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  • : In hoc signo vinces. Parousie by ROBLES Patrick
  • : Blog Parousie de Patrick ROBLES (Montbéliard, Franche-Comté, France)
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  • Patrick ROBLES
  • Dominus pascit me, et nihil mihi deerit. Le Seigneur est mon berger : je ne manquerai de rien. The Lord is my shepherd; I shall not want. El Señor es mi pastor, nada me falta. L'Eterno è il mio pastore, nulla mi mancherà. O Senhor é o meu pastor; de nada terei falta. Der Herr ist mein Hirte; mir wird nichts mangeln. Господь - Пастырь мой; я ни в чем не буду нуждаться. اللهُ راعِيَّ، فلَنْ يَنقُصَنِي شَيءٌ (Ps 23,1)
  • Dominus pascit me, et nihil mihi deerit. Le Seigneur est mon berger : je ne manquerai de rien. The Lord is my shepherd; I shall not want. El Señor es mi pastor, nada me falta. L'Eterno è il mio pastore, nulla mi mancherà. O Senhor é o meu pastor; de nada terei falta. Der Herr ist mein Hirte; mir wird nichts mangeln. Господь - Пастырь мой; я ни в чем не буду нуждаться. اللهُ راعِيَّ، فلَنْ يَنقُصَنِي شَيءٌ (Ps 23,1)

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 18:19
Porziuncola, église Sainte-Marie des Anges, Assise

Oh ! M.F., quelle gloire vont avoir ceux qui auront communié souvent et dignement pendant leur vie !... Le corps adorable de Jésus-Christ et son sang précieux, qui seront répandus partout dans notre corps seront, semblables à un beau diamant dans une gaze, qui, quoique caché, n'en ressort que mieux. Si vous en doutez, écoutez saint Cyrille d'Alexandrie qui nous dit que celui qui reçoit Jésus-Christ dans la sainte communion est telle-ment uni à lui, qu'ils sont semblables à deux morceaux de cire que l'on fait fondre et qui finissent par ne faire qu'un, et qui sont tellement mêlés et confondus ensem-ble qu'on ne peut plus les démêler. Oh ! M.F., quel bonheur pour un chrétien qui comprend cela !... Sainte Catherine de Sienne s'écriait dans ses transports d'amour : « O mon Dieu ! ô mon Sauveur ! ah ! quel excès de charité et de bonté pour les créatures de vous donner avec tant d'empressement ! Et, en vous donnant, vous donnez tout ce que vous avez et tout ce que vous êtes ! Mon tendre Sauveur, lui disait-elle, je vous en conjure, arrosez ma pauvre âme de votre sang précieux, nourrissez mon corps de votre corps adorable, afin que mon corps et mon âme ne soient que pour vous, et n'aspirent uniquement qu'à vous plaire et à vous possé-der. » Sainte Magdeleine de Pazzi nous dit qu'il ne fau-drait qu'une seule communion, faite avec un amour tendre et un cœur bien pur, pour nous élever à la plus haute perfection. La bienheureuse Victoire disait à ceux qu'elle voyait languir dans le chemin du ciel : « O mes enfants, pourquoi est-ce que vous vous traînez dans les voies du salut ? Pourquoi est-ce que vous avez si peu de courage pour travailler, pour mériter le grand bon-heur d'aller vous asseoir à la Table sainte et d'y manger le pain des anges qui donne tant de force aux faibles ? Oh ! si vous saviez combien ce pain céleste adoucit les misères de la vie ! Oh ! si une fois vous aviez goûté combien Jésus-Christ est bon et bienfaisant pour celui qui le reçoit dans la sainte communion !... Allez, mes enfants, mangez ce pain des forts, et vous reviendrez remplis de joie et de courage ; vous ne désirerez plus que la souffrance, les tourments et les combats, pour plaire à Jésus-Christ. » Sainte Catherine de Gênes était si affamée de ce pain céleste, qu'elle ne pouvait le voir entre les mains du prêtre sans se sentir mourir d'amour, tant était grand le désir qu'elle avait de le posséder elle s'écriait : « Ah ! Seigneur, venez en moi ! mon Dieu, venez à moi, je ne peux plus y tenir ! Ah ! mon Dieu, venez, s'il vous plait, dans le fond de mon cœur ; non, mon Dieu, je ne peux plus y tenir. Vous êtes toute ma joie, tout mon bonheur et toute la nourriture de mon âme ! »
Oui, M.F., si nous pouvions concevoir un petit peu la grandeur de ce bonheur, nous ne pourrions désirer la vie qu'autant que nous aurions le bonheur de faire de Jésus-Christ notre pain de chaque jour. Non, M.F., toutes les choses créées ne nous seraient plus rien, nous les mépriserions pour nous attacher à Dieu seul, et toutes nos démarches et nos actions ne tendraient qu'à nous rendre tous les jours plus dignes de le recevoir.

II. - Cependant, M.F., si nous avons le bonheur de recevoir tant de biens par la sainte communion, il faut, pour mériter tous ces dons, travailler aussi, de notre côté, à nous en rendre dignes ; ce que nous allons voir d'une manière bien sensible. Si je demandais à un enfant quelles sont les dispositions nécessaires pour bien com-munier, c'est-à-dire pour recevoir dignement le Corps adorable de Jésus-Christ et son Sang précieux, afin de recevoir les grâces accordées à tous ceux qui sont bien disposés, il me répondrait : « Il y a deux sortes de dispositions, les unes qui regardent l'âme, les autres qui regardent le corps. » Comme Jésus-Christ vient aussi bien dans notre corps que dans notre âme, nous devons donc les rendre l'un et l'autre dignes d'un tel bonheur.
1° Je dis que la première disposition est celle qui regarde le corps ; c'est-à-dire, être à jeûn, ne rien avoir mangé ni bu, ne rien avoir mis dans sa bouche, pas même..., depuis minuit. Si vous doutiez que ce fût plus de minuit, il faut renvoyer votre communion à un autre jour. II y en a qui communient quoiqu'ils doutent que ce fût plus de minuit ; vous vous exposez à commettre un gros péché, ou du moins, vous vous exposez à ne retirer aucun fruit de votre communion, ce qui est un grand malheur, quand même ce serait le dernier jour des pâques ou d'un jubilé, ou une grande fête ; c'est-à--dire qu'il ne faut jamais le faire, sous quelque prétexte que ce soit. Il y a des femmes qui goûtent le manger de leurs enfants, qui se le mettent à la bouche et qui croient ne rien avaler. Ne vous y fiez pas ; parce qu'il est bien difficile de faire ces choses-là sans qu'il en des-cende rien dans le gosier.
2° Je dis qu'il faut avoir des habillements propres, je ne veux pas dire riches, mais seulement qui ne soient point crasseux ni déchirés : c'est-à-dire, lavés et raccom-modés, à moins que l'on n'en ait point d'autres. Il y en a qui n'ont pas de quoi se changer, ou qui, par paresse, ne le font pas, ne changent pas de linge, c'est-à-dire de chemise. Pour ceux qui n'en ont point, il n'y a pas de mal ; mais ceux qui en ont font mal, puisque c'est manquer de respect à Jésus-Christ, qui veut bien venir dans leur cœur. Il faut s'être peigné, avoir le visage et les mains propres ; ne jamais venir à la sainte Table sans avoir des bas, bons ou mauvais. Ce n'est pas que l'on doive approuver ces jeunes personnes qui, en allant à la sainte Table, ne mettent point de différence d'avec l'instant où elles vont dans un bal ou une danse ; je ne sais pas comment elles peuvent aller avec tout leur éta-lage de vanité recevoir un Dieu humilié et méprisé. Mon Dieu, mon Dieu, quelle contradiction !...
La troisième disposition c'est la pureté du corps. Ce sacrement est appelé « le pain des anges », pour nous montrer que, pour le recevoir dignement, il faut appro-cher de la pureté des anges autant que nous le pouvons. Saint Jean Chrysostome nous dit que ceux qui ont le malheur de laisser traîner leur cœur sur quelque objet impur, doivent bien prendre garde de ne pas aller man-ger le pain des anges, parce que le Seigneur les puni-rait. Dans les commencements de l'Église, une personne qui avait péché contre la sainte vertu de pureté était condamnée à rester trois ans sans communier ; et, si elle y retombait, elle en était privée durant sept ans ce qui est facile à comprendre, puisque ce péché souille l'âme et le corps. Saint Jean Chrysostome nous dit que la bouche qui reçoit Jésus-Christ et le corps qui le ren-ferme, doivent être plus purs que les rayons du soleil. Il faut que tout notre extérieur annonce à tous ceux qui nous voient que nous nous préparons à quelque chose de grand.
Vous conviendrez avec moi que si, pour communier, les dispositions du corps sont déjà si nécessaires, je vous laisse à penser combien celles de l'âme le sont encore davantage pour mériter les grâces que Jésus--Christ vient nous apporter en venant en nous par la sainte communion. Oui, M.F., lorsque nous allons à la sainte Table, si nous voulons recevoir Jésus-Christ avec de bonnes dispositions, il faut que notre conscience ne nous reproche rien ; il faut que nous soyons con-vaincus que nous avons mis tout le temps qu'il fallait pour nous examiner, afin de bien connaître nos péchés ; il faut que notre conscience ne nous reproche rien sur l'accusation que nous avons faite de nos péchés et que nous soyons dans une véritable résolution de faire, avec la grâce de Dieu, tout ce qui dépend de nous pour ne pas retomber ; il faut que nous ayons un grand désir d'accomplir, autant bien que nous pouvons, la péni-tence que l'on nous a donnée. Pour bien nous pénétrer de la grandeur de l'action que nous allons faire, il faut, en commençant, regarder la sainte Table comme le tri-bunal de Jésus-Christ, où nous serons jugés. Si nous avons eu le malheur de ne pas bien accuser nos péchés, d'en avoir détourné ou déguisé quelques-uns ; soyons bien persuadés que ce n'est pas Jésus-Christ que nous allons loger, mais le démon. Oh ! M.F., quelle horreur de placer Jésus-Christ même aux pieds du démon !...
Nous lisons dans l'Évangile, que lorsque Jésus-Christ institua le sacrement adorable de l'Eucharistie, ce fut dans un appartement bien propre et bien meublé , pour nous montrer combien nous devons prendre soin d'embellir notre âme de toutes sortes de vertus pour recevoir Jésus-Christ dans la sainte communion. Et, bien plus, avant de donner son corps adorable et son Sang précieux, Jésus-Christ se leva de table et alla laver les pieds de ses apôtres , afin de nous faire concevoir com-bien il faut que nous soyons exempts des péchés, même les plus légers, c'est-à-dire n'avoir aucune affection aux péchés véniels. Le parfait renoncement de nous-mêmes dans tout ce qui n'est pas contraire à notre conscience ; ne faire aucune difficulté de parler à ceux qui nous ont fait quelque peine, ni de les voir, les porter dans le fond de nos cœurs... Disons encore mieux, M.F., lorsque nous allons recevoir le corps de Jésus-Christ dans la sainte communion, il faut que nous nous sentions en état de mourir et d'aller paraître avec confiance devant le tribunal de Jésus-Christ. Saint Augustin nous dit : « Si vous voulez communier de manière à bien plaire à Jésus-Christ, il faut que vous soyez détachés de tout ce qui peut tant soit peu déplaire au bon Dieu. » Saint Jean Chrysostome nous dit : « Lorsque vous serez tombés dans quelque péché mortel, il faut vous en con-fesser aussitôt ; mais, il faut rester quelque temps sans vous approcher de la sainte Table pour avoir le temps de faire pénitence. Déplorez, nous dit-il, le malheur de ces personnes qui, après avoir confessé de gros péchés mortels, demandent de suite la sainte communion, croyant que la confession seule suffit. I1 faut encore pleurer nos péchés et en faire pénitence, avant d'avoir le bonheur de recevoir Jésus-Christ dans nos cœurs. » Saint Paul nous dit à tous : « de bien purifier notre âme de ses péchés avant de manger le pain des anges, qui est le Corps adorable de Jésus-Christ et son Sang pré-cieux ; parce que, si notre âme n'était pas bien pure, nous nous attirerions toutes sortes de malheurs pour ce monde et pour l'autre. » Saint Bernard nous dit : « Pour communier dignement, il faut faire comme le serpent, quand il veut boire à son aise. Afin que l'eau lui profite, il quitte son venin. Pour nous, il faut faire de même : quand nous voulons recevoir Jésus-Christ, il faut quitter notre venin qui est le péché, qui est le poison de notre âme et de Jésus-Christ ; mais, nous dit ce grand saint, il faut le quitter pour tout de bon. Oh ! mes enfants, nous dit-il, n'empoisonnez pas Jésus-Christ dans votre cœur ! »
Oui, M.F., ceux qui vont à la sainte Table sans avoir bien purifié leur cœur, doivent grandement craindre d'éprouver le même châtiment que ce serviteur qui osa se mettre à table sans avoir la robe nuptiale. Le maître commanda à ses officiers de le prendre, de lui lier pieds et mains, de le jeter dans les ténèbres . De même, M.F., Jésus-Christ dira à l'heure de la mort, à ceux qui auront eu le malheur de le recevoir dans leur cœur sans être convertis : « Pourquoi avez-vous eu l'audace de me recevoir dans votre cœur, étant souillés de tant de péchés ? » Non, M.F., n'oublions jamais que pour communier il faut être converti et dans une véritable résolution de persévérer. Nous avons vu que quand Jésus-Christ voulut donner son Corps adorable et son Sang précieux à ses apôtres, pour leur montrer com-bien il fallait être pur pour le recevoir, il alla jusqu'à leur laver les pieds. C'est qu'il veut nous montrer par là, que nous ne saurions jamais être assez purifiés de nos péchés même véniels. Il est vrai que le péché véniel ne rend pas nos communions indignes ; mais il est cause que nous ne profitons presque rien de tant de bonheur. La preuve en est bien claire, voyez combien pendant notre vie nous avons fait de communions ; eh bien ! en sommes-nous devenus meilleurs ? - Non, sans doute, et la véritable cause de cela, c'est que nous conservons presque toujours nos mauvaises habitudes, et que nous ne nous corrigeons pas plus une fois que l'autre. Nous avons en horreur ces gros péchés qui donnent la mort à notre âme ; mais pour toutes ces petites impatiences, ces murmures lorsqu'il nous arrive quelques misères ou quelques chagrins, quelque contradiction, ces petits détours dans ce que nous disons : cela ne nous coûte guère. Vous convenez avec moi que, malgré tant de confessions et de communions, vous êtes toujours les mêmes, que vos confessions ne sont pas autre chose, depuis bien des années, qu'une répétition des mêmes péchés qui, quoique véniels, ne vous font pas moins perdre presque tout le mérite de vos communions. L'on vous entend dire, avec raison, que vous ne valez pas plus une fois que l'autre ; mais qui vous empêche de vous corriger de vos fautes ?... Si vous êtes toujours de même, c'est bien parce que vous ne voulez pas faire quelques petits efforts pour vous corriger ; vous ne voulez rien souffrir et n'être contredit en rien ; vous voudriez que tout le monde vous aimât et ait bonne opinion de vous, ce qui est bien difficile. Tâchons de travailler, M.F., à détruire tout ce qui peut tant soit peu déplaire à Jésus-Christ, et nous verrons combien nos communions nous feront marcher à grands pas vers le ciel ; et plus nous en ferons, plus nous nous senti-rons détachés du péché et portés à Dieu.
Saint Thomas nous dit que la pureté de Jésus-Christ est si grande, que le moindre péché véniel l'empêche de s'unir à nous aussi intimement qu'il le voudrait. Pour bien recevoir Jésus-Christ, il faut avoir dans l'es-prit et dans le cœur une grande pureté d'intention. Il y en a qui pensent au monde, ou qu'on les estimera ou qu'on les méprisera : cela ne vaut rien. D'autres, c'est par habitude d'y aller ces jours-là. Voilà, M.F., de pauvres communions, puisqu'elles manquent de pureté d'intention.
M.F., ce qui doit nous porter à nous approcher de la sainte Table : c'est 1° parce que Jésus-Christ nous le commande sous peine de ne pas avoir la vie éternelle ; 2° que nous en avons grandement besoin pour nous fortifier contre le démon ; 3° pour nous détacher de la vie et nous attacher à Dieu. Nous disons que pour avoir le grand bonheur de recevoir Jésus-Christ, bonheur si grand que tous les anges nous portent envie (ils peuvent l'aimer et l'adorer comme nous, mais ils n'ont pas le bonheur de le recevoir comme nous, ce qui semble nous élever au-dessus des anges) D'après cela, M.F., je vous laisse à penser avec quelle pureté, avec quel amour nous devons nous présenter à Jésus-Christ pour le recevoir. Nous devons communier pour recevoir les grâces dont nous avons besoin. Si nous avons besoin de l'humilité, de la patience et de la pureté ; eh bien ! M.F., nous trouverons tout cela dans la sainte communion, et toutes les vertus nécessaires à un chrétien. 4° Nous devons aller à la sainte Table, pour nous unir à Jésus-Christ, afin qu'il nous change en d'autres lui-même, ce qui arrive dans tous ceux qui le reçoivent saintement. Si nous communions souvent et dignement, nos pensées, nos désirs et aussi toutes nos actions et nos démarches ont la même fin que celles de Jésus-Christ lorsqu'il était sur la terre. Nous aimons Dieu, nous sommes touchés des misères spiri-tuelles et même temporelles du prochain, nous ne pen-sons nullement à nous attacher à la terre ; notre cœur et notre esprit ne pensent et ne respirent plus que le ciel.
Oui, M.F., pour faire une bonne communion, il faut avoir une foi vive touchant ce grand mystère ; ce sacre-ment étant un « mystère de foi, » il faut croire vérita-blement que Jésus-Christ est réellement présent dans la sainte Eucharistie, qu'il y est vivant et glorieux comme dans le ciel. Autrefois, M.F., avant de donner la sainte communion, le prêtre, tenant la sainte Eucharistie entre ses doigts, disait à haute voix : « Croyez, M.F., que le Corps adorable et le Sang précieux de Jésus-Christ est véritablement dans ce sacrement. » Alors tous les fidèles répondaient : « Oui, nous le croyons . » O quel bonheur pour un chrétien de venir s'asseoir à la table des vierges et de manger le pain des forts !... Non, M.F., il n'y a rien qui nous rende si redoutables au démon que la sainte communion, et, bien plus, elle nous conserve non seulement la pureté de l'âme, mais encore celle du corps. Voyez sainte Thérèse, qui était devenue si agréable à Dieu par la sainte communion qu'elle faisait si souvent et si dignement, qu'un jour Jésus-Christ lui apparut, et lui dit qu'elle lui plaisait tant que, quand il n'y aurait point de ciel, il en créerait un pour elle seule. Nous voyons dans sa vie qu'un dimanche de Pâques, après la sainte communion, elle fut si ravie en Dieu, qu'étant revenue à elle-même, elle se sentit la bouche toute pleine du sang adorable de Jésus-Christ qui semblait sortir de ses veines ; ce qui lui communiqua tant de douceur, qu'elle crut mourir d'amour. « Je vis, nous dit-elle, mon divin Sauveur qui me dit : Ma fille, je veux que ce sang adorable qui te cause tant d'amour soit employé à te sauver ; ne crains jamais que ma miséricorde te manque. Lorsque j'ai répandu ce sang précieux, je n'ai éprouvé que douleur et amertume ; mais, pour toi, en le recevant, il ne te communiquera que douceur et amour. » Plusieurs fois, lorsqu'elle avait le grand bonheur de communier, les anges descendaient en foule du ciel et semblaient faire leurs délices de s'unir à elle pour louer le Sauveur qu'elle avait le bonheur de porter dans son cœur. Bien des fois l'on a vu sainte Thérèse prise par les anges à la Table sainte, ils la portaient sur une haute tribune.
Oh ! M.F., si nous avions une fois bien compris combien ce bonheur est grand, nous n'aurions pas besoin d'être sollicités à venir partager ce bonheur. Sainte Gertrude demandait un jour à Jésus-Christ ce qu'il fallait faire pour le recevoir le plus dignement possible. Jésus-Christ lui répondit qu'il fallait avoir autant d'amour que tous les saints ensemble, et que son seul désir serait récompensé. Voulez-vous savoir, M.F., comment vous devez vous comporter quand vous voulez avoir le bonheur de recevoir le bon Dieu ? Faites comme ce bon chrétien qui communiait tous les huit jours ; il en employait trois en actions de grâces et trois à se préparer. Eh bien ! qui vous empêche de faire de même toutes vos actions pour cela. Pendant ce temps-là, entretenez-vous avec Jésus-Christ, qui règne dans votre cœur ; pensez qu'il va venir sur l'autel, et que, de là, il va venir dans votre cœur pour visiter votre âme et l'enrichir de toutes sortes de biens et de bonheur. Il faut implorer la sainte Vierge, les anges et les saints, afin qu'ils prient le bon Dieu pour nous, que nous le recevions autant dignement qu'il nous sera possible. Ce jour-là il faut venir plus de bonne heure à la sainte Messe, et l'entendre encore mieux que les autres fois. II faut que notre esprit et notre cœur soient sans cesse au pied du tabernacle, qu'ils soupirent con-tinuellement après cet heureux moment, il faut que nos pensées ne soient plus de ce monde, mais toutes pour le ciel, et que nous soyons tellement abîmés dans la pensée de Dieu que nous semblions être morts au monde. Il faut avoir vos Heures ou votre Chapelet et dire vos actes avec autant de ferveur que vous pourrez, pour ranimer en vous la foi, l'espérance et un grand amour pour Jésus-Christ qui va, dans un instant, de votre cœur faire son tabernacle, ou, si vous voulez, un petit ciel. Mon Dieu, quel bonheur et quel honneur pour des misérables comme nous ! Nous devons lui témoigner un grand respect. Être si misérable !... Mais nous espérons qu'il aura tout de même pitié de nous. Après avoir dit vos actes, il faut offrir votre communion pour vous ou pour d'autres ; vous vous levez pour aller à la sainte Table avec beaucoup de modestie, ce qui annonce que vous allez faire quelque chose de grand ; vous vous mettez à genoux et vous vous efforcez de ranimer en vous la foi qui vous fasse sentir la grandeur de votre bonheur. Il faut que votre esprit et votre cœur soient tout à Dieu. Vous prenez bien garde de ne pas tourner la tête, vous tenez vos yeux à moitié fermés, les mains jointes, et vous dites votre : « Je confesse à Dieu. » Si vous attendez pour communier, il faut vous exciter à un grand amour pour Jésus-Christ, en le priant bien humblement qu'il daigne venir dans votre pauvre et misérable cœur.
Après que vous avez eu le grand bonheur de commu-nier, il faut vous lever avec modestie, retourner à votre place, vous mettre à genoux et ne pas prendre de suite un livre ou votre chapelet ; il faut vous entretenir un moment avec Jésus-Christ, que vous avez le bonheur d'avoir dans votre cœur, où, pendant un quart d'heure, il est en corps et en âme, comme pendant sa vie mor-telle. O bonheur infini ! qui est celui qui pourra jamais le comprendre !... Hélas ! presque personne ne le com-prend !... Après que vous avez demandé au bon Dieu toutes les grâces que vous désirez pour vous et pour les autres, il faut reprendre vos Heures et continuer. Ayant dit vos actes après la communion, il faut inviter la sainte Vierge, tous les anges et tous les saints à remer-cier le bon Dieu pour vous. Il faut bien prendre garde de ne pas cracher, au moins d'une bonne demi-heure après la sainte communion. I1 ne faut pas sortir de suite après la sainte Messe, mais rester un instant pour demander au bon Dieu de bien vous affermir dans vos bonnes résolutions. Lorsque vous sortez de l'église, il ne faut pas vous arrêter à causer ; mais, pensant au bonheur que vous avez de renfermer Jésus-Christ, il faut vous en aller chez vous. Si vous avez un petit moment entre les offices, il faut l'employer à faire une bonne lecture ou à faire une visite au Saint-Sacrement, pour remercier le bon Dieu de la grâce qu'il vous a faite le matin, et vous entretenir des affaires du monde tant moins que vous pouvez. Il faut tellement veiller sur toutes vos pensées, vos paroles et vos actions, que vous conserviez la grâce du bon Dieu toute votre vie.
Que faut-il conclure de cela, M.F. ?... Rien autre, sinon que tout notre bonheur consiste à mener une vie digne de recevoir souvent Jésus-Christ, puisque c'est par là que nous pouvons espérer le ciel, que je vous souhaite...

7ème dimanche après la Pentecôte
Sur la fausse et vraie Vertu

A fructibus eorum cognoscetis eos.
Vous les connaîtrez à leurs fruits.
(S.Matth., VII,16.)

Jésus-Christ pouvait-il, M.F., nous donner des preuves plus claires et plus certaines pour nous faire connaître et distinguer les bons chrétiens d'avec les mauvais qu'en nous disant que nous les connaîtrons, non à leurs paroles, mais à leurs œuvres. « Un bon arbre, nous dit-il, ne peut porter de mauvais fruits, comme un mauvais arbre n'en peut porter de bons. » Oui, M.F., un chrétien qui n'a qu'une fausse dévotion, une vertu affectée et qui n'est qu'extérieure, malgré toutes les précautions que prendra pour se contrefaire, ne tardera pas de laisser paraître de temps en temps les dérèglements de cœur, soit dans ses paroles, soit dans ses actions. Non, M.F., rien de si commun que ces vertus en apparences c'est-à-dire cette hypocrisie. Ce qui est d'autant plus déplorable, c'est que presque personne ne veut le reconnaître. Faudra-t-il, M.F., les laisser dans un état malheureux qui les conduit sûrement en enfer ? Non, M.F., non, essayons du moins de leur en faire apercevoir quelque chose. Mais, mon Dieu ! qui sont ceux qui vont se reconnaître coupables ? Hélas ! presque per-sonne ! Cette instruction va donc être encore pour les aveugler davantage ? Cependant, malgré cela, M.F., je vais vous parler comme si vous deviez tous en profiter.
Pour bien vous faire connaître l'état malheureux de ces pauvres chrétiens, qui peut-être se damnent en fai-sant le bien, ne connaissant pas bien la manière de le faire, je vais vous montrer 1° quelles sont les conditions pour avoir une véritable vertu ; 2° quels sont les défauts de celle qui n'a que l'apparence. Écoutez bien cette ins-truction, qui peut grandement vous servir dans tout ce que vous ferez par rapport à Dieu.
Si vous me demandez, M.F., pourquoi est-ce qu'il y a si peu de chrétiens qui agissent uniquement dans la vue de plaire à Dieu ? En voici la raison toute pure. C'est que la plus grande partie des chrétiens sont ensevelis dans l'ignorance la plus épouvantable, qu'ils font humainement tout ce qu'ils font. De sorte que si vous compariez leurs intentions avec celles des païens, vous ne trouveriez aucune différence. Eh ! mon Dieu ! que de bonnes œuvres perdues pour le ciel ! D'autres, qui ont quelques lumières de plus, ne cherchent que l'estime des hommes, et tâchent de se contrefaire autant qu'ils peuvent : leur extérieur semble être bon, tandis que « leur intérieur est rempli d'ordures et de dupli-cité » Oui, M.F., nous verrons au jugement que la plus grande partie des chrétiens n'ont eu qu'une religion de caprice ou d'humeur, c'est-à-dire, de penchants, et que très peu n'ont cherché que Dieu seul dans ce qu'ils ont fait.
Nous disons d'abord qu'un chrétien qui veut travailler
sincèrement à son salut, ne doit pas se contenter de faire de bonnes œuvres ; mais il lui faut encore savoir pour qui il les fait et comment il doit les faire.
En second lieu, nous disons qu'il n'est pas assez de paraître vertueux aux yeux du monde, mais qu'il faut encore l'être dans le cœur. Si, maintenant, M.F., vous me demandez comment nous pourrons connaître qu'une vertu est véritable et qu'elle nous conduira au ciel, M.F., le voici : écoutez-le bien, gravez-le bien dans votre cœur ; afin que chaque action que vous ferez, vous puissiez connaître si elle sera récompensée pour le ciel. Je dis que pour qu'une action plaise à Dieu, il faut qu'elle ait trois conditions : la première, qu'elle soit intérieure et parfaite ; la deuxième, qu'elle soit humble et sans retour sur soi-même ; la troisième, qu'elle soit constante et persévérante : si dans tout ce que vous faites, vous trouvez ces conditions, vous êtes sûrs de travailler pour le ciel.

I. - Nous avons dit qu'il faut qu'elle soit intérieure : il ne suffit donc pas qu'elle paraisse au dehors. Non, sans doute, M.F., il faut qu'elle prenne naissance dans le cœur, et que la charité seule en soit l'âme et le principe, puisque saint Grégoire nous dit que tout ce que Dieu demande de nous doit être fondé sur l'amour que nous lui devons ; notre extérieur ne doit donc être que comme un instrument pour manifester ce qui se passe au--dedans de nous. Aussi, M.F., toutes les fois que nos paroles et nos actions ne sont pas produites par le mouvement de notre cœur, nous ne sommes que des hypocrites aux yeux de Dieu.
Ensuite, nous disons que notre vertu doit encore être parfaite : c'est-à-dire, que ce n'est pas assez de nous attacher à la pratique de quelques vertus, parce que notre penchant nous y porte ; mais nous devons les embrasser toutes, c'est-à-dire, toutes celles qui sont compatibles avec notre état. Saint Paul nous dit, que nous devons faire d'abondantes provisions de toutes sortes de bonnes œuvres pour notre sanctification. Allons plus loin, M.F., et nous verrons combien de personnes se trompent en faisant le bien et marchent du côté de l'enfer. Il y en a qui se rassurent dans quelques vertus qu'ils pratiquent, parce que leur penchant les y porte, comme par exemple : une mère se refiera sur ce qu'elle fait quelques aumônes, qu'elle est assidue à faire ses prières, fréquenter les sacrements, à faire même des lectures de piété ; mais elle voit, sans chagrin, ses en-fants s'éloigner des sacrements. Ses enfants ne font point de pâques ; mais cette mère leur donne de temps en temps la permission pour aller dans les plaisirs, les danses, les mariages et quelquefois les veillées ; elle aime à faire paraître ses filles, elle croit que si elles ne fréquentent pas ces lieux de débauches, elles seront inconnues, qu'elles ne trouveront pas à s'établir. Oui, sans doute, qu'elles seront inconnues, mais aux libertins ; oui, M.F., elles ne pourront pas trouver à s'établir avec des personnes qui les maltraiteront comme de viles esclaves. Mais cette mère aime à les voir bien parées ; mais cette mère aime à les voir en la compagnie de quel-ques jeunes gens qui sont plus riches qu'elles. Après quelques prières et quelques bonnes œuvres qu'elle fera, elle se croit dans le chemin du ciel. Allez, ma mère, vous n'êtes qu'une aveugle et une hypocrite, vous n'avez qu'une apparence de vertu. Vous vous rassurez de ce que vous faites quelques visites au Saint-Sacrement sans doute, cela est bon ; mais votre fille est à la danse ; mais elle est au cabaret avec des libertins, et il n'y a sorte de saletés qu'ils ne vomissent ; mais votre fille, la nuit, est dans des lieux où elle ne devrait pas être. Allez, mère aveugle et réprouvée, sortez et quittez votre prière ; ne voyez-vous pas que vous faites comme les Juifs, qui ployaient les genoux devant Jésus-Christ pour faire semblant de l'adorer ? Eh ! quoi, vous venez adorer le bon Dieu, tandis que vos enfants sont après le cruci-fier ! Pauvre aveugle, vous ne savez pas ce que vous dites ni ce que vous faites ; votre prière n'est qu'une injure que vous faites à Dieu. Commencez à aller cher-cher votre fille qui perd son âme ; ensuite, vous revien-drez demander à Dieu votre conversion.
Un père croit que c'est assez que de maintenir le bon ordre dans sa maison, il ne veut pas que l'on jure ni que l'on prononce des paroles sales : cela est très bien ; mais il ne se fait pas scrupule de laisser ses garçons dans les jeux, les foires et les plaisirs. Mais ce même père laisse travailler ses ouvriers le dimanche, sous le moindre prétexte, ou même pour ne pas contrarier ses moissonneurs ou ses batteurs. Cependant, vous le voyez à l'église adorer le bon Dieu, même bien prosterné ; il tâche de renvoyer les moindres distractions. Dites-moi, mon ami, de quel œil pensez-vous que le bon Dieu puisse regarder ces personnes ? Allez, mon ami, vous êtes un aveugle ; allez vous instruire de vos devoirs, et ensuite vous viendrez présenter vos prières à Dieu. Ne voyez-vous pas que vous faites les fonctions de Pilate, qui reconnaît Jésus-Christ et qui le condamne. Vous verrez ce voisin qui est charitable, qui fait des aumônes, qui est touché de la misère de son prochain : cela est assez bien ; mais il laisse vivre ses enfants dans la plus grande ignorance ; peut-être ne savent-ils pas même ce qu'il faut faire pour être sauvé. Allez, mon ami, vous êtes un aveugle ; vos aumônes et votre sensibilité vous conduisent à grands pas en enfer. Celui-ci a assez de bonnes qualités, il aime même à rendre service à tout le monde ; mais il ne peut plus souffrir sa pauvre femme ni ses pauvres enfants, qu'il accable d'injures et peut--être même de mauvais traitements. Allez, mon ami, votre religion ne vaut rien. Celui-là se croit assez sage parce qu'il n'est pas un blasphémateur, un voleur, ni même un impudique ; mais il ne se met pas en peine de se corriger de ces pensées de haine, de vengeance, d'envie et de jalousie qui le travaillent presque chaque jour. Mon ami, votre religion ne peut que vous perdre. Nous en verrons d'autres, qui sont de toutes les pratiques de piété, qui se font un grand scrupule de laisser quel-ques prières qu'ils ont coutume de dire ; ils se croiront perdus de ne pas communier en certains jours où ils ont l'habitude de le faire ; mais un rien les impatiente, les fait murmurer ; une parole qui n'aura pas été dite comme ils voudraient leur fait naître une froideur ; ils ont peine à voir de bonne grâce leur prochain, ils aiment à n'avoir rien à faire avec vous, sous différents prétextes ils évitent votre compagnie, ils trouveront qu'on agit mal à leur égard. Allez, pauvres hypocrites, allez vous convertir ; ensuite vous aurez recours aux sacrements, que, dans cet état, sans le savoir, vous ne faites que pro-faner avec votre dévotion mal entendue.
Un père est sans doute louable de corriger ses enfants lorsqu'ils offensent le bon Dieu ; mais peut-on le louer de ce qu'il ne se corrige pas lui-même des vices qu'il reprend dans ses enfants ? Non, sans doute : ce père n'a qu'une religion fausse qui le jette dans l'aveuglement ! L'on ne peut que louer un maître qui reprend ses domes-tiques de leurs vices ; mais peut-on le louer lorsqu'on l'entend jurer et blasphémer lui-même dans quelque chose fâcheuse qui lui arrive ? Non, M.F., non, c'est un homme qui n'a jamais connu sa religion ni ses devoirs.
Celui-ci fera l'homme sage, instruit, il reprendra les défauts qu'il apercevra dans son voisin : cela est bon ; mais que penserez-vous de lui en lui voyant beaucoup plus de défauts qu'à celui qu'il reprend ? « D'où vient cette conduite, nous dit saint Augustin, si ce n'est de ce qu'il n'est qu'un hypocrite, qui ne connaît nullement sa religion. » Allez, mon ami, vous n'êtes qu'un pharisien, toutes vos vertus ne sont que de fausses vertus ; tout ce que vous faites, que vous croyez être bien, ne sert qu'à vous tromper. Nous verrons bien encore ce jeune homme fréquenter les offices et même, peut-être, les sacrements ; mais nous le voyons aussi fréquenter les cabarets et les jeux. Cette jeune fille paraîtra bien aussi, de temps en temps, à la sainte Table ; mais elle paraîtra aussi dans les danses, les assemblées où les bons chrétiens ne se trouvent jamais. Allez, pauvre hypocrite, allez, fantôme de chrétienne, un jour viendra où vous verrez que vous n'aurez travaillé qu'à vous perdre. Un chrétien, M.F., qui veut se sauver ne se contente pas d'observer un commandement, de remplir une ou deux de ses obliga-tions ; mais il observe tous les commandements de Dieu, et ensuite il remplit toutes les obligations de son état.

