. L'âme désire passionnément Dieu, mais elle voit sa propre misère et commence à ressentir la justice divine. Elle croit avoir perdu tous les dons de Dieu, sa raison en est comme affaiblie. Les ténèbres l'envahissent toute entière. C'est le commencement de tourments inconcevables. Elle tente d'exposer son état intérieur à son confesseur qui ne la comprend pas. Son trouble augmente encore. Satan commence son œuvre.
97. La foi de l'âme commence à chanceler, c'est une lutte acharnée. L'âme fait des efforts ; par un acte de volonté, elle reste auprès de Dieu.
Satan, avec la permission de Dieu, avance encore plus loin : l'espérance et l'amour sont mis à l'épreuve. Ces tentations sont terribles. Secrètement, sans qu'elle le sache, Dieu soutient l'âme ; autrement il lui serait impossible de se maintenir, et Dieu sait combien il peut permettre à l'âme de souffrir. L'âme est tentée par l'infidélité envers les vérités révélées, par le manque de franchise envers son confesseur. Satan lui dit : « Vois, personne ne te comprend, à quoi bon parler de tout cela ? »
Des paroles effrayantes sonnent à ses oreilles, et il lui semble qu'elle les prononce contre Dieu. Elle voit ce qu'elle ne voudrait ne pas voir. Elle entend ce qu'elle voudrait ne pas entendre ; et il est terrible en de tels moments, de ne pas avoir de confesseur expérimenté.
Elle porte seule tout le fardeau ; cependant, autant qu'il est en son pouvoir, elle doit s'efforcer de trouver un confesseur éclairé, car elle risque de succomber sous le poids, ce qui la mènerait au bord du précipice.
Toutes ces épreuves sont dures et pénibles ; et Dieu ne les envoie pas à une âme qui n'aurait pas d'abord été admise à une profonde intimité avec Lui, et qui n'aurait pas goûté aux délices divins. Il a aussi, dans tout cela, Ses desseins, qui nous sont impénétrables. Souvent, Dieu prépare de cette manière les âmes à de futurs desseins et à de grandes œuvres. Il veut les éprouver comme l'or pur, mais ce n'est pas encore la fin.
Il reste l'épreuve suprême : le complet délaissement de l'âme par Dieu.
98. L'épreuve suprême, le délaissement complet. Le désespoir.
L'âme sort victorieuse des batailles précédentes, même si elle a trébuché, elle se bat vaillamment ; elle appelle Dieu en toute humilité : « Sauvez-moi, je péris ! » Elle est encore capable de combattre.
Maintenant de terribles ténèbres enveloppent l'âme. Elle ne voit en elle que péché. Elle souffle cruellement. Elle se voit complètement abandonnée de Dieu, elle a le sentiment d'être pour Lui un objet de haine ; elle est au bord du désespoir. Elle se défend de son mieux, elle tâche d'éveiller la confiance. Mais l'oraison n'est pour elle qu'une plus grande peine ; il lui semble qu'elle attise la colère de Dieu. Elle se tient sur un sommet qui se perd dans les nuées, mais qui surplombe un gouffre.
L'âme brûle du désir d'être près de Dieu, mais elle se sent repoussée. Tous les supplices du monde ne sont rien, comparés au sentiment dont elle est la proie : l'abandon de Dieu.
Personne ne peut la soulager. Elle voit qu'elle est toute seule, qu'elle n'a personne pour la défendre. Elle lève les yeux au ciel, mais elle sait qu'elle n'a rien à en attendre ; pour elle, tout est perdu. Elle tombe dans des ténèbres de plus en plus épaisses ; Il lui semble qu'elle a perdu Dieu pour toujours, ce Dieu qu'elle a tant aimé. Cette pensée lui cause un tourment indescriptible. Mais elle n'y consent pas. Elle tente de regarder vers le ciel, en vain : et cela redouble son tourment.
Personne n'éclairera cette âme si Dieu veut la maintenir dans les ténèbres. Elle a le sentiment aigu et terrifiant d'être rejetée de Dieu. Des élans douloureux jaillissent de son cœur si douloureux, qu'aucun prêtre ne les comprendra, à moins qu'il ne soit lui-même passé par ces épreuves. Et en tout cela, Satan ajoute encore aux souffrances de l'âme par ses moqueries : « Tu vois bien ! Resteras-tu encore fidèle ? Voilà ton sort, tu es en notre pouvoir ! » Mais Satan n'a pas plus d'influence sur cette âme que Dieu ne le permet, et Dieu sait combien nous pouvons supporter. -« A quoi cela t'a-t-il servi de te mortifier ? D'être fidèle à la règle ? A quoi bon tous ces efforts ? Tu es rejetée de Dieu ! » dit Satan.
-Ce mot « rejetée » devient un feu qui brûle chaque nerf ; il transperce tout l'être jusqu'à la moelle des os. Le moment le plus important de cette épreuve arrive. L'âme ne cherche plus d'aide nulle part : elle se plonge en elle-même, perd tout le reste de vue. C'est comme si elle acceptait ce supplice du délaissement. C'est un moment que je ne saurais décrire. C'est l'agonie de l'âme
99. La première fois que j'eus à vivre un tel moment, j'en fus arrachée en vertu de la Sainte Obéissance. La Mère Maîtresse, effrayée à ma vue, m'envoya me confesser ; mais le confesseur ne me comprit pas, je ne sentis pas l'ombre d'un soulagement. Ô Jésus, donnez-nous des prêtres expérimentés ! Quand je lui dis que mon âme traversait les tourments de l'enfer, il me répondit qu'il était tranquille quant à l'état de mon âme, car il y voyait une grande grâce de Dieu. Mais je ne comprenais rien à tout cela, et pas un rayon de lumière ne pénétra dans mon âme.
100. Puis les forces physiques commencèrent à me manquer ; je n'étais plus en état de remplir mes devoirs. Je ne pouvais plus dissimuler mes souffrances, bien que n'en disant rien à personne, car la douleur que reflétait mon visage, me trahissait. La Supérieure me dit que les Sœurs venaient lui dire qu'elles étaient prises de pitié lorsqu'elles me voyaient à la chapelle, tant ma mine était effrayante. Malgré ses efforts, l'âme n'est plus en état de dissimuler cette souffrance.