II. - En deuxième lieu, nous avons dit qu'il fallait que notre vertu fût humble, sans retour sur soi-même. Jésus-Christ nous dit de « ne jamais faire nos actions avec l'intention d'être loué des hommes : » si nous vou-lons en recevoir la récompense, il faut cacher autant que nous pouvons le bien qu'il a mis en nous, crainte que le démon d'orgueil ne nous ravisse le mérite du bien que nous faisons. - Mais, peut-être, pensez-vous, le bien que nous faisons, nous le faisons bien pour le bon Dieu et non pour le monde. - Mon ami, je ne le sais pas : il y en a beaucoup qui se trompent là-dessus ; je crois qu'il serait facile de vous montrer que vous n'avez qu'une religion extérieure, et non dans l'âme. Dites--moi, n'est-ce pas que vous éprouveriez moins de peine si l'on savait que vous jeûnez aux jours prescrits par l'Église que si l'on savait que vous ne jeûnez pas ? N'est--ce pas que vous éprouveriez moins de chagrin si l'on vous voyait faire l'aumône que si l'on vous voyait pren-dre quelque chose à votre voisin ? Laissons le scandale de côté. N'est-ce pas que vous aimeriez mieux que l'on vous vit prier que de vous entendre jurer (supposons que vous ayez fait l'un et l'autre) ? N'est-ce pas que vous préféreriez que l'on vous vît faire la prière ou donner de bons conseils à vos enfants, que si l'on vous entendait leur conseiller de se venger de leurs ennemis ? - Oui, sans doute, me direz-vous, cela ne ferait pas autant de peine. - Et pourquoi cela ? sinon parce que nous n'a-vons qu'une fausse religion, et que nous ne sommes que des hypocrites et rien autre.
Cependant nous voyons que les saints faisaient tout le contraire ; pourquoi encore ? sinon parce qu'ils con-naissaient leur religion, et qu'ils ne cherchaient qu'à s'humilier ; afin d'attirer sur eux les miséricordes du Seigneur. Hélas ! que de pauvres chrétiens qui n'ont qu'une religion de penchants, de caprices et d'habitude, et rien autre ! - Mais, me direz-vous, cela est bien un peu fort. - Oui, sans doute, c'est un peu fort ; mais ce n'en est pas moins la vérité. Pour vous donner une hor-reur infinie de ce maudit péché d'hypocrisie, je vais vous montrer où ce malheureux péché nous conduit, par un exemple qui est bien digne d'être gravé dans vos cœurs.
Nous lisons dans l'histoire que saint Palémon et saint Pacôme vivaient dans une grande sainteté. Une nuit qu'ils veillaient et qu'ils avaient fait le feu, il survint un solitaire qui voulait demeurer avec eux. L'ayant reçu près d'eux pour s'unir ensemble afin de prier le bon Dieu, au milieu de leur discours, il leur dit : « Si vous avez la foi, avancez-vous hardiment et tenez-vous de-bout sur ces charbons ardents, et prononcez lentement l'Oraison dominicale. » Ces bons saints, voyant que ce solitaire leur faisait une telle proposition, et pen-sant qu'il n'y avait qu'un orgueilleux ou un hypocrite qui pût dire cela : « Mon frère, lui dit saint Palémon, priez Dieu ; vous êtes tenté, gardez-vous bien de faire cette folie ni de nous jamais rien proposer de sem-blable. Notre Sauveur ne nous a-t-il pas dit qu'il ne faut jamais tenter Dieu, et c'est vraiment le tenter que de lui demander un miracle de cette manière. » Ce pauvre aveugle et ce pauvre hypocrite, au lieu de pro-fiter de ce bon conseil, son esprit s'élève encore davan-tage par la vanité de ses prétendues bonnes œuvres ; il s'avance hardiment et se tient sur le feu sans que personne le lui commande, le démon coopérant avec lui, comme étant l'ennemi des hommes... Le bon Dieu, que son orgueil avait fait retirer de lui, permit au dé-mon, par un jugement secret et effroyable, qu'il fût garanti du feu, ce qui l'aveugla encore davantage, se croyant être déjà parfait et un grand saint. Le lende-main matin, il quitta les deux solitaires en leur repro-chant leur peu de foi : « Vous avez vu, leur disait-il, ce que peut faire celui qui a la foi. » Mais, hélas ! peu de temps après, le démon, voyant, que cet homme était à lui et craignant de le perdre, voulut s'assurer sa vic-time et lui faire mettre le sceau à sa réprobation. Il prit la figure d'une femme richement parée, frappa à la porte de sa cellule, lui disait qu'il était poursuivi par ses créanciers, qu'il craignait de tomber dans quelque mal-heur, n'ayant pas de quoi les payer, et qu'il avait re-cours à lui comme bien charitable. « Je vous supplie, lui dit-elle, de me recevoir dans votre cellule, afin que je sois garantie de ce péril. » Ce pauvre homme, ayant abandonné le bon Dieu, le démon lui ayant tiré les yeux de l'âme, ne voyait plus le danger auquel il s'ex-posait ; il la reçut dans sa cellule. Un moment après, il se sentit horriblement tenté contre la sainte vertu de pureté, et il s'arrêta à ces pensées. Il s'approcha même de cette prétendue femme, qui n'était autre chose que le démon, pour lui parler plus familièrement, et même il la toucha. Le démon lui tombe dessus, le prend, le traîne dans le chemin, où il le bat avec tant de force que son corps fut tout fracassé. Il le laissa sur le pavé où il resta fort longtemps comme mort. Quelques jours après, il reprit un peu de force, et se repentant de sa faute, il retourna trouver les deux saints pour leur faire part du malheur qui lui était arrivé. Après leur avoir conté tout cela avec beaucoup de larmes, il leur dit « Ah ! mes Pères, je confesse bien que tout ne m'est arrivé que par ma faute ; c'est bien moi qui suis cause de ma perte, parce que je n'étais qu'un orgueilleux et un hypocrite, qui voulais passer pour plus sage que je n'étais. Je vous prie bien, en grâce, de m'assister du secours de vos prières, car je crains que si le démon me reprend, il ne me mette en pièces. » Pendant qu'ils pleuraient tous les trois ensemble, tout à coup, voilà le démon qui se saisit de lui, l'emporte avec une rapi-dité épouvantable à travers les forêts jusqu'à la ville de Panople, où il y avait un fourneau. Il le précipita de-dans, où il fut brûlé à l'heure même . Eh bien ! M.F., d'où lui vint ce châtiment si affreux ? Hélas ! c'est que son cœur manquait d'humilité, il est vrai ; mais il était un hypocrite et ne connaissait pas sa religion.
Hélas ! que de personnes qui font beaucoup de bonnes œuvres, et, qui ne laissent pas d'être perdues, parce qu'elles ne connaissent pas leur religion. Un certain nombre feront bien des prières, fréquentent même sou-vent les sacrements ; mais conservent toujours les mê-mes habitudes et finissent par se familiariser avec le bon Dieu et avec le péché. Hélas ! que le nombre en est grand ! Voyez cet homme qui semble être un bon chré-tien, faites-lui apercevoir qu'il a fait tort à quelqu'un, faites-lui apercevoir ses défauts ou quelque injustice dont il s'est rendu coupable dans son cœur, de suite il se monte et ne peut plus vous voir. La haine et la rancune s'ensuivent... Voyez un autre : vous ne jugerez pas bon de le faire approcher de la sainte Table, il vous répondra grossièrement et conservera de la haine contre vous, comme si l'on était cause qu'il ait fait mal. D'autres, s'il leur arrive quelque chagrin, de suite ils abandonnent les sacrements, les offices. Si un habitant a quelque diffi-culté avec son pasteur, qui lui aura dit quelque chose pour le bien de son âme ; de suite, voilà la haine ; il en parlera mal, il aimera à en entendre dire du mal, il tour-nera tout en mal ce qu'on lui dira. D'où peut venir tout cela, M.F. ? Hélas ! c'est que cette personne n'a qu'une fausse dévotion et rien autre. Une autre fois ce sera une personne à qui vous aurez refusé l'absolution ou la sainte communion ; elle se révolte contre son confesseur, vous serez à ses yeux pire qu'un démon. Cependant, dans un temps de paix, vous la voyez servir Dieu avec ferveur ; elle vous parlera de Dieu comme un ange revêtu d'un corps humain. Et pourquoi donc, M.F., cette incons-tance ? Hélas ! c'est qu'elle n'est qu'une hypocrite, qui ne se connaît pas, qui peut-être ne se connaîtra jamais et qui ne veut pas même qu'on la regarde comme telle. L'on en voit d'autres qui, sous prétexte qu'elles ont quelque apparence de vertu, si on se recommande à leurs prières pour obtenir quelques grâces ; dès qu'elles auront fait quelques prières, elles leur demanderont s'ils ont obtenu ce qu'ils demandaient. Si elles ont été exaucées, vous les voyez qui redoublent leurs prières elles pensent que peut-être elles peuvent bien faire des miracles. Mais, si elles n'ont pas obtenu ce qu'elles demandaient, vous les voyez se décourager, perdre le goût de la prière. Allez, pauvre aveugle, vous ne vous êtes jamais connue, vous n'êtes qu'une hypocrite. Une autre parlera du bon Dieu avec empressement ; si vous applaudissez, les larmes même tomberont de ses yeux ; mais si vous lui dites un mot qui la pique un peu, vous la voyez se monter la tête ; elle a peur de se montrer telle qu'elle est, et elle vous conservera une haine dans son cœur, combien de temps. Pourquoi cela ? sinon parce que sa religion n'est qu'une religion de caprice et de penchant. Vous trompez le monde, et vous vous trompez vous-même ; mais vous ne tromperez pas le bon Dieu, qui, un jour, vous fera bien voir que vous n'avez été qu'une hypocrite.
Voulez-vous savoir ce que c'est qu'une fausse vertu ? en voici un bel exemple. Nous lisons dans l'histoire, qu'un solitaire étant venu trouver saint Sérapion pour se recommander à ses prières, saint Sérapion lui dit de prier pour lui ; mais l'autre lui dit avec des paroles qui annonçaient l'humilité la plus profonde, qu'il ne méritait pas ce bonheur, qu'il était trop pécheur. Le saint lui dit de s'asseoir à côté de lui, mais l'autre lui répondit qu'il en était indigne. Le saint, pour connaître si vraiment ce solitaire était tel qu'il voulait bien le faire croire, lui dit : « Mon ami, je crois que vous feriez beaucoup mieux de rester dans votre solitude que de courir le désert. » Ceci le mit dans une colère épou-vantable. « Mon ami, lui dit le saint, vous me disiez tout à l'heure que vous êtes un si grand pécheur que vous ne voulez pas même vous asseoir à côté de moi, et maintenant, parce que je vous dis une parole pleine de charité, vous vous mettez en colère. Allez, mon ami, vous n'avez qu'une fausse vertu ou, plutôt, vous n'en avez point . » Hélas, M.F., qu'il y en a qui sont de ce nombre ! qui semblent, à leurs paroles, être des saints, et qui, à la moindre parole qui ne leur convient pas, s'emportent et se font connaître tels qu'ils sont dans l'âme.
Si nous voyons que ce péché est si mauvais, voyons aussi que le bon Dieu le punit bien rigoureusement, comme vous allez le voir dans un exemple. Nous lisons dans l'Écriture sainte que le roi Jéroboam envoya sa femme vers le prophète Ahias, pour le consulter sur la maladie de son fils, l'ayant fait déguiser, avec toute l'apparence d'une personne de piété. Il usait de cet artifice, crainte que le peuple ne s'aperçût qu'il consul-tait le prophète du vrai Dieu et qu'on ne remarquât le peu de confiance qu'il avait en ses idoles. Il est vrai que nous pouvons bien quelquefois tromper les hom-mes, mais jamais le bon Dieu. Lorsque cette femme entra dans le logis du prophète, sans même qu'il la vit, il lui cria : « Femme de Jéroboam, pourquoi feignez--vous d'être une autre que vous n'êtes ? Venez, hypo-crite, je vais vous annoncer une méchante nouvelle de la part du Seigneur. Oui, une méchante nouvelle, écou-tez-là : le Seigneur m'a commandé de vous dire qu'il va faire tomber sur la maison de Jéroboam toutes sortes de maux ; il en fera périr jusqu'aux animaux même ; ceux de sa maison qui mourront dans les campagnes seront mangés des oiseaux, ceux qui mourront dans la ville seront mangés des chiens. Allez, femme de Jéroboam, allez annoncer cela à votre mari. Et dans le moment même que vous mettrez le pied dans la ville, votre enfant mourra. » Tout cela arriva comme le prophète l'avait dit : pas un n'échappa à la vengeance du Seigneur.

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 18:18
Il faut encore examiner si vous aviez résolu de jurer ou bien de faire des serments faux, et combien de jours vous aviez eu cette pensée : c'est-à-dire, combien de temps vous avez été disposé à le faire. Une bonne partie des chrétiens n'y fait pas seulement attention, quoique ce soit un gros péché. - Mais, me direz-vous, j'y ai bien pensé, mais je ne l'ai pas fait. - Vous ne l'avez pas fait, mais votre cœur l'a fait ; et, puisque vous êtes dans la disposition de le faire, vous êtes coupable aux yeux du bon Dieu. Hélas ! pauvre religion, que l'on te connaît peu !
Nous voyons dans l'histoire un exemple frappant de la punition de ceux qui font de faux serments. Du temps de saint Narcisse, évêque de Jérusalem, trois jeunes libertins qui s'abandonnaient à l'impureté, ca-lomniaient horriblement leur saint évêque, en l'accu-sant des crimes dont ils étaient coupables eux-mêmes, dans l'espérance qu'il n'oserait pas les reprendre. Ils allèrent devant les juges en disant que l'évêque avait commis tel péché ; et ils assurèrent leurs jurements par des serments affreux. Le premier dit : « Si ce que je dis n'est pas vrai, je veux être étouffé. » Le deuxième : « Si cela n'est pas, je veux être brûlé tout vif. » Le troi-sième : « Si cela n'est pas, je veux perdre les yeux. » Hélas ! la justice du bon Dieu ne tarda pas de les punir : le premier fut étouffé et mourut misérablement ; le deuxième, le feu se mit dans sa maison par une fusée d'un feu de joie que l'on faisait dans la ville : il brûla tout vivant ; le troisième, quoique puni, fut plus heureux que les autres : il reconnut sa faute, en fit péni-tence, et pleura tant qu'il en perdit la vue. En voici un autre exemple, qui n'est pas moins frappant. Nous lisons dans l'histoire que saint Édouard étant roi d'An-gleterre, le comte Gondevin, qui était beau-père du roi, était si jaloux et si orgueilleux, qu'il ne voulait souffrir personne auprès du roi. Le roi lui dit un jour qu'il avait participé à la mort de son frère. « Si cela est, lui dit le comte, je veux que ce morceau m'étrangle. » Le roi prit ce morceau de pain, fit le signe de la croix dessus sans se douter de rien. L'autre le mangea ; mais il lui resta au gosier, l'étrangla, et il mourut sur-le-champ. Vous conviendrez avec moi, M.F., d'après ces effroyables exemples, combien il faut que ce péché soit affreux aux yeux du bon Dieu, pour qu'il veuille le punir d'une manière si terrible.
Il y a encore des pères et mères et des maîtres et maîtresses qui ont à tout moment à la bouche ces paroles : « Ah ! charogne d'enfant !... ah ! bête d'en-fant !... ah ! imbécile d'enfant !... que tu crèves donc une fois, tant vous me tourmentez !... Je voudrais être aussi loin que je suis près !... Le bon Dieu ne vous punira donc pas une fois !.,.. » et en prononçant le b... et le f..., ceci a rapport aux malédictions : je vous le dis tandis que j'y pense. Oui, M.F., il y a des parents qui ont si peu de religion, qu'ils ont toujours ces mots à la bouche. Hélas ! combien de pauvres enfants sont infirmes et faibles d'esprit, revêches, vicieux, à cause des malédictions que leurs père et mère leur ont don-nées ! Nous lisons dans l'histoire, qu'il y avait une mère qui dit à son enfant : « Tu ne crèveras donc pas, tant tu me tourmentes ? » Ce pauvre enfant tomba mort à ses pieds. Un autre qui dit à son fils : « Le démon ne t'emportera donc pas ? » L'enfant disparut sans qu'on pût savoir où il passa. Mon Dieu ! quel malheur ! malheur pour l'enfant et la mère ! Il y avait dans la province de Vallerie, un homme très respectable par sa bonne conduite. Étant un jour revenu de voyage, il appelle son domestique d'une manière assez négligée, il lui dit : « Viens donc, diable de valet, viens donc me déchausser ! » De suite sa chaussure commence à se défaire sans que personne ne la tirât. Tout épouvanté, il se mit à crier : « Retire-toi, Satan, ce n'est pas toi que j'appelle, mais c'est mon valet », de sorte que le démon s'enfuit sur-le-champ, et sa chaussure resta à moitié retirée. Cet exemple nous prouve, M.F., combien le démon roule autour de nous, pour nous tromper et nous perdre, dès que l'occasion s'en présente. C'est pour cela que nous voyons que les premiers chrétiens avaient tant d'horreur du démon, qu'ils n'osaient pas même en prononcer le nom. Vous devez donc bien prendre garde de ne jamais le prononcer, ni le laisser prononcer à vos enfants et à vos domestiques : lorsque vous les entendrez, il faut les reprendre, jusqu'à ce que vous voyez qu'ils sont corrigés.
Non seulement, M.F., il est mal fait de jurer mais encore de faire jurer les autres. Saint Augustin nous dit que celui qui est cause qu'une autre personne a juré faussement en justice est plus coupable que celui qui commet un homicide, « parce que, nous dit-il, qui tue un homme ne tue que le corps, au lieu que celui qui fait jurer faussement un autre en justice, tue son âme. » Pour vous donner une idée de la grandeur de ce péché, je vais vous montrer combien l'on est coupable, lorsque l'on prévoit que les personnes que l'on appelle en justice jureront faussement. Nous lisons dans l'histoire, qu'il y avait dans la ville d'Hippone, un bourgeois qui était un homme de bien, mais un peu trop attaché à la terre. Il voulut contraindre un homme qui lui devait quelque chose d'aller en justice. Ce misérable jura faus-sement, c'est-à-dire, assura qu'il ne devait rien. La nuit suivante, celui qui avait fait conduire l'autre en justice pour être payé, fut présenté lui-même devant un tribu-nal, où il vit un juge qui lui parla d'une voix terrible et menaçante, en lui demandant pourquoi il avait fait par-jurer cet homme ; s'il ne fallait pas plutôt perdre sa dette que de damner cette âme ; qu'il lui faisait grâce pour cette fois à cause de ses œuvres ; mais il le con-damna à être fouetté avec des verges. En effet, le lende-main, il vit son corps tout en sang. - Mais, me direz--vous, si je ne fais pas jurer, je perdrai ce qu'il me doit. - Mais vous aimez donc mieux perdre son âme et la vôtre que de perdre votre argent ? D'ailleurs, M.F., soyez bien sûrs que si vous faites un sacrifice pour ne pas faire offenser le bon Dieu, vous verrez que le bon Dieu ne manquera pas de vous récompenser d'un autre côté. Cependant ceci n'arrive pas bien souvent ; mais il faut bien prendre garde de ne jamais donner des cadeaux, ni solliciter ceux qui doivent déposer contre vous en jus-tice de ne pas dire la vérité : vous les damneriez et vous aussi. Si vous aviez fait cela, et que l'on eût condamné quelqu'un qui ne le méritât pas, parce que vous avez dit un mensonge, vous seriez obligés de réparer tout le mal que cela a fait et de dédommager la personne, soit dans son bien, soit dans sa réputation, et autant que vous le pourrez, sans quoi vous serez damnés. Il faut encore voir si vous n'avez pas eu la pensée de jurer à faux, et combien de temps cette pensée vous est restée dans l'esprit. Il y en a qui croient que parce qu'ils ne l'ont pas dit, il n'y a point de mal. Mon ami, quoique vous ne l'ayez pas dit, votre péché est commis, puisque vous êtes dans la disposition de le faire. Voyez encore si vous n'avez pas donné des demi-conseils. Une personne vous dira : « Je crois que je vais être appelée en justice pour un tel ; qu'en penses-tu ? J'ai envie de ne pas dire ce que j'ai vu, pour ne pas le faire condamner : l'autre a bien plus de quoi payer ; cependant je vois que je vais faire mal. » Vous lui direz : « Ah ! le mal n'est pas bien grand... Tu vas trop lui porter perte... » Si d'après cela il jure à faux, vous êtes obligé, si celui à qui vous avez conseillé n'a pas de quoi dédommager l'autre, de le faire vous-même. Voulez-vous, M.F., savoir ce qu'il vous faut faire en justice et ailleurs ? Écoutez Jésus-Christ lui-même, qui nous dit : « Plutôt que de plaider, si l'on vous demande votre robe de dessus, donnez celle de dessous , parce que cela vous est beaucoup plus avan-tageux que de plaider. » Hélas ! qu'un procès fait commet-tre de péchés ! que d'âmes les procès damnent par ces ser-ments faux, ces haines, ces tromperies et ces vengeances !
Mais, voici, M.F., les serments qui se font le plus souvent, ou plutôt, à tout bout de champ. Quand nous disons quelque chose à quelqu'un, s'il ne veut pas nous croire, nous jurons même avec serment. Les pères et mères, les maîtres et maîtresses doivent bien prendre garde à cela : souvent leurs enfants ou leurs domesti-ques ont fait quelque faute, ils les pressent de leur dire, si c'est eux ; et les enfants ou les domestiques, crainte d'être battus ou grondés, jureront combien de fois que ce n'est pas vrai, qu'ils veulent bien ne pas bouger de la place, si cela est. Il vaut bien mieux ne rien dire et en souffrir la perte, que de les faire damner. D'ailleurs, qu'avancez-vous ? Vous offensez tous le bon Dieu, et puis, c'est tout ce que vous avez. Quel regret, M.F., si, au jour du jugement, vous voyez ces pauvres enfants damnés pour une bagatelle et une chose de rien.
Il y en a encore d'autres qui jurent ou promettent de faire ou de donner quelque chose à un autre, sans avoir l'intention de le faire. Il faut bien examiner avant de promettre une chose, si on pourra la faire. Avant de la promettre, il ne faut jamais dire : « Si je ne fais pas cela, je veux bien ne jamais voir le bon Dieu, ne pas bouger de la place. » Prenez garde, M.F., ce sont des péchés plus horribles que vous ne pouvez le compren-dre. Si, par exemple, vous avez, dans un accès de colère, promis de vous venger, il est bien certain qu'il ne faudrait pas le faire ; mais, au contraire, bien en demander pardon au bon Dieu. Le Saint-Esprit nous dit que celui qui jurera sera puni...

II - 1° Si vous me demandez ce que l'on entend par ce mot de blasphème... Ce péché, M.F., est si horrible, qu'il semble que des chrétiens ne devraient pas avoir la force de le proférer. Le blasphème est un mot qui veut dire maudire et détester une beauté infinie, ce qui indi-que que ce péché s'attaque directement au bon Dieu. Saint Augustin nous dit : « Nous blasphémons lorsque nous attribuons au bon Dieu quelque chose qu'il n'a pas ou qui ne lui convient pas, ou bien qu'on lui ôte ce qui lui convient, ou enfin, quand on s'attribue, à soi-même ce qui convient à Dieu, et qui n'est dû qu'à lui seul. » Je dis donc que nous blasphémons : 1° lorsque nous disons que le bon Dieu n'est pas juste d'en faire de si riches et qui ont tout en abondance, tandis que tant d'autres sont si misérables, qu'ils ont à peine du pain à manger ; 2° qu'il n'est pas si bon que l'on dit, puisqu'il laisse tant de personnes dans le mépris et les infirmités, tandis que d'autres sont aimées et respectées de tout le monde. ; 3° ou bien en disant que le bon Dieu ne voit pas tout, qu'il en fait pas attention à ce qui se passe sur la terre : 4° ou encore en disant : « Si le bon Dieu fait miséricorde à un tel, il n'est pas juste ; il en a trop fait ; » 5° ou bien, quand nous faisons quelque perte, et que nous nous emportons contre le bon Dieu en disant : « Ah ! que je suis malheureux ! le bon Dieu ne m'en peut pas faire davantage ! je crois qu'il ne me sait pas au monde, ou s'il me sait, ce n'est que pour me faire souffrir ! » C'est aussi un blasphème que de se moquer de la sainte Vierge et des saints, en disant : « En voilà un qui n'a pas grand pouvoir : j'ai fait tant de prières, je n'ai jamais rien obtenu. »
Saint Thomas nous dit encore que le blasphème est une parole injurieuse, outrageuse contre le bon Dieu ou contre les saints ; ce qui se fait en quatre manières : 1° Par affirmation, en disant : « Le bon Dieu est un cruel et un injuste de permettre que je souffre tant de maux, que l'on me calomnie de la sorte, que l'on me laisse perdre cet argent ou ce procès. Ah ! que je suis malheu-reux ! tout périt chez moi, je ne puis rien avoir ; tandis que tout réussit chez les autres. » 2° On blasphème en disant que le bon Dieu n'est pas tout-puissant, et que l'on peut faire quelque chose sans lui. Ce fut ce blasphème que Sennachérib, roi des Assyriens, pro-féra, lorsqu'il assiégea la ville de Jérusalem, en disant que, malgré le bon Dieu, il prendrait la ville. Il se mo-quait de Dieu, en disant qu'il n'était pas assez puissant pour lui empêcher d'entrer et de mettre tout à feu et à sang. Mais le bon Dieu, pour punir ce misérable de son blasphème et lui montrer qu'il était tout-puissant, lui envoya un ange qui, dans une seule nuit, lui tua cent quatre-vingt-cinq mille hommes. Le roi, le lende-main, voyant toute son armée égorgée, sans savoir par qui, s'enfuit, tout épouvanté à Ninive, où il fut tué lui--même par ses deux enfants. 3° On blasphème, lorsqu'on attribue à une créature ce qui n'est dû qu'à Dieu, comme ces misérables qui diront à une créature infâme qui sera l'objet de leur passion : « Je vous aime de toute la tendresse de mon cœur... Je vous suis si attaché, que je vous adore ! » Crime qui fait horreur, et cependant bien commun, du moins dans l'action. 4° On blasphème, en disant : « Ah ! S... N... de D... » Cela fait horreur !
Ce péché est si grand et si affreux aux yeux de Dieu, qu'il attire toutes sortes de malheurs sur la terre. Les Juifs avaient tant d'horreur des blasphèmes, que, quand ils entendaient quelqu'un qui blasphémait, ils déchiraient leurs habits. Ils n'osaient pas même prononcer ce mot, ils l'appelaient : Bénédiction. Le saint homme Job avait si peur que ses enfants eussent blasphémé, qu'il offrait des sacrifices au Seigneur dans le cas qu'ils eussent blas-phémé ... Saint Augustin dit que ceux qui blasphèment Jésus-Christ étant dans le ciel, sont plus cruels que ceux qui l'ont crucifié étant sur la terre. Le mauvais larron blasphémait Jésus-Christ étant sur la croix, en disant : « S'il est Tout-Puissant, qu'il se délivre et nous aussi. » Le prophète Nathan dit au roi David : « Parce que vous avez été cause que l'on a blasphémé le nom du bon Dieu, votre enfant mourra, et le châtiment ne sor-tira point de votre maison de toute votre vie. » Le bon Dieu nous dit : « Celui qui blasphèmera le nom du Sei-gneur, je veux qu'il soit mis à mort. » Nous lisons dans l'Écriture sainte qu'on amena à Moïse un homme qu avait blasphémé. Moïse consulta le Seigneur, qui lui dit qu'il fallait le mener dans un champ, et le faire mourir c'est-à-dire, l'assommer à coup de pierres .
Nous pouvons dire que le blasphème est vraiment le langage de l'enfer. Saint Louis, roi de France, avait tellement en horreur ce crime, qu'il avait ordonné que tous les blasphémateurs seraient marqués d'un fer rouge au front. Lui ayant amené un bourgeois de Paris qui avait blasphémé, plusieurs voulurent solliciter sa grâce ; mais le roi leur dit qu'il voudrait mourir lui-même pour détruire ce maudit péché, et ordonna qu'il fût puni. L'empereur Justin faisait arracher la langue à ceux qui avaient eu le malheur de commettre un si grand crime. Pendant le règne du roi Robert, le royaume de France était accablé de toutes sortes de malheurs, et le bon Dieu révéla à une sainte que tant que les blasphèmes dureraient, les châtiments dureraient. L'on porta une loi, qui condamnait tous ceux qui blasphémaient à avoir la langue percée d'un fer rouge pour la première fois, et ordonnait que, la deuxième fois, on les ferait mourir.
Prenez bien garde, M.F., que si le blasphème règne dans vos maisons, tout ira en périssant. Saint Augustin nous dit que le blasphème est un plus grand péché que le parjure ; parce que, nous dit-il, par le parjure, nous prenons le nom du bon Dieu à témoin d'une chose fausse, au lieu que par le blasphème, nous disons une chose fausse du bon Dieu. Quel crime ! qui de nous a pu jamais le comprendre ? Saint Thomas nous dit encore qu'il y a une autre sorte de blasphème contre le Saint-Esprit, qui se commet en trois façons : 1° en attri-buant au démon les œuvres du bon Dieu, comme fai-saient les Juifs, qui disaient que Jésus-Christ chassait les démons au nom du prince des démons ; comme fai-saient les tyrans et les bourreaux, qui attribuaient à la magie et au démon les miracles que les saints faisaient ; 2° L'on blasphème contre le Saint-Esprit, nous dit saint Augustin, « quand on meurt dans l'impénitence finale. » L'impénitence est un esprit de blasphème ; puisque la rémission de nos péchés se fait par la charité, qui est le Saint-Esprit ; 3° Quand nous faisons des actions qui sont directement opposées à la bonté de Dieu, comme lorsque nous désespérons de notre salut, et que nous ne voulons pas prendre tous les moyens de l'obtenir ; comme lors-que nous sommes fâchés de ce que d'autres reçoivent plus de grâces que nous. Prenez bien garde de ne jamais vous laisser aller à ces sortes de péchés, parce qu'ils sont si affreux ! Nous traitons le bon Dieu d'in-juste, en disant qu'il donne plus aux autres qu'à nous.
N'avez-vous pas blasphémé, M.F., en disant qu'il n'y a de Providence que pour les riches et les méchants ? N'avez-vous pas blasphémé, quand il vous arrive quelque perte, en disant : « Mais qu'ai-je donc fait au bon Dieu de plus qu'un autre, pour que j'aie tant de malheurs ? » - Ce que vous avez fait, mon ami ! levez les yeux et vous verrez que vous l'avez crucifié. N'avez-vous pas encore blasphémé en disant que vous êtes trop tenté, que vous ne pouvez pas faire autrement, que c'est votre sort ?... Eh quoi ! M.F., vous n'y pensez pas ?... C'est que le bon Dieu vous aurait fait vicieux, colères, empor-tés, fornicateurs, adultères, blasphémateurs ! Vous n'avez pas la foi du péché originel qui a dégradé l'homme de l'état de droiture et de justice, dans lequel nous avons d'abord été créés ! C'est plus fort que vous... Mais, mon ami, la religion ne vient donc pas à votre aide pour vous faire connaître toute la corruption originelle ? Et vous osez, misérable, blasphémer encore contre celui qui vous l'a donnée comme le plus grand don qu'il pou-vait vous faire !
N'avez-vous pas encore blasphémé contre la sainte Vierge et les saints ? Ne vous êtes-vous pas moqué de leurs vertus, de leurs pénitences et de leurs miracles ? Hélas ! dans ce malheureux siècle, combien ne trouvons--nous pas d'impies qui portent leur impiété jusqu'à mépriser les saints qui sont dans le ciel et les, justes qui sont sur la terre ; combien de personnes qui se raillent des austérités qu'ont faites les saints, et qui ne veulent ni servir le bon Dieu, ni souffrir que les autres le ser-vent. Voyez encore, M.F., si vous n'avez pas fait répéter vos jurements et vos blasphèmes aux enfants. Ah ! malheureux, quels sont les châtiments qui vous atten-dent dans l'autre vie !
2° Mais, me direz-vous, quelle différence y a-t-il entre le blasphème et le reniement de Dieu ? - Il y a, M.F., une grande différence entre les blasphèmes et les reniements de Dieu. En parlant de reniement, je ne veux pas parler de ceux qui renient le bon Dieu en quittant la véritable religion : nous appelons ces personnes-là des renégats, ou des apostats. Mais je veux parler de ceux qui, en parlant, ont cette maudite habitude, par colère et par emportement, de renier le saint nom de Dieu : comme une personne qui perdra dans un marché qu'elle fera, ou au jeu, elle s'emporte contre Dieu, comme voulant faire croire qu'il en est la cause. Lorsque cela vous ar-rive, il faut que le bon Dieu essuie toutes les fureurs de votre colère, comme s'il était la cause de votre perte, ou de l'accident qui vous est arrivé. Ah ! malheureux, celui qui vous a tiré du néant, qui vous conserve et qui vous comble continuellement de biens, vous osez encore le mépriser, profaner son saint nom et le renier ; tandis que, s'il avait écouté sa justice, depuis longtemps vous seriez abîmés dans les enfers ! Nous voyons ordinaire-ment qu'une personne qui a le malheur de commettre ces gros crimes fait une fin malheureuse. Il est rapporté dans l'histoire, qu'il y avait un homme malade et réduit à la misère. Un missionnaire étant entré chez lui pour le voir et le confesser, le malade lui dit : « Ah ! mon père, le bon Dieu me punit de mes colères, de mes emportements, de mes blasphèmes et de mes reniements de Dieu. Je suis malade depuis bien longtemps, je suis extrêmement pauvre, tout mon bien a fait une mauvaise fin ; mes enfants me méprisent et m'abandonnent, ils ne valent rien, à cause des mauvais exemples que je leur ai donnés ; il y a déjà bien longtemps que je souffre sur ce pauvre grabat ; ma langue est toute pourrie, je ne peux rien avaler sans ressentir des douleurs incroyables. Hé-las ! mon père, je crains bien, qu'après avoir bien souf-fert en ce monde, il me faille encore souffrir dans l'autre vie. » Nous voyons même de nos jours, que ces jureurs et ces renieurs du saint nom de Dieu font presque tou-jours des fins malheureuses. Prenez bien garde, M.F., si vous avez cette mauvaise habitude, il faut vite vous corriger, crainte que si vous ne faites pas pénitence en ce monde, vous n'alliez la faire dans les enfers. Ne per-dez jamais de vue que votre langue ne doit être employée que pour prier le bon Dieu et chanter ses louanges. Si vous avez la mauvaise coutume de jurer, il faut souvent prononcer le saint nom de Jésus avec bien du respect, pour purifier vos lèvres.
3° Si, maintenant, vous me demandez ce que l'on en-tend par malédiction et par imprécation ; c'est, M.F., dans un moment de colère ou de désespoir, maudire une personne, une chose ou une bête ; c'est vouloir l'anéantir ou la rendre malheureuse. Le Saint-Esprit nous dit que celui qui a souvent la malédiction à la bou-che doit bien craindre que le bon Dieu ne lui accorde ce qu'il souhaite. Il y en a qui ont toujours le démon à la bouche, qui lui donnent tout ce qui les fâche. Si une bête, en travaillant, ne va pas comme ils veulent, ils la maudissent, ou la donnent au démon. Il y en a qui, quand le temps est mauvais, disent : « Maudit temps ! maudite pluie ! ah ! maudit froid ! ah ! maudits enfants ! ... » N'ou-bliez jamais que le Saint-Esprit nous dit qu'une malédiction prononcée en vain et légèrement, tombera sur quel-qu'un. Saint Thomas nous dit que si nous prononçons une malédiction contre quelqu'un, c'est un péché mor-tel, si l'on souhaite ce que l'on dit. Saint Augustin nous dit qu'une mère avait maudit ses enfants, qui étaient au nombre de sept ; ils furent tous possédés du démon. L'on voit que plusieurs enfants, pour avoir été maudits de leurs parents, avaient été infirmes et misé-rables toute leur vie. Nous lisons qu'il y avait une fois une mère que sa fille avait fait mettre en colère, elle lui dit : « Je voudrais que le bras te séchât ! » En effet, à cette enfant, le bras lui sécha presque tout de suite .
Les gens mariés doivent bien prendre garde de ne jamais se maudire. II y en a qui, s'ils sont malheureux dans leur ménage, maudissent la femme, les enfants, les parents et ceux qui se sont mêlés du mariage. Hélas ! mon ami, tout votre malheur vient de ce que vous y êtes entré avec une conscience toute couverte de péchés. Pensez à cela devant le bon Dieu, et vous verrez que c'est la vérité. Les ouvriers ne doivent jamais maudire leur travail, ni ceux qui les font travailler ; d'ailleurs, vos malédictions ne font pas mieux aller vos affaires : au contraire, si vous preniez patience, si vous saviez bien offrir toutes vos peines au bon Dieu, vous gagneriez beaucoup pour le ciel. N'avez-vous pas encore maudit les instruments dont vous vous servez pour travailler, en disant : « Maudite bêche, maudite serpe, maudite charrue ! » et le reste. Voilà, M.F., ce qui attire toute sorte de malédictions sur vos bêtes, vos travaux et vos terres, qui souvent sont ravagées par les grêles, ou les pluies et les gelées. Ne vous êtes-vous pas maudit vous même : « Ah ! si, au moins, je n'avais jamais vu le jour !... si j'étais mort en venant au monde !... Ah ! si j'étais encore dans le néant !... » hélas ! que de péchés, dont une bonne partie ne s'accusent nullement, et n'y pensent pas même ! Je vous dirai encore que vous ne devez jamais maudire ni vos enfants, ni vos bêtes ! ni votre travail, ni le temps, parce qu'en tout cela, vous maudissez de ce que le bon Dieu fait sa sainte volonté. Les enfants doivent bien prendre garde de ne jamais donner à leurs parents occasion de les maudire, ce qui est le plus grand de tous les malheurs ; souvent un enfant maudit de ses parents est maudit du bon Dieu. Lorsque quelqu'un vous aura fait quelque chose qui vous fâchera, eh bien ! au lieu de le donner au démon, ne feriez-vous pas mieux de lui dire : « Que le bon Dieu vous bénisse ! » Alors vous seriez véritablement les bons serviteurs du bon Dieu, qui rendent le bien pour le mal.
Il y aurait encore à vous parler, sur ce commande ment, des vœux que l'on fait. Il faut bien prendre garde de ne jamais faire des vœux sans consulter. Il y a des personnes qui, quand elles sont malades, se vouent à tous les saints, et ensuite, ne se mettent pas en peine d'accomplir leurs vœux. I1 faut encore voir si vous les avez bien faits comme il faut, c'est-à-dire, étant en état de grâce, si vous les avez.... les dimanches, les fêtes d'obligation. Hélas ! que de péchés se commettent dans ces vœux ! ce qui, loin de plaire au bon Dieu, ne peut que l'offenser !
Si vous me demandiez pourquoi est-ce qu'il y en a tant maintenant qui jurent, qui font des serments faux, qui prononcent des malédictions et des imprécations affreuses et des reniements de Dieu ; je vous dirais que ceux qui se livrent à ces sortes d'horreurs sont ceux qui n'ont ni foi, ni religion, ni conscience, ni vertu, ce sont des gens en partie abandonnés du bon Dieu. Que nous serions plus heureux si nous avions le bonheur de n'em-ployer notre langue, qui a été consacrée au bon Dieu par le saint Baptême, qu'à prier un Dieu si bon, si bien-faisant, et à chanter ses louanges ! Puisque c'est pour cela que le bon Dieu nous a donné une langue, tâchons, M F., de la lui consacrer ; afin qu'après cette vie, nous ayons le bonheur d'aller le bénir pendant toute l'éternité dans le ciel. C'est ce que je vous souhaite.

6ème dimanche après la Pentecôte
Sur la Communion

Panis quem ego dabo, caro mea est pro mundi vita.
Le pain que je vous donnerai, c'est ma propre chair pour la vie du monde.
(S.Jean, VI, 52.)

Qui de nous, M.F., aurait jamais pu comprendre que Jésus-Christ eût porté son amour envers ses créatures jusqu'à leur donner son Corps adorable et son Sang précieux pour servir de nourriture à nos âmes, si ce n'était lui-même qui nous le dise ? Eh quoi ! M.F., une âme se nourrir de son Sauveur !... et cela autant de fois qu'elle le désire !... O abîme de bonté et d'amour d'un Dieu pour ses créatures ! ... Saint Paul nous dit, M.F., que le Sauveur, en se revêtant de notre chair, a caché sa divinité et a porté l'humiliation jusqu'à l'anéantisse-ment. Mais, en instituant le sacrement adorable de l'Eucharistie, il a voilé jusqu'à son humanité, il n'a laissé paraître que les entrailles de sa miséricorde. Oh ! M.F., voyez de quoi est capable l'amour d'un Dieu pour ses créatures !... Non, M.F., de tous les sacrements, il n'y en a point qui puisse être comparé à celui de l'Eucha-ristie. Dans celui du Baptême nous recevons, il est vrai, la qualité d'enfants de Dieu et, par conséquent, nous avons part à son royaume éternel ; dans celui de la Pénitence, les plaies de notre âme sont guéries et l'amitié de notre Dieu nous est rendue ; mais dans le sacrement adorable de l'Eucharistie, non seulement nous recevons l'application de son Sang précieux, mais encore l'auteur de toute grâce. Saint Jean nous dit que Jésus-Christ « ayant aimé les hommes jusqu'à la fin , » trouva le moyen de monter au ciel sans quitter la terre il prit du pain entre ses mains saintes et vénérables, le bénit et le changea en son Corps ; il prit du vin et le changea en son Sang précieux, et donna à tous les prêtres, dans la personne de ses apôtres, le pouvoir de faire le même miracle, toutes les fois qu'ils prononce-raient les mêmes paroles ; afin que, par ce miracle d'amour, il pût rester avec nous, nous servir de nourri-ture, nous consoler et nous tenir compagnie. « Celui, nous dit-il, qui mange ma chair et qui boit mon sang vivra éternellement ; mais celui qui ne mange pas ma chair et qui ne boit pas mon sang n'aura pas la vie en lui . » Oh ! M.F., quel bonheur pour un chrétien d'aspirer à un si grand honneur que de se nourrir du pain des anges !... Mais, hélas ! qu'il y en a peu qui le com-prennent !... Ah ! M.F., si nous comprenions la grandeur du bonheur que nous avons de recevoir Jésus-Christ, ne travaillerions-nous pas continuellement à le mériter ? Pour vous faire concevoir une idée de la grandeur de ce bonheur, je vais vous montrer : 1° combien est grand le bonheur de celui qui reçoit Jésus-Christ dans la sainte communion et 2° les fruits que nous en devons tirer.

I. - Vous savez tous, M.F., que la première dispo-sition pour recevoir dignement ce grand sacrement, c'est d'avoir bien examiné sa conscience, après avoir imploré les lumières du Saint-Esprit ; et d'avoir bien avoué ses péchés, avec toutes les circonstances qui peuvent les rendre plus graves ou en changer l'espèce, les faisant connaître tels que Dieu nous les fera connaître quand il nous jugera. C'est d'avoir une grande douleur de les avoir commis, et même d'être prêts à sacrifier tout ce que nous avons de plus cher plutôt que de les recom-mettre. C'est enfin d'avoir un grand désir de nous unir à Jésus-Christ. Voyez l'empressement des mages à cher-cher Jésus-Christ dans sa crèche ; voyez la sainte Vierge ; voyez sainte Magdeleine, comme elle s'empresse à cher-cher le Sauveur ressuscité.
Je ne veux pas, M.F., entreprendre de vous montrer toute la grandeur de ce sacrement, ceci n'est pas donné à un homme ; il faudrait être Dieu lui-même pour vous raconter les grandeurs de ces merveilles ; car ce qui nous jettera dans l'étonnement pendant toute l'éternité, c'est que nous, étant si misérables, ayons reçu un Dieu si grand. Cependant, M.F., pour vous en donner une idée, je vais vous montrer que Jésus-Christ n'a jamais passé dans un lieu, pendant sa vie mortelle, sans y ré-pandre ses bénédictions les plus abondantes, et, par conséquent, combien doivent être grands et précieux les biens que reçoivent ceux qui sont si heureux que de le recevoir dans la sainte communion ; ou que, si nous disions mieux, tout notre bonheur en ce monde consiste à recevoir Jésus-Christ dans la sainte communion ; ce qui est très facile à comprendre : car la sainte commu-nion est profitable, non seulement à notre âme en la nourrissant, mais encore à notre corps, comme nous allons le voir.
Nous lisons dans l'Évangile que Jésus-Christ, entrant dans la maison de sainte Élisabeth, quoiqu'il fût ren-fermé dans le sein de sa mère, la mère et l'enfant furent remplis du Saint-Esprit, et saint Jean fut même purifié du péché originel, et la mère s'écria : « Ah ! d'où me vient un bonheur si grand que la mère de mon Dieu daigne venir à moi ? » Je vous laisse à penser, M.F., combien est plus grand encore le bonheur de celui qui reçoit Jésus-Christ dans la sainte communion, non dans sa maison, comme Élisabeth, mais dans le fond de son cœur ; maître de le garder, non six mois, comme Élisabeth, mais toute notre vie. Lorsque le saint vieillard Siméon qui, depuis tant d'années, soupirait après le bonheur de voir Jésus-Christ, le reçut seulement entre ses mains ; il en fut si transporté de joie et si ravi que, ne se possé-dant plus, il s'écria dans ses transports d'amour : « O Seigneur, que puis-je désirer maintenant sur la terre, puisque mes yeux ont vu le Sauveur du monde ?... Je puis maintenant mourir en paix ! » Mais encore une fois, M.F., quelle différence entre le recevoir entre ses bras, le contempler quelques instants, et le recevoir dans son cœur ?... O mon Dieu ! que nous connaissons peu notre bonheur !... Lorsque Zachée, entendant parler de Jésus-Christ, désira grandement le voir, en étant empêché par la foule du monde qui accourait de toute part, il monta sur un arbre. Mais le Seigneur, le voyant, lui dit : « Zachée, descendez, parce que je veux aller aujourd'hui loger chez vous. » II se hâte de descendre et court préparer tout ce qu'il peut pour recevoir le. Sau-veur. En entrant dans sa maison, celui-ci dit : « C'est au-jourd'hui que cette maison a reçu le salut. » Zachée, voyant la grande charité de Jésus-Christ d'être venu loger chez lui, dit : « Seigneur, je donnerai la moitié de mon bien aux pauvres, et je rendrai au double à tous ceux à qui j'ai fait quelques torts . » De sorte que, M.F., la seule visite de Jésus-Christ, d'un grand pécheur en fit un grand saint, puisqu'il eut le bonheur de persévérer, jusqu'à la mort. Nous lisons dans l'Évangile que, lorsque Jésus-Christ entra dans la maison de saint Pierre, celui-ci le pria de gué-rir sa belle-mère, qui était travaillée d'une violente fièvre. Jésus-Christ commanda à la fièvre de la quitter, à l'instant même elle fut guérie, au point qu'elle les servit à table . Voyez encore cette femme, qui était atteinte d'une perte de sang, elle se disait à elle-même : « Si je puis, si j'a-vais seulement le bonheur de toucher le bas de sa robe, je serais guérie ; » et, en effet, lorsque le Sauveur passa, elle se jeta à ses pieds et fut parfaitement guérie . Qui fut encore la cause que le Sauveur alla ressusciter Lazare, mort depuis quatre jours ?... N'est-ce pas parce que celui-ci l'avait souvent reçu chez lui, qu'il lui mon-tra un si grand attachement qu'il en versa des larmes. Les uns lui demandaient la vie, les autres, la guérison de tout leur corps ; et personne ne se retirait sans avoir obtenu ce qu'il désirait. Je vous laisse à penser s'il veut bien accorder tout ce qu'on lui demande. Quels torrents de grâces ne doit-il pas accorder, lorsque c'est lui-même qui vient dans nos cœurs, pour y fixer sa demeure pour le reste de nos jours ? Oh ! M.F., quel bonheur pour celui qui reçoit Jésus-Christ dans la sainte communion, étant bien disposé ! ... Ah ! qui pourra jamais comprendre le bonheur du chrétien qui reçoit Jésus-Christ dans son cœur, qui, par là, devient un petit ciel ; lui seul est aussi riche que tout le ciel ensemble.
Mais, me direz-vous, pourquoi donc la plupart des chrétiens sont-ils si insensibles à ce bonheur, que plu-sieurs même le méprisent, et raillent ceux qui sont si heureux de le recevoir ? - Hélas ! mon Dieu, quel mal-heur est comparable à celui-là ! C'est que ces pauvres malheureux n'ont jamais connu ni goûté la grandeur de ce bonheur. En effet, M.F., un homme mortel, une créa-ture, se nourrir, se rassasier de son Dieu, en faire son pain quotidien ! ô miracle des miracles ! ô amour des amours !... ô bonheur des bonheurs, qui n'est pas même connu des anges !... O mon Dieu ! quelle joie pour un chrétien qui a la foi, qui, en se levant de la Table sainte, s'en va avec tout le ciel dans son cœur !... Ah ! heureuse maison où ces chrétiens habitent ! ... quel respect ne doit-on pas avoir pour eux, pendant toute la journée. Avoir, dans sa maison, un second tabernacle où le bon Dieu a résidé véritablement en corps et en âme !...
Mais, peut-être me direz-vous encore, si ce bonheur est si grand, pourquoi donc l'Église nous fait-elle un com-mandement de communier tous les ans une fois ? - Ce commandement, M.F., n'est pas pour les bons chrétiens, il n'est que pour les chrétiens lâches et indifférents pour le salut de leur pauvre âme. Du commencement de l'Église, la plus grande punition que l'on pouvait impo-ser aux chrétiens était de les priver de ce bonheur ; toutes les fois qu'ils avaient le bonheur d'assister à la sainte Messe, ils avaient le bonheur de communier. Mon Dieu ! comment se peut-il faire, que des chré-tiens restent trois, quatre ou cinq et six mois, sans donner cette nourriture céleste à leur pauvre âme ? Ils la laissent mourir de misère !... Mon Dieu ! quel malheur et quel aveuglement !... ayant tant de remèdes pour la guérir et une nourriture si capable de lui con-server la santé !... Hélas ! M.F., disons-le en gémissant, l'on n'épargne rien pour un corps qui tôt ou tard sera détruit et mangé des vers ; et une âme créée à l'image de Dieu, une âme qui est immortelle, est méprisée et traitée avec la dernière cruauté !... L'Église, voyant déjà combien les chrétiens perdaient de vue le salut de leurs pauvres âmes, espérant que la crainte du péché leur ferait ouvrir les yeux, leur fit un commandement qui les obligerait de communier trois fois chaque année, à Noël, à Pâques et à Pentecôte. Mais, par la suite, voyant que les chrétiens devenaient toujours plus insensibles à leur malheur, l'Église a fini par ne plus les obliger de s'ap-procher de leur Dieu qu'une fois tous les ans. O mon Dieu ! quel malheur et quel aveuglement qu'un chrétien soit forcé par des lois à chercher son bonheur ! De sorte que, M.F., quand vous n'auriez point d'autres péchés sur votre conscience que celui de ne pas faire vos pâques, vous seriez damnés. Mais, dites-moi, M.F., quel profit pou-vez-vous trouver en laissant votre âme dans un état si malheureux ?... Vous êtes tranquilles et contents, dites--vous, si toutefois il faut vous croire ; mais, dites-moi où vous pouvez trouver votre tranquillité et votre contente-ment ? Est-ce parce que votre âme n'attend que le mo-ment où la mort la frappera pour être traînée en enfer ? Est-ce parce que le démon est maître de nous ? Mon Dieu ! quel aveuglement et quel malheur pour celui qui a perdu la foi !
Pourquoi encore, M.F., l'Église a-t-elle établi l'usage du pain béni, que l'on distribue pendant la sainte Messe, et qui, par la bénédiction que l'Église lui donne, est distingué des choses ordinaires ? Si vous ne le savez pas, M.F., je vais vous le dire. C'est pour consoler les pécheurs, et en même temps pour les couvrir de con-fusion. Je dis, c'est pour consoler les pécheurs, parce que, au moins, en prenant ce pain qui est béni, il leur fait avoir quelque part au bonheur de ceux qui reçoi-vent Jésus-Christ, en s'unissant à eux par un grand désir de le recevoir et une foi bien vive. Mais aussi, c'est pour les couvrir de confusion : en effet, quelle con-fusion, si leur foi n'était pas encore éteinte, de voir aller un père ou une mère, un frère ou une sœur, un voisin ou une voisine, à la table sainte, se nourrir du corps adorable de Jésus-Christ, et de s'en voir priver soi-même ! O mon Dieu ! quel malheur, et d'autant plus grand qu'on ne le comprend pas !... Oui, M.F., tous les saints Pères nous disent qu'en recevant Jésus-Christ dans la sainte communion, nous recevons toutes sortes de bénédictions pour le temps et pour l'éternité ; en effet, si je demandais à un enfant : « Doit-on désirer de communier ? - Oui, me répondrait-il. - Et pourquoi ? - A cause des excellents effets que la sainte commu-nion produit en nous. - Mais quels sont ces effets ? - Il me dirait : la sainte communion nous unit intime-ment à Jésus-Christ, elle affaiblit notre penchant au mal, elle augmente en nous la vie de la grâce, elle est pour nous le principe et « le gage de la vie éter-nelle. »
Je dis 1° que la sainte communion nous unit intime-ment à Jésus-Christ ; union si intime, M.F., que Jésus-Christ nous dit lui-même : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui ; ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang un véri-table breuvage ; » de sorte que, M.F., par la sainte communion, le sang adorable de Jésus-Christ coule vé-ritablement dans nos veines, sa chair est vraiment mêlée avec la nôtre ; ce qui fait dire à saint Paul : « Ce n'est pas moi qui agis, qui pense ; mais c'est Jésus-Christ qui agit et qui pense en moi. Ce n'est pas moi, nous dit-il, qui vis, mais c'est Jésus-Christ qui vit en moi . » Saint Léon nous dit que, quand nous avons le grand bonheur de communier, nous renfermons véri-tablement le corps adorable et le sang précieux de Jésus-Christ et sa divinité dans nous-mêmes. Dites-moi, comprenez-vous bien toute la grandeur de ce bonheur ? Ah ! non, non, M.F., ce ne sera que dans le ciel que nous le comprendrons. O mon Dieu ! une créature enrichie d'un tel don ! ...
2° Je dis qu'en recevant Jésus-Christ dans la sainte communion, nous y recevons une augmentation de grâces, ce qui est facile à comprendre ; puisqu'en rece-vant Jésus-Christ, nous recevons la source de toutes sortes de bénédictions spirituelles, qui prennent nais-sance dans nos âmes. En effet, M.F., celui qui reçoit Jésus-Christ sent en lui la foi se ranimer ; nous sommes plus pénétrés des vérités de notre sainte religion ; nous sentons mieux la grandeur du péché et ses dangers ; la pensée du jugement nous effraie davantage, la perte de Dieu nous devient plus sensible. En recevant Jésus-Christ, notre esprit se fortifie ; nous sommes fermes dans les combats, nos intentions sont plus pures dans tout ce que nous faisons et notre amour s'enflamme de plus en plus. La pensée que nous possédons Jésus-Christ dans nos cœurs, le plaisir que nous éprouvons dans ce moment heureux semble nous unir et nous lier tellement à Dieu, que notre cœur ne peut penser et ne peut désirer que Dieu seul. La pensée de la possession parfaite de Dieu nous remplit tellement que notre vie nous parait longue ; nous portons envie, non à ceux qui vivent longtemps, mais à ceux qui partent de bonne heure pour aller se réunir à Dieu pour jamais. Tout ce qui nous annonce la destruction de notre corps nous réjouit. Voilà, M.F., le premier effet que la sainte com-munion produit en nous, quand nous sommes si heu-reux que de recevoir Jésus-Christ dignement.
3° Nous disons que la sainte communion affaiblit notre penchant au mal, ce qui est très facile à comprendre. Le sang précieux de Jésus-Christ, qui coule dans nos veines, et son corps adorable qui se mêle avec le nôtre, ne peut pas moins faire que de détruire ou, du moins, d'affaiblir grandement le penchant au mal que le péché d'Adam y avait fait naître. Cela est si vrai, M.F., que quand l'on vient de recevoir Jésus-Christ, on sent un nouveau goût pour les choses du ciel et un nouveau mépris pour les choses créées. Dites-moi, M.F., com-ment voulez-vous que l'orgueil puisse trouver entrée dans un cœur qui vient de recevoir un Dieu, qui, en descendant dans son âme, s'est humilié jusqu'à l'anéan-tissement ? Pourrait-il consentir à croire que, de soi--même, il est quelque chose ? Au contraire, pourra-t-il trouver assez de quoi s'humilier et se mépriser ? Un cœur qui vient de recevoir un Dieu qui est si pur, qui est la sainteté même, ne sent-il pas naître en lui l'horreur la plus exécrable pour tout péché d'impureté ? Ne serait--il pas plutôt prêt à se laisser couper en morceaux, que de consentir, je ne dis pas à une mauvaise action, mais même à une mauvaise pensée ? Un cœur qui vient de recevoir, dans la sainte communion, Celui à qui tout appartient, et qui a passé sa vie dans la plus grande pauvreté ; qui « n'avait pas même où reposer sa tête » sainte et sacrée, sinon sur une poignée de paille ; qui est mort tout nu sur une croix ; dites-moi, ce cœur pourrait-il bien s'attacher aux biens du monde en voyant la manière dont Jésus-Christ s'est conduit ? Une langue qui, depuis un instant, a été si heureuse que de porter son Créateur et son Sauveur, pourrait-elle bien oser s'employer à des paroles sales, à des baisers impurs ? Non, sans doute, elle n'oserait jamais le faire. Des yeux qui, depuis peu, désiraient si vivement de contempler leur Créateur qui est plus pur que les rayons du soleil, pourraient-ils bien, M.F., après un tel bonheur, se fixer sur des objets impurs ? Cela semble n'être pas possible. Un cœur, qui vient de servir de trône à Jésus-Christ, pourrait-il bien le chasser, pour y placer le péché ou plutôt le démon lui-même ? Voyez même : un cœur, qui serait une fois saisi des chastes embrassements de son Sauveur, ne pourrait point trouver d'autre bonheur qu'en lui. Un chrétien qui vient de recevoir Jésus-Christ mort pour ses ennemis, pourrait-il en vouloir à ceux qui lui ont fait quelque peine ? Non, sans doute ; son plaisir, sera de leur faire du bien autant qu'il pourra. Aussi saint Bernard disait à ses religieux : « Mes enfants, si vous vous sentez moins portés au mal, et plus au bien, remerciez- en Jésus-Christ, qui vous accorde cette grâce dans la sainte communion. »
4° Nous disons que la sainte communion est pour nous « le gage de la vie éternelle , » de sorte que la sainte communion nous assure le ciel ; ce sont des arrhes que le ciel nous envoie pour nous dire qu'il sera un jour notre demeure ; et, bien plus, Jésus-Christ ressuscitera nos corps d'autant plus glorieux, à proportion que nous l'aurons souvent et dignement reçu. Oh ! M.F., si nous pouvions bien comprendre combien Jésus-Christ aime à venir dans notre cœur !... Une fois qu'il y est, il ne vou-drait plus en sortir, il ne peut plus se séparer de nous pendant notre vie ni après notre mort !... Nous lisons dans la vie de sainte Thérèse, qu'étant apparue après sa mort à une religieuse, en compagnie de Notre-Sei-gneur ; cette religieuse, étonnée de voir Jésus-Christ apparaître avec elle, demanda à Jésus-Christ pourquoi il lui apparaissait ainsi. Le Sauveur lui-même répondit que Thérèse, pendant sa vie, lui avait été si unie par la sainte communion, qu'il ne pouvait s'en séparer. Non, M.F., nous n'avons point d'actions qui embellissent plus nos corps pour le ciel que la sainte communion.

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 18:17
Saint-Maurice

2° Nous avons dit que la vertu d'espérance nous con-sole et nous soutient dans les épreuves que le bon Dieu nous envoie. Nous en avons un bel exemple dans la per-sonne du saint homme Job, sur son fumier, couvert d'ul-cères depuis les pieds jusqu'à la tête. Il avait perdu tous ses enfants, qui avaient été écrasés sous les ruines de sa maison. Lui-même se vit traîné de son lit sur un fu-mier dans le coin des rues, abandonné de tout le monde ; son pauvre corps était tout couvert de pourriture ; les vers le mangeaient tout vivant ; il était obligé de les ôter avec des morceaux de pots cassés ; insulté même de sa femme qui, au lieu de le consoler, l'accablait d'injures, en lui disant : « Le vois-tu, ton Dieu que tu sers avec tant de fidélité ? Vois-tu comment il te récom-pense ? Demande-lui donc la mort ; au moins tu seras délivré de tes maux. » Ses meilleurs amis ne semblaient venir le voir que pour augmenter ses douleurs. Cepen-dant, malgré cet état si pitoyable où il est réduit, il ne laisse pas de toujours espérer en Dieu. « Non, mon Dieu, disait-il, je ne cesserai jamais d'espérer en vous ; quand vous m'ôteriez même la vie, je ne laisserais pas d'espérer en vous, et d'avoir une grande confiance en votre charité. Pourquoi, mon Dieu, voudrais-je me décourager et m'abandonner au désespoir ? J'ac-cuserai devant vous mes péchés qui sont la cause de mes maux ; mais j'espère que vous serez vous-même mon Sauveur. Mon espérance est que vous me récom-penserez un jour des maux que j'endure pour votre amour. » Voilà, M.F., ce que nous pouvons appe-ler une véritable espérance : puisque, malgré qu'il lui semblât que toute la colère de Dieu fût tombée sur lui, il ne laissait pas que d'espérer en Dieu. Sans examiner pourquoi il souffrait tant de maux, il se contente seule-ment de dire que ce sont ses péchés qui en sont la cause. Voyez-vous, M.F., les grands biens que là vertu d'espérance nous procure ? Tout le monde le trouve malheureux, et lui seul, sur son fumier, abandonné des siens et méprisé des autres, se trouve heureux, parce qu'il met toute sa confiance en Dieu. Ah ! si, dans nos peines, nos chagrins et nos maladies, nous avions cette grande confiance en Dieu, que de biens nous ramasse-rions pour le ciel ! Hélas ! que nous sommes aveugles, M.F. ! Si, au lieu de nous désespérer dans nos misères, nous avions cette ferme espérance que le bon Dieu nous en-voie tout cela comme autant de moyens pour nous faire mé-riter le ciel, avec quelle joie ne les souffririons-nous pas !
Mais, me direz-vous, que veut dire ce mot : espérer ? - Le voici, M.F. C'est soupirer après quelque chose qui doit nous rendre heureux dans l'autre vie ; c'est désirer ardemment la délivrance des maux de cette vie, et désirer la possession de toutes sortes de biens capables de nous contenter pleinement. Lorsque Adam eut péché et qu'il se vit accablé de tant de misères, toute sa con-solation était que, non seulement ses souffrances lui mériteraient le pardon de ses péchés, mais encore lui procureraient des biens pour le ciel. Quelle bonté de Dieu, M.F., de récompenser de tant de biens la moindre de nos actions, et cela, pendant toute l'éternité ! Mais, pour nous faire mériter ce bonheur, le bon Dieu veut que nous ayons une grande confiance en lui, comme des enfants envers un bon père. C'est pour cela que nous le voyons, dans plusieurs endroits de l'Ecriture sainte, prendre le nom de Père, afin de nous inspirer une plus grande confiance. Il veut que nous ayons recours à lui dans toutes nos peines, soit de l'âme, soit du corps. Il nous promet de nous secourir toutes les fois que nous aurons recours à lui. S'il prend le nom de père, c'est pour nous inspirer une plus grande confiance en lui. Voyez combien il nous aime : il nous dit par son prophète Isaïe, qu'il nous porte tous dans son sein. « Une mère, nous dit-il, qui porte son enfant dans son sein, ne peut pas l'oublier et, quand même elle serait assez barbare que de le faire, pour moi, je n'oublierai jamais celui qui met sa confiance en moi . » Il se plaint même que nous n'avons pas assez confiance en lui ; il nous avertit de « ne plus mettre notre confiance dans les rois et les princes, parce que notre espérance sera trompée . » Il va plus loin, puisqu'il nous menace de sa malédiction, si nous n'avons pas grande confiance en lui ; il nous dit par son prophète Jérémie : « Maudit soit celui qui ne met pas sa confiance en son Dieu ! » et plus loin, il nous dit : « Béni soit celui qui a confiance au Seigneur ! » Voyez la parabole de l'Enfant prodigue, qu'il nous cite avec tant de plaisir, afin de nous inspirer une grande confiance en lui. « Un père, nous dit-il, avait un enfant qui lui demanda ce qui pouvait lui reve-nir de son héritage. Ce bon père lui donna son bien. Ce fils abandonne ce bon père, part dans un pays étranger, et là, se livre à toutes sortes de désordres. Mais, quel-que temps après, ses débauches l'avaient réduit à la plus grande misère ; sans argent et sans aucune res-source, il aurait voulu se nourrir des restes des pour-ceaux ; mais personne ne lui en donnait. Se voyant accablé de tant de maux, il se rappela qu'il avait aban-donné un bon père, qui n'avait cessé de le combler de toutes sortes de bienfaits tout le temps qu'il avait été auprès de lui ; il se dit en lui-même : « Je me lèverai et j'irai, les larmes aux yeux, me jeter aux pieds de mon père ; il est si bon, j'espère qu'il aura encore pitié de moi. Je lui dirai : « Mon tendre père, j'ai péché contre vous et contre le ciel, je n'ose plus vous regarder ni le ciel ; je ne mérite plus d'être placé au nombre de vos enfants ; mais je serai trop heureux si vous vou-lez bien me mettre parmi vos esclaves. » Mais que fait ce bon père ? nous dit Jésus-Christ, qui est lui-même ce tendre père ; bien loin d'attendre qu'il vienne se jeter à ses pieds, d'aussi loin qu'il le voit, il court pour l'em-brasser. L'enfant veut avouer ses péchés ; mais le père ne veut plus qu'il lui en parle. « Non, non, mon fils, il n'est plus question de péchés, ne pensons qu'à nous réjouir. » Ce bon père invite toute la cour céleste à remercier le bon Dieu de ce que son fils qui était mort, est ressuscité, de ce qu'il l'avait perdu et l'a retrouvé. Pour lui témoigner combien il l'aime, il lui rend tous ses biens et son amitié .
Eh bien ! M.F., voilà la manière dont Jésus-Christ reçoit le pécheur toutes les fois qu'il revient à lui : il le pardonne et lui rend tous les biens que le péché lui avait ravis. D'après cela, M.F., qui de nous n'aura pas une grande confiance en la charité du bon Dieu ? Il va plus loin, puisqu'il nous dit que quand nous avons le bonheur de quitter le péché pour l'aimer, tout le ciel se réjouit. Si vous lisez plus loin, voyez avec quel empressement il court chercher sa brebis égarée ? Une fois qu'il l'a trou-vée, il en a tant de joie qu'il veut même la prendre sur ses épaules pour lui éviter la peine de voyager . Voyez avec quelle bonté il reçoit Madeleine à ses pieds , voyez avec quelle tendresse il la console ; non seulement il la console, mais encore, il la défend contre les insultes des pharisiens. Voyez avec quelle charité et quel plaisir il pardonne à la femme adultère ; elle l'offense, et c'est lui-même qui veut être son protecteur et son sauveur . Voyez son empressement à courir après la Samaritaine ; pour sauver son âme, il va lui-même l'attendre auprès du puits de Jacob ; il veut lui adresser le premier la parole, afin de lui faire voir d'avance combien il est bon ; il fait semblant de lui demander de l'eau, pour lui donner sa grâce et le ciel .
Dites-moi, M.F., quelles excuses aurons-nous pour nous excuser, lorsqu'il nous fera voir combien il était bon à notre égard, et comment il nous aurait reçus, si nous avions voulu revenir ? avec quel plaisir il nous au-rait pardonné et rendu sa grâce ? Ne pourra-t-il pas nous dire : Ah ! malheureux, si tu as vécu et si tu es mort dans le péché, c'est bien parce que tu n'as pas voulu en sortir ; moi qui désirais tant te pardonner ! Voyez, M.F., combien le bon Dieu veut que nous venions à lui avec confiance dans nos maux spirituels. Il nous dit, par son prophète Michée, que quand nos péchés seraient aussi nombreux que les étoiles du firmament et que les gouttes d'eau de la mer, que les feuilles des forêts et que les grains de sable qui bordent l'Océan, si nous nous convertissons sincèrement, il nous promet de les oublier tous ; et il nous dit que, quand ils auraient rendu notre âme aussi noire que le charbon, « aussi rouge que l'écar-late, il nous la rendra aussi blanche que la neige . » Il nous dit qu'il jette nos péchés dans les chaos de la mer, afin qu'ils ne paraissent jamais plus. Quelle charité, M.F., de la part de Dieu ! Avec quelle confiance ne devons-nous pas nous adresser à lui ! Mais quel désespoir pour un chrétien damné, de savoir combien le bon Dieu aurait désiré le pardonner, s'il avait voulu lui demander pardon ! Dites-moi, M.F., si nous sommes damnés, ce sera bien parce que nous l'aurons voulu, puisque le bon Dieu nous a tant de fois dit qu'il voulait nous pardonner. Hélas ! M.F., combien de remords de conscience, com-bien de bonnes pensées, combien de désirs cette voix n'a--t-elle pas fait naître en nous ! O mon Dieu ! que l'homme est malheureux de se damner, tandis qu'il peut si bien se sauver ! Hélas ! M.F., pour nous confirmer dans tout cela, nous n'avons qu'à examiner ce qu'il a fait pour nous, pendant les trente-trois ans qu'il a vécus sur la terre.
En deuxième lieu, je dis que nous devons avoir une grande confiance en Dieu, même pour nos besoins tem-porels. Pour nous exciter à nous adresser à lui avec une grande confiance pour ce qui regarde le corps, il nous assure qu'il aura soin de nous ; et nous voyons nous--mêmes combien il a fait de miracles, plutôt que de nous laisser manquer du nécessaire. Nous voyons dans l'Écri-ture sainte qu'il a nourri son peuple pendant quarante ans, dans le désert, avec de la manne qui tombait tous les jours avant le soleil levé. Pendant les quarante ans qu'ils restèrent dans le désert, leurs habits ne s'usèrent rien du tout. Il nous dit dans l'Évangile de ne pas nous mettre en peine pour ce qui regarde la nourriture et le vêtement : « Considérez, nous dit-il, les oiseaux du ciel ; ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils ne mettent rien dans les greniers ; voyez avec quel soin votre Père céleste les nourrit ; n'êtes-vous pas plus qu'eux ? vous êtes les enfants de Dieu. Gens de peu de foi, ne vous mettez donc pas en peine de ce que vous mangerez et de quoi vous vous vêtirez. Considérez les lys des champs, comment ils croissent ; et cependant ils ne labourent point ni ne filent : voyez comme ils sont vêtus ; je vous déclare que Salomon, dans toute sa gloire, n'a jamais été vêtu comme l'un d'eux. Si donc, conclut ce divin Sauveur, le Seigneur prend tant de soin de vêtir une herbe qui est aujourd'hui et que demain on jette dans le four, à combien plus forte raison prendra-t-il soin de vous, qui êtes ses enfants ? Cherchez donc premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné avec abondance » Voyez encore combien il veut que nous ayons confiance : « Quand vous me prierez, nous dit-il, ne dites pas : Mon Dieu, mais Notre Père ; parce que nous voyons qu'un enfant a une confiance sans borne à son père. » Lorsqu'il fut ressuscité, il apparut à sainte Madeleine, et lui dit : « Allez trouver mes frères, et dites-leur que je vais monter à mon Père, qui est aussi votre Père . » Dites-moi, M.F., ne con-viendrez-vous pas avec moi que si nous sommes si mal-heureux sur la terre, cela ne peut venir que de ce que nous n'avons pas assez de confiance en Dieu ?
En troisième lieu, nous disons que nous devons avoir une grande confiance en Dieu dans nos peines, nos cha-grins et nos maladies. Il faut, M.F., que cette grande espérance du ciel nous soutienne et nous console ; voilà ce qu'ont fait tous les saints. Nous lisons dans la vie de saint Symphorien, qu'étant conduit au martyre, sa mère, qui l'aimait véritablement pour le bon Dieu, monta sur un mur pour le voir passer, et élevant la voix autant qu'elle put : « Mon fils, mon fils, lui cria-t-elle, regarde le ciel ; mon fils, courage ! que l'espérance du ciel te soutienne ! mon fils, courage ! Si le chemin du ciel est difficile, il est bien court. » Cet enfant, animé par le langage de sa mère, endura les tourments et la mort avec une grande intrépidité. Saint François de Sales avait une si grande confiance en Dieu, qu'il semblait être insensible aux persécutions qu'on lui faisait ; il se disait à lui-même : « Puisque rien n'arrive que par la permission de Dieu, les persécutions ne sont donc que pour notre bien. » Nous lisons dans sa vie, qu'une fois il fut horriblement calomnié ; malgré cela, il ne perdit rien de sa tranquillité ordinaire. Il écrivit à un de ses amis que quelqu'un venait de l'avertir qu'on le déchirait d'une belle façon ; mais qu'il espérait que le bon Dieu arrangerait tout cela pour sa gloire et pour le salut de son âme. Il se contenta de prier pour ceux qui le calom-niaient. Voilà, M.F., la confiance que nous devons avoir en Dieu. Lorsque nous sommes persécutés ou qu'on nous méprise, ce sont là les marques que nous som-mes véritablement chrétiens, c'est-à-dire, enfants d'un Dieu méprisé et persécuté.
En quatrième lieu, M.F., je vous disais que, si nous devons avoir une confiance aveugle envers Jésus-Christ, parce que nous sommes sûrs que jamais il ne manquera de venir à notre secours dans toutes nos peines, si nous allons à lui comme des enfants à leur père ; je dis aussi que nous devons avoir une grande confiance envers sa sainte Mère, qui est si bonne, qui désire tant nous aider dans tous nos besoins spirituels et temporels, mais surtout, lorsque nous voulons revenir au bon Dieu. Si nous avons quelque péché qui nous donne de la honte à l'accuser, allons nous jeter à ses pieds, nous sommes sûrs qu'elle nous obtiendra la grâce de bien le con-fesser, et, en même temps, elle ne manquera pas de demander notre pardon. Pour vous le prouver, en voici un exemple admirable. Il est rapporté dans l'histoire qu'un homme, pendant longtemps, avait mené une vie assez chrétienne, de manière à espérer le ciel. Mais le démon, qui ne travaille qu'à notre perte, le tenta si souvent et si longtemps, qu'il le fit tomber dans un péché grave. Étant ensuite rentré en lui-même, il com-prit toute l'énormité de son péché, et sa première pensée fut de recourir au remède salutaire de la péni-tence. Mais il conçut tant de honte de son péché, qu'il ne put jamais se déterminer à le confesser. Bourrelé par les remords de sa conscience, qui ne lui laissaient pas un moment de repos, il prit la résolution insensée d'aller se noyer, espérant par là mettre fin à ses peines. Mais, quand il fut arrivé au bord de la rivière, il frémit à la vue du malheur éternel où il allait se précipiter, et s'en retourna en pleurant à chaudes larmes, et priant le Seigneur de lui pardonner sans qu'il fût obligé de se confesser. Il crut recouvrer la paix de l'âme en visitant plusieurs églises, en faisant des prières et des péni-tences ; mais, malgré toutes ses prières et ses péni-tences, ses remords le poursuivaient toujours. Le bon Dieu ne voulait lui accorder son pardon que par la pro-tection de sa sainte Mère. Une nuit qu'il était plongé dans une grande tristesse, il se sentit fortement inspiré d'aller se confesser, et, pour cela, il se leva de grand matin et se rendit à l'église ; mais quand il fut près de se confesser, il se sentit tourmenté plus que jamais par la honte de son péché, et n'eut jamais la force de faire ce que la grâce du bon Dieu lui avait inspiré. Quelque temps après, la même chose lui arriva ; il se rendit à la même église ; mais il fut encore arrêté par la honte, et, dans ce moment de désespoir, il prit la résolution de mourir plutôt que de jamais déclarer son péché à un confesseur. Cependant, il lui vint en pensée de se recommander à la sainte Vierge. Avant de rentrer chez lui, il alla se prosterner au pied de l'autel de la Mère de Dieu ; il lui représenta le grand besoin qu'il avait de son secours, et la conjura avec larmes de ne le pas abandonner. Quelle bonté de la part de la Mère de Dieu, quel empressement à le secourir ! A peine se fut-il mis à genoux, que toutes ses peines disparurent, son cœur fut tout changé, il se leva plein de courage et de con-fiance, alla trouver son confesseur, lui déclara tous ses péchés en versant des torrents de larmes. A mesure qu'il déclarait ses péchés, il lui semblait ôter un poids énorme de dessus sa conscience. Il avoua ensuite que, quand il reçut l'absolution, il éprouva plus de contente-ment que si on lui eût fait présent de tout l'or de l'uni-vers. Hélas ! M.F., quel malheur pour cet homme, s'il n'avait pas eu recours à la sainte Vierge ! Il brûlerait maintenant en enfer.
Oui, M.F., après le bon Dieu, dans toutes nos peines, soit de l'âme, soit du corps, il nous faut une grande confiance envers la sainte Vierge. En voici un autre exemple, qui va nous inspirer une tendre confiance envers la sainte Vierge, surtout quand nous voulons avoir une grande horreur du péché. Le bienheureux Liguori rapporte qu'une grande pécheresse appelée Hélène, étant entrée dans une église, le hasard, ou plutôt la Providence, qui dispose de tout pour le bien de ses élus, voulut qu'elle entendît un sermon sur la dévotion au saint Rosaire. Elle fut si frappée de tout ce que le prédicateur dit de l'excellence et des admirables effets de cette sainte pratique, qu'elle prit envie d'avoir un chapelet. Elle fut l'acheter après le sermon ; mais, pendant quelque temps, elle avait soin de bien le cacher, de peur qu'on ne le vît et qu'on ne la tournât en ridicule. Elle commença ensuite à le réciter, mais sans guère de dévotion ni de plaisir. Quelque temps après, la sainte Vierge lui fit trouver tant de dévotion et de plaisir, qu'elle ne pouvait plus se lasser de le dire ; et, par cette pratique de piété, qui est si agréable à la sainte Vierge, elle en mérita un regard de compassion qui lui fit concevoir une telle horreur de sa vie passée, que sa conscience devint pour elle un enfer, ne lui donnant de repos ni jour ni nuit. Déchirée continuelle-ment par ses remords cuisants, elle ne pouvait plus résister à la voix intérieure qui lui disait que le sacre-ment de Pénitence était le seul remède pour avoir la paix qu'elle désirait tant, qu'elle cherchait partout et qu'elle ne trouvait pas ; que le sacrement de Pénitence était le seul remède pour les maux de son âme. Invitée par cette voix, conduite et pressée par la grâce, elle va se jeter aux pieds du ministre du Seigneur, et lui fait l'aveu de toutes les misères de son âme, c'est-à-dire, de tous ses péchés ; ce qu'elle fit avec tant de contrition et avec une si grande abondance de larmes, que le confes-seur était dans un étonnement admirable, ne sachant à quoi attribuer ce miracle de la grâce. La confession étant finie, Hélène alla se prosterner au pied d'un autel de la sainte Vierge, et là, pénétrée des sentiments de la plus vive reconnaissance : « Ah ! très-sainte Vierge, il est vrai que j'ai été un monstre jusqu'ici ; mais vous, dont le pouvoir est si grand auprès de Dieu, aidez-moi, s'il vous plaît, à me corriger ; je veux employer le reste de mes jours à faire pénitence. » Dès ce moment, elle rentra chez elle, et brisa pour jamais les liens des funestes compagnies qui l'avaient retenue dans ses désordres ; elle donna tous ses biens aux pauvres, et se livra à toutes les rigueurs de la pénitence que son amour pour Dieu et le regret de ses péchés purent lui inspirer. Le bon Dieu, pour marquer sa reconnaissance de la grande confiance que cette fille avait eue envers sa très sainte Mère... dans sa dernière maladie, ils lui apparurent tous les deux (c'est-à-dire, le bon Dieu avec la sainte Vierge) ; elle rendit entre leurs mains sa belle âme, qu'elle avait si bien purifiée par la pénitence et par les larmes, de sorte que, après le bon Dieu, c'est à la protection de la très sainte Vierge que cette grande pénitente dut son salut.
Voici un autre exemple de confiance envers la sainte Vierge, qui n'est pas moins admirable, et qui montre combien la dévotion à la sainte Vierge est favorable pour nous aider à sortir du péché. Il est rapporté dans l'histoire qu'un jeune homme, qui avait été bien ins-truit par ses parents, eut le malheur de contracter une habitude criminelle, qui devint pour lui la source d'une infinité de péchés. Comme il avait encore la crainte de Dieu et désirait renoncer à ses désordres, il faisait de temps en temps quelques efforts pour en sortir ; mais le poids de ses mauvaises habitudes l'entraînait tou-jours. Il détestait son péché, et, malgré cela, il y retom-bait à chaque instant. Voyant qu'il ne pouvait pas se corriger, il s'abandonna au découragement et prit la résolution de ne plus se confesser. Son confesseur, qui ne le voyait plus venir au temps marqué, voulut faire un nouvel effort pour ramener cette pauvre âme au bon Dieu. Il va le trouver dans un moment où il était seul à travailler. Ce pauvre jeune homme, voyant venir le prê-tre, se mit à pousser des soupirs et des cris lamenta-bles. « Qu'avez-vous, mon ami, lui dit le prêtre ? - Oh ! jamais je ne me corrigerai, et j'ai résolu de tout abandonner. - Que dites-vous, mon cher ami ? je sais, au contraire, que si vous voulez faire ce que je vais vous dire, vous vous corrigerez et vous obtiendrez votre pardon. Allez, dès ce moment, vous jeter aux pieds de la sainte Vierge pour lui demander votre con-version et venez ensuite me trouver. Le jeune homme va dans ce moment se jeter, c'est-à-dire se prosterner aux pieds d'un autel de la sainte Vierge, et arrosant le pavé de ses larmes, il la supplia d'avoir pitié d'une âme qui a coûté tout le sang de Jésus-Christ, son divin Fils, et que le démon veut entraîner en enfer. Dans ce moment, il sentit naître en lui une si grande confiance, qu'il se leva et alla se confesser. Il se convertit sincèrement ; toutes ses mauvaises habitudes furent entièrement détruites, et il servit le bon Dieu toute sa vie. Conve-nons tous ensemble que, si nous restons dans le péché, c'est bien parce que nous ne voulons pas prendre les moyens que la religion nous présente, ni avoir recours avec confiance à cette bonne Mère, qui aurait aussi bien pitié de nous que tous ceux qui l'ont priée avant nous.
En cinquième lieu, nous avons dit que la vertu d'es-pérance nous fait faire toutes nos actions dans la seule vue de plaire à Dieu, et non au monde. Nous devons, M.F., commencer à pratiquer cette belle vertu, en nous éveillant, en donnant notre cœur au bon Dieu avec amour, avec ferveur, pensant combien sera grande la récompense de notre journée si nous faisons bien tout ce que nous faisons dans la seule vue de plaire au bon Dieu. Dites-moi, M.F., si, dans tout ce que nous fai-sons, nous avions le bonheur de penser à la grande récompense que le bon Dieu attache à chacune de nos actions, de quels sentiments de respect et d'amour pour le bon Dieu ne serions-nous pas pénétrés ! Voyez combien nous aurions des intentions pures en faisant toutes nos aumônes. - Mais, me direz-vous, quand je fais quelque aumône, c'est bien pour le bon Dieu et non pour le monde. - Cependant, M.F., nous som-mes bien contents quand on nous voit, quand on nous en loue, nous aimons même à le dire aux autres. Dans notre cœur nous aimons à y penser, nous nous applaudissons au dedans de nous-mêmes ; mais si nous avions cette belle vertu dans l'âme, nous ne chercherions que Dieu seul, le monde n'y serait pour rien, ni nous--mêmes. Ne soyons pas étonnés, M.F., de ce que nous faisons si mal nos actions. C'est que nous ne pensons pas véritablement à la récompense que le bon Dieu y attache si nous les faisons bien pour lui plaire. Lorsque nous rendons service à quelqu'un qui, bien loin d'être reconnaissant, nous paie d'ingratitude, si nous avions cette belle vertu d'espérance, nous en serions bien con-tents en pensant que notre récompense sera bien plus grande auprès du bon Dieu. Saint François de Sales nous dit que, si deux personnes se présentaient à lui pour recevoir quelque bienfait, et qu'il ne pût rendre service qu'à une, il choisirait celle qu'il penserait lui être la moins reconnaissante, parce que le mérite serait plus grand auprès du bon Dieu. Le saint roi David disait que quand il faisait quelque chose, il le faisait toujours en la présence de Dieu, comme s'il devait être jugé de suite après pour en recevoir la récompense ; ce qui le portait à bien faire, tout ce qu'il faisait pour plaire à Dieu seul. En effet, ceux qui n'ont pas cette vertu d'es-pérance font tout ce qu'ils font pour le monde, ou pour se faire aimer et estimer, et, par là, en perdent toute la récompense.
Nous disons que nous devons avoir une grande confiance en Dieu dans nos maladies et nos chagrins ; c'est précisément là où le bon Dieu nous attend pour voir si nous lui montrerons une grande confiance. Nous lisons dans la vie de saint Elzéar, que les gens du monde faisaient publiquement une raillerie de sa dévo-tion, et les libertins en faisaient un jeu. Sainte Delphine lui dit un jour que le mépris qu'on faisait de sa per-sonne rejaillissait sur sa vertu. « Hélas ! lui dit-il en pleurant, quand je pense à tout ce que Jésus-Christ a souffert pour moi, je suis si touché, que, quand on me crèverait les yeux, je n'aurais point de paroles pour me plaindre, en pensant à la grande récompense de ceux qui souffrent pour l'amour de Dieu : c'est là toute mon espérance et ce qui me soutient dans toutes mes pei-nes. » Ce qui est bien facile à comprendre. Qu'est-ce qui peut consoler dans ses maux une personne malade, sinon la grandeur de la récompense que le bon Dieu lui promet dans l'autre vie ?
Nous lisons dans l'histoire, qu'un prédicateur étant allé prêcher dans un hôpital, son sermon fut sur les souffrances. Il montra combien les souffrances nous ac-quièrent de grands mérites pour le ciel, et combien une personne qui souffre avec patience est agréable au bon Dieu. Dans ce même hôpital, il y avait un pauvre ma-lade qui, depuis bien des années, souffrait beaucoup, mais, malheureusement, toujours en se plaignant ; il comprit par ce sermon combien il avait perdu de biens pour le ciel, et, après le sermon, il se mit à pleurer et à sangloter d'une manière extraordinaire. Un prêtre qui le vit, lui demanda pourquoi il se livrait à un tel chagrin, si quelqu'un lui avait fait quelque peine, ajoutant que, en sa qualité d'administrateur, il pouvait lui faire rendre justice. Ce pauvre homme lui dit : « Oh ! non, monsieur, personne ne m'a fait tort, mais c'est moi-même qui me suis fait grandement tort. - Comment ? lui dit le prêtre. - Ah ! monsieur, que de biens j'ai perdus depuis tant d'années que je souffre, où j'aurais tant mérité pour le ciel, si j'avais eu le bonheur de souffrir les maladies avec patience. Hélas ! que je suis malheu-reux ! moi qui me croyais si à plaindre ; si j'avais bien compris mon état, j'étais le plus heureux du monde. » Hélas, M.F., que de personnes vont tenir le même langage à l'heure de la mort, et que leurs peines, si elles avaient eu le bonheur de les souffrir bien pour le bon Dieu, auraient conduites au ciel ; au lieu qu'elles n'ont servi qu'à les perdre par le mauvais usage qu'elles en ont fait. L'on demandait un jour à une pauvre femme qui, depuis bien longtemps, était dans un lit où elle souffrait des maux affreux, et qui cependant paraissait toujours contente, on lui demandait ce qui pouvait la soutenir dans un état si pitoyable, elle répondit : « Quand je pense que le bon Dieu est témoin de mes souffrances et qu'il m'en récompensera pour l'éternité, j'en ai tant de joie, je souffre avec tant de plaisir, que je ne chan-gerais pas mon état avec tous les empires du monde ! » Convenez avec moi, M.F., que ceux qui ont le grand bonheur d'avoir cette belle vertu dans le cœur, ont bien-tôt changé leur douleur en douceur.
Hélas ! M.F., si nous voyons tant de personnes mal-heureuses dans le monde, maudire leur existence, et passer leur pauvre vie dans une espèce d'enfer, par les chagrins et le désespoir qui les poursuivent partout ; hélas ! tous ces malheurs ne viennent que de ce qu'elles ne mettent pas leur confiance en Dieu et ne pensent pas à la grande récompense qui les attend dans le ciel. Nous lisons dans la vie de sainte Félicité que, craignant que le plus jeune de ses enfants n'eût pas le courage de souf-frir le martyre, elle lui cria : « Mon fils, regarde le ciel qui sera ta récompense ; encore un moment, et tes souf-frances seront finies. » Ces paroles, sorties de la bouche d'une mère, fortifièrent tellement ce pauvre enfant qu'il livra, avec une joie incroyable, son pauvre petit corps à tous les tourments que les bourreaux voulurent lui faire souffrir. Saint François Xavier nous dit qu'étant chez les Barbares, il eut à souffrir, sans recevoir aucune consolation de personne, tout ce que ces idolâtres pouvaient inventer mais qu'il avait tellement mis sa confiance en Dieu, qu'il avait reconnu que le bon Dieu l'avait tou-jours secouru d'une manière visible.
Jésus-Christ, pour nous montrer combien nous devons avoir confiance en lui, et ne jamais craindre de lui de-mander tout ce qui nous est nécessaire pour l'âme et pour le corps, nous dit dans l'Évangile, qu'un homme étant allé pendant la nuit, demander à un de ses amis trois pains pour donner à un homme qui était venu le voir ; l'autre lui répondit qu'il était couché avec ses enfants, qu'il ne fallait pas le déranger. Mais le premier continua de le prier, en disant qu'il n'avait point de pain pour son ami. L'autre lui donna ce qu'il lui deman-dait, non parce que c'était son ami, mais pour se déli-vrer de son importunité. De là, conclut Jésus-Christ « Demandez, et l'on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez, et l'on vous ouvrira ; et vous êtes sûrs que toutes les fois que vous demanderez à mon Père en mon nom, vous obtiendrez. »
En sixième lieu, je dis qu'il faut que notre espérance soit universelle, c'est-à-dire, qu'il faut avoir recours au bon Dieu dans tout ce qui peut nous arriver. Si nous som-mes malades, M.F., ayons une grande confiance en lui, puisque c'est lui-même qui a guéri tant de malades pen-dant qu'il était sur la terre, et si notre santé peut contri-buer à sa gloire et au salut de notre âme, nous sommes sûrs de l'obtenir ; si, au contraire, la maladie nous est plus avantageuse, il nous donnera la force de la souffrir avec patience, pour nous en donner la récompense pen-dant l'éternité. Si nous nous trouvons dans quelque danger, imitons les trois enfants que le roi avait fait jeter dans la fournaise de Babylone ; ils mirent tellement leur confiance en Dieu, que le feu ne fit que brûler les cordes qui les liaient, de sorte qu'ils se promenaient tranquillement dans la fournaise comme dans un jardin de délices. Sommes-nous tentés, M.F. ? Mettons notre confiance en Jésus-Christ, et nous sommes sûrs de ne pas succomber. Il nous a, ce tendre Sauveur, mérité la victoire dans nos tentations en se laissant tenter lui-même. Sommes--nous, M.F., plongés dans quelque mauvaise habitude, craignons-nous de ne pas pouvoir en sortir ? ayons seu-lement confiance en Dieu, puisqu'il nous a mérité toutes sortes de grâces pour vaincre le démon. Voilà bien, M.F., de quoi nous consoler dans les misères qui sont inséparables de la vie. Mais voici ce que nous dit saint Jean Chrysostome : « Pour mériter ce bonheur, il ne faut pas avoir de présomption, en nous exposant volontaire-ment au danger de pécher. Le bon Dieu ne nous a pro-mis sa grâce qu'autant que, de notre côté, nous ferons tout ce que nous pourrons pour éviter les dangers du péché. II faut encore prendre garde de ne pas abuser de la patience du bon Dieu en restant dans le péché, sous prétexte que le bon Dieu nous pardonnera, quoique nous retardions de nous confesser. Prenons bien garde, M.F., tant que nous sommes dans le péché, nous sommes en grand danger de tomber en enfer, et tout le repentir que nous avons à la mort, quand nous sommes restés volontairement dans le péché, ne nous assure guère notre salut ; parce que, pouvant en sortir, nous ne l'avons pas fait. Ah ! malheureux que nous sommes ; comment osons-nous rester dans le péché, puisque nous n'avons pas une minute de sûreté pour notre vie ? Notre-Seigneur nous dit qu'il viendra dans le moment que nous y pen-serons le moins.
Je dis que si nous ne devons pas trop espérer, il ne faut pas désespérer de la miséricorde de Dieu, puisqu'elle est infinie. Le désespoir est un plus grand péché que tous les péchés que nous avons commis, puisque nous sommes sûrs que jamais le bon Dieu ne nous refusera notre pardon, si nous revenons à lui avec sincérité. Ce n'est pas la grandeur de nos péchés qui doit nous faire craindre de ne pas pouvoir obtenir notre pardon, puis-que tous nos péchés sont moins envers la miséricorde de Dieu, qu'un grain de sable envers une montagne. Si Caïn, après avoir tué son frère, avait voulu demander pardon au bon Dieu, il était sûr de son pardon. Si Judas s'était jeté aux pieds de Jésus-Christ, pour le prier de lui par-donner, Jésus-Christ lui aurait remis son péché aussi bien qu'à saint Pierre.
Mais, en finissant, voulez-vous que je vous dise pour-quoi l'on reste si longtemps dans le péché, et que l'on se tourmente tant pour le moment qu'il faut s'en accu-ser ? C'est, M.F., que nous sommes des orgueilleux, et rien autre. Si nous avions l'humilité pour partage, nous ne resterions jamais dans le péché, nous ne craindrions nullement de les accuser. Demandons au bon Dieu, M.F., le mépris de nous-mêmes, nous craindrons le péché et nous le confesserons aussitôt que nous l'aurons commis. Je conclus en vous disant qu'il nous faut souvent de-mander au bon Dieu cette belle vertu d'espérance, qui nous fera faire toutes nos actions dans l'intention de plaire à Dieu seul. Prenons bien garde dans nos mala-dies, dans nos chagrins, de jamais nous désespérer. Pen-sons que toutes ces choses sont des biens que le bon Dieu nous envoie pour être la matière de notre récom-pense éternelle. Je vous la souhaite...

5ème dimanche après la Pentecôte.
Sur le deuxième Commandement de Dieu

« Dieu en vain tu ne jureras, Ni autre chose pareillement. »

Il est bien étonnant, M.F., que le bon Dieu soit obligé de nous faire un commandement pour nous défendre de profaner son saint nom. Peut-on bien concevoir, M.F., que des chrétiens puissent se livrer au démon, au point de lui être un instrument dont il se serve pour maudire un Dieu si bon et si bienfaisant ? Peut-on bien concevoir qu'une langue, qui a été consacrée au bon Dieu par le saint Baptême, et tant de fois arrosée par son sang ado-rable, soit employée à maudire son Créateur ? Le pourrait-il faire, celui qui croirait véritablement que le bon Dieu ne la lui a donnée que pour le bénir et chanter ses louanges ? Vous conviendrez avec moi que c'est là un crime épouvantable, qui semble forcer le bon Dieu à nous accabler de toutes sortes de malheurs, et à nous abandonner au démon, à qui nous obéissons avec tant de zèle. Ce crime fait dresser les cheveux de la tête à toute personne qui n'a pas encore entièrement perdu la foi. Cependant, malgré la grandeur de ce péché, son horribilité et sa noirceur, y a-t-il un péché plus commun que le jurement, les blasphèmes, les imprécations et les malédictions ? N'a-t-on pas la douleur de voir sortir même de la bouche des enfants, qui à peine savent leur Notre Père, ces sortes de jurements, capables d'attirer toutes sortes de malheurs sur une paroisse ? Je vais donc, M.F., vous montrer ce que l'on entend par jure-ments, blasphèmes, reniements, imprécations et malé-dictions. Tâchez, pendant ce temps-là, de bien dormir : afin qu'au jour du jugement, vous ayez fait le mal sans savoir ce que vous faisiez, et que vous soyez damnés parce que votre ignorance sera toute votre faute.

I. - Pour vous faire comprendre la grandeur de ce péché, M.F., il faudrait pouvoir vous faire comprendre la grandeur de l'outrage qu'il fait au bon Dieu ; ce qui ne sera jamais donné à un mortel. Non, M.F., il n'y a que l'enfer, il n'y a que la colère, la puissance et la fureur d'un Dieu, toutes réunies sur ces monstres infer-naux qui puissent faire sentir la grandeur de son atro-cité ; non, non, M.F., n'allons pas plus loin, il faut pour cela un enfer éternel. D'ailleurs, ce n'est pas mon dessein : je vais seulement vous faire connaître la diffé-rence qu'il y a entre les jurements, les blasphèmes, les reniements, les imprécations, les malédictions et les paroles grossières. Une bonne partie les confondent et prennent une chose pour l'autre ; ce qui est cause que, presque jamais vous ne vous accusez de vos péchés comme il faut, ce qui vous expose à faire de mauvaises confessions, et par conséquent, à vous damner. Le deuxième commandement, qui nous défend de faire des serments faux, inutiles et de se parjurer, s'exprime en ces termes : « Vous ne prendrez point le nom du Seigneur, votre Dieu, en vain. » C'est comme si le Seigneur nous disait : « Je vous ordonne et vous commande de révérer ce nom, parce qu'il est saint et adorable ; je vous défends de le profaner en l'employant pour autoriser le mensonge, l'injustice et même la vérité, sans une raison suffisante ; » et Jésus-Christ nous dit de ne le jurer en aucune manière.
Je dis 1° que les personnes peu instruites confondent souvent les blasphèmes avec les jurements. Un malheu-reux, dans un moment de colère, ou plutôt de fureur, dira : « Le bon Dieu n'est pas juste de me faire souffrir ou perdre cela. » Par ces mots, il a renié le bon Dieu ; il s'accusera en disant : « Mon père, je m'accuse d'avoir juré, » or, ce n'est pas un jurement, mais un blasphème qu'il a proféré. Une personne sera accusée faussement d'une faute qu'elle n'a pas faite ; elle dira pour se justi-fier : « Si j'ai fait cela, je ne veux jamais voir la face de Dieu ! » Ce n'est pas un jurement, mais une horrible imprécation. Voilà deux péchés qui sont bien aussi mau-vais que les jurements. Un autre, qui aura dit à son voisin qu'il est un voleur, un coquin, s'accusera « d'avoir juré après son voisin. Ce n'est pas jurer, mais c'est lui dire des injures. Un autre dira des paroles sales et déshonnêtes, et s'accusera d'avoir dit de mauvaises raisons. » Vous vous trompez, il faut dire que vous avez dit des obscénités. Voici, M.F., ce que c'est que jurer : c'est prendre le bon Dieu à témoin de ce que l'on dit ou promet ; et le parjure est un serment qui est faux : c'est-à-dire, c'est quand on jure pour un mensonge.
Le nom du bon Dieu est si saint, si grand et si ado-rable que les anges et les saints, nous dit saint Jean, disent sans cesse dans le ciel : « Saint, saint, saint, est le grand Dieu des armées ; que son saint nom soit béni dans tous les siècles des siècle ! Lorsque la sainte Vierge alla visiter sa cousine Elisabeth, et que cette sainte lui dit : « Que vous êtes heureuse d'avoir été choisie pour être la mère de Dieu ! » la sainte Vierge lui répondit : « Celui qui est tout-puissant, et dont le nom est saint, a fait en moi de grandes choses. » Nous devrons donc, M.F., avoir un grand respect pour le nom du bon Dieu, et nous ne le prononcerons qu'avec une grande vénération et jamais en vain. Saint Thomas nous dit que de prononcer le nom du bon Dieu en vain, c'est un grand péché ; qu'il n'en est pas de ce péché comme des autres : dans les autres péchés, la légèreté de la matière en diminue la noirceur et la malice, et, bien souvent, ce qui serait de sa nature péché mortel, n'est plus que véniel : comme le larcin, qui est un péché mor-tel ; mais, si c'est de peu de chose, comme un ou trois sous, ce ne sera qu'un péché véniel. La colère et la gour-mandise sont des péchés mortels ; mais une petite colère, une petite gourmandise ne sont plus que des péchés véniels. Mais pour le jurement, il n'en est plus de même : plus la matière est légère, plus la profana-tion est grande. La raison en est que, plus la matière est légère, plus le mépris est grand ; comme si une per-sonne priait le roi de lui servir de témoin pour une bagatelle, ce serait se moquer de lui et le mépriser. Le bon Dieu nous dit que celui qui jurera son nom sera puni rigoureusement. Nous lisons dans l'Écriture sainte que du temps de Moïse, il y avait deux hommes, dont l'un jura le saint nom de Dieu ; on le prit et on le mena à Moïse, qui demanda au bon Dieu ce qu'il en fallait faire. Le Seigneur lui dit de le conduire dans un champ, et d'ordonner à tous ceux qui avaient été témoins de ce blasphème, de lui mettre la main sur la tête et de l'as-sommer, afin d'ôter le blasphémateur du milieu de son peuple .
Le Saint-Esprit nous dit encore que celui qui est accoutumé de jurer, sa maison sera remplie d'iniquités, et que la malédiction ne sortira point de sa maison, jusqu'à ce qu'elle soit détruite . Notre-Seigneur Jésus-Christ nous dit, dans l'Évangile, de ne point jurer ni par le ciel, ni par la terre, parce que ni l'un ni l'autre ne nous appartiennent. Quand vous voudrez assurer une chose, dites : « Cela est, ou n'est pas ; oui ou non ; je l'ai fait, ou je ne l'ai pas fait ; et tout ce que vous direz de plus, ne vient que du démon . » D'ailleurs, une per-sonne qui a l'habitude de jurer, c'est une personne emportée, attachée à ses propres sentiments, et toujours elle jure, aussi bien pour le mensonge que pour la vérité. - Mais, dira-t-on, si je ne jure pas, on ne me croira pas. - Vous vous trompez ; jamais l'on ne croit une personne qui jure, parce que cela suppose une personne qui n'a point de religion, et une personne sans religion n'est pas digne d'être crue. Il y en a souvent qui ne savent pas vendre la moindre chose sans jurer, comme si leur jurement bonifiait leur marchandise. Si l'on voit un marchand qui jure en vendant, tout de suite l'on pense que cette personne n'a point de foi, qu'il faut prendre garde qu'elle ne nous trompe. Ses jurements font hor-reur, et on ne la croit pas. Au contraire, une personne qui ne jurera pas, nous ajouterons foi à ce qu'elle nous dit.
Nous lisons dans l'histoire un exemple rapporté par le cardinal Bellarmin, qui va vous montrer que les jure-ments n'avancent de rien. Il y avait, nous dit-il, dans Cologne, deux marchands qui semblaient ne pouvoir rien vendre sans jurer. Leur pasteur les engagea fort à quitter cette mauvaise habitude, parce que, bien loin d'y perdre, ils y gagneraient beaucoup ; ils suivirent son conseil. Cependant, pendant quelque temps, ils ne ven-dirent pas beaucoup. Ils allèrent trouver leur pasteur, en lui disant qu'ils ne vendaient pas autant qu'il leur avait fait espérer. Le pasteur leur dit : « Prenez patience, mes enfants, vous êtes sûrs que le bon Dieu vous bénira. » En effet, au bout de quelque temps, le concours fut si grand, qu'il semblait que l'on donnait la marchandise pour rien. Ils voyaient eux-mêmes que le bon Dieu les bénissait d'une manière particulière. Le même cardinal nous dit qu'il y avait une bonne mère de famille, qui avait une grande habitude de jurer ; à force qu'on lui représenta combien ces jurements étaient indignes d'une mère, et qu'elle ne pouvait qu'attirer la malédiction sur sa maison ; s'étant bien corrigée, elle avoua elle-même que depuis qu'elle avait perdu sa mauvaise habitude, elle voyait que tout réussissait chez elle, et que le bon Dieu la bénissait d'une manière particulière.
Voulez-vous, M.F., être heureux pendant votre vie, et que le bon Dieu bénisse vos maisons ? Prenez garde de ne jamais jurer, et vous verrez que tout ira bien chez vous. Le bon Dieu nous dit que dans la maison où le jurement règnera, la malédiction du Seigneur y tombera, et elle sera détruite. Et pourquoi, M.F., vous laissez--vous aller au jurement, puisque le bon Dieu le défend sous peine de nous rendre malheureux en ce monde et réprouvés dans l'autre ? Hélas ! que nous connaissons peu ce que nous faisons ! Nous le connaîtrons, mais trop tard.
En deuxième lieu, nous disons qu'il y a encore un autre jurement bien plus mauvais : c'est lorsqu'on ajoute au jurement des serments d'exécration, ce qui fait trem-bler. Comme les malheureux qui disent : « Si ce que je dis n'est pas vrai, je veux bien ne jamais voir la face de Dieu. » Ah ! malheureux, vous ne risquez que trop de ne jamais la voir !... D'autres disent : « Si ce n'est pas vrai, je veux perdre ma place dans le paradis ! que le bon Dieu me damne ! ou, que le démon m'emporte !... » Ah ! vieil endurci ! le démon ne t'emportera que trop, sans que tu te donnes si longtemps d'avance à lui. Combien d'autres qui ont toujours le démon à la bouche, à la moindre chose qui ne va pas comme ils veulent !. « Ah ! le diable d'enfant, la diable de bête ou d'ou-vrage !... Que tu crèves donc une fois, tant tu m'en-nuies !... » Hélas ! une personne qui a si souvent le nom du démon dans la bouche, il est bien à craindre qu'elle l'ait dans le cœur ! Combien d'autres qui sont toujours après dire : « Oh ! ma foi, oui... oh ! ma foi, non... ; ah ! mâtin d'enfant ! » ou bien encore : « Pardi !... mardi !... sur ma conscience !... sur la foi des chrétiens !... »
Il y a une autre sorte de jurements, de malédictions qu'on ne pense pas de confesser, ce sont les jurements que l'on fait dans son cœur : il y en a qui croient que, parce qu'ils ne le disent pas de bouche, il n'y a point de mal : vous vous trompez grandement, mes amis. Il vous est arrivé que quelqu'un vous a fait quelque dégât dans vos terres, ou ailleurs ; vous leur jurez après dans votre cœur, et vous les maudissez en disant : « Au moins si le démon les avait emportés !... que le tonnerre les eût écrasés !... ou que ces raves ou ces truffes les eussent empoisonnés en les mangeant !... » Et vous con-serverez ces pensées combien de temps dans votre cœur ! Et vous croyez que, parce que vous ne les dites pas de bouche, ce n'est rien : mon ami, c'est un gros péché ; il faut bien vous en accuser, sans quoi vous serez perdu. Hélas ! qu'il y a peu de personnes qui con-naissent l'état de leur pauvre âme, telle qu'elle est aux yeux du bon Dieu !
En troisième lieu, nous disons qu'il y en a d'autres, encore plus coupables, qui jurent non seulement pour des choses véritables, mais encore pour des chose fausses. Si vous pouviez comprendre combien votre impiété méprise le bon Dieu, vous n'auriez jamais le courage de la commettre. Vous vous comportez en-vers le bon Dieu comme un vil esclave qui dirait au roi : « Sire, il faut que vous me serviez de faux témoin ; » cela ne vous fait-il pas horreur, M.F. ? Le bon Dieu nous dit dans l'Écriture sainte : « Soyez saints, parce que je suis saint. Ne mentez point, et ne trompez point votre prochain, et ne vous parjurez point en prenant le Seigneur votre Dieu à témoin pour un men-songe, et ne profanez point le nom du Seigneur. » Saint Jean Chrysostome nous dit : « Si c'est déjà un grand crime que de jurer pour une chose véritable, quelle est la grandeur du crime de celui qui jure faussement, pour assurer un mensonge ! » Le Saint-Esprit nous dit que celui qui dit des mensonges périra. Le prophète Zacharie nous assure que la malédiction viendra dans la maison de celui qui jurera pour assurer un mensonge, et qu'elle y restera jusqu'à ce que cette maison soit renversée et détruite. Saint Augustin nous dit que le parjure est un grand crime et une bête féroce, qui fait un ravage effroyable. Voici ce qui augmente encore ce péché, c'est qu'il y en a qui ajoutent au jurement faux un serment d'exécration, en disant : « Si cela n'est pas vrai, je ne veux jamais voir la face de Dieu !... que Dieu me damne !... ou : que le démon m'emporte !... » Ah ! malheureux ! si le bon Dieu vous prenait au mot, où en seriez-vous ? Depuis déjà combien d'années vous brûleriez dans les enfers ! Dites-moi, M.F., peut-on bien concevoir qu'un chrétien puisse se rendre coupable d'un tel crime et d'une telle horribilité ? O mon Dieu ! un ver de terre pousse la barbarie à un tel excès ! Non, M.F., non, cela n'est pas concevable dans un chrétien.

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 18:16
Veut-il, ce Dieu de miséricorde, punir les hommes au temps du déluge à cause des crimes horribles dont ils s'étaient rendus coupables ? il ne le fait qu'à regret, dit l'Écriture. Ce repentir que Dieu témoigne, dit saint Am-broise, nous montre l'énormité des crimes dont les hommes avaient souillé la terre. Cependant, il se con-tente de dire : « Je les détruirai . » Pourquoi parler comme d'une chose à venir ? Est-ce que sa sagesse man-quait de moyens ? Non, sans doute ; mais il parle de cette punition comme chose à venir, afin de donner aux coupables le temps de désarmer sa colère. Il les avertit du malheur dont il les menace cent vingt ans avant qu'il arrive, afin de leur donner le temps de le détourner par la pénitence. II leur envoie Noé pour leur prêcher cette pénitence ; pour les assurer que s'ils changent de vie, lui-même changera de résolution. Le saint patriar-che demeure cent ans à bâtir cette arche ; afin que les hommes, voyant ce nouveau bâtiment, lui en deman-dent la raison et rentrent en eux-mêmes. Combien de délais ! combien de remises ! Dieu attend leur péni-tence. Enfin ils lassent sa patience. C'est ainsi que Dieu attend encore aujourd'hui à la pénitence ce misérable pécheur, qui sans cesse en voit mourir devant ses yeux un nombre infini des morts les plus effrayantes. Les uns sont précipités dans les eaux, les autres écrasés par la foudre du ciel ; d'autres, enlevés à la fleur de leur âge ; d'autres, arrachés du sein des plaisirs et d'une fortune florissante. Ce Dieu de bonté et de tendresse, qui désire, la conversion du pécheur avec empressement, permet, que ces bruits se répandent dans différentes parties du monde, comme une trompette qui annonce à tous les pécheurs de se tenir prêts, que leur tour sera bientôt venu, et que s'ils ne profitent pas de ces exemples pour rentrer en eux-mêmes, hélas ! peut-être, hélas ! vont-ils dans peu servir d'exemple aux autres. Mais ces miséra-bles pécheurs sont semblables à ces hommes dont parle l'Écriture, qui n'étaient nullement émus des menaces que Dieu leur faisait par la bouche du saint patriarche Noé .
« Ah ! pécheur, s'écrie un saint Père, pourquoi ne te rends-tu pas à la voix de ton Dieu qui t'appelle ? Il te tend la main pour t'arracher de cet abîme où tes péchés t'ont précipité ; reviens, il te promet ton pardon. » O qu'il est triste, M.F., de ne pas connaître son état déplorable ! Rendons-nous donc à la voix de celui qui ne nous appelle que pour nous guérir de ces maux dont notre pauvre âme est défigurée.
Nous disons que Dieu invite lui-même le pécheur à la pénitence. « O Jérusalem, tu as été une infidèle, tu t'es prostituée à l'amour impur des créatures ; néan-moins, reviens à moi et je te recevrai . » Ainsi par-lait le Seigneur, par la bouche du prophète Jérémie, à une pécheresse de l'Ancien Testament. Écoutons ce que nous dit encore ce divin Sauveur : « Pécheurs, vous vous êtes lassés dans la voix de l'iniquité, cependant, venez à moi et je vous soulagerai. Venez goûter et éprouver combien le Seigneur est doux, combien son joug est léger, combien ses commandements sont aima-bles . » O le bon Pasteur de nos âmes ! non content de rappeler ses brebis égarées, il va les chercher. Voyez-le, accablé de lassitude auprès du puits de Jacob, poursuivant une de ses brebis, dans la personne de la Sa-maritaine . Voyez-le dans la maison de Simon le lépreux, la poursuivant dans la personne de Madeleine car si elle vint trouver le Sauveur dans la maison de ce pharisien, ce ne fut que par un attrait de la grâce qui toucha son cœur et conduisit ses pas . Voyez-le dans Jéricho, faisant d'un Zachée, d'un pécheur public, un parfait pénitent . Voyez encore ses entrailles émues sur tous les pécheurs en général. « Je veux la miséri-corde et non le sacrifice, dit-il ; je suis venu appeler le pécheur et non le juste . » « O combien de fois, s'écrie-t-il, ô ingrate Jérusalem, n'ai-je pas voulu rassembler tes petits sous les ailes de ma miséricorde, comme une poule rassemble ses petits poussins sous les siennes, et tu n'as pas voulu . » N'est-ce pas encore cette même grâce, qui, tous les jours, presse et sollicite le pécheur de se convertir ?
3° Je dis que si le pécheur est assez heureux pour retourner à Dieu, il le recevra à la pénitence et lui par-donnera sans délai. Oui, M.F., si ce pécheur quitte ses crimes d'iniquités et revient sincèrement à Dieu, Dieu est tout prêt à lui pardonner. Voyons-le dans le plus consolant de tous les exemples que l'Évangile nous pro-pose, qui est celui de l'enfant prodigue. Il avait dissipé tout son bien en vivant comme un libertin et un débau-ché. Sa mauvaise vie le réduisit à une si grande misère qu'il était content de se nourrir des restes des pour-ceaux ; cependant personne ne lui en donnait. Enfin, vivement touché de sa misère, il tourne les yeux sur son malheureux état : il prend la résolution de retourner dans la maison de son père, où le dernier des esclaves était infiniment mieux que lui. Le voilà qui part. Il est encore fort éloigné lorsque son père l'aperçoit. Le voyant, il en est touché de compassion, il oublie son grand âge, court au-devant de lui, se jette à son cou et l'embrasse. « Ah ! mon père, que faites-vous ? J'ai péché contre le ciel et devant vous, je ne mérite plus d'être appelé votre fils, mettez-moi seulement au nombre de vos esclaves. - Non, non, mon fils, lui dit ce bon père, j'ou-blie tout le passé. Qu'on apporte sa première robe pour l'en revêtir, qu'on lui mette un anneau au doigt et des souliers à ses pieds ; qu'on tue le veau, qu'on se réjouisse ; mon fils était mort, il est ressuscité ; il était perdu, il est retrouvé . » Voilà la figure et voici la réalité. Dès que le pécheur prend la résolution de retourner à Dieu et de se convertir, à sa première démarche, la miséricorde est touchée de compassion ; elle court au-devant de lui, en le prévenant par sa grâce, elle le baise, en le favori-sant de ses consolations spirituelles, elle le rétablit dans son premier état, en lui pardonnant tous ses dérègle-ments passés.
« Mais, dira ce pécheur converti, Seigneur, j'ai dissipé tout le bien que vous m'aviez donné, je ne m'en suis servi que pour vous offenser. - N'importe, dira ce bon Père, je veux oublier tout le passé. Qu'on rende à ce pécheur converti sa première robe en le revêtant de Jésus-Christ, de sa grâce, de ses vertus, de ses mérites. » Voilà, M.F., la manière dont la justice de Dieu traite le pécheur. Avec quelle confiance et avec quel empresse-ment ne devons-nous pas retourner à Dieu, lorsque nous avons eu le malheur de l'abandonner en suivant les désirs corrompus de notre cœur. Pouvons-nous craindre d'en être rebuté, après tant de marques de tendresse et d'a-mour pour les plus grands pécheurs ?
Non, M.F., ne différons plus de retourner à Dieu ; les temps présent et à venir doivent nous faire trembler.
D'abord, le temps présent : si malheureusement nous sommes en état de péché mortel, nous sommes dans un danger imminent d'y mourir. L'Esprit-Saint nous dit : « Celui qui s'expose au danger y périra . » Ainsi, en vivant dans la haine de Dieu, nous avions bien lieu de craindre que la mort ne nous y surprenne. Puisque Dieu vous offre aujourd'hui sa grâce, pourquoi n'en pro-fitez-vous pas ? Dire que rien ne presse, que vous avez le temps, n'est-ce pas, M.F., raisonner comme des insen-sés ? Voyez, de quoi êtes-vous capables quand vous êtes malades ? Hélas ! de rien du tout ; vous ne pouvez pas seulement faire comme il faut un acte de contrition, parce que vous êtes tellement absorbés par vos souffrances, que vous ne pensez nullement à votre salut.
Eh bien, M.F., ne sommes-nous pas trop malheureux d'attendre à la mort pour nous convertir ? Faites du moins pour votre pauvre âme ce que vous faites pour votre corps qui n'est cependant qu'un monceau de pour-riture et qui, dans quelques moments, sera la pâture des plus vils animaux. Lorsque vous êtes dangereusement blessés, attendez-vous six mois ou un an pour y appli-quer les remèdes que vous croyez être nécessaires pour vous guérir ? Lorsque vous êtes attaqués par une bête féroce, attendez-vous d'être à moitié dévorés pour crier au secours ? N'implorez-vous pas, de suite, le secours de vos voisins ? Pourquoi, M.F., n'agissez-vous pas de même lorsque vous voyez votre pauvre âme souillée et défigurée par le péché, réduite sous la tyrannie des démons ? Pourquoi n'employez-vous pas aussitôt l'assis-tance du ciel et n'avez-vous pas recours à la pénitence ?
Oui, M.F., quelque grands pécheurs que vous soyez, vous ne voudriez pas mourir dans le péché. Eh bien ! puisque vous désirez quitter un jour le péché, pourquoi ne le quitteriez-vous pas aujourd'hui, puisque Dieu vous donne le temps et les grâces pour cela ? Croyez-vous que, dans la suite, Dieu sera plus disposé à vous pardonner, et que vos mauvaises habitudes seront moins difficiles à rompre ? Non, non, M.F., plus vous différerez votre retour à Dieu, plus votre conversion sera malaisée. Le temps, qui affaiblit tout, ne fait que fortifier nos mau-vais penchants.
Peut-être que vous vous rassurez sur le temps à venir. Hélas ! M.F., ne vous y trompez pas : les juge-ments de Dieu sont si redoutables que vous ne pouvez pas différer votre conversion d'une seule minute, sans vous exposer à être perdus pour jamais. L'Esprit-Saint nous dit, par la bouche du Sage, « que le Seigneur sur-prendra le pécheur dans sa colère . » Jésus-Christ nous dit lui-même « qu'il viendra comme un voleur de nuit, qui arrive dans le moment où l'on n'y pense pas . » I1 nous répète aussi ces paroles : « Veillez et priez continuellement, de crainte que quand je viendrai, je ne vous trouve endormis . » Jésus-Christ veut nous montrer par ces paroles que nous devons constamment veiller à ce que notre âme ne soit point trouvée en état de péché, quand la mort nous frappera. Faisons, M.F., comme les vierges sages, qui firent leurs provisions d'huile pour attendre l'arrivée de l'époux, afin d'être prêtes à partir lorsqu'il les appellerait. De même, faisons provision de bonnes œuvres, avant que Dieu nous appelle devant son tribunal. N'imitons pas ces vierges folles, qui attendirent l'arrivée de l'époux pour aller chercher de l'huile ; lorsqu'elles furent arrivées, la porte était fermée ; elles eurent beau prier l'époux de leur ouvrir ; il leur répondit qu'il ne les connaissait pas . Figure triste, mais bien sensible, M.F., du pécheur qui renvoie son retour à Dieu de jour en jour. Arrivé à la mort, il voudrait encore profiter de ce moment, mais il est trop tard, il n'y a plus de remède.
Oui, M.F., la seule incertitude du moment où Dieu nous citera à paraître devant lui, nous devrait faire trem-bler et nous engager à ne pas perdre un seul instant pour assurer notre salut. D'ailleurs, M.F., savons-nous le nombre de péchés que Dieu veut souffrir de nous, la mesure des grâces qu'il veut nous accorder, et enfin, jusqu'où doit aller sa patience ? Ne devons-nous pas craindre que le premier péché que nous commettrons ne mette le sceau à notre réprobation ! Puisque nous vou-lons nous sauver, pourquoi différer plus longtemps ? Combien d'anges et de millions d'hommes, qui n'ont commis qu'un seul péché mortel ! Cependant, ce seul péché sera cause qu'ils souffriront pendant toute l'éter-nité. Non, M.F., les voleurs ne sont pas punis égale-ment ; les uns vieillissent dans le brigandage ; d'autres, au premier crime, sont surpris et punis. Ne devons-nous pas craindre que la même chose ne nous arrive ? Il est vrai que vous vous rassurez sur ce que Dieu ne vous punit pas, quoique vous l'offensiez continuellement. Mais aussi, peut-être que c'est au premier péché que vous commettrez, qu'il vous attend pour vous frapper et vous précipiter dans les abîmes. Voyez un aveugle qui marche vers un précipice, le dernier pas qu'il fait n'est pas plus grand que le premier ; cependant, c'est ce pas qui le jette dans le précipice. Non, M.F., pour tomber en enfer, il n'est pas nécessaire de commettre de grands crimes, il suffit de continuer à vivre dans l'éloignement des sacrements pour être perdu à jamais. Allons, M.F., ne lassons plus la patience de Dieu, hâtons-nous de correspondre à sa bonté, qui ne veut que notre bonheur. Mais voyons, d'une manière encore plus particulière, ce que nous devons faire pour correspondre aux desseins que la miséricorde de Dieu a sur nous.

II. - Nous disons que si la miséricorde de Dieu attend le pécheur à la pénitence, il ne faut pas lasser sa patience ; elle nous appelle, elle nous invite, nous de-vons aller au-devant d'elle ; elle nous reçoit et nous pardonne, nous devons lui demeurer fidèles. Ce sont là des devoirs de reconnaissance qu'elle demande de nous. Oui, Dieu attend et souffre le pécheur. Mais, hélas ! combien de pécheurs qui, au lieu de profiter de sa patience, pour rentrer en eux-mêmes, ajoutent péché sur péché ? Il y a dix, vingt ans, que Dieu attend ce misérable pécheur à la pénitence ; mais qu'il tremble, il n'y a plus qu'un petit filet par lequel la miséricorde suspend l'exécution de ses vengeances. Ah ! misérable pécheur, mépriserez-vous toujours les richesses de sa patience, de sa bonté et de sa longue tolérance ? Est-ce parce que Dieu vous attend à la pénitence, que vous ne la ferez jamais ? N'est-ce pas, au contraire, dit le saint Apôtre, cette bonté divine qui doit vous engager à ne plus différer ? « Cependant, dit-il, par la dureté et l'impé-nitence de votre cœur, vous vous amassez des trésors de colère pour le jour de la manifestation du Sei-gneur . » En effet, quelle dureté pareille à celle d'un homme qui n'est point amolli par la douceur et la ten-dresse d'un Dieu qui, depuis tant d'années, l'attend à la pénitence ? C'est donc le pécheur seul qui est cause de sa perte. Oui, Dieu a fait tout ce qu'il devait faire pour son salut, il lui a fait la grâce de le connaître, il lui a appris à discerner le bien d'avec le mal, il lui a mani-festé les richesses de son cœur pour l'attirer à lui, il l'a même menacé des rigueurs de son jugement pour l'en-gager à se convertir ; si donc le pécheur meurt dans l'impénitence, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même. Profitons, M.F., de la miséricorde que Dieu met à nous attendre à la pénitence. Ah ! ne lassons plus sa patience par des délais continuels de conversion.
2° Nous disons que quand la miséricorde de Dieu nous appelle, il faut que nous allions au-devant d'elle. « Dieu, dit saint Ambroise, s'engage à nous pardonner ; mais il faut que notre volonté s'unisse à celle de Dieu ; il veut nous sauver, il faut que nous le voulions aussi, parce que l'une de ces volontés n'a son effet que conjointe-ment unie à l'autre : celle de Dieu commence l'ouvrage, le conduit et le consomme ; et celle de l'homme doit concourir à l'accomplissement de ses desseins. Nous devons être dans la même disposition que saint Paul au commencement de sa conversion, ainsi qu'il nous l'apprend dans son épître aux Galates. « Vous avez ouï parler de ma conduite et de mes actions toutes crimi-nelles. Avant que Dieu m'eût fait la grâce de me convertir, je persécutais l'Église de Dieu d'une manière si cruelle que j'en ai horreur toutes les fois que j'y pense ; qui eût cru que la miséricorde divine eût choisi ce moment pour m'appeler à elle ? Ce fut pour lors que je me vis tout environné d'une lumière éclatante, et que j'entendis une voix qui me dit : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Je suis ton Sauveur et ton Dieu, contre qui tu tournes ta rage et tes persécutions . » Oui, M.F., nous pouvons dire que ce qui arriva une fois, d'une manière si éclatante à saint Paul, arrive encore tous les jours en faveur du pécheur. Sa grâce le cherche et le poursuit, même lorsque ce misérable l'offense. S'il veut avouer la vérité, il sera forcé de convenir que toutes les fois qu'il est prêt à faire le mal, la voix de Dieu se fait entendre au fond de son cœur, pour s'op-poser à ses desseins criminels. Que doit faire ce pécheur ? Il doit obéir à la voix du ciel, et dire comme le saint homme Job : « Seigneur, vous avez comptez mes pas dans mes égarements ; mais voici que je reviens à vous, daignez me faire miséricorde . »
3° Nous disons que si Dieu reçoit le pécheur et lui pardonne, ce pécheur doit lui demeurer fidèle. Plus de rechutes dans ses désordres : il doit renoncer entièrement aux péchés qui lui ont été pardonnés ; n'être plus à charge à la miséricorde divine, qui condamne autant les conversions inconstantes qu'elle se réjouit de celles qui sont solides et persévérantes ; il doit gémir le reste de ses jours, pour avoir tant attendu de se donner à Dieu ; il doit continuellement bénir le nom du Seigneur, d'avoir fait éclater en lui son infinie miséricorde, en l'arrachant de cet abîme où ses péchés l'avaient précipité. Tels doivent être les sentiments d'un pécheur véritablement converti.
Nous venons de voir combien est grande la miséri-corde de Dieu ; ainsi, quelque pécheurs que nous soyons, ne désespérons jamais de notre salut, parce que la bonté de Dieu surpasse infiniment notre malice. Mais aussi n'en abusons pas ; « car, dit le Prophète, la miséricorde divine est pour ceux qui la craignent et non pour ceux qui la méprisent . » Le juste doit espérer en la misé-ricorde de Dieu ; mais il lui faut persévérer, afin qu'elle recouvre en lui ses droits en récompensant ses mérites. Le pécheur doit pareillement espérer à la miséricorde de Dieu ; mais, qu'il fasse pénitence. Afin que notre conversion soit sincère, nous devons joindre l'espérance à la pénitence : car faire pénitence sans espérer, c'est le partage des démons, et espérer sans faire pénitence, la présomption du libertin. Heureux, M.F., si nous corres-pondons aux soins, à l'empressement et aux grâces que Dieu ne cesse de nous prodiguer pour nous faire opérer notre salut ! Ce que je vous souhaite.

4ème dimanche après la Pentecôte
Sur l'Espérance

Diliges Dominant Deum tuum.
Vous aimerez le Seigneur votre Dieu.
(S.Matthieu, XXII, 37.)

Il est vrai, M.F., que saint Augustin nous dit que, quand il n'y aurait point de ciel à espérer, point d'enfer à craindre, il ne laisserait pas que d'aimer le bon Dieu, parce qu'il est infiniment aimable et qu'il mérite d'être aimé ; cependant le bon Dieu, pour nous encourager à nous attacher à lui et à l'aimer par-dessus toutes choses, nous promet une récompense éternelle. Si nous nous acquittons dignement d'une si belle fonction, qui fait tout le bonheur de l'homme sur la terre, nous préparons notre félicité et notre gloire dans le ciel. Si la foi nous apprend que Dieu voit tout, et qu'il est témoin de tout ce que nous faisons et souffrons, la vertu d'espérance nous fait endurer nos peines avec une entière soumission à sa sainte volonté, par la pensée que nous en serons récompensés pendant toute l'éternité. Nous voyons aussi que ce fut cette belle vertu qui soutint les martyrs au milieu de leurs tourments, les solitaires dans les rigueurs de leurs pénitences, et les saints infirmes et malades dans leurs maladies. Oui, M.F., si la foi nous découvre partout Dieu présent, l'espérance nous fait faire tout ce que nous faisons dans la seule vue de plaire au bon Dieu, par la pensée heureuse d'une récompense éternelle. Puisque, M.F., cette vertu adoucit tant nos maux, voyons tous ensemble en quoi consiste cette belle et précieuse vertu d'espérance.
Si, M.F., nous avons le bonheur de connaître par la foi, qu'il y a un Dieu qui est notre Créateur, notre Sau-veur et notre souverain Bien, qui ne nous a créés que pour le connaître, l'aimer, le servir et le posséder ; l'es-pérance nous apprend que, quoique indignes de ce bonheur, nous pouvons l'espérer par les mérites de Jésus-Christ. Pour rendre, M.F., nos actions dignes d'être récompensées, il faut trois choses, que voici : la foi, qui nous y fait voir Dieu présent ; l'espérance, qui nous les fait faire dans la seule vue de lui plaire, et l'amour, qui nous attache à lui comme à notre souverain Bien. Oui, M.F., nous ne connaîtrons jamais le degré de gloire que chaque action nous procurera dans le ciel, si nous la faisons bien purement pour le bon Dieu ; les saints mêmes qui sont dans le ciel ne le comprennent pas. En voici un exemple bien frappant. Nous lisons dans la vie de saint Augustin, qu'écrivant à saint Jérôme pour lui demander de quelle expression il fallait se servir pour mieux faire sentir la grandeur du bonheur dont les saints jouissent dans le ciel ; dans le moment qu'il mettait, selon sa coutume, au commencement de toutes ses lettres : « Salut en Jésus-Christ Notre-Seigneur », sa chambre fut éclairée d'une lumière tout extraordinaire qui était plus belle que le soleil dans son midi et très odoriférante ; il en fut si charmé, qu'il manqua mourir de plaisir. Dans le même instant, il entendit sortir de cette lumière une voix qui lui dit : « Ah ! mon cher ami Augustin, tu me crois encore sur la terre ; grâce à Dieu, je suis dans le ciel. Tu veux me demander de quel terme l'on pourrait se servir pour mieux faire sentir le bonheur dont jouissent les saints ; sache, mon cher ami, que ce bonheur est si grand, et si au-dessus de tout ce qu'une créature peut penser, qu'il te serait plus facile de compter toutes les étoiles qui sont au firmament, de mettre l'eau de toutes les mers dans une fiole, et de tenir toute la terre dans ta main, que de pouvoir comprendre la félicité du moindre des bienheureux dans le ciel. Il m'est arrivé ce qui arriva à la reine de Saba ; elle avait conçu une grande idée du roi Salomon d'après le bruit de sa réputation ; mais, après avoir vu par elle-même le bel ordre qui régnait dans son palais, la magnificence sans égale, la science et les connaissances de ce roi, elle en fut si étonnée et si ravie, qu'elle s'en retourna chez elle en disant que tout ce qu'on lui avait dit n'était rien en com-paraison de ce qu'elle avait vu elle-même. J'en ai fait de même pour la beauté du ciel et le bonheur dont jouissent les saints ; je croyais avoir compris quelque chose de ces beautés qui sont renfermées dans le ciel et du bonheur dont les saints y jouissent ; malgré toutes les pensées les plus sublimes que j'ai pu produire, tout cela n'est rien en comparaison de ce bonheur qui est le partage des bienheureux. »
Nous lisons dans la vie de sainte Catherine de Sienne, que le bon Dieu lui fit voir quelque chose de la beauté du ciel et de sa félicité. Elle en fut si ravie qu'elle tomba en extase. Étant revenue à elle-même, son confes-seur lui demanda ce que le bon Dieu lui avait fait voir. Elle lui dit que le bon Dieu lui avait fait voir quelque chose de la beauté du ciel et du bonheur dont les saints y jouissent ; mais qu'il était impossible d'en dire la moindre chose, tant cela surpassait tout ce que nous pouvons penser. Eh bien ! M.F., voilà où nous conduisent nos bonnes actions si nous les faisons dans la vue de plaire à Dieu ; voilà les biens que la vertu d'espérance nous fait désirer et attendre.

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 18:14
Saint Père Matteo d'Agnone

Nous voyons que la miséricorde du Père ne peut pas aller plus loin, puisque, n'ayant qu'un fils, il le sacrifie pour nous sauver, ce Fils, qui est tout ce qu'il a de plus cher. Mais si nous considérons l'amour du Fils, qu'en dirons-nous ? Il consent si volontairement à souffrir tant de tourments, et la mort même, pour nous procurer le bonheur du ciel ! Hélas ! M.F., que n'a-t-il pas fait pour nous pendant les jours de sa vie mortelle ? Non content de nous appeler à lui par sa grâce, et de nous fournir tous les moyens pour nous sanctifier, voyez comment il court après ses brebis égarées ; voyez comment il parcourt les villes et les campagnes pour les chercher, et les ramener dans le lieu de sa misé-ricorde ; voyez comment il quitte ses Apôtres pour aller attendre la Samaritaine auprès du puits de Jacob, où il savait qu'elle viendrait ; il la prévient lui-même, il commence à lui parler, afin que son langage plein de douceur, uni à sa grâce, la touche et la console ; il lui demande de l'eau à boire, afin qu'elle-même lui demande quelque chose de bien plus précieux, qui est sa grâce. Il fut si content d'avoir gagné cette âme que lorsque ses Apôtres le prièrent de prendre de la nourriture : « Oh ! non, leur dit-il. » Il semblait leur dire : « Ah ! non, non, je ne pense pas à la nourriture du corps, tant j'ai de joie d'avoir gagné une âme à mon Père ! »
Voyez-le dans la maison de Simon le lépreux ; ce n'est pas pour y manger qu'il y va ; mais il savait qu'il y viendrait une Madeleine pécheresse : voilà, M.F., ce qui le conduit dans ce festin. Considérez la joie qu'il montre sur son visage en voyant Madeleine à ses pieds, qui les arrose de ses larmes et qui les essuie de ses cheveux, pendant tout le temps du repas. Mais le Sau-veur, de son côté, la paie bien de retour ; il vide à pleines mains sa grâce dans son cœur. Voyez comme il prend sa défense contre ceux qui s'en scandalisent . Il va si loin, que non content de lui pardonner tous ses péchés, en chassant les sept démons qu'elle avait dans son cœur, il veut encore la choisir pour une de ses épouses ; il veut qu'elle l'accompagne dans tout le cours de sa passion et que, « dans le monde où cet Évangile sera prêché, l'on raconte ce qu'elle vient de faire à son égard » ; il ne veut pas parler de ses péchés, parce qu'ils sont déjà tous pardonnés par l'application de son sang adorable, qu'il doit répandre.
Voyez-le prendre la route de Capharnaüm pour aller trouver un autre pécheur dans son bureau : c'était saint Matthieu : c'est pour en faire un zélé apôtre . Deman-dez-lui pourquoi il prend la route de Jéricho, il vous dira : qu'il y a un homme nommé Zachée, qui passe pour un pécheur public, et, qu'il veut aller voir s'il pourra le sauver. Afin d'en faire un parfait pénitent, il fait comme un bon père qui a perdu son enfant, il l'appelle : « Zachée, lui crie-t-il, descendez ; car c'est chez vous que je veux aller loger aujourd'hui, je viens vous accorder votre grâce. » C'est comme s'il lui disait Zachée, quittez cet orgueil et cet attachement aux biens de ce monde ; descendez, c'est-à-dire, choisissez l'humi-lité et la pauvreté. Pour bien le faire comprendre, il dit à tout ceux qui étaient avec lui : « Cette maison reçoit aujourd'hui le salut ». - O mon Dieu ! que votre miséricorde est grande pour les pécheurs !
Demandez-lui encore pourquoi il a passé dans cette place publique. « Ah ! vous dira-t-il, c'est que j'attends cette femme adultère que l'on doit amener pour la faire lapider ; et moi, je vais prendre sa défense contre ses ennemis, la toucher et la convertir. » Voyez-vous ce tendre Sauveur auprès de cette femme, comment il se comporte, comment il prend sa défense ? La voyant tout environnée de cette populace qui n'attendait que le signal pour l'assommer, le Sauveur semble leur dire : « Un moment, laissez-moi agir, ensuite vous agirez à votre tour. » Il s'abaisse sur la terre, il écrit, non sa sentence de condamnation, mais d'absolution. S'étant relevé, il les regarde. Ne semble-t-il pas leur dire : « Maintenant que cette femme est pardonnée, elle n'est plus une pécheresse, mais une sainte pénitente : quel est celui d'entre vous qui est égal à elle ? Si vous êtes sans péché, jetez-lui la première pierre. » Tous ces fameux hypocrites, voyant que Jésus-Christ lisait dans leur conscience, les plus vieux, qui sans doute étaient les plus coupables, se retirèrent les premiers, et ainsi des autres. Jésus-Christ, la voyant seule, lui dit avec bonté : « Femme, qui sont ceux qui vous ont con-damnée ? » comme s'il lui avait dit : Après que je vous ai pardonnée, qui serait celui qui aurait osé vous con-damner ? « Ah ! Seigneur, lui répondit cette pécheresse, personne. - Eh bien ! allez, et ne péchez plus . »
Voyez encore ce qu'il éprouve en voyant cette femme qui, depuis douze ans, avait une perte de sang. Elle se jette humblement à ses pieds ; « car, disait-elle, si je peux seulement toucher le bord de son manteau, je suis sûre d'être guérie ». Jésus-Christ se tournant, d'un air de bonté dit : « Qui est-ce qui me touche ? Allez, mon enfant, lui dit-il, ayez confiance, vous êtes guérie dans l'âme et dans le corps ». Voyez-le, comme il prend compassion du chagrin de ce père qui lui présente son fils, possédé du démon dès son enfance ...
Voyez-le pleurer en approchant de la ville de Jérusa-lem, qui était la figure des pécheurs qui ne veulent plus se laisser toucher le cœur. Voyez comment il verse des larmes sur sa perte éternelle. « Oh ! combien de fois, ingrate Jérusalem, n'ai-je pas voulu te ramener dans le sein de ma miséricorde, comme une poule rassemble ses petits sous ses ailes ; mais tu n'as pas voulu. O ingrate Jérusalem ! qui as tué les prophètes et fait mourir les ser-viteurs de Dieu ! oh ! si, du moins, tu voulais encore aujourd'hui recevoir ta grâce que je viens t'appor-ter ! » Voyez-vous, M.F., comment le bon Dieu pleure la perte de nos âmes quand il voit que nous ne voulons pas nous convertir ?
D'après tout ce que nous voyons que Jésus-Christ a fait pour nous sauver, comment pourrions-nous déses-pérer de sa miséricorde, puisque son plus grand plaisir est de nous pardonner ; de sorte que, quelque multipliés que soient nos péchés, si nous voulons les quitter et nous en repentir, nous sommes sûrs de notre pardon. Quand nos fautes égaleraient les feuilles des forêts, nous serons pardonnés, si notre cœur est vraiment contrit. Pour vous en convaincre, en voici un bel exemple. Nous lisons dans l'histoire qu'un jeune homme, nommé Théophile, qui était prêtre, fut accusé auprès de son évêque, et déposé d'une dignité dont il était pourvu. Cet affront le porta à une telle fureur, qu'il appela le démon à son secours. Cet esprit malin lui apparut sous une forme ordinaire, lui promettant de lui faire recouvrir sa dignité s'il voulait renoncer de suite à Jésus et à Marie. Il le fit, étant aveuglé par la fureur, et donna au démon une renonciation par un écrit fait de sa main. Le jour suivant, l'évêque ayant reconnu sa faute, le fit appeler dans l'église, lui demanda pardon d'avoir cru trop facilement ce que l'on avait dit de lui, et le rétablit dans sa dignité. Sur cela le prêtre se trouva dans un grand embarras ; il demeura longtemps déchiré par les remords de sa cons-cience. Il lui vint en pensée d'avoir recours à la sainte Vierge, voyant qu'il était si indigne de demander lui--même pardon au bon Dieu. Il alla donc devant une image de la sainte Vierge, la priant de lui obtenir son pardon auprès de son divin Fils ; et, pour cela, il jeûna quarante jours et pria continuellement. Au bout de qua-rante jours, la sainte Vierge lui apparut, lui disant qu'elle avait obtenu son pardon. II fut bien consolé de cette grâce ; mais il lui restait encore une épine bien profonde à tirer : c'était ce billet qu'il avait donné au démon. Il pensa que le bon Dieu ne refuserait pas cette grâce à sa Mère ; il continua trois jours à la prier, et, à son réveil, il trouva son billet sur sa poitrine. Plein de reconnaissance, il va à l'église, et, devant tout le monde, il publie la grâce que le bon Dieu lui avait accordée par l'entremise de sa sainte Mère. Faisons de même : si nous nous trouvons trop coupables pour demander pardon au bon Dieu, adressons-nous à la sainte Vierge et nous sommes sûrs de notre pardon.
Mais, pour vous engager à avoir une grande confiance en la miséricorde de Dieu qui est infinie, en voici un exemple que nous donne l'Évangile et qui nous montre que la miséricorde de Dieu est infinie : c'est celui de l'enfant prodigue, qui, après avoir demandé à son père tout le bien qui pouvait lui revenir, alla dans un pays étranger. Il y dissipa tout son bien en vivant comme un libertin et un débauché. Sa mauvaise conduite le rédui-sit à une telle misère qu'il se trouvait trop heureux d'avoir les restes des pourceaux, encore ne lui en don-nait-on pas autant qu'il en voulait. Réfléchissant un jour sur la grandeur de sa misère, il disait à son maître chez qui il était pour garder les pourceaux : « Donnez-moi au moins de ce que mangent les plus sales animaux. » Quelle misère, M.F., est comparable à celle-là ? Cepen-dant personne ne lui en donnait. Se voyant contraint de mourir de faim, et vivement touché de son malheureux état, il ouvre les yeux et se rappelle qu'il avait un si bon père qui l'aimait tant. Il prend la résolution de re-tourner dans la maison paternelle, où les plus simples valets avaient du pain plus qu'il ne leur en fallait. II se disait à lui-même : « J'ai bien mal fait d'avoir abandonné mon père qui m'aimait tant ; j'ai dissipé tout mon bien en menant une mauvaise vie ; je suis tout déchiré et tout sale, comment est-ce que mon père pourra me reconnaître pour son fils ? Mais je me jetterai à ses pieds, je les arroserai de mes larmes ; je lui demanderai de me mettre seulement au nombre de ses serviteurs. » Le voilà qui se lève et qui part, tout occupé de l'état malheureux où son libertinage l'avait réduit. Son père, qui pleurait depuis bien longtemps sa perte, le voyant venir de loin, oublia son grand âge et la mauvaise vie de ce fils, il se jeta à son cou pour l'embrasser. Ce pauvre enfant, tout étonné de l'amour de son père pour lui : « Ah ! mon père, s'écrie-t-il, j'ai péché contre vous et contre le ciel ! je ne mérite plus d'être appelé votre fils, mettez-moi seulement au nombre de vos servi-teurs. - Non, non, mon fils, s'écrie le père tout plein de joie d'avoir le bonheur de retrouver son fils qu'il croyait perdu ; non, mon fils, tout est oublié, ne pensons plus qu'à nous réjouir. Qu'on lui apporte sa première robe pour l'en revêtir, qu'on lui mette un anneau au doigt et des souliers aux pieds ; qu'on tue le veau gras et qu'on se réjouisse ; car mon fils était mort et il est ressuscité, il était perdu et il est retrouvé . »
Belle figure, M.F., de la grandeur de la miséricorde de Dieu pour les pécheurs les plus misérables ! En effet, dès que nous avons le malheur de pécher, nous nous éloignons de Dieu, et nous nous réduisons, en suivant nos passions, à un état plus misérable que celui des pourceaux qui sont les plus sales animaux. O mon Dieu ! que le péché est quelque chose d'affreux ! comment peut-on le commettre ? Mais tout misérables que nous sommes, dès que nous prenons la résolution de nous convertir, à la première preuve de conversion, les entrailles de sa miséricorde sont touchées de compas-sion. Ce tendre Sauveur court, par sa grâce, au-devant des pécheurs, il les embrasse en les favorisant des con-solations les plus délicieuses. En effet, jamais un pécheur n'éprouve plus de plaisir que dans le moment où il quitte le péché pour se donner au bon Dieu ; il lui sem-ble que rien ne pourra l'arrêter ; ni prière, ni péni-tence : rien ne lui parait trop dur. O moment délicieux ! que nous serions heureux si nous avions le bonheur de le comprendre ! Mais, hélas ! nous ne correspondons pas à la grâce, et alors, ces heureux moments dispa-raissent. Jésus-Christ dit au pécheur par la bouche de ses ministres : « Que l'on revête ce chrétien qui est converti, de sa première robe qui est la grâce du bap-tême qu'il a perdue ; qu'on le revête de Jésus-Christ, de sa justice, de ses vertus et de tous ses mérites. » Voilà, M.F., la manière dont Jésus-Christ nous traite quand nous avons le bonheur de quitter le péché pour nous donner à lui. Ah ! M.F., quel sujet de confiance pour un pécheur, quoique bien coupable, de savoir que la miséricorde de Dieu est infinie !

II. - Non, M.F., ce n'est pas la grandeur de nos péchés, ni leur nombre, qui doivent nous effrayer ; mais seulement les dispositions que nous devons avoir. Tenez, M.F., voici un autre exemple qui va vous mon-trer que, comme que nous soyons coupables, nous som-mes sûrs de notre pardon, si nous voulons le demander au bon Dieu. Nous lisons dans l'histoire qu'un grand prince, dans sa dernière maladie, fut attaqué d'une ten-tation terrible de méfiance en la bonté et la miséricorde de Dieu. Le prêtre qui l'assistait dans ce moment, voyant qu'il perdait confiance, faisait tout ce qu'il pouvait pour lui en inspirer, en lui disant que jamais le bon Dieu n'a refusé le pardon à celui qui le lui a demandé. « Non, non, dit le malade, il n'y a plus de pardon pour moi, j'ai trop fait de mal. » Le prêtre voyant qu'il n'y avait plus de ressources, se mit en prière. Dans ce moment, le bon Dieu lui mit à la bouche ces paroles que le saint Roi-Prophète prononça avant de mourir : « Prince, lui dit-il, écoutez le prophète pénitent ; vous êtes pécheur comme lui, dites sincèrement avec lui : Seigneur, vous aurez pitié de moi, parce que mes péchés sont bien grands, et c'est précisément la gran-deur de mes péchés qui sera le motif qui vous engagera à me pardonner. » A ces paroles, le prince revenant comme d'un profond sommeil, s'arrête un moment tout transporté de joie, et poussant un profond soupir : « Ah ! Seigneur, c'est bien pour moi que ces paroles ont été prononcées ! Oui, mon Dieu, c'est précisément parce que j'ai fait bien du mal que vous aurez pitié de moi ! » Il se confesse et reçoit tous ses sacrements en versant des torrents de larmes ; il fait avec joie le sacrifice de sa vie, et meurt ayant entre les mains son crucifix qu'il arrose de ses larmes. En effet, M.F., qu'est-ce que nos péchés, si nous les comparons à la miséricorde de Dieu ? C'est une graine de navette devant une montagne. O mon Dieu ! comment peut-on consentir à être damné, puisqu'il en coûte si peu pour se sauver et que Jésus-Christ désire tant notre salut ?...
Cependant, M.F., si le bon Dieu est si bon de nous attendre et de nous recevoir, il ne faut pas lasser sa patience : s'il nous appelle, s'il nous invite à venir à lui, il faut aller à sa rencontre ; s'il nous reçoit, il faut lui rester fidèle. Hélas ! M.F., il y a peut-être plus de cinq à six ans que le bon Dieu nous appelle ; pourquoi res-tons-nous dans nos péchés ? Il est toujours présent pour nous offrir notre grâce, pourquoi ne pas quitter le péché ? En effet, M.F., saint Ambroise nous dit : « Le bon Dieu, tout bon et tout miséricordieux qu'il est, jamais il ne nous pardonne, si nous ne lui deman-dons pardon, si nous n'unissons pas notre volonté à celle de Jésus-Christ. »
Mais quelle volonté, M.F., est-ce que Dieu demande de nous ? La voici. C'est une volonté qui corresponde aux saints empressements de sa miséricorde, qui nous fasse dire comme à saint Paul : « Vous avez entendu dire quelles ont été ma conduite et mes actions avant que Dieu ne m'eût fait la grâce de me convertir. Je per-sécutais l'Église de Jésus-Christ avec tant de cruauté, que j'en ai horreur moi-même toutes les fois que j'y pense. Qui aurait pu croire que ce fût ce moment que Jésus-Christ avait choisi pour m'appeler à lui ? Ce fut dans ce moment que je fus tout environné d'une lumière ; j'entendis une voix qui me dit : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » Hélas ! M.F., com-bien de fois le bon Dieu ne nous a-t-il pas fait la même grâce ? Combien de fois dans le péché, ou prêts à pécher, n'avons-nous pas entendu une voix intérieure qui nous criait : « Ah ! mon fils, pourquoi veux-tu me faire souffrir et perdre ton âme ? » En voici un bel exemple.
Nous lisons dans l'histoire qu'un enfant dans sa colère tua son père. Il en conçut un si grand regret qu'il lui semblait continuellement entendre une voix qui lui criait : « Ah ! mon fils, pourquoi m'as-tu tué ? » Ce qui lui fut si sensible, qu'il alla lui-même se dénoncer à la justice. Non seulement, M.F., nous devons quitter le péché parce que le bon Dieu est si bon que de nous pardonner ; mais nous devons encore pleurer de recon-naissance. Nous en avons un bel exemple dans la per-sonne du jeune Tobie conduit et ramené par l'ange , ce qui nous montre combien on plaît à Dieu quand on le remercie. Nous lisons dans l'Évangile que cette femme qui, depuis douze ans, était atteinte d'une perte de sang, ayant été guérie par Jésus-Christ, en reconnais-sance, afin de montrer à tout le monde la bonté de Dieu à son égard, fit placer près de sa maison une belle statue représentant une femme auprès de Jésus-Christ, qui l'avait guérie. Plusieurs auteurs nous disent qu'il y venait une herbe inconnue à tout le monde, et que dès qu'elle montait jusqu'à la frange de la robe de la statue, elle guérissait toutes sortes de maladies. Voyez saint Mathieu : afin de remercier Jésus-Christ de la grâce qu'il lui avait faite, il l'invita chez lui et lui fit tous les honneurs qu'il pouvait lui faire . Voyez le lépreux samaritain : se voyant guéri, il retourne sur ses pas, se jette aux pieds de Jésus-Christ pour le remercier de la grâce qu'il venait de lui faire .
Saint Augustin nous dit que la principale action de grâces, c'est que votre âme soit sincèrement reconnais-sante envers la bonté de Dieu, en se donnant tout à lui avec toutes ses affections. Voyez le Sauveur, quand il eut guéri les dix lépreux, voyant qu'il n'y en avait qu'un qui revenait le remercier : « Et les neuf autres, lui dit Jésus-Christ, n'ont-ils pas aussi été guéris ? » comme s'il leur avait dit : Pourquoi est-ce que les autres ne viennent pas me remercier ? Saint Bernard nous dit qu'il faut être très reconnaissants envers le bon Dieu, parce que cela l'engage à nous accorder beaucoup d'autres grâces. Hélas ! M.F., que de grâces n'avons-nous pas à rendre à Dieu de nous avoir créés, de nous avoir rachetés par sa mort et passion, de nous avoir fait naître dans le sein de son Église, tandis que tant d'autres vivent et meurent hors de son sein. Oui, M.F., puisque la bonté et la miséricorde de Dieu sont infinies, tâchons donc d'en bien profiter, et, par là, nous aurons le bonheur de lui plaire, et de conserver nos âmes dans sa grâce : ce qui nous procurera le bonheur d'aller jouir de sa sainte présence avec tous les bienheureux dans le ciel. C'est ce que je vous souhaite.

3ème dimanche après la Pentecôte

(DEUXIEME SERMON)

Sur la miséricorde de Dieu envers le Pécheur.

Erant autem appropinquantes ei publicani et peccatores ; ut audirent illum.
Les publicains et les pécheurs se tenaient auprès de Jésus-Christ pour l'écouter.
(S.Luc., XV, 1.)

Qui pourrait comprendre la grandeur de la miséricorde du Seigneur envers ces pécheurs ? Sa grâce va les cher-cher au milieu de leurs désordres, les amène à ses pieds. Il se rend leur protecteur contre les Scribes et les Pha-risiens qui ne peuvent les souffrir, et il justifie sa con-duite à leur égard par la parabole d'un bon pasteur qui, de cent brebis, en ayant perdu une, abandonne tout son troupeau pour aller chercher celle qui s'égare, et, l'ayant trouvée, la charge sur ses épaules, la ramène au bercail, où il n'est pas plus tôt arrivé, qu'il invite ses amis à ve-nir partager avec lui sa joie d'avoir retrouvé la brebis qu'il croyait perdue. Il joint à cette parabole celle d'une femme qui, de dix drachmes en ayant égaré une, allume sa lampe pour la chercher dans le lieu le plus obscur de sa maison, et qui, l'ayant enfin recouvrée, té-moigne la même joie que le bon pasteur d'avoir retrouvé sa brebis égarée. Le Sauveur du monde, se faisant à lui--même l'application de ces vives images de sa miséri-corde pour les pécheurs, dit que tout le ciel se réjouira de la sorte pour un pécheur qui se convertira et fera pénitence. Si notre conversion cause tant de joie à toute la cour céleste, hâtons-nous de nous convertir. Quelque coupable que nous soyons, quelque déréglée que soit notre vie, allons sincèrement à Dieu, et nous sommes sûrs de notre pardon. Pour vous y engager, je vous montrerai combien est grande la miséricorde de Dieu envers les pécheurs, et ensuite ce que le pécheur doit faire pour y correspondre.

I. - Tout est engageant et consolant dans la conduite que la miséricorde de Dieu tient à l'égard des pécheurs : elle les attend, elle les invite et les reçoit à la péni-tence. « Dieu, nous dit le prophète Isaïe, attend le pécheur, et cela, par un pur effet de sa bonté, car le pécheur, aussitôt qu'il est tombé en faute, mérite d'être puni. » Rien n'est plus dû au péché que le châtiment. Dès que ce misérable pécheur s'est révolté contre son Dieu, toutes les créatures demandent vengeance de sa révolte. Seigneur, lui disent-elles, comme les serviteurs du père de famille, permettez que nous allions arracher du champ de votre Église cette ivraie qui gâte et désho-nore le bon grain. Voulez-vous, lui dit la mer, que je l'engloutisse dans mes abîmes ? La terre : que je m'en-tr'ouvre pour le faire descendre tout vivant dans les enfers ? L'air : que je le suffoque ? Le feu : que je le brûle ? L'eau : que je le noie ? Mais que répond le Père des miséricordes ? Non, non, dit-il, cette ivraie peut devenir un bon grain ; ce pécheur peut se convertir. Que ce pécheur s'égare, il ne dit mot. Qu'il s'éloigne de lui, qu'il coure à sa perte, il le soutire. « O Seigneur ! ô Dieu des miséricordes ! encore pécheur je m'éloignais tous les jours de plus en plus, dit saint Augustin ; tous mes pas et toutes mes démarches étaient autant de chutes dans de nouveaux précipices, mes passions s'allumaient tou-jours davantage ; cependant vous y aviez patience. O patience infinie de mon Dieu ! il y a tant d'années que je vous offense, et vous ne m'avez pas encore puni ! D'où vient donc cela ? Ah ! je le connais maintenant ; c'est que vous vouliez que je me convertisse et que je retour-nasse à vous par la pénitence. »

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 15:09
La Cène, Simon Ushakov, 1685

I. - Avant de vous montrer la manière d'entendre la sainte messe, il faut vous dire un mot de ce que l'on entend par le mot de saint sacrifice de la messe. Vous savez que le saint sacrifice de la messe est le même que celui de la croix, qui a été offert une fois sur le Cal-vaire, le vendredi saint. Toute la différence qu'il y a, c'est que, quand Jésus-Christ s'est offert sur le Calvaire, ce sacrifice était visible, c'est-à-dire, qu'on le voyait des yeux du corps ; que Jésus y a été offert à Dieu son Père, par les mains de ses bourreaux, et qu'il y a répandu son sang ; c'est ce que l'on appelle sacrifice sanglant : cela veut dire que le sang sortait de ses veines, et qu'on le vit couler jusqu'à terre. Mais, à la sainte messe, Jésus-Christ s'offre à son Père d'une manière invisible ; c'est-à-dire, que nous ne le voyons que des yeux de l'âme et non de ceux du corps. Voilà, M.F., en abrégé, ce que c'est que le saint sacrifice de la messe. Mais, pour vous donner une idée de la grandeur du mérite de la sainte messe, M.F., il me suffit de vous dire avec saint Jean Chrysostome, que la sainte messe réjouit toute la cour céleste, soulage toutes les pauvres âmes du pur-gatoire, attire sur la terre toutes sortes de bénédictions, et rend plus de gloire à Dieu que toutes les souffrances de tous les martyrs, que les pénitences de tous les solitaires, que toutes les larmes qu'ils ont répandues depuis le commencement du monde et que tout ce qu'ils feront jusqu'à la fin des siècles. Si vous m'en demandez la raison, c'est tout clair : toutes ces actions sont faites par des pécheurs plus ou moins coupables ; tandis que dans le saint sacrifice de la messe, c'est un Homme-Dieu égal à son Père qui lui offre le mérite de sa mort et passion. Vous voyez, d'après cela, M.F., que la sainte messe est d'un prix infini. Aussi, voyons-nous dans l'Évangile que, dans le moment de la mort de Jésus-Christ, il s'opéra beaucoup de conversions : le bon larron y reçut l'assurance du paradis, plusieurs Juifs se convertirent et des Gentils se frappaient la poitrine, en disant qu'il était vraiment le Fils de Dieu. Les morts ressuscitèrent, les rochers se fendirent et la terre trembla.
Oui, M.F., si nous avions le bonheur d'y assister avec de bien bonnes dispositions, quand nous aurions le mal-heur d'être aussi obstinés que les Juifs, plus aveugles que les Gentils, plus durs que les rochers qui se fendi-rent, nous obtiendrions très certainement notre conver-sion. En effet, saint Jean Chrysostome nous dit qu'il n'y a point de temps plus précieux pour traiter avec Dieu de notre salut que celui de la sainte Messe, où Jésus-Christ s'offre lui-même en sacrifice à Dieu son Père, pour nous obtenir toutes sortes de bénédictions et de grâces. « Som-mes-nous dans l'affliction ? dit ce grand saint, nous y trou-vons toutes sortes de consolations. Sommes-nous accablés de tentations ? allons entendre la sainte messe et nous y trouverons la manière de vaincre le démon. » Et, en pas-sant, je vais vous en citer un bel exemple. Il est rapporté par le Pape Pie II, qu'un gentilhomme de la province d'Ostie était continuellement combattu d'une tentation de désespoir qui le portait à se pendre, et il avait été plu-sieurs fois sur le point de le faire. Étant allé trouver un saint religieux pour lui découvrir l'état de son âme et lui demander conseil, le serviteur de Dieu, après l'avoir consolé et fortifié le mieux qu'il put, lui conseilla d'avoir dans sa maison un prêtre qui lui dît tous les jours la sainte Messe. Le gentilhomme lui dit qu'il le ferait volontiers. Dans le même temps, il alla se retirer dans un château qu'il avait ; et tous les jours un saint prêtre lui disait la sainte Messe, à laquelle il assistait aussi dévo-tement qu'il pouvait. Après y avoir demeuré dans une grande tranquillité d'esprit, il arriva que le prêtre le pria de lui permettre d'aller dire la sainte Messe dans le voisinage pour une fête particulière ; ce qu'il lui accorda facilement, dans l'intention d'y aller aussi entendre la sainte Messe. Mais une affaire qui survint l'arrêta insen-siblement jusqu'à midi. Alors, plein de frayeur d'avoir perdu la sainte Messe, ce qui ne lui arrivait jamais, et se sentant déjà tourmenté de son ancienne tentation, il sort de chez lui et rencontre un paysan qui lui demande où il va. « Je vais, répond le gentilhomme, entendre la sainte Messe. » - « Mais, c'est trop tard, lui dit le paysan, elles sont toutes dites. » Ce fut une nouvelle si cruelle pour lui, qu'il se mit à crier. « Hélas ! puisque j'ai perdu la sainte Messe, je suis perdu. » Le paysan, qui le voyait dans cet état et qui aimait bien l'argent, lui dit : « Si vous voulez je vous vendrai la Messe que j'ai entendue et tout le bien que j'en ai retiré. » L'autre sans réfléchir à rien, et si chagrin d'avoir manqué la sainte Messe : « Eh bien ! voilà mon manteau. » Cet homme ne pouvait certainement pas lui vendre la sainte Messe sans commettre un gros péché. S'étant séparés, il ne laisse pas cependant de continuer son chemin pour faire ses prières à l'église et comme il s'en retournait chez lui, après les avoir faites, il trouva ce pauvre paysan avare, pendu à un arbre, dans le même endroit où il avait pris le manteau. Le bon Dieu, en punition de son avarice, permit que la tentation du gentilhomme passât à cet avare. Frappé d'un tel spectacle, ce gentilhomme remer-cia Dieu toute sa vie de l'avoir délivré d'un si grand châ-timent, et ne manqua jamais d'assister à la sainte Messe pour remercier le bon Dieu. A l'heure de la mort, il avoua que depuis qu'il avait eu le bonheur d'assister tous les jours à la sainte Messe, le démon ne l'avait plus tenté de désespoir .
Eh bien ! M.F., saint Jean Chrysostome n'a-t-il pas bien raison de nous dire que si nous sommes tentés il faut entendre dévotement la sainte Messe, et nous som-mes sûrs que le bon Dieu nous délivrera ? Oui, M.F., si nous avions assez de foi, la sainte Messe serait un re-mède pour tous les maux que nous pourrions avoir pen-dant notre vie ; en effet, Jésus-Christ n'est-il pas notre médecin de l'âme et du corps ?...

II. - Nous avons dit que la sainte Messe est le sacrifice du Corps et du Sang de Jésus-Christ, qui n'est offert qu'à Dieu seul, et non aux anges et aux saints. Vous savez que le saint sacrifice de la sainte Messe a été institué le jeudi saint, lorsque Jésus-Christ prit du pain, le changea en son Corps, puis du vin, et le changea en son Sang. Dans le même moment, il donna à ses apôtres et à tous leurs successeurs ce pouvoir, qui est ce que nous appelons le sacrement de l'Ordre. La sainte Messe consiste dans les paroles de la consécration ; et vous savez que les minis-tres de la sainte Messe sont les prêtres et le peuple , qui a le bonheur d'y assister, s'il s'unit à eux ; d'où je conclus, M.F., que la meilleure manière d'entendre la sainte Messe est de s'unir au prêtre dans tout ce qu'il dit, de le suivre dans toutes ses actions, autant qu'on le peut, et de tâcher de se pénétrer des plus vifs sentiments d'amour et de reconnaissance : il faut bien conserver cette méthode.
Nous pouvons distinguer trois parties dans le saint sacrifice de la sainte Messe : la première partie, depuis le commencement jusqu'à l'Offertoire ; la deuxième, depuis l'Offertoire jusqu'à la Consécration ; la troisième, depuis la Consécration jusqu'à la fin. Il faut bien vous faire re-marquer que si nous étions distraits volontairement pen-dant une de ces parties, nous commettrions un péché mortel ; ce qui doit nous porter à bien prendre garde de ne pas laisser aller notre esprit à des choses étran-gères, c'est-à-dire, qui n'ont pas rapport au saint sacrifice de la Messe. Je dis, M.F., que, depuis le commence-ment jusqu'à l'Offertoire, nous devons nous comporter comme des pénitents qui sont pénétrés de la plus vive douleur de leurs péchés. Depuis l'Offertoire jusqu'à la consécration, nous devons nous conduire comme des ministres qui doivent offrir Jésus-Christ à Dieu son Père, et lui faire le sacrifice de tout ce que nous sommes c'est-à-dire, lui offrir nos corps, nos âmes, nos biens, notre vie, et même notre éternité. Depuis la Consécra-tion, nous devons nous regarder comme des personnes qui doivent participer au Corps adorable et au Sang pré-cieux de Jésus-Christ : et il faut, par conséquent, faire tous nos efforts pour nous rendre dignes de ce bonheur.
Pour mieux, M.F., vous le faire comprendre, je vais vous proposer trois exemples tirés de la sainte Écriture, qui vont vous montrer la manière dont vous devez en-tendre la sainte Messe : c'est-à-dire, de quoi vous devez vous occuper pendant ce moment heureux pour celui qui a le bonheur de le bien comprendre. Le premier, c'est celui du publicain, qui vous apprendra ce que vous devez faire au commencement de la sainte Messe. Le deuxième est celui du bon larron, qui vous apprendra comment vous devez vous comporter pendant la Consé-cration. Le troisième, le centenier, qui vous guidera pendant la sainte Communion.
Nous disons 1° que le publicain nous apprendra com-ment nous devons nous conduire au commencement de la sainte Messe, qui est une action si agréable à Dieu et si puissante pour nous obtenir toutes sortes de grâces. Nous ne devons donc pas attendre d'être à l'église pour nous y préparer. Non, M.F., non, un bon chrétien commence à se préparer en s'éveillant, en ne laissant occuper son esprit de rien qui n'ait rapport à ce bonheur. Nous devons nous représenter Jésus-Christ au jardin des Olives, qui, prosterné la face contre terre, se prépare au sacrifice sanglant qu'il va endurer sur le Calvaire, et de la grandeur de sa charité, qui va lui faire subir le châtiment que nous devrions subir pendant l'éternité. Il faut y venir à jeûn, autant que nous le pou-vons ; ce qui est très agréable au bon Dieu. Dans les commencements de l'Église, tous les chrétiens y allaient à jeûn . Il faut, la matinée, ne jamais vous laisser occuper l'esprit à vos affaires temporelles, vous rappe-lant qu'ayant travaillé toute la semaine pour votre corps, il est bien juste que vous donniez cette journée aux soins de votre âme, et à demander au bon Dieu par-don de vos péchés. Lorsque vous venez à l'église, ne faites point de conversation ; pensez que vous suivez Jésus-Christ portant sa croix au Calvaire et qu'il va mourir pour vous sauver. Il faut avoir toujours un moment, avant la sainte Messe, pour se recueillir un peu ; pour gémir sur ses péchés et en demander pardon au bon Dieu ; pour examiner les grâces qui nous sont les plus nécessaires, afin de les lui demander pendant la Messe ; et bien prendre garde de ne jamais manquer ni l'eau bénite, ni la Passion , ni les processions , parce que ce sont de saintes actions qui vous préparent à bien entendre la Messe.
Lorsque vous entrez dans l'église, pénétrez-vous de la grandeur de votre bonheur par un acte de la foi la plus vive, et un acte de contrition sur vos péchés, qui vous rendent indignes d'approcher d'un Dieu si saint et si grand. Pensez, en ce moment, aux dispositions du publicain, lorsqu'il entra dans le temple pour offrir à Dieu le sacrifice de sa prière. Écoutez saint Luc : « Le publicain, nous dit-il, se tenait au bas du temple, bais-sant les yeux contre terre, n'osant regarder l'autel et se frappant la poitrine en disant à Dieu : Ayez pitié de moi, Seigneur, parce que je suis un grand pécheur . » Vous voyez donc, M.F., qu'il ne faisait pas comme ces chrétiens qui entrent dans nos églises avec un air fier et arrogant, « qui semblent vouloir s'approcher de Dieu, nous dit le prophète Isaïe, comme des personnes qui n'ont rien sur la conscience qui puisse les humilier devant leur Créateur . » En effet, si vous voulez prendre la peine de voir entrer ces chrétiens, qui ont peut-être plus de péchés sur leur conscience qu'ils n'ont de cheveux sur la tête ; vous les voyez, dis-je, entrer avec un air de dédain, ou plutôt, avec une espèce de mépris de la présence de Dieu. Ils prennent de l'eau bénite à peu près comme ils prennent un bassin d'eau pour se laver les mains en venant de travailler ; ils le font, pour la plupart, sans dévotion et sans penser que l'eau bénite, prise avec bien du respect, efface les péchés vé-niels et nous dispose à bien entendre la sainte Messe. Voyez notre publicain, qui, se croyant indigne d'entrer dans le temple, va se placer dans l'endroit le moins appa-rent qu'il peut trouver ; il est tellement confus à la vue de ses péchés, qu'il n'ose pas même lever les yeux au ciel. Il est donc bien éloigné de ces chrétiens de nom, qui ne sont jamais assez bien placés, qui se mettent seulement à genoux sur une chaise, qui baissent à peine la tête pendant l'élévation, qui s'étendent sur une chaise ou se croisent les jambes. Nous ne disons rien de ces gens qui ne devraient venir à l'église que pour y pleurer leurs péchés, et qui n'y viennent que pour insulter un Dieu humilié et méprisé, par leurs vains étalages de vanité ; dans l'intention d'y attirer les yeux du monde ; et d'autres, pour y entretenir le feu de leurs passions criminelles. O mon Dieu ! avec de telles dispositions peut-on bien oser venir assister à la sainte Messe ? « Mais notre publicain, nous dit saint Augustin, frappe son cœur, pour montrer à Dieu le regret qu'il ressent de l'avoir offensé . » Hélas ! M.F., si les chrétiens avaient le bonheur d'assister à la sainte Messe avec les mêmes dispositions que le publicain, que de grâces, que de biens nous obtiendrions ! Nous sortirions aussi chargés des biens du ciel que les abeilles après avoir trouvé plus de fleurs qu'elles n'en voulaient ! Oh ! si le bon Dieu nous faisait la grâce qu'au commencement de la sainte Messe nous soyons bien pénétrés de la gran-deur de Jésus-Christ devant qui nous paraissons et du poids de nos péchés, que nous aurions bientôt obtenu le pardon de nos péchés et la grâce de persévérer !
Nous devons surtout nous tenir dans de grands sen-timents d'humilité pendant la sainte Messe ; c'est ce que le prêtre doit nous inspirer lorsqu'il descend de l'autel pour dire le Confiteor en s'inclinant profondément, lui qui, tenant la place de Jésus-Christ même, semble se charger de tous les péchés de ses paroissiens. Hélas ! si le bon Dieu nous faisait une fois bien comprendre ce que c'est que la sainte Messe, que de grâces, que de biens nous n'avons pas et que nous aurions ! Que de dangers, dont nous serions préservés si nous avions une grande dévotion à la sainte Messe ! Pour vous le prouver, M.F., je vais vous citer un bel exemple, qui vous mon-trera que le bon Dieu protège d'une manière visible ceux qui ont le bonheur d'y assister avec dévotion.
Nous lisons dans l'histoire, que sainte Élisabeth, reine de Portugal, et nièce de sainte Élisabeth, reine de Hon-grie, était si charitable envers les pauvres que, quoi-qu'elle eût ordonné à son aumônier de ne jamais rien leur refuser, elle faisait encore de continuelles aumônes de ses propres mains ou par celles de ses domestiques. Elle se servait ordinairement d'un page, dont elle avait reconnu la grande piété ; ce que voyant, un autre page en fut jaloux. II alla un jour trouver le roi, et lui dit qu'un tel page avait un commerce criminel avec la reine. Le roi, sans rien examiner, résolut de suite de se défaire de ce page le plus secrètement possible. Un moment après, s'étant trouvé de passer dans un endroit où l'on faisait cuire de la chaux, il fit appeler les gens qui avaient soin d'entretenir le feu du fourneau, et leur dit que, le lendemain au matin, il leur enverrait un page dont il était mécontent, qui leur demanderait s'ils avaient exécuté les ordres du roi ; qu'ils ne manquassent pas de le prendre et de le jeter aussitôt dans le feu. Après cela, il s'en retourna et commanda au page de la reine d'aller le lendemain, de bonne heure, faire cette commission. Mais, vous allez voir que le bon Dieu n'abandonne ja-mais ceux qui l'aiment. Le bon Dieu permit qu'il passât auprès d'une église pour aller faire sa commission, et que, dans ce moment, il entendît qu'on sonnait l'éléva-tion. Il entre pour adorer Jésus-Christ et entend le reste de la Messe. Une autre commence, il l'entend ; une troi-sième commence après la deuxième finie, il l'entend encore. Cependant le roi, impatient de savoir si l'on avait exécuté ses ordres, envoie son page pour leur demander s'ils avaient fait ce qu'il leur avait commandé. Croyant que c'était le premier, ils le prennent et le jettent dans le feu. L'autre, qui, pendant ce temps-là, avait achevé ses dévotions, va faire sa commission, en leur disant s'ils avaient fait ce que le roi leur avait ordonné. Ils lui répondirent que oui. Il retourna rendre réponse au roi, qui fut fort étonné de le voir revenir. Tout en fureur de ce qu'il en était arrivé tout au con-traire de ce qu'il espérait, le roi lui demanda où il était resté si longtemps ?... Le page lui dit que, passant près d'une église pour aller où il lui avait ordonné, il avait entendu la clochette de l'Élévation, que cela l'avait obligé d'entrer, qu'il y était demeuré jusqu'à la fin de la Messe, et, qu'une autre Messe ayant ensuite commencé avant que celle-là finît et enfin une troisième, il les avait toutes entendues ; parce que son père, avant de mourir, après lui avoir donné sa bénédiction, lui avait bien recom-mandé de ne jamais quitter une Messe commencée sans attendre qu'elle fût finie : que cela nous attirait beau-coup de grâces et nous garantissait de bien des malheurs. Alors le roi, rentrant en lui-même, comprit bien que cela n'était arrivé que par un juste jugement de Dieu ; que la reine était innocente et le page, un saint ; que l'autre n'avait fait cela que par envie. Vous voyez, M.F., que ce pauvre jeune homme aurait été brûlé sans sa dévotion, et que le bon Dieu lui inspira d'entrer dans l'église pour le garantir de la mort ; tandis que l'autre, qui n'avait pas de dévotion pour Jésus-Christ dans le sacrement adorable de l'Eucharistie, fut jeté dans le feu.
Saint Thomas nous dit qu'il vit un jour pendant la sainte Messe, Jésus-Christ, les mains pleines de trésors qu'il cherchait à distribuer, et que, si nous avions le bonheur d'assister saintement et souvent à la sainte Messe, nous aurions beaucoup plus de grâces que nous n'en avons, pour sauver nos âmes, et même pour le temporel.
2° En second lieu, nous avons dit que le bon larron nous instruirait de la manière de nous conduire pendant le temps de la Consécration et de l'Élévation de la sainte Hostie, qui est le temps où nous devons nous offrir à Dieu avec Jésus-Christ, comme étant ceux qui doivent participer à cet auguste mystère. Voyez, M.F., com-ment cet heureux pénitent se comporte dans le temps même de son supplice ; voyez-vous comment il ouvre les yeux de l'âme pour reconnaître son libérateur ? Mais aussi, M.F., quel progrès ne fait-il pas, pendant les trois heures qu'il se trouve en la compagnie de son Sauveur mourant ? Il est attaché à la croix, il ne lui reste plus que son cœur et sa langue de libre, voyez avec quel empressement il offre à Jésus-Christ l'un et l'autre : il lui donne tout ce qu'il peut lui donner, il lui consacre son cœur par la foi et par l'espérance, il lui demande humblement une place en paradis, c'est-à-dire, dans son royaume éternel. Il lui consacre sa langue en publiant son innocence et sa sainteté. Il dit à son compagnon de supplice : « Il est juste que nous souffrions ; mais, pour lui, il est innocent . » Dans le temps que les autres ne s'occupent qu'à outrager Jésus-Christ par les blas-phèmes les plus horribles, il devient son panégyriste ; pendant que ses disciples même l'abandonnent, il prend son parti ; et sa charité est si grande, qu'il fait tous ses efforts pour porter l'autre à se convertir. Non, M.F., ne soyons nullement étonnés si nous découvrons tant de vertu dans ce bon larron, parce qu'il n'y a rien de si capable de nous toucher que la vue de Jésus-Christ mourant ; il n'y a point de moment où la grâce nous soit donnée avec tant d'abondance, et cependant nous en sommes témoins tous les jours. Hélas ! M.F., si, dans ce moment heureux de la Consécration, nous avions le bonheur d'être animés d'une foi vive, une seule Messe suffirait pour nous arracher de quelques mauvais vices où nous serions, et pour faire de nous de vrais pénitents, c'est-à-dire, de parfaits chrétiens.
Pourquoi est-ce donc, me direz-vous, que nous assis-tons à tant de messes et que nous sommes toujours les mêmes ? Hélas ! M.F., c'est que nous y sommes pré-sents de corps et que notre esprit n'y est nullement, et que nous y venons plutôt achever notre réprobation par les mauvaises dispositions avec lesquelles nous y assis-tons. Hélas ! que de messes mal entendues, qui, bien loin d'assurer notre salut, nous endurcissent davantage ! Jésus-Christ étant apparu à sainte Mechtilde, lui dit : -« Sache, ma fille, que les saints assisteront à la mort de tous ceux qui auront entendu dévotement la sainte Messe, pour les aider à bien mourir, pour les défendre contre les tentations du démon et pour présenter leurs âmes à mon Père. » Quel bonheur pour nous, M.F., d'être assistés, dans ce moment redoutable, par autant de saints que nous aurons entendu de saintes Messes !...
Non, M.F., ne craignons jamais que la sainte Messe nous retarde dans nos affaires temporelles ; c'est bien tout le contraire : nous sommes sûrs que tout ira mieux, et que même nos affaires nous réussiront mieux que si nous avons le malheur de ne pas y assister. En voici un exemple admirable. Il est rapporté de deux artisans, qui étaient du même métier et qui demeu-raient dans un même bourg, que l'un d'eux, étant chargé d'une grande quantité d'enfants, ne manquait jamais d'entendre tous les jours la sainte Messe et vivait très commodément dans son métier ; mais l'autre, au contraire, qui n'avait point d'enfants, travaillait une partie de la nuit et tout le jour, et souvent le saint jour de dimanche, encore avait-il toutes les peines du monde à vivre. Celui-ci, qui voyait les affaires de l'autre si bien lui réussir, lui demanda, un jour qu'il le rencontra, où il pouvait prendre de quoi entretenir si bien une famille si grande que la sienne ; tandis que lui, qui n'avait que lui et sa femme, et qui travaillait sans cesse, était sou-vent dépourvu de toutes choses. L'autre lui répondit que, s'il voulait, il lui montrerait le lendemain, d'où il tenait tout son profit. L'autre, bien content d'une si bonne nouvelle, ne voyait que l'heure d'arriver au lendemain, qui lui devait apprendre à faire sa fortune. En effet, l'autre ne manqua pas d'aller le prendre. Le voilà qui part de bon cœur et le suit avec bien de la fidélité. L'autre le conduisit jusqu'à l'église, où ils entendirent la sainte Messe. Après qu'ils furent retour-nés : « Mon ami, lui dit celui qui était bien à son aise, retournez à votre travail. » Il en fit autant le lendemain ; mais, l'étant allé prendre une troisième fois pour la même chose : « Comment, lui dit l'autre ? Si je veux aller à la Messe, je sais le chemin sans que vous preniez la peine de venir me chercher ; ce n'est pas ce que je voulais savoir ; mais le lieu où vous trouvez tout ce bien qui vous fait vivre si bien à votre aise ; je voulais voir si, faisant comme vous, je pourrais y trouver mon compte. - Mon ami, lui répondit l'autre, je ne sais point d'autre lieu que celui de l'église, et pas d'autre moyen que d'entendre tous les jours la sainte Messe ; et pour moi, je vous assure que je n'ai point employé d'autres moyens pour avoir tout le bien qui vous étonne. Mais, n'avez-vous pas vu ce que Jésus-Christ nous dit dans l'Évangile, de chercher première-ment le royaume des cieux, et que tout le reste nous sera donné. » Ces paroles firent comprendre à cet homme le dessein de l'autre en le menant à la sainte Messe. « Eh bien ! lui dit-il, vous avez raison : celui qui ne compte que sur son travail est un aveugle, et je vois que jamais la sainte Messe n'appauvrira personne. Vous en êtes une preuve bien grande. Je veux faire comme vous, et j'espère que le bon Dieu me bénira. »
En effet, le lendemain, il commença et continua toute sa vie ; et, en peu de temps, il fut fort à son aise. Quand on lui demandait d'où venait que, maintenant, il ne travaillait plus les dimanches ni la nuit, comme autrefois ; qu'il allait tous les jours à la Messe et qu'il devenait plus riche ; il disait : « J'ai suivi le conseil de mon voisin ; allez le trouver et il vous apprendra à être bien sans travailler davantage, mais en entendant la Messe tous les jours. »
Cela vous étonne peut-être, M.F. ? pas moi. C'est ce que nous voyons tous les jours dans les maisons où il y a de la piété : ceux qui viennent souvent à la sainte Messe, font beaucoup mieux leurs affaires que ceux auxquels leur peu de foi fait croire qu'ils n'ont jamais le temps. Hélas ! si nous avions mis toute notre con-fiance en Dieu, et ne comptions rien sur notre travail, que nous serions plus heureux que nous ne sommes ! - Mais, me direz-vous, si nous n'avons rien, l'on ne nous donne rien. - Que voulez-vous que le bon Dieu vous donne, quand vous ne comptez que sur votre travail et pour rien sur lui ? Puisque vous ne vous donnez pas seulement le temps de faire vos prières le matin ni le soir, et que vous vous contentez de venir une fois la semaine à la sainte Messe. Hélas ! vous ne connaissez pas les ressources de la providence du bon Dieu pour celui qui se confie en lui. En voulez-vous une preuve bien frappante ? elle est devant vos yeux ; jetez les yeux sur votre pasteur et examinez cela devant le bon Dieu. - Oh ! me direz-vous, c'est parce que l'on vous donne. - Mais qui me donne, sinon la providence du bon Dieu ? voilà où sont mes trésors, et pas ailleurs. Hélas ! que l'homme est aveugle de tant se tourmenter pour se damner et être bien malheureux en ce monde ! Si vous aviez le bonheur de bien penser à votre salut et d'assister à la sainte Messe, autant que vous le pouvez, vous verriez bientôt la preuve de ce que je vous dis.
Non, M.F., point de moment plus précieux pour demander à Dieu notre conversion, que celui de la sainte Messe ; vous allez le voir. Un saint ermite nommé Paul, vit un jeune homme fort bien habillé qui entrait dans une église, une quantité de démons l'ac-compagnaient ; mais après la sainte Messe, il vit sortir le jeune homme accompagné d'une troupe d'anges qui marchaient à ses côtés. « O mon Dieu, s'écria le saint, qu'il faut que la sainte Messe vous soit agréable ! » Le saint concile de Trente nous dit que la sainte Messe apaise la colère de Dieu, convertit le pécheur, réjouit le ciel, soulage les âmes du purgatoire, rend gloire au bon Dieu et attire toutes sortes de bénédictions sur la terre . Oh ! M.F., si nous pouvions bien comprendre ce que c'est que le saint sacrifice de la sainte Messe, avec quel respect n'y serions-nous pas ?...
Le saint abbé Nilus nous rapporte que son maître saint Jean Chrysostome lui avait dit un jour, en confi-dence, qu'il voyait, pendant la sainte Messe, une troupe d'anges qui descendaient du ciel pour adorer Jésus-Christ sur l'autel, et que plusieurs allaient dans l'église pour inspirer aux fidèles le respect et l'amour qu'ils doivent avoir pour Jésus-Christ présent sur l'autel. Moment précieux, moment heureux pour nous, M.F., que celui où Jésus-Christ est présent sur nos autels ! Hélas ! si les pères et mères le comprenaient bien et qu'ils sussent en profiter, leurs enfants ne seraient pas si misérables, si éloignés du chemin du ciel. Mon Dieu, que de gens pauvres auprès d'un si grand trésor !
3° Nous avons dit que le centenier nous servirait d'exemple quand nous avons le bonheur de communier, ou spirituellement ou corporellement. Je dis que nous devons communier spirituellement par un grand désir de nous unir à Jésus-Christ . L'exemple de ce cente-nier est si admirable, qu'il semble que l'Église prenne plaisir à nous le remettre devant les yeux, chaque jour, à la sainte Messe. « Seigneur, lui dit cet humble servi-teur, je ne suis pas digne que vous veniez dans ma mai-son, mais dites seulement une parole, et mon serviteur sera guéri . » Ah ! si le bon Dieu voyait en nous cette même humilité, cette même connaissance de notre néant, avec quel plaisir et avec quelle abondance de grâces ne viendrait-il pas dans notre cœur ? Que de force et de courage pour vaincre l'ennemi de notre salut ! Voulons-nous, M.F., obtenir notre changement de vie : c'est-à-dire, quitter le péché pour revenir au bon Dieu ? Entendons quelques messes à cette intention, et nous sommes sûrs, si nous les entendons dévotement, que le bon Dieu nous aidera à sortir du péché ; en voici un exemple. Il est rapporté dans l'histoire qu'une jeune fille, pendant plusieurs années, menait une vie bien misérable avec un jeune homme. Tout, par une fois, elle se sentit frappée de frayeur, en considérant l'état où pouvait être sa pauvre âme, en menant la vie qu'elle menait. De suite, après la sainte Messe, elle va trouver un prêtre pour le prier de l'aider à sortir du péché. Le prêtre, qui connaissait sa vie, lui demanda ce qui l'avait portée à un tel changement. « Mon père, lui dit-elle, pendant la sainte Messe, que ma mère, avant de mou-rir, me fit promettre d'entendre tous les samedis, j'ai conçu une si grande horreur de mon état, que je ne puis plus y tenir. » - « O mon Dieu ! s'écrie le saint prêtre, voilà une âme sauvée par le mérite de la sainte Messe ! »
Ah ! M.F., que d'âmes sortiraient du péché, si elles avaient le bonheur d'entendre la sainte Messe avec de bonnes dispositions ! Ne soyons pas étonnés si le démon nous met dans la tête tant de pensées étrangères. Hélas c'est qu'il prévoit, bien mieux que vous, la perte que vous faites, en y assistant avec si peu de respect et de dévotion. Ah ! M.F., combien la sainte Messe nous pré-serve d'accidents et de morts subites ! Combien de personnes que, pour une sainte Messe qu'elles auront entendue, le bon Dieu garantira du malheur ! Saint Antonin nous en rapporte un bel exemple. Il nous dit qu'un jour de fête, il y avait deux jeunes gens qui étaient allés faire une partie de chasse : l'un avait entendu la sainte Messe, mais pas l'autre. Étant en che-min, le temps devint noir ; ils entendaient les tonnerres les plus épouvantables, et ils voyaient des éclairs si mul-tipliés, qu'il leur semblait que le ciel fût en feu. Mais ce qui les effrayait encore plus, c'est que, parmi toutes ces foudres, ils entendaient à chaque instant une voix qui semblait être en l'air et qui criait : « Frappez ces mal-heureux, frappez-les ! » Mais le temps s'étant un peu calmé, ils commencèrent à se rassurer. Continuant leur chemin, tout à coup il vint un coup de tonnerre qui moulut celui qui n'avait pas entendu la sainte Messe. L'autre fut saisi d'une si grande frayeur, qu'il ne savait s'il devait aller plus loin ou tomber par terre. Comme il était dans cette frayeur, il entendit la voix qui criait : « Frappez, frappez le malheureux ! » ce qui redoublait d'autant plus sa frayeur, qu'il venait de voir écraser à ses pieds son compagnon. « Frappez, frappez encore celui-ci ! » Se croyant perdu, il entendit une autre voix qui dit : « Non, ne le frappez pas, il a entendu la sainte Messe ce matin. » De sorte que ce fut la sainte Messe qu'il avait entendue avant de partir, qui le préserva d'une mort si épouvantable. Voyez-vous M.F., com-bien le bon Dieu nous accorde de grâces et nous pré-serve de malheurs, quand nous avons le bonheur d'en-tendre la sainte Messe comme il faut ? Hélas ! à quels châtiments doivent s'attendre ceux qui ne font point difficulté d'y manquer le dimanche ! D'abord ce qu'il y a de visible, c'est qu'ils périssent presque tous misérable-ment ; leurs biens vont en décadence, la foi abandonne leur cœur, et, par là, ils sont doublement malheureux Mon Dieu ! que l'homme est aveugle sous tous les rap-ports, pour l'âme et pour le corps !

III. - La plupart des gens du monde n'entendent la sainte Messe qu'en pharisiens, en mauvais larron, en Judas. Nous avons dit que la sainte Messe est le sou-venir de la mort de Jésus-Christ sur le Calvaire ; c'est pourquoi Jésus-Christ veut que toutes les fois que nous célébrons le saint sacrifice de la Messe, nous le fassions en mémoire de lui. Cependant, nous pouvons dire en gémissant que, pendant que nous renouvelons le sou-venir des souffrances de Jésus-Christ, plusieurs des assistants renouvellent le crime des Juifs et des bour-reaux qui l'attachèrent à la croix. Mais, pour mieux vous faire connaître si vous avez le malheur d'être du nombre de ceux qui déshonorent de la sorte nos saints mystères, je vais vous faire remarquer, M.F., que parmi ceux qui furent témoins de la mort de Jésus-Christ sur la croix, il y en avait de trois sortes : les uns ne faisaient que passer devant la croix, sans s'arrêter et sans entrer dans les sentiments d'une véritable douleur, plus insen-sibles que les créatures les plus inanimées. D'autres s'approchaient du lieu du supplice et considéraient toutes les circonstances de la passion de Jésus-Christ ; mais ce n'était que pour s'en moquer, en faire un sujet de raillerie et l'outrager par les blasphèmes les plus horribles. Enfin, un petit nombre versait des larmes amères de voir exercer tant de cruautés sur le corps de leur Dieu et de leur Sauveur. Voyez à présent du nombre desquels vous êtes. Je ne parlerai pas de ceux qui courent entendre une Messe à la hâte dans une paroisse où ils ont quelque affaire, ni de ceux qui n'y viennent que la moitié du temps ; qui, pendant ce temps, vont trouver un voisin pour boire une bouteille ; laissons--les de côté, parce que ce sont des personnes qui vivent comme si elles étaient sûres de n'avoir point d'âme à sauver ; elles ont perdu la foi, et, par là, tout est perdu. Mais parlons seulement de ceux qui y viennent ordinai-rement.
Je dis 1° que plusieurs n'y viennent que pour voir et être vus, avec un air tout dissipé, comme vous iriez dans un marché, dans une foire et, si j'ose le dire, dans un bal. Vous vous y tenez sans modestie. : à peine mettez-vous les deux genoux par terre pendant l'Élé-vation ou la Communion. Y priez-vous, M.F.... ? Hélas ! non ; c'est que la foi vous manque. Dites-moi, quand vous allez chez quelques personnes qui sont au-dessus de vous, pour leur demander quelque grâce, vous en êtes occupés tout le long du chemin ; vous entrez avec modestie, vous leur faites un profond salut, vous vous tenez découverts devant elles, vous ne pensez pas même à vous asseoir ; vous avez les yeux baissés, vous ne pensez qu'à la manière de bien vous exprimer et dans les termes les plus hauts. Si vous leur manquez, vous vous excusez vite sur votre peu d'éducation... Si ces personnes vous reçoivent avec bonté, vous sentez la joie naître dans votre cœur. Eh bien ! dites-moi, M.F., cela ne doit-il pas vous confondre, voyant que vous prenez tant de précaution pour quelque bien tem-porel ? tandis que vous venez à l'église avec une espèce de dédain, de mépris, devant un Dieu qui est mort pour nous sauver, et qui répand chaque jour son sang pour vous obtenir grâce auprès de son Père. Quel affront, M.F., n'est-ce pas pour Jésus-Christ, de se voir insulté par de viles créatures ? Hélas ! combien qui, pen-dant la sainte messe, commettent plus de péchés que pendant toute la semaine. Les uns ne pensent pas seu-lement au bon Dieu, d'autres parlent, tandis que leur cœur et leur esprit se noient les uns, dans l'orgueil ou le désir de plaire, les autres, dans l'impureté. O grand Dieu ! se peut-il qu'ils osent nommer Jésus-Christ, qui, auprès d'eux, est si saint et si pur !... Combien d'autres laissent entrer et sortir toutes les pensées et les désirs que le démon veut bien leur donner. Combien ne font point de difficulté de regarder, de tourner la tête, de rire et de causer, de dormir comme dans leur lit, et peut-être, encore bien mieux. Hélas ! que de chrétiens qui sortent de l'église avec peut-être plus de trente et cinquante péchés mortels de plus que quand ils y sont entrés !
Mais, me direz-vous, il vaut bien mieux ne pas y assister. - Savez-vous ce qu'il faut faire ?... Y assister et y assister bien comme il faut, en faisant trois sacri-fices à Dieu, je veux dire : celui de votre corps, de votre esprit et de votre cœur. Je dis : notre corps, qui doit honorer Jésus-Christ par une modestie religieuse. Notre esprit ; en entendant la sainte Messe, doit se pénétrer de notre néant et de notre indignité ; évitant toutes sortes de dissipations, repoussant loin de lui les distractions. Nous lui devons consacrer notre cœur, qui est l'offrande qui lui est la plus agréable, puisque c'est notre cœur qu'il nous demande avec tant d'instance : « Mon fils, nous dit-il, donne-moi ton cœur . »
Concluons, M.F., en disant combien nous sommes malheureux lorsque nous entendons mal la sainte Messe, puisque nous trouvons notre réprobation là où les autres trouvent leur salut. Fasse le ciel, que toutes les fois que nous pourrons, nous assistions à la sainte Messe, puisque les grâces y sont si abondantes ; et que nous y apportions toujours d'aussi bonnes dispositions que nous pourrons ! et que, par là, nous attirions sur nous toutes sortes de bénédictions en ce monde et en l'autre !... C'est ce que je vous souhaite.
3ème dimanche après la Pentecôte
(PREMIER SERMON)
Sur la miséricorde de Dieu

Erant autem appropinquantes ei publicani et pecca-tores, ut audirent illum.
Les publicains et les pécheurs se tenaient auprès de Jésus-Christ pour l'écouter.
(S. Luc., XV, 1.)

La conduite que Jésus-Christ tenait pendant sa vie mortelle, nous montre la grandeur de sa miséricorde pour les pécheurs. Nous voyons qu'ils viennent tous lui tenir compagnie ; et lui, bien loin de les rebuter ou du moins de s'éloigner d'eux, au contraire, il prend tous les moyens possibles pour se trouver parmi eux, afin de les attirer à son Père. Il les va chercher par les remords de conscience, il les ramène par sa grâce et les gagne par ses manières amoureuses. Il les traite avec tant de bonté, qu'il prend même leur défense contre les scribes et les pharisiens qui veulent les blâmer, et qui semblent ne pas vouloir les souffrir auprès de Jésus-Christ. Il va encore plus loin, il veut se justifier de la conduite qu'il tient à leur égard, par une parabole qui leur dépeint, comme l'on ne peut pas mieux, la grandeur de son amour pour les pécheurs, en leur disant : « Un bon pas-teur qui avait cent brebis, en ayant perdu une, laisse toutes les autres pour courir après celle qui s'est égarée, et, l'ayant retrouvée, il la met sur ses épaules pour lui éviter la peine du chemin ; puis, l'ayant rapportée à son bercail, il invite tous ses amis à se réjouir avec lui, d'avoir retrouvé la brebis qu'il croyait perdue. » Il ajoute encore cette parabole d'une femme qui, ayant dix drachmes et en ayant perdu une, allume sa lampe pour la chercher dans tous les coins de sa maison, et l'ayant retrouvée, elle invite toutes ses amies pour s'en réjouir. « C'est ainsi, leur dit-il, que tout le ciel se réjouit du retour d'un pécheur qui se convertit et qui fait pénitence. Je ne suis pas venu pour les jus-tes, mais pour les pécheurs ; ceux qui sont en santé n'ont pas besoin de médecin, mais ceux qui sont malades. » Nous voyons que Jésus-Christ s'applique à lui-même ces vives images de la grandeur de sa misé-ricorde envers les pécheurs. Ah ! M.F., quel bonheur pour nous de savoir que la miséricorde de Dieu est infinie ! Quel violent désir ne devons-nous pas sentir naître en nous, d'aller nous jeter aux pieds d'un Dieu qui nous recevra avec tant de joie ! Non, M.F., si nous nous damnons, nous n'aurons point d'excuses, quand Jésus-Christ nous montrera lui-même que sa miséri-corde a toujours été assez grande pour nous pardonner comme que nous soyons coupables. Et pour vous en don-ner une idée, je vais aujourd'hui vous montrer : 1° la grandeur de la miséricorde de Dieu envers le pécheur ; 2° ce que nous devons faire, de notre côté, pour mériter le bonheur de l'obtenir.

I. - Oui, M.F., tout est consolant, tout est engageant dans la conduite que Dieu tient à notre égard. Quoique bien coupables, sa patience nous attend, son amour nous invite à sortir du péché pour revenir à lui, sa miséricorde nous reçoit entre ses bras. Par la patience, le prophète Isaïe nous dit que le Seigneur nous attend pour nous faire miséricorde. Nous n'avons pas plus tôt péché que nous méritons d'être punis : « Rien, nous dit-il, n'est plus dû au péché que la punition ; dès que l'homme s'est révolté contre Dieu, toutes les créatures deman-dent vengeance, en disant : Seigneur, voulez-vous que nous allions faire périr ce pécheur qui vous a outragé ? Voulez-vous, lui dit la mer, que je l'engloutisse dans mes abîmes ? La terre lui dit : Seigneur, que j'ouvre mes entrailles pour le faire descendre tout vivant dans les enfers. L'air lui dit : Seigneur, souffrirez-vous que je le suffoque ? Le feu lui dit : Ah ! de grâce, laissez-moi le brûler. Et ainsi, toutes les autres créatures deman-dent vengeance à grands cris. Le tonnerre et les éclairs vont jusqu'au trône de Jésus-Christ pour lui demander le pouvoir de l'écraser et de le dévorer. - Mais non, reprend ce bon Jésus, laissez-le sur la terre jusqu'au moment que mon Père a résolu ; peut-être que j'aurai le bonheur de le voir converti. « Si ce pécheur s'égare davantage, ce tendre Père en verse des larmes, et ne cesse de le poursuivre par sa grâce, en faisant naître en lui de violents remords de conscience. « O Dieu des miséricordes, s'écrie saint Augustin, encore pécheur je m'éloignais de vous toujours de plus en plus, mes pas et toutes mes démarches étaient comme autant de nou-velles chutes dans le mal, mes passions s'allumaient toujours davantage, et cependant, vous preniez patience et vous m'attendiez. O patience de mon Dieu ! il y a tant d'années que je vous offense, et vous ne m'avez pas encore puni : d'où peut venir ce long retard ? Hélas ! Seigneur, c'est que vous vouliez que je me convertisse, et que je retournasse à vous par la pénitence. »
Est-il bien possible, M.F., que, malgré le désir que le bon Dieu a de nous sauver, nous nous perdions si volontairement ? Oui, M.F., si nous voulons parcourir les différents âges du monde, nous voyons partout la terre couverte des miséricordes du Seigneur, et les hommes enveloppés de ses bienfaits. Non, M.F., ce -n'est pas le pécheur qui revient à Dieu pour lui demander pardon ; mais c'est Dieu lui-même qui court après le pécheur et qui le fait revenir à lui. En voulez-vous un bel exemple ? Voyez comment il s'est comporté avec Adam. Après son péché, au lieu de le punir, comme il le méritait, pour cette révolte contre son Créateur, qui lui avait accordé tant de privilèges, qui l'avait orné de tant de grâces, destiné à une fin si heureuse, qui était d'être son ami et de ne jamais mourir... Adam, après son péché, s'enfuit de la présence de Dieu ; mais le Sei-gneur, comme un père désolé qui a perdu son enfant, court le chercher et l'appelle comme en pleurant : « Adam, Adam, où es-tu ? Pourquoi fuis-tu la présence de ton Créateur ? » Il a tant le désir de le pardonner, qu'à peine il lui donne le temps de demander pardon ; déjà il lui annonce qu'il le pardonne, et qu'il lui enverra son Fils, qui naîtra d'une Vierge, et réparera la perte que le péché lui a faite à lui et à tous ses des-cendants, et que cette réparation se ferait d'une manière admirable. En effet, M.F., sans le péché d'Adam, nous n'aurions jamais eu le bonheur d'avoir Jésus-Christ pour Sauveur, ni de le recevoir dans la sainte communion, ni même de le posséder dans nos églises. Pendant tant de siècles que le Père éternel demeura sans envoyer son Fils sur la terre, il ne cessa de renouveler ces conso-lantes promesses, par la bouche de ses patriarches et de ses prophètes. O charité, que vous êtes grande pour les pécheurs ! Voyez-vous, M.F., la bonté de Dieu pour le pécheur ? Pourrons-nous encore désespérer de notre pardon ?
Puisque le Seigneur témoigne tant le désir de nous pardonner ; si nous restons dans le péché, c'est donc bien notre faute. Voyez la manière dont il se conduisit envers Caïn, après qu'il eut tué son frère ? Il va le trouver pour le faire rentrer en lui-même, afin de pouvoir le pardonner ; parce qu'il faut nécessairement lui demander pardon si nous voulons qu'il nous le donne... Ah ! mon Dieu, est-ce trop ? « Caïn, Caïn, qu'as-tu fait ? Demande-moi pardon pour que je puisse te pardonner. » Caïn ne veut pas, il désespère de son salut, il s'endurcit dans son péché. Cependant nous voyons que le bon Dieu le laissa longtemps sur la terre, afin de lui donner le temps de se convertir, s'il l'avait voulu. Voyez encore sa miséricorde envers le monde, lorsque les crimes des hommes eurent couvert la terre et l'eurent imbibée du jus des infâmes passions : le Seigneur se voyait forcé de les punir ; mais, avant que d'en venir à l'exécution, que de précautions, que d'avertissements, que de retards ! Il les menace bien longtemps avant que de les punir, afin de les toucher, et de les faire rentrer en eux-mêmes. Voyant que leurs crimes allaient toujours en augmentant, il leur envoya Noé, à qui il commanda de bâtir une arche, et d'y mettre cent ans, et de dire à tous ceux qui demanderaient pourquoi il faisait ce bâtiment, que c'était le Seigneur qui allait faire périr le monde entier par un déluge universel ; mais que, s'ils voulaient se convertir et faire pénitence, il changerait son arrêt. Mais enfin, voyant que tous ces avertissements ne ser-vaient de rien, qu'on se moquait de ses menaces, il fut forcé de les punir. Cependant, nous voyons que le Seigneur dit qu'il se repentait de les avoir créés : ce qui nous montre la grandeur de sa miséricorde. C'est comme s'il avait dit : J'aimerais mieux ne pas vous avoir créés que de me voir forcé de vous punir ? Dites-moi, M.F., tout Dieu qu'il est, pouvait-il porter plus loin sa miséricorde ?
M.F., c'est ainsi qu'il attend les pécheurs à la péni-tence, et qu'il les y invite par les mouvements intérieurs de sa grâce et par la voix de ses ministres. Voyez encore comment il se comporte envers Ninive, cette grande ville pécheresse. Avant d'en punir les habitants, il com-mande à son prophète Jonas d'aller, de sa part, leur annoncer que, dans quarante jours, il allait les punir. Jonas, au lieu d'aller à Ninive, s'enfuit d'un autre côté.
Il veut traverser la mer ; mais, bien loin de laisser les Ninivites sans avertissement avant de les punir, Dieu fait un miracle pour conserver son prophète, pendant trois jours et trois nuits dans le sein d'une baleine, qui, au bout de trois jours, le vomit sur la terre. Alors le Sei-gneur dit à Jonas : « Va annoncer à la grande ville de Ninive, que dans quarante jours elle périra. » Il ne leur donne point de conditions. Le prophète étant parti, annonça à Ninive que, dans quarante jours elle allait périr. A cette nouvelle, tous se livrent à la pénitence et aux larmes, depuis le paysan jusqu'au roi. « Qui sait, leur dit le roi, si le Seigneur n'aura pas encore pitié de nous ? » Le Seigneur, les voyant recourir à la pénitence, semblait se réjouir d'avoir le plaisir de les pardonner. Jonas voyant le temps échu pour les punir, se retira hors de la ville, afin d'attendre que le feu du ciel tombât sur elle. Voyant qu'il ne tombait pas : « Ah ! Seigneur, s'écrie Jonas, est-ce que vous m'allez faire passer pour un faux prophète ? Faites-moi plutôt mourir. Ah ! je sais bien que vous êtes trop bon, vous ne demandez qu'à par-donner ! - Eh quoi ! Jonas, lui dit le Seigneur, tu voudrais que je fisse périr tant de personnes qui se sont humiliées devant moi ? Oh ! non, non, Jonas, je n'en n'aurais pas le courage ; au contraire, je les aimerai et les conserverai . »
Voilà précisément, M.F., la conduite que Jésus-Christ tient à notre égard ; il semble quelquefois vou-loir nous punir sans miséricorde ; au moindre repentir, il nous pardonne et nous rend son amitié. Voyez ce qu'il fit, lorsqu'il voulut faire descendre le feu du ciel sur Sodome, Gomorrhe et les villes voisines. Il sem-blait ne pas pouvoir s'y résoudre sans consulter son serviteur Abraham, comme pour savoir ce qu'il devait faire. « Abraham, lui dit le Seigneur, les crimes de Sodome et de Gomorrhe sont montés jusqu'à mon trône, je ne puis plus les souffrir ; je vais les faire périr par le feu du ciel. - Mais, Seigneur, lui dit Abraham, allez-vous punir les justes avec les pé-cheurs ? - Oh ! non, non, lui dit le Seigneur. - Eh bien ! lui dit Abraham, s'il y avait trente justes dans Sodome, la puniriez-vous, Seigneur ? - Non, dit-il, si j'en trouve trente, je pardonne à toute la ville en faveur des justes . » Il alla jusqu'à dix. Hélas ! chose étrange ! dans une si grande ville, il n'y eut pas dix justes. Vous voyez que le Seigneur semblait prendre plaisir à consulter son serviteur sur ce qu'il fallait faire. Se voyant forcé de les punir, il envoya vite un ange dire à Loth de sortir, lui et toute sa famille, afin de ne pas les punir avec les coupables . Ah ! mon Dieu, quelle patience ! que de retards avant d'en venir à l'exécution !
Voulez-vous savoir quel est le péché qui a forcé le Seigneur à faire tomber sur la terre tant de châtiments ? Hélas ! c'est ce maudit péché d'impureté dont la terre était toute couverte. Voulez-vous voir comment Dieu est long à punir ? Voyez ce qu'il fit pour punir Jéri-cho . Il ordonna à Josué de faire porter l'arche d'al-liance, qui était un instrument qui montrait la gran-deur de la miséricorde du Seigneur. Il voulut qu'elle fût portée par les prêtres, qui sont les dépositaires de ses miséricordes. Il ordonna de faire, pendant sept jours, le tour des murs de la ville, faisant sonner les mêmes trompettes dont on se servait pour annoncer l'année du jubilé, qui était une année de réconciliation et de par-don. Cependant, nous voyons que ces mêmes trom-pettes qui leur annonçaient leur pardon, firent tomber les murs de la ville, pour nous montrer que si nous ne voulons pas profiter des grâces que le bon Dieu veut bien nous accorder, nous n'en devenons que plus cou-pables ; mais que si nous avons le bonheur de nous convertir, il en éprouve une si grande joie qu'il nous dit qu'il vient plus promptement nous accorder notre pardon qu'une mère ne tire son enfant du feu.
Nous venons de voir, M.F., que, depuis le commen-cement du monde, jusqu'à la venue du Messie, ce n'est que miséricorde, que grâce et que bienfaits. Cependant nous pouvons dire que, sous la loi de grâce, les bienfaits dont il a comblé le monde sont encore bien plus abon-dants et bien plus précieux. Quelle miséricorde dans la personne du Père éternel, de n'avoir qu'un Fils et de consentir à lui faire perdre la vie pour nous sauver tous ! Hélas ! M.F., si nous parcourions toute la pas-sion de Jésus-Christ avec un cœur reconnaissant, que de larmes ne verserions-nous pas ! En voyant le tendre Jésus dans sa crèche, et le reste...

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 15:04
Saint-François d'Assise avec Al-Kamil, auteur inconnu

N'est-ce pas, ma sœur, que toutes ces ravissantes beautés dont les saints sont enivrés vous font envie ? - Ah ! me direz-vous, l'on porterait bien envie à un bonheur moins grand que celui-là. - Vous avez bien raison, je serais, je crois, comme vous ; mais ce qui me donne de l'inquiétude, c'est que je n'ai rien fait pour le mériter ; peut-être que vous êtes comme moi ? - Quoi qu'il faille faire, pensez-vous, je le ferais bien si je le savais ; que ne doit-on pas entreprendre pour se procurer tant de biens ? S'il était nécessaire de tout quitter et de tout sacrifier, même d'abandonner le monde, pour passer le reste de ses jours dans un monastère, je le ferais bien volontiers. - Voilà qui est très bien : ces pensées sont vraiment dignes d'une bonne chrétienne ; je ne croyais pas que votre courage fût si grand ; mais je vous dirai que Dieu n'en demande pas autant. - Eh bien ! pensez-vous, dites ce qu'il faut faire, et je le ferai très volontiers. - Je vais donc vous le dire et vous prier d'y bien faire réflexion. Ce serait de ne pas autant prendre soin de votre corps, le faire un peu plus souffrir ; ne pas tant craindre que cette beauté se perde ou se diminue ; n'être pas tout à fait si longue, le dimanche matin, à vous arranger, à vous considérer devant une glace de miroir, afin d'avoir plus de temps à donner au bon Dieu. Ce serait seulement d'avoir un peu plus de soumission à vos parents, en vous rappelant qu'après Dieu c'est à eux que vous devez là vie, et que vous devez leur obéir de bon cœur et non en murmurant. Ce serait aussi, au lieu de vous voir dans les plaisirs, dans les danses et les rendez-vous, de vous voir dans la maison du Sei-gneur, à le prier, à vous purifier de vos péchés et à nourrir votre âme du pain des anges. Ce serait aussi d'être un peu plus réservée dans vos paroles, un peu plus réservée dans les entretiens que vous avez avec les personnes d'un sexe différent. Voilà seulement ce que Dieu demande de vous ; si vous le faites, vous irez au ciel.
Et vous, mon frère, que pensez-vous de tout cela ? De quel côté portez-vous vos désirs ? - Ah ! dites-vous, j'aimerais bien mieux aller au ciel, puisque l'on y est si bien, que d'être jeté en enfer où l'on souffre tant et de toutes sortes de tourments ; mais c'est qu'il y a bien à faire pour y aller, c'est qu'il me manque du courage. Si un seul péché nous condamne, moi qui à chaque ins-tant, me mets en colère, je n'ose pas même entrepren-dre ! - Vous n'osez pas entreprendre ? Voulez-vous m'écouter un moment, et je vais vous montrer bien clairement que ce n'est pas si malaisé que vous le croyez bien ; et que vous aurez moins de peine à plaire à Dieu et à sauver votre âme, que vous en avez à vous procurer des plaisirs et à contenter le monde. Tournez seulement vos soins et vos peines que vous avez donnés au monde du côté du bon Dieu, et vous verrez qu'il n'en demande pas tant que le monde vous en demande. Vos plaisirs sont toujours mêlés de tristesses et d'amertumes, et de plus, suivis du repentir de les avoir goûtés. Combien de fois vous dites en revenant de passer une partie de la nuit dans un cabaret ou une danse : « Je suis fâché d'y avoir été ; si j'avais su tout ce qui s'y passe, je n'y aurais pas été. » Mais, au contraire, si vous aviez passé une partie de la nuit en prières, bien loin d'être fâché, vous sentiriez au dedans de vous-même une certaine joie, une douceur qui dévorerait votre cœur par ses traits d'amour. Plein de joie, vous diriez comme le saint roi David : « O mon Dieu ! qu'un jour passé dans votre temple est préférable à mille passés dans les assemblées du monde. » Les plaisirs que vous goûtez pour le monde vous dégoûtent ; presque chaque fois que vous vous y livrez, vous prenez des résolutions de n'y plus retourner ; souvent même vous vous livrez aux larmes, pres-que jusqu'à vous désespérer de ce que vous ne pouvez pas vous corriger ; vous maudissez les personnes qui ont commencé à vous déranger ; vous vous en plaignez à chaque instant ; vous enviez le bonheur de ceux qui passent tranquillement leurs jours dans la pratique de la vertu, dans un entier mépris des plaisirs du monde ; combien de fois même vos yeux laissent couler des larmes en voyant cette paix, cette joie qui brillent sur le front des bons chrétiens ; que sais-je ? vous portez envie jusqu'aux personnes qui ont le bon-heur d'habiter sous le même toit.
J'ai dit, mon ami, que quand vous avez passé les nuits dans les excès du vice, et de quelque autre liber-tinage que je n'ose nommer, vous ne trouvez après vous que trouble, qu'ennuis, que regrets et désespoir ; cependant vous avez fait tout ce que vous avez pu pour vous contenter, sans en pouvoir venir à bout. Eh bien ! mon ami, voyez combien il est plus doux de souffrir pour Dieu que pour le monde. Quand on a passé une nuit ou deux en prière, bien loin d'en être fâché, de s'en repentir, de porter envie à ceux qui passent ce temps dans le sommeil et la mollesse : au contraire, l'on pleure leur malheur et leur aveuglement ; l'on bénit mille fois le Seigneur de nous avoir inspiré la pensée de nous procurer tant de douceurs et de consolations ; bien loin de maudire les personnes qui nous ont fait embras-ser un tel genre de vie, nous ne pouvons les voir sans laisser couler des larmes de reconnaissance, tant nous nous trouvons heureux ; bien loin de prendre la résolu-tion de n'y plus retourner, nous nous sentons résolus d'en faire davantage, et nous portons une sainte envie à ceux qui ne sont occupés qu'à louer le bon Dieu. Si vous avez dépensé votre argent pour vos plaisirs, le lendemain, vous le pleurez ; mais un chrétien qui l'a donné pour conserver la vie à un pauvre homme qui ne pou-vait vivre, un chrétien qui a vêtu un malheureux qui était nu, bien loin de le regretter, au contraire, il cherche continuellement le moyen d'en faire davantage ; il est prêt, s'il le faut, à se refuser le nécessaire, à se dépouiller de tout, tant il a de joie de soulager Jésus--Christ dans la personne de ses pauvres. Mais, sans aller si loin, mon ami, il ne vous en coûterait pas plus, quand vous êtes à l'église, de vous y tenir avec respect et modestie que d'y rire et tourner la tête ; vous seriez aussi bien d'avoir vos deux genoux par terre que d'en tenir un en l'air ; lorsque vous entendez la parole de Dieu, vous serait-il plus pénible de l'écouter dans l'espé-rance d'en profiter, et de la mettre en pratique dès que vous le pourrez, que de sortir dehors pour vous amuser à causer de choses indifférentes, peut-être mauvaises ? Ne seriez-vous pas plus content si votre conscience ne vous reprochait rien, et si vous vous approchiez de temps en temps des sacrements, ce qui vous donnerait tant de force : pour supporter avec patience les misères de la vie ? Si vous en doutez, M.F., demandez à ceux qui ont fait leurs pâques, combien ils étaient contents pendant quelque temps : c'est-à-dire, tant qu'ils ont eu le bon-heur d'être les amis du bon Dieu.
Dites-moi, mon ami, vous serait-il aussi pénible que vos parents vous grondent, parce que vous avez trop resté à l'église, que s'ils vous reprochent d'avoir passé la nuit dans la débauche ? Non, non, mon ami, de quel-que côté, que vous considériez ce que vous faites pour le monde, il vous en coûte beaucoup plus que pour plaire à Dieu et sauver votre âme. Je ne vous parlerai pas de la différence qu'il y a, à l'heure de la mort, entre un chrétien qui a bien servi le bon Dieu, et les regrets et le désespoir de celui qui n'a suivi que ses plaisirs, qui n'a cherché qu'à contenter les désirs corrompus de son cœur ; car rien de si beau que de voir mourir un saint : Dieu lui-même se fait honneur d'y être présent, ainsi qu'il est rapporté dans la vie de plusieurs. Peut-on le comparer avec les horreurs qui se passent à celle du pécheur, où les démons le suivent de si près, et se dé-vorent les uns les autres, à celui qui aura la barbare sa-tisfaction de le traîner le premier dans les abîmes ? Mais non, laissons tout cela ; et considérons seulement la vie présente.
Concluons que si vous faisiez pour Dieu ce que vous faites pour le monde, vous seriez des saints. - Oh ! dites--vous en vous-mêmes, vous nous dites qu'il n'est pas difficile d'aller au ciel ; il me semble qu'il y a encore bien des sacrifices à faire. - Cela n'est pas douteux : il y a des sacrifices à faire, sinon ce serait faussement que Jésus-Christ nous aurait dit que la porte du ciel est étroite, qu'il faut faire des efforts pour y entrer, qu'il faut se renoncer soi-même, prendre sa croix et le suivre, qu'il y en a beaucoup qui ne seront pas du nombre des élus ; aussi nous promet-il le ciel comme une récom-pense que nous aurons méritée. Voyez ce qu'ont fait les saints pour se la procurer. Allez, M.F., dans ces antres du fond des déserts, entrez dans les monastères, par-courez ces rochers, et demandez à toutes ces troupes de saints : Pourquoi tant de larmes et de pénitences ? Montez sur les échafauds, et informez-vous de ce qu'ils préten-dent faire. Tous vous diront que c'est pour acheter le ciel. O mon Dieu ! que de larmes ces pauvres solitaires ont versées pendant tant d'années ! O mon Dieu ! que de pénitences et de rigueurs n'ont-ils pas exercées sur leur corps, tous ces illustres anachorètes ! Et moi, je ne vou-drais rien souffrir, moi qui ai la même espérance qu'eux, et le même juge qui doit m'examiner ? O mon Dieu ! que je suis lâche lorsqu'il s'agit de travailler pour le ciel ! Que vos saints vont me servir de condamnation, lorsqu'ils vont vous montrer tant de sacrifices qu'ils ont faits pour vous plaire ! Vous dites qu'il en coûte pour aller au ciel : dites-moi, mon ami, ne coûtait-il rien à saint Barthélemy de se laisser écorcher tout vif pour plaire à Dieu ? N'en coûtait-il rien à saint Vincent lors-qu'on l'étendit sur un chevalet et qu'on lui faisait brûler le corps avec des torches allumées, jusqu'à ce que ses entrailles tombèrent dans le feu ; lorsque ensuite on le conduisit en prison, et lui ayant fait un lit de morceaux de bouteilles de verre, on le coucha dessus ? Mon ami demandez à saint Hilarion ce qu'il fit pendant quatre--vingts ans dans son désert, à pleurer nuit et jour ? Allez, interrogez un saint Jérôme, ce grand savant : demandez--lui pourquoi il se frappait la poitrine avec des pierres, jusqu'à ce qu'il en fût tout meurtri. Allez dans les ro-chers trouver le grand saint Arsène, et demandez-lui pourquoi il a quitté les plaisirs du monde pour venir pleu-rer le reste de ses jours parmi les bêtes sauvages. Point d'autre réponse, mon ami : « Ah ! c'est pour gagner le beau ciel, encore l'avons-nous pour rien ; oh ! que ces pénitences sont peu de chose, si nous les comparons au bonheur qu'elles nous préparent ! » Non, M.F., les saints, il n'y a sorte de tourments qu'ils n'aient été prêts à endurer pour acheter ce beau ciel.
Nous lisons que du temps de l'empereur Néron, il fit aux chrétiens des cruautés si affreuses, que la seule pensée en fait frémir. Ne sachant de quelle manière ou-vrir sa persécution contre les chrétiens, il mit le feu dans la ville, afin de faire croire que c'étaient les chré-tiens qui l'avaient fait. Se voyant applaudi de tous ses sujets, il se livre à tout ce que sa fureur peut lui inspirer. Semblable à un tigre en fureur, qui ne respire que le carnage, les uns, il les faisait coudre dans des peaux de bêtes et les faisait jeter dans les champs pour les faire manger aux chiens ; aux autres, il faisait prendre une robe enduite de poix et de soufre, et les faisait pen-dre aux arbres des grands chemins pour servir de torches aux passants pendant la nuit ; lui-même en avait formé deux allées dans son jardin, et, la nuit, il y faisait mettre le feu pour avoir le barbare plaisir de conduire son char à la lueur de ce spectacle triste et déchirant. Sa fureur ne se trouvant pas encore assez satisfaite, il inventa un autre supplice, le voici : il fit faire des masses de cuivre comme des taureaux, les faisait rougir pendant plusieurs jours, et tous les chrétiens que l'on pouvait prendre, on les jetait dedans, où il les voyait impitoyablement brûler. Ce fut dans cette même persécution que saint Pierre fut mis à mort. Étant en prison avec saint Paul qui eut la tête tranchée, saint Pierre trouva le moyen de sortir de la prison. En chemin, Notre-Seigneur lui apparut et lui dit : « Pierre, je vais mourir une seconde fois à Rome », et il disparut. Saint Pierre connaissant par là qu'il ne devait pas fuir la mort, retourna dans sa prison, où il fut condamné à mourir en croix. Lorsqu'il entendit pro-noncer sa sentence : « O grâce ! ô bonheur ! de mourir de la mort de mon Dieu ! » Mais il demanda une grâce à ses bourreaux, c'est de lui permettre d'être crucifié la tête en bas : « parce que, disait-il, je ne mérite pas ce bonheur de mourir d'une manière semblable à mon Dieu. » Eh bien ! mon ami, n'en a-t-il rien coûté aux saints d'aller au ciel ? O beau ciel ! si vous nous coûtez tant qu'à tous ces bien-heureux, qui de nous ira ? Mais non, M.F., consolons--nous, Dieu n'en demande pas tant de nous.
Mais, pensez-vous, que faut-il donc faire pour y aller ? - Ah ! mon ami, ce qu'il faut faire, je le sais bien, moi. Avez-vous envie d'y aller ? - Oh ! sans doute, dites-vous, c'est bien là tout mon désir ; si je fais des prières, si je fais des pénitences, c'est bien pour mériter ce bonheur. - Eh bien ! écoutez-moi un instant, et vous allez le sa-voir. Ce qu'il faut faire ? c'est de ne pas manquer vos prières le matin ni le soir ; de ne pas travailler le dimanche ; de fréquenter les sacrements de temps en temps, de ne pas écouter le démon quand il vous tente, et vite, avoir recours au bon Dieu. - Mais pensez-vous, il y a bien des choses qu'on ferait ; mais, pour se confesser, cela n'est pas trop commode. - Cela n'est pas trop commode, mon ami ? vous aimez donc mieux rester entre les mains du démon que de le chasser pour rentrer dans le sein de votre Dieu, qui, tant de fois, vous a fait éprouver combien il est bon ? Vous ne regardez donc pas comme un moment des plus heureux, celui où vous avez le bonheur de recevoir votre Dieu ? O mon Dieu ! si l'on vous aimait, combien l'on soupirerait après cet heu-reux moment !...
Courage ! mon ami, ne vous découragez pas ; tout à l'heure vous allez être à la fin de vos peines ; regardez le ciel, cette demeure sainte et permanente ; ouvrez les yeux, et vous verrez votre Dieu qui vous tend la main pour vous attirer à lui. Oui, mon ami, dans quelques instants il vous fera comme l'on fit à Mardochée, pour publier la grandeur de vos victoires sur le monde et sur le démon. Le roi Assuérus, pour reconnaître les bienfaits de son général, voulut le faire monter sur son char de triomphe avec un héraut qui marchait devant lui, criant : « C'est ainsi que le roi récompense les ser-vices qu'on lui a rendus. » Mon ami, si dans ce moment, Dieu présentait à nos yeux un de ces bienheureux dans tout l'éclat de la gloire dont il est revêtu dans le ciel, qu'il nous montrât ces joies, ces douceurs, ces délices dont les saints sont inondés dans la céleste patrie, et qu'il nous criât à tous : « O hommes ! pourquoi n'aimez--vous pas votre Dieu ? Pourquoi ne travaillez-vous pas à mériter un si grand bien ? O homme ambitieux, qui avez collé votre cœur à la terre, que sont les honneurs de ce monde frivole et périssable, en comparaison des honneurs et de la gloire que Dieu nous prépare dans son royaume ? O hommes avares, qui désirez ces richesses périssables, que vous êtes aveugles de ne pas travailler à en mériter qui ne finiront jamais ! L'avare cherche le bonheur dans ses biens, l'ivrogne dans son vin, l'or-gueilleux dans ses honneurs, et l'impudique dans les plaisirs de la chair. Ah ! non, non, mon ami, vous vous trompez, levez les yeux de votre âme vers le ciel, por-tez vos regards vers ce beau ciel et vous trouverez votre bonheur parfait, foulez et méprisez la terre et vous trouverez le ciel ! Mon frère, pourquoi te plonges-tu dans ces vices honteux ? Regarde ces torrents de délices que Jésus-Christ te prépare dans la céleste patrie ! ah ! soupire après cet heureux moment !... »
Oui, M.F., tout nous le prêche, tout nous sollicite à ne pas perdre ce trésor. Les saints qui sont dans ce beau séjour nous crient du haut de ces trônes de gloire : « Oh ! si vous pouviez bien comprendre le bonheur dont nous jouissons, pour quelques moments que nous avons combattu. » Mais les damnés nous le disent d'une manière bien plus touchante : « O vous qui êtes encore sur la terre, oh ! que vous êtes heureux de pouvoir gagner le ciel que nous avons perdu ! Oh ! si nous étions à votre place, que nous serions plus sages que nous n'avons été ; nous avons perdu notre Dieu et nous l'avons perdu pour toujours ! O malheur incom-préhensible !... ô malheur irréparable !... beau ciel, nous ne te verrons jamais !... » Oh ! M.F., qui de nous ne soupire pas après un si grand bonheur ?

Pour le jour de
la Fête-Dieu.

Incola ego sum in terra.
Je suis comme un étranger sur la terre.
(PS. CXVIII, !9.)

Ces paroles, M.F., nous montrent toutes les misères de la vie, le mépris que nous devons faire des choses créées et périssables, et le désir que nous devons res-sentir d'en sortir pour aller dans notre véritable patrie, puisque ce monde n'est pas la nôtre.
Cependant, M.F., consolons-nous dans notre exil ; nous y avons un Dieu, un ami, un consolateur et un rédempteur, qui peut adoucir nos peines, qui, de ce lieu de misères, nous fait envisager de grands biens ; ce qui doit nous porter à nous écrier, comme l'Épouse des Cantiques : « Avez-vous vu mon bien-aimé ? et si vous l'avez vu, ah ! dites-lui bien que je ne fais plus que lan-guir . » « Ah ! jusques à quand, Seigneur, s'écrie le saint Roi-Prophète dans ses transports d'amour et de ravissement, ah ! jusques à quand prolongerez-vous mon exil séparé de vous ? » Oui, M.F., plus heureux que ces saints de l'Ancien Testament, non seulement nous possédons Dieu par la grandeur de son immensité, qui se trouve partout ; mais encore nous l'avons tel qu'il fut pendant neuf mois dans le sein de Marie, tel que sur la croix. Encore plus heureux que les premiers chré-tiens, qui faisaient cinquante ou soixante lieues pour avoir le bonheur de le voir, oui, M.F., chaque paroisse le possède, chaque paroisse peut jouir autant qu'elle le veut, de sa douce compagnie. O nation heureuse !
Quel est mon dessein ? le voici. C'est de vous montrer combien Dieu est bon dans l'institution du sacrement adorable de l'Eucharistie, et les grands avantages que nous en pouvons tirer.

I. - Je dis que ce qui fait le bonheur d'un bon chré-tien, fait le malheur d'un pécheur. En voulez-vous la preuve ? la voici. Oui, M.F., pour un pécheur, qui ne veut pas sortir du péché, la présence de Dieu devient son supplice : il voudrait pouvoir effacer la pensée que Dieu le voit et le jugera ; il se cache, il fuit la lumière du soleil, il s'enfonce dans les ténèbres, il a en horreur tout ce qui peut lui en donner la pensée ; un ministre de Dieu lui fait ombrage, il le hait, il le fuit ; chaque fois qu'il pense qu'il a une âme immortelle, qu'un Dieu la récompensera ou la punira pendant une éternité, selon ce qu'elle aura fait : tout cela lui est un bourreau qui le dévore sans cesse. Ah ! triste existence, que celle d'un pécheur qui vit dans son péché ! En vain, mon ami, vou-dras-tu te cacher de la présence de Dieu, tu ne le pour-ras jamais ! « Adam, Adam, où es-tu ? » - « Ah ! Seigneur, s'écrie-t-il, j'ai péché, et j'ai craint votre présence . » Adam, tout tremblant, court se cacher, et c'est précisé-ment dans le moment où il croyait que Dieu ne le voyait pas, que sa voix se fait entendre : « Adam, tu me trouveras partout ; tu as péché, et j'ai été témoin de ton crime ; et mes yeux étaient arrêtés sur toi. » « Caïn, Caïn, où est ton frère ? » Caïn, entendant la voix du Sei-gneur, fuit comme un désespéré. Mais Dieu le poursuit l'épée aux reins : « Caïn, le sang de ton frère crie ven-geance . » Oh ! qu'il est donc bien vrai qu'un pécheur est dans une frayeur et un désespoir continuels. Pécheur, qu'as-tu fait ? Dieu te punira. - Non, non, s'écrie-t-il, Dieu ne m'a pas vu, « il n'y a point de Dieu ». - Ah ! mal-heureux, Dieu te voit et te punira. De là, je conclus qu'un pécheur a beau vouloir se rassurer, effacer ses péchés, fuir la présence de Dieu et se procurer tout ce que son cœur peut désirer, il ne sera que malheureux ; partout il traînera ses chaînes et son enfer. Ah ! triste existence ! Non, M.F., n'allons pas plus loin, cette pensée est trop désespérante, ce langage ne nous convient nullement aujourd'hui ; laissons ces pauvres malheureux dans les ténèbres, puisqu'ils veulent bien y rester ; laissons-les se damner, puisqu'ils ne veulent pas se sauver.
« Venez, mes enfants, disait le saint roi David, venez, j'ai de grandes choses à vous annoncer ; venez, et je vous dirai combien le Seigneur est bon pour ceux qui l'ai-ment. Il a préparé à ses enfants une nourriture céleste qui porte des fruits pour la vie. Partout nous le trouve-rons, notre Dieu ; si nous allons dans le ciel, il y sera ; si nous passons les mers, nous le verrons à côté de nous ; si nous nous enfonçons dans le chaos de la mer, il nous accompagnera . » Non, non, notre Dieu ne nous perd pas plus de vue qu'une mère ne perd de vue son enfant qui commence à remuer le pied. « Abraham, dit le Seigneur, marche en ma présence, et tu la trouveras partout. » - « Mon Dieu ! s'écrie Moïse, montrez-moi, s'il vous plaît, votre face ; j'aurai tout ce que je peux désirer . » Ah ! qu'un chrétien est consolé, par cette heureuse pensée, qu'un Dieu le voit, est témoin de ses peines et de ses combats, qu'un Dieu est à ses côtés. Ah ! disons mieux, M.F., un Dieu le presse tendrement contre son sein ! Ah ! nation des chrétiens, que tu es heureuse de jouir de tant d'avantages que tant d'autres nations n'ont pas ! Ah ! n'avais-je pas raison de vous dire que, si la présence de Dieu est un tyran pour le pécheur, cette même présence est un bonheur infini, un ciel anticipé pour un bon chrétien.
Oui, M.F., tout cela est bien beau, c'est vrai ; mais c'est encore peu de chose, si j'ose le dire, en comparai-son de l'amour que Jésus-Christ nous porte dans le sacrement adorable de l'Eucharistie. Si je parlais à des incrédules ou à des impies, qui osent douter de la pré-sence de Jésus-Christ dans ce sacrement adorable, je commencerais par leur donner des preuves si claires et si convaincantes, qu'ils mourraient de honte d'avoir douté d'un mystère appuyé sur des raisons si fortes et si convaincantes ; je leur dirais : si Jésus-Christ est véri-table, ce mystère l'est aussi, puisque, ayant pris du pain en présence de ses apôtres, il leur dit : « Voici du pain, eh bien ! je vais le changer en mon corps ; voici du vin, je vais le changer en mon sang ; ce corps est vraiment le même que celui qui sera crucifié et ce sang est le même que celui qui sera répandu pour la rémission des péchés ; et chaque fois que vous prononcerez ces mêmes paroles, dit-il encore à ses apôtres, vous ferez le même miracle ; ce pouvoir, vous vous le communiquerez les uns aux autres jusqu'à la fin des siècles » Mais ici laissons ces preuves de côté, ce raisonnement est inutile à des chrétiens, qui ont tant de fois goûté les dou-ceurs que Dieu leur communique dans le sacrement d'amour.
Saint Bernard nous dit qu'il y a trois mystères aux-quels il ne peut penser sans sentir son cœur mourir d'amour et de douleur. Le premier est celui de l'Incar-nation, le deuxième est celui de la mort et passion de Jésus-Christ, et le troisième est celui du sacrement adorable de l'Eucharistie. Quand l'Esprit-Saint nous parle du mystère de l'Incarnation, il emploie des termes qui nous mettent dans l'impossibilité de pouvoir com-prendre jusqu'où va l'amour de Dieu pour nous, en nous disant : « C'est ainsi que Dieu aime le monde, » comme s'il nous disait : je laisse à votre esprit, à votre imagination la liberté de former telles idées que vous voudrez ; quand vous auriez toutes les sciences des pro-phètes, toutes les lumières des docteurs et toutes les connaissances des anges, il vous serait impossible de comprendre l'amour que Jésus-Christ a eu pour vous dans ces mystères. Quand saint Paul nous parle des mystères de la Passion de Jésus-Christ, voici comment il s'explique : « Quoique Dieu soit infini en miséricorde et en grâce, il semble s'être épuisé pour l'amour de nous. Nous étions morts, il nous a donné la vie. Nous étions des-tinés à être malheureux pendant toute l'éternité, et par sa bonté et sa miséricorde, il a changé notre sort » Enfin, quand saint Jean nous parle de la charité que Jésus-Christ a eue pour nous en instituant le sacrement adorable de l'Eucharistie, il nous dit « qu'il nous a aimés jusqu'à la fin . » c'est-à-dire, qu'il a aimé l'homme, pendant toute sa vie, d'un amour sans égal. Disons mieux, M.F., il nous aime autant qu'il pouvait nous aimer. O amour, que tu es grand et peu connu !
Quoi ! mon ami, nous n'aimerions pas un Dieu qui a soupiré pendant toute l'éternité pour notre bonheur ! Un Dieu !... Ah ! un Dieu, qui a tant pleuré nos péchés, et qui est mort pour les effacer ! Un Dieu, qui a bien voulu quitter les anges du ciel où il est aimé d'un amour si pur et si parfait, pour venir dans ce monde, quoiqu'il sût très bien combien il serait méprisé. Il savait d'avance les profanations qu'il recevrait dans ce sacrement d'a-mour. Il savait que les uns le recevraient sans contri-tion ; les autres, sans désir de se corriger : hélas ! d'au-tres peut-être, avec le crime dans leur cœur, et le fe-raient mourir. Mais, non, tout cela n'a pas pu arrêter son amour. O heureuse nation que celle des chrétiens !... « O ville de Sion, réjouissez-vous, faites éclater votre joie, s'écrie le Seigneur par la bouche du prophète Isaïe, parce que votre Dieu habite au milieu de vous . » Oui M.F., ce que le prophète Isaïe disait à son peuple, je peux encore vous le dire, ce semble, avec plus de vérité. Chrétiens, réjouissez-vous ! votre Dieu va paraître au milieu de vous. Oui, M.F., ce tendre Sauveur va visiter vos places, vos rues et vos maisons ; partout il va répan-dre ses bénédictions les plus abondantes. O heureuses maisons, devant lesquelles il va passer ! O heureux che-mins, qui soutiendront ses pas saints et sacrés ! Pouvons--nous, M.F., nous empêcher de dire en nous-mêmes lors-que nous repasserons dans cette même route : Voilà où mon Dieu a passé, voilà le sentier qu'il a pris lorsqu'il répandait ses bénédictions bienfaisantes dans cette pa-roisse.
Oh ! que ce jour est consolant pour nous, M.F. ! Ah ! s'il est permis de goûter quelques consolations dans ce monde, n'est-ce pas dans ce moment heureux ? Oui, M.F., oublions, s'il est possible, toutes les misères. Cette terre étrangère va devenir vraiment l'image de la céleste Jérusalem, les fêtes et les joies du ciel vont des-cendre sur la terre. Ah ! « si ma langue peut oublier ces bienfaits, qu'elle s'attache à mon palais » !... Ah ! si mes yeux doivent encore porter leurs regards sur des choses terrestres, que le ciel leur refuse la lumière !
Oui, M.F., si nous considérons tout ce que Dieu a fait : le ciel et la terre, ce bel ordre qui règne dans ce vaste univers, tout nous annonce une puissance infinie qui a tout créé, une sagesse admirable qui gouverne tout, une bonté suprême qui pourvoit à tout avec la même facilité que si elle n'était occupée qu'à un seul être : tant de prodiges ne peuvent que nous remplir d'étonne-ment et d'admiration. Mais, si nous parlons du sacre-ment adorable de l'Eucharistie, nous pouvons dire que c'est ici le prodige de l'amour d'un Dieu pour nous ; c'est ici que sa puissance, sa grâce et sa bonté éclatent d'une manière tout extraordinaire. Nous pouvons dire avec beaucoup de vérité, que c'est ici le pain descendu du ciel, le pain des anges, qui nous est donné pour nourriture de nos âmes. C'est ce pain des forts qui nous console et adoucit nos peines. C'est là vraiment « le pain des voyageurs » ; disons mieux, M.F., c'est la clef qui nous a ouvert le ciel. « Celui, dit le Sauveur, qui me recevra aura la vie éternelle ; celui qui ne me recevra pas, mourra. Celui, dit le Sauveur, qui aura recours à ce banquet sacré fera naître en lui une source qui rejaillira jusqu'à la vie éternelle . »
Mais pour mieux connaître l'excellence de ce don, il faut examiner jusqu'à quel point Jésus-Christ a porté son amour pour nous dans ce sacrement. Non, M.F., ce n'est pas assez pour le Fils de Dieu de s'être fait homme pour nous ; il fallut, pour contenter son amour, qu'il se donnât à chacun de nous en particulier. Voyez, M.F., combien il nous aime. Dans le même moment que ses pauvres enfants prenaient les mesures pour le faire mourir, son amour le porte à faire un miracle, afin de rester parmi eux. A-t-on vu, peut-on voir un amour plus généreux et plus libéral que celui qu'il nous témoigne dans le sacrement de son amour ? Ne pouvons-nous pas dire, comme le Concile de Trente, que c'est là que sa libéralité et sa générosité ont épuisé toutes ses richesses ? Peut-on, en effet, trouver quelque chose sur la terre, et même dans le ciel, qui puisse lui être comparé ? A-t-on vu quelquefois la tendresse d'un père, la libéralité d'un roi pour ses sujets, aller si loin que celle de Jésus-Christ dans le sacrement de nos autels ! Nous voyons que les parents, dans leur testament, donnent leurs biens à leurs enfants ; mais dans le testament que Jésus-Christ nous fait, ce ne sont pas des biens temporels, puisque nous les avons..., mais il nous donne son Corps adorable et son Sang précieux. Oh ! bonheur du chrétien, que tu es peu goûté ! Non, M.F., il ne pouvait pas porter plus loin son amour qu'en se donnant ; puisqu'en le recevant, nous le recevons avec toutes ses richesses. N'est-ce pas là une véritable prodigalité d'un Dieu pour ses créatures ? Oui, M.F., si Dieu nous avait donné la liberté de lui deman-der tout ce que nous voudrions, aurions-nous osé porter si loin nos espérances ? « D'un autre côté, Dieu lui-même, tout Dieu qu'il est, pouvait-il trouver quelque chose de plus précieux à nous donner ? » nous dit saint Augustin.
Savez-vous encore, M.F., ce qui porta Jésus-Christ à consentir à rester nuit et jour dans nos églises ? Hélas ! M.F., c'est pour que, chaque fois que nous voudrions le voir, nous puissions le trouver. Ah ! tendresse de père, que tu es grande ! Quoi, M.F., de plus consolant pour un chrétien qui sent qu'il adore un Dieu présent en corps et en âme ! « Ah ! Seigneur, s'écrie le Roi-Prophète, qu'un jour passé auprès de vous est préférable à mille passés dans les assemblées du monde ! » Qu'est-ce qui rend nos églises si saintes et si respecta-bles ? N'est-ce pas la présence de Jésus-Christ ? Ah ! heureuse nation que celle des chrétiens !

II. - Mais, me direz-vous, que devons-nous faire pour témoigner à Jésus-Christ notre respect et notre recon-naissance ? - Le voici, M.F. :
1° Nous ne paraîtrons devant lui qu'avec le plus grand respect, et nous le suivrons avec une joie toute céleste, en nous représentant le grand jour de cette procession qui se fera après le jugement général. Oui, M.F., il nous suffit pour nous pénétrer du respect le plus profond, de nous rappeler que nous sommes des pécheurs, qui sommes indignes de suivre un Dieu si saint et si pur. C'est un bon père que nous avons tant de fois méprisé et outragé, qui nous aime encore, et qui nous dit qu'il est prêt à nous accorder notre grâce. Que fait Jésus-Christ, M.F., lorsque nous le portons en procession ? le voici. Il est comme un bon roi au milieu de ses sujets, comme un bon père environné de ses enfants, et enfin, comme un bon pasteur qui visite ses troupeaux. Quelle est la pensée, M.F., que nous devons avoir en marchant à la suite de notre Dieu ? la voici. Nous devons le suivre comme les premiers fidèles qui le suivaient lorsqu'il était sur la terre, faisant du bien à tout ce monde. Oui, si nous avons le bonheur de l'accompagner avec une foi vive, nous sommes sûrs d'obtenir tout ce que nous lui demanderons.
Nous lisons dans l'Évangile, que deux aveugles, s'étant trouvés sur le chemin où le Sauveur passait, se mirent à crier : « O Jésus ! fils de David, ayez pitié de nous ! » Les voyant, il en fut touché de compassion, leur demanda ce qu'ils voulaient. « Ah ! Seigneur, lui dirent-ils, faites, s'il vous plaît, que nous voyions. » « Eh ! bien, voyez, » leur dit ce bon Sauveur . Un grand pécheur, nommé Zachée, désirant le voir, monte sur un arbre ; mais Jésus-Christ, qui n'était venu que pour sauver les pécheurs, lui cria : « Zachée, descendez, car c'est chez vous que je veux aller loger aujourd'hui. » Chez vous ! c'est comme s'il lui avait dit : Zachée, depuis longtemps la porte de votre cour est fermée par votre orgueil et vos injustices ; ouvrez-moi aujour-d'hui, je viens vous donner votre pardon. A l'instant même, Zachée descend, s'humilie profondément devant son Dieu, répare toutes ses injustices, et ne veut plus que la pauvreté et la souffrance pour partage . O Heu-reux moment, qui lui a valu une éternité de bonheur ! Un autre jour que le Sauveur passait par une autre rue, une pauvre femme, affligée depuis douze ans d'une perte de sang, le suivait. « Ah ! se disait-elle en elle-même, ah ! si j'avais le bonheur de toucher seulement le bord de la frange de son habit, je suis sûre que je serais guérie . » Pleine de confiance, elle court se jeter aux pieds du Sauveur : à l'instant même, elle fut délivrée. Oui, M.F., si nous avions la même foi, la même con-fiance, nous obtiendrions la même grâce ; parce que c'est le même Dieu, le même Sauveur et le même père, animé de la même charité. « Venez, disait le Prophète, venez, Seigneur, sortez de vos tabernacles, montrez-vous à votre peuple qui vous désire et vous aime. » Hélas ! M.F., que de malades à guérir ; que d'aveugles, à qui il faudrait rendre la vue ! Que de chrétiens, qui vont suivre Jésus-Christ, et dont les pauvres âmes seront toutes couvertes de plaies ! Que de chrétiens qui sont dans les ténèbres, et qui ne voient pas qu'ils sont prêts à tomber en enfer ! Mon Dieu ! guérissez les uns et éclairez les autres ! Pauvres âmes, que vous êtes mal-heureuses !
Saint Paul nous dit qu'étant à Athènes il trouva écrit sur un autel : « Ici réside le Dieu inconnu, ou du moins, oublié . » Mais, hélas ! M.F., je pourrais bien vous dire le contraire : je viens vous annoncer un Dieu que vous savez être votre Dieu, et que vous n'adorez pas et que vous méprisez. Hélas ! combien de chrétiens qui, ces saints jours de dimanche, sont embarrassés de leur temps ; qui ne daignent pas seulement venir, quelques petits moments, visiter leur Sauveur qui brûle du désir de les voir auprès de lui, pour leur dire qu'il les aime, et qu'il veut les combler de bienfaits. Oh ! quelle honte pour nous !... Arrive-t-il quelque nou-veauté ? l'on quitte tout, et l'on court. Pour Dieu, nous ne faisons que le mépriser et nous le fuyons ; le temps nous dure en sa sainte présence, tout ce que nous fai-sons, est toujours long. Ah ! quelle différence entre les premiers fidèles et nous ! ils regardaient comme le plus heureux temps de leur vie lorsqu'ils avaient le bonheur de passer des jours et des nuits entières dans les églises à chanter les louanges du Seigneur, ou à pleurer leurs péchés ; mais aujourd'hui ce n'est plus de même. Il est délaissé, il est abandonné de nous, il y en a même qui le méprisent ; pour la plupart, nous paraissons dans nos églises, ces lieux sacrés, sans respect, sans amour de Dieu, sans savoir même ce que nous venons y faire. Les uns laissent occuper leur esprit et leur cœur de mille choses terrestres, et peut-être même criminelles ; les autres y sont avec ennui et dégoût ; il y en a d'autres qui à peine se mettent à genoux, tandis qu'un Dieu répand son sang précieux pour leur pardon ; enfin d'au-tres, à peine laisseront-ils descendre le prêtre de l'autel, qu'ils fuient déjà. Mon Dieu, que vos enfants vous aiment peu ou plutôt qu'ils vous méprisent ! En effet, M.F., quel esprit de légèreté et de dissipation ne faites--vous pas paraître, lorsque vous êtes dans l'église ? les uns dorment, les autres parlent, et presque personne n'est occupé à ce qu'il doit faire.
2° Je dis, M.F., que tous les hommes n'étant faits que pour Dieu, comblés sans cesse de ses bienfaits les plus abondants, nous devons tous lui témoigner notre reconnaissance, et nous affliger de le voir tant outragé. Nous devons faire comme un ami qui s'attriste sur les malheurs de son ami : c'est par là qu'il lui montre une amitié sincère. Cependant, M.F., quelques services que cet ami lui ait pu rendre, il ne fera jamais ce que Dieu a fait pour nous. - Mais, direz-vous, qui sont ceux qui doi-vent, ce semble, porter un amour plus grand et plus ardent à la vue des outrages que Jésus-Christ va rece-voir de la part des mauvais chrétiens ? - Il est vrai que tout le monde doit s'affliger des mépris que l'on fait de lui, et tâcher de le dédommager ; mais il y en a quel-ques-uns parmi les chrétiens qui y sont tenus d'une manière toute particulière, les voici : ce sont ceux qui ont le bonheur d'être de la confrérie du Saint-Sacrement. Je dis : « Qui ont le bonheur. » Ah ! peut-on en trouver un plus grand que d'être choisis pour faire réparation à Jésus-Christ, pour les outrages qu'il reçoit, dans le sacre-ment de son amour ! Mais ne vous y trompez pas, M.F., vous, comme confrères, vous êtes obligés de mener une vie bien plus parfaite que le commun des chrétiens. Vos péchés sont beaucoup plus sensibles à Jésus-Christ. Non, M.F., il ne suffit pas d'avoir un cierge à la main, pour montrer que nous sommes de ceux que Dieu a choisis ; mais il faut que notre vie nous distingue, comme notre cierge nous distingue de ceux qui n'en ont point. Pourquoi, M.F., ces cierges qui brillent ? sinon, parce que votre vie doit être un modèle de vertu, que vous vous faites gloire d'être de véritables enfants de Dieu, et que vous êtes prêts à donner votre vie pour soutenir les intérêts de votre Dieu, à qui vous vous êtes voués pour toute la vie. Oui, M.F., s'empresser à parer les églises et les reposoirs : toutes ces marques exté-rieures sont bien bonnes et louables ; mais ce n'est pas assez. Les Bethsamites, lorsque l'arche du Seigneur passa sur leur terre, montrèrent le plus grand empres-sement et le zèle le plus ardent : dès qu'ils l'aperçurent, tout le peuple sortit en foule pour lui aller au-devant ; tous s'empressèrent de couper du bois pour faire les sacrifices. Cependant cinquante mille furent frappés de mort, parce que leur respect n'avait pas été assez grand . Oh ! M.F., que cet exemple doit nous faire trembler ! Que renfermait cette arche, M.F. ? Hélas ! un peu de manne, les tables de la Loi ; et parce que ceux qui s'en approchent ne sont pas assez pénétrés de sa pré-sence, le Seigneur les frappe de mort. Mais, dites-moi, qui est celui qui, réfléchissant tant soit peu sur la pré-sence de Jésus-Christ, ne serait pas saisi de crainte ? Combien, M.F., qui sont assez malheureux d'assister à la compagnie du Sauveur, avec un cœur tout de péchés. Ah ! malheureux, tu auras beau fléchir les genoux, tandis qu'un Dieu se lève pour bénir son peuple, ses regards perçants ne laisseront pas que de voir les hor-reurs qui se passent dans ton cœur. Mais si notre âme est bien pure, représentons-nous à la suite de Jésus-Christ comme d'un grand roi qui sort de sa ville capitale, pour recevoir les hommages de ses sujets et les combler de bienfaits.
Nous lisons dans l'Évangile que les deux disciples d'Emmaüs marchaient avec le Sauveur sans le connaî-tre ; lorsqu'ils le reconnurent, il disparut. Tout ravis de leur bonheur, ils se disaient l'un à l'autre : » Comment est-ce que nous ne l'avons pas connu ? N'est-il pas vrai que nos cœurs se sentaient tout enflammés d'amour, lorsqu'il nous parlait en nous expliquant la sainte Écri-ture ? » Mille fois plus heureux, M.F., que ces disci-ples, qui marchaient avec Jésus-Christ sans le connaître, pour nous, nous savons que c'est notre Dieu et notre Sauveur qui marche devant nous ; qui va parler au fond de notre cœur, qui va y faire naître un nombre infini de bonnes pensées, de bonnes inspirations. « Mon fils, va-t--il dire, pourquoi ne veux-tu pas m'aimer ? Pourquoi ne pas quitter ce maudit péché qui met un mur de sépa-ration entre nous deux ? Ah ! mon fils, peux-tu bien m'abandonner ! faudra-t-il bien que tu me forces à te condamner à des supplices éternels ! Mon fils, voilà ton pardon, veux-tu te repentir ? » Mais que lui dit le pé-cheur : « Non, non, Seigneur, j'aime mieux vivre sous la tyrannie du démon et être réprouvé que de vous deman-der pardon. »
Mais, me direz-vous, nous ne disons pas cela au bon Dieu. - Et moi, je vous dis que vous le dites continuel-lement, chaque fois que Dieu vous donne la pensée de vous convertir. Ah ! malheureux, viendra un jour que tu demanderas ce que tu refuses aujourd'hui, et qui peut--être ne te sera pas accordé. Il est bien certain, M.F., que si nous avions le bonheur de tant de saints à qui Dieu se faisait voir, comme à une sainte Thérèse, tantôt comme un enfant dans sa crèche, tantôt comme sur la croix, nous aurions sans doute bien plus de respect et d'amour pour lui ; mais nous ne le méritons pas, et nous nous croirions déjà des saints, ce qui nous serait un sujet d'orgueil. Mais, quoique le bon Dieu ne nous accorde pas cette grâce, il n'est pas moins présent, et prêt à nous accorder tout ce que nous demanderons.
Il est rapporté dans l'histoire qu'un prêtre doutant de cette vérité, après avoir prononcé les paroles de la con-sécration : « Comment, se disait-il en lui-même, est-il possible que les paroles d'un homme fassent un si grand miracle ? » Mais Jésus-Christ, pour lui reprocher son peu de foi, fit que la sainte Hostie sua du sang avec tant d'abondance, que l'on fut obligé de le ramasser avec une cuillère . Écoutez ce que nous dit le même auteur : que le feu s'étant mis dans une chapelle, tout le bâtiment brilla et fut détruit, et la sainte Hostie resta suspendue en l'air, sans être appuyée sur rien ; le prê-tre étant venu pour la recevoir dans un vase, de suite elle descendit dedans .
Nous voyons dans l'histoire ecclésiastique que la domestique d'un Juif, par pure complaisance à son maître, lui apporta la sainte Hostie. Après qu'elle l'eut reçue dans la bouche, cette malheureuse la prend, la met dans son mouchoir et la donne à son maître. Ce monstre, ravi de joie d'avoir Jésus-Christ en son pou-voir, comme autrefois ses pères lorsqu'ils le crucifiè-rent sur la croix, se livra à tout ce que la fureur put lui inspirer. Or, il semble que Jésus-Christ voulut lui montrer combien il était sensible aux outrages qu'il lui faisait. Ce malheureux ayant mis la sainte Hostie sur une table, lui donna plusieurs coups de canif ; elle fut toute couverte de sang : ce qui fit frémir sa femme et ses enfants, qui étaient présents à ce spectacle si affreux. Il la reprend, la suspend à un clou et lui donne quantité de coups de fouet et de lance ; le sang sortait avec autant d'abondance que la première fois. Il la reprend, pour la troisième fois, la jette dans une chau-dière d'eau bouillante. Aussitôt l'eau fut changée en sang ; et, dans ce même moment, Jésus-Christ reprend la forme qu'il avait sur l'arbre de la croix. En cet état, il semble que Jésus-Christ voulait essayer s'il pouvait le toucher. Mais ce malheureux, semblable à Judas, regarde son crime comme trop grand, et désespérant de son pardon, il fut condamné à être brûlé vif. Non, M.F., nous ne pouvons entendre ces horreurs sans frémir. Hélas ! que de chrétiens qui le traitent encore plus cruellement !
Mais, me direz-vous, comment est-ce que l'on pourrait se comporter de cette manière ? - Hélas ! mon ami, plaise à Dieu que ce malheur ne vous arrive jamais ! Toutes les fois que vous consentez au péché : une pensée d'orgueil le foule sous les pieds et lui donne la mort ; une pensée d'impureté lui percera le cœur. Hélas ! représentons-nous dans cette procession le Sau-veur comme allant au Calvaire : les uns lui donnaient des coups de pieds, les autres le chargeaient d'injures et de blasphèmes..., quelques saintes âmes seulement le suivaient en pleurant et mêlaient leurs larmes avec son sang précieux dont il arrosait le pavé. Oh ! que de Juifs et de bourreaux vont suivre Jésus-Christ, et qui ne se contenteront pas seulement de le faire mourir une fois, mais sur autant de calvaires que de cœurs ! Ah ! est-il bien possible qu'un Dieu qui nous aime tant soit si méprisé et maltraité !
Oui, M.F., si nous aimions bien le bon Dieu, nous nous ferions une joie et un bonheur de venir, tous les dimanches, passer quelques instants pour l'adorer, pour lui demander la grâce de nous pardonner : nous regarderions ces moments comme les plus beaux de notre vie. Ah ! que les instants passés avec ce Dieu de bonté sont doux et consolants ! Êtes-vous dans le cha-grin ? venez un instant vous jeter à ses pieds et vous vous sentirez tout consolé. Êtes-vous méprisé du monde ? venez ici, et vous trouverez un bon ami qui ne vous manquera jamais de fidélité. Êtes-vous tenté ? oh ! c'est ici que vous allez trouver des armes fortes et ter-ribles pour vaincre votre ennemi. Craignez-vous le jugement formidable qui a fait trembler les plus grands saints ? profitez du temps que votre Dieu est le Dieu de miséricorde, et qu'il est si aisé d'en avoir votre grâce. Êtes-vous opprimé par la pauvreté ? venez ici, vous y trouverez un Dieu infiniment riche et qui vous dira que tous ses biens sont à vous, non dans ce monde, mais dans l'autre : C'est là que je te prépare des biens infi-nis ; va, méprise ces biens périssables, et tu en auras qui ne périront jamais. Voulons-nous commencer à goûter le bonheur des saints ? venons ici et nous en éprouverons les heureux commencements.
Ah ! qu'il fait bon, M.F., jouir des chastes embrasse-ments du Sauveur ! Ah ! vous ne les avez jamais goû-tés ! Si vous aviez eu ce bonheur, vous ne pourriez plus en sortir. Ne soyons plus étonnés de ce que tant de saintes âmes ont passé leur vie dans sa maison et le jour et la nuit ; elles ne pouvaient plus se séparer de sa présence.
Nous lisons dans l'histoire, qu'un saint prêtre trou-vait tant de douceurs et de consolations dans nos églises, qu'il couchait sur le marchepied de l'autel pour avoir le bonheur, en s'éveillant, de se trouver auprès de son Dieu ; et Dieu, pour le récompenser, permit qu'il mourût au pied de l'autel. Voyez saint Louis, qui, dans ses voyages, au lieu de passer la nuit dans un lit, la passait au pied des autels, auprès de la douce pré-sence de son Sauveur. Pourquoi est-ce, M.F., que nous avons tant d'indifférence et de dégoût lorsqu'il faut venir ici ? Hélas ! M.F., c'est que nous n'avons jamais ressenti ces heureux moments.
Que devons-nous conclure de tout cela ? le voici. C'est de regarder comme le moment le plus heureux de notre vie celui où nous pouvons tenir compagnie à un si bon ami. Marchons à sa suite avec un saint tremblement ; comme pécheur, demandons-lui avec larmes et douleur le pardon de nos péchés et nous sommes sûrs de l'ob-tenir... Étant réconciliés, sollicitons le don précieux de la persévérance. Ah ! disons-lui bien que si nous devons encore l'offenser, nous aimons bien mieux mou-rir. Non, M.F., tant que vous n'aimerez pas votre Dieu, vous ne serez jamais contents : tout vous accablera, tout vous ennuiera, et dès que vous l'aimerez, vous passerez une vie heureuse ; vous attendrez la mort !... Ah ! cette heureuse mort, qui nous va réunir à notre Dieu !... Ah ! bonheur ! quand viendras-tu !... Que ce temps est long !,.. Ah ! viens ! tu nous procureras le plus grand de tous les biens, qui est la possession de Dieu même !... Ce que...
2ème dimanche après la Pentecôte
Sur la sainte Messe

In omni loco sacrificatur et offertur nomini meo oblatio munda.
On sacrifie et on offre en tous lieux, en mon nom, une oblation pure.
(Malach., I, 11.)

Il est certain, M.F., que l'homme, comme créature, doit à Dieu l'hommage de tout son être, et comme pécheur, il lui doit une victime d'expiation ; c'est pour-quoi, dans l'ancienne Loi, on offrait à Dieu, tous les jours, ces multitudes de victimes dans le temple. Mais ces victimes ne pouvaient pas satisfaire entièrement à Dieu pour nos péchés ; il en fallait une autre plus sainte et plus pure, qui devait continuer jusqu'à la fin du monde, et qui fût capable de payer ce que nous devons à Dieu. Cette sainte victime c'est Jésus-Christ lui-même, qui est Dieu comme son Père, et homme comme nous. Il s'offre tous les jours sur nos autels, comme autrefois sur le calvaire, et, par cette oblation pure et sans tache, il rend à Dieu tous les honneurs qui lui sont dus, et il s'acquitte, pour l'homme, de tout ce que l'homme doit à son Créateur ; il s'immole chaque jour, afin de reconnaître le souverain domaine que Dieu a sur ses créatures, et l'outrage que le péché a fait à Dieu est pleinement réparé. Jésus-Christ, étant le médiateur entre Dieu et les hommes, nous obtient, par ce sacrifice, toutes les grâces qui nous sont néces-saires : s'étant fait pareillement victime d'actions de grâces, il rend à Dieu pour les hommes toute la recon-naissance qu'ils lui doivent. Mais, pour avoir le bon-heur, M.F., de recevoir tous ces biens, il faut aussi que nous fassions quelque chose de notre côté. Pour mieux vous le faire sentir je vais vous faire com-prendre, du moins autant qu'il me sera possible, 1° la grandeur du bonheur que nous avons d'assister à la sainte Messe ; 2° les dispositions avec lesquelles nous devons y assister ; 3° comment la plupart des chrétiens y assistent.
Je ne veux pas, M.F., entrer dans l'explication de ce que signifient les ornements dont le prêtre est revêtu ; je pense que vous le savez, ou du moins, plu-sieurs. Lorsque le prêtre va à la sacristie pour s'ha-biller, cela nous représente Jésus-Christ qui descend du ciel pour s'incarner dans le sein de la très sainte Vierge, en prenant un corps comme le nôtre, afin de le sacrifier à son Père pour nos péchés. Quand le prê-tre prend l'amict, qui est le linge blanc qu'il se met sur les épaules, c'est pour nous représenter le moment où les Juifs bandèrent les yeux à Jésus-Christ, en lui donnant des coups de poings et lui disant : « Devine qui t'a frappé. » L'aube marque la robe blanche, dont Hérode le fit revêtir par moquerie quand il le renvoya à Pilate. La ceinture représente les cordes dont il fut lié, quand on le prit au jardin des Oliviers, et les fouets dont il fut déchiré. Le manipule, que le prêtre se met au bras gauche, nous représente les cordes dont Jésus-Christ fut attaché à la colonne pour être flagellé ; le manipule se met au bras gauche parce qu'il est plus près du cœur, ce qui nous montre que c'est l'excès de son amour qui lui a fait souffrir cette cruelle flagella-tion pour nos péchés. Pour l'étole, elle nous repré-sente la corde qu'on lui jeta au cou lorsqu'il portait sa croix. La chasuble nous rappelle la robe de pourpre, et sa robe sans couture que l'on jeta au sort.
L'Introït nous représente le désir ardent que les patriarches avaient de la venue du Messie, c'est pour cela qu'on le répète deux fois. Lorsque le prêtre dit le Confiteor, il nous représente Jésus-Christ se chargeant de nos péchés, afin de satisfaire à la justice de Dieu son Père . Le Kyrie eleison, qui veut dire : « Seigneur, ayez pitié de nous, » représente l'état malheureux où nous étions avant la venue de Jésus-Christ. Je ne veux pas aller plus loin. L'Épître signifie la doctrine de l'An-cien Testament ; le Graduel signifie la pénitence que firent les Juifs après la prédication de saint Jean-Bap-tiste ; l'Alleluia nous représente la joie d'une âme qui a obtenu sa grâce ; l'Évangile nous rappelle la doctrine de Jésus-Christ. Les différents signes de croix que l'on fait sur l'hostie et sur le calice nous rappellent toutes les souffrances que Jésus-Christ a endurées pendant le cours de sa Passion. Je pourrai revenir une autre fois là-dessus.


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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 15:03
Sur les Rogations et
les Processions

L'Abstinence et les Quatre-Temps

Surrexit David et abiit, et universus populus... ut adducerent arcam Dei.
David s'en alla, accompagné de tout son peuple pour amener l'arche du Seigneur.
(II Liv. des Rois, VI, 2).

Pouvons-nous, M.F., trouver une cérémonie plus touchante que de voir le saint roi, accompagné de tous les prêtres et des lévites, qui étaient eux-mêmes suivis de tout le peuple, transportant l'arche sainte du taber-nacle de Silo dans le lieu qu'il lui avait préparé à Jérusalem. Les prêtres et les lévites exerçaient autour d'elle les fonctions de leur ministère, et chaque tribu marchait sous son étendard. Nous voyons en cela, c'est--à-dire en ce triomphe du peuple Juif conduisant l'arche, une figure bien naturelle du pieux concours des chré-tiens qui vont en processions d'un endroit à un autre, sous la conduite de leur pasteur, ayant à leur tête la croix et les bannières. Réunis ensemble, ils forment un petit corps d'armée redoutable au démon et puissant auprès de Dieu, pour le remercier de quelques grâces, ou pour lui en demander. Il est donc très nécessaire de vous faire comprendre pourquoi l'on a établi ces proces-sions et comment nous devons y assister. Nous dirons aussi un mot sur l'abstinence, qui est établie à peu près pour les mêmes motifs : c'est-à-dire, pour demander au bon Dieu de conserver les récoltes, de nous fournir les moyens de satisfaire à sa justice pour nos péchés, et, en même temps, nous préserver d'en commettre de nou-veaux. II est donc de votre intérêt de bien écouter cette instruction, qui vous apprendra les moyens de profiter de ces biens que l'Église nous présente.

I. - Je vous dirai d'abord, M.F., que la première et la plus ancienne loi que le bon Dieu ait imposée à l'homme est celle de l'abstinence. Dès qu'Adam eut été créé, et que le bon Dieu l'eut placé dans le paradis terrestre, en lui donnant la puissance sur toutes les créatures, il lui défendit, en même temps, de toucher au fruit d'un cer-tain arbre qu'il lui marqua. Si Adam avait été fidèle à cette loi, nous n'aurions pas eu besoin que l'Église nous imposât de nouvelles abstinences. Mais, par le péché, notre chair s'étant soulevée contre notre esprit, il a fallu nécessairement la dompter par le jeûne et l'abstinence. C'est pour cela que l'Église ordonne à ses enfants, outre les jeûnes de Carême, ceux des Vigiles et des Quatre--Temps, et l'abstinence du vendredi et du samedi. Voilà, M.F., la fin générale que l'Église se propose en ordon-nant l'abstinence et le jeûne en certains jours : c'est d'entretenir dans ses enfants l'esprit de pénitence, que Jésus-Christ n'a cessé de recommander lorsqu'il était sur la terre, et qui est comme l'abrégé de la divine morale. Oui, M.F., c'est en mortifiant nos corps que nous affaiblissons nos passions, que nous pouvons expier nos péchés passés, et que nous trouverons un remède pour nous préserver d'en commettre de nou-veaux. Puisque, M.F., nous avons tant de fautes à expier, il faut donc profiter des moyens si efficaces pour satisfaire à la justice de Dieu. Oui, M.F., nous avons tous des passions à dompter, et c'est précisément en retranchant tout ce qui peut nous flatter dans le goût, que nous pourrons les surmonter. L'Église, qui sait le besoin que nous en avons et notre répugnance à le faire, vient à notre secours, en nous en faisant un comman-dement, afin de déterminer plus efficacement notre volonté à nous y soumettre .
Mais, outre cette loi générale, elle a encore des vues particulières : elle nous ordonne aussi des jeûnes, les veilles de grandes fêtes, pour nous disposer, par la pénitence, à les célébrer avec plus de piété et en retirer plus de fruit. Comme l'Église a consacré le dimanche à la mémoire de la résurrection de Jésus-Christ, de même, elle a consacré le vendredi au souvenir de la mort et passion de Jésus-Christ. N'est-il pas juste que nous con-sacrions ce jour à la pénitence et à la mortification, puisque ce sont nos péchés qui ont attaché Jésus-Christ à la croix ? N'est-il pas juste que nous prenions part à ses souffrances, si nous voulons avoir part à la grâce de la rédemption ? C'est pour cela, M.F., que, dans les premiers siècles de l'Église, tous les vendredis étaient des jours de jeûne. L'on jeûnait aussi le samedi pour honorer la sépulture de Jésus-Christ, et, en même temps, pour se préparer à la sanctification du dimanche. Puisque ces jours, M.F., sont des jours de grâce et de bénédiction, nous devons donc nous y préparer par la mortification, si nous voulons recevoir avec abondance les biens que le bon Dieu veut nous y donner. Aujour-d'hui, M.F., comme vous le voyez, ce jeûne du vendredi et du samedi se réduit seulement à se priver de manger de la viande, et l'Église nous en fait un commandement « Vendredi chair ne mangeras, ni le samedi mêmement. » Oui, M.F., nous devons tous nous soumettre à cette loi, et même les enfants, dès qu'ils le peuvent ; il n'y a que ceux qui véritablement ne le peuvent pas, qui en sont exempts .
Mais, hélas ! dans quel siècle misérable sommes-nous venus ? L'on ne connaît plus parmi les chrétiens s'ils sont des enfants de l'Église : presque tous semblent se faire une joie de violer les lois de l'abstinence. Hélas ! l'on ne se fait plus de scrupule de manger de la viande le samedi ou le vendredi ; la mauvaise compagnie vous fait renoncer à votre religion. Hélas ! que de péchés mortels ! Vous voit-on faire des fiançailles le samedi sans que l'on mange de la viande comme des païens ou des idolâtres ? Hélas ! quel scandale pour les enfants, et quelle source de malédictions pour ceux qui se marient ! - C'est l'habitude. - Hélas ! mon ami : si c'est l'habi-tude de manger de la viande le vendredi, le bon Dieu ne prendra jamais l'habitude de mettre dans le ciel ceux qui méprisent sa loi. La religion se perd donc parmi nous, parce que nous ne faisons plus cas de ses lois. Si Adam, M.F., s'est perdu en mangeant du fruit défendu, de même nous nous perdons en mangeant de la viande les jours défendus. Oh ! triste pensée, de mieux aimer aller brûler dans les enfers pour une éternité, que de se priver de manger de la viande ! - Mais, me direz-vous, c'est la compagnie. - Ah ! la compagnie, M.F. ! vous aussi ! eh ! quoi, la compagnie ! elle ne vous y force pas ; l'on ne vous ouvre pas la bouche pour vous mettre de la viande dedans. - Malheureux, vous aurez bien le temps de vous repentir !... Non, non, M.F., que jamais ce maudit respect humain ne vous fasse faire une action si indigne d'un chrétien et qui montre une si grande ingratitude envers le bon Dieu. Eh ! quoi, mon ami, vous craignez le monde ; mais jetez donc vos regards sur cette croix : voyez donc si votre Dieu a eu honte d'y mourir tout nu, à la vue d'une foule immense de monde ; allez, malheureux, vous êtes ingrats ; le bon Dieu vous attend devant son tribunal, où vous paierez cher votre respect humain. Vous craignez qu'on vous raille ? Oh ! certainement, vous êtes bien tant une belle relique, pour tant craindre que l'on se moque de vous ! Regardez donc votre modèle, M.F. ; a-t-il craint les railleries qu'on lui a faites pendant sa passion ? S'il les avait craintes, ne nous aurait-il pas laissés dans l'escla-vage du démon ? Allez, misérable, allez manger votre viande, vous aurez bien le temps de la regretter pen-dant l'éternité !... Non, M.F., que jamais ce maudit respect humain ne vous fasse trahir si lâchement votre devoir . Mais passons à une deuxième réflexion sur les jeûnes des Quatre-Temps.
Nous lisons dans l'Écriture sainte que les Juifs chas-sés de Jérusalem à cause de leurs infidélités, conduits en captivité à Babylone, éloignés du temple du Sei-gneur, reconnaissant que leurs péchés leur avaient mé-rité tous ces châtiments, voulurent essayer d'apaiser la colère de Dieu, et pour cela, ils se prescrivirent de jeûner le quatrième, le cinquième, le septième et le dixième jour du mois et c'est à cet exemple que l'Église a institué les jeûnes des Quatre-Temps, afin de nous faire expier les péchés que nous ne cessons de commettre chaque jour, et afin d'attirer sur nous par cette pénitence générale, qui est beaucoup plus méri-toire que si nous nous l'imposions à nous-mêmes, pour nous attirer, dis-je, la miséricorde et les bénédictions du Ciel. Vous conviendrez avec moi que les trois jours de jeûne que nous pratiquons chaque saison : c'est-à--dire, tous les trois mois, n'ont guère de proportion avec les péchés que nous avons le malheur de commettre tous les jours. Cependant, l'Église, qui est une bonne mère et qui aime ses enfants, se contente de ce peu, si nous le faisons bien et de bon cœur : c'est-à-dire, du jeûne et des autres bonnes œuvres que nous pourrons faire. Pour mieux nous faire sentir la nécessité où nous sommes de bien accomplir ces saints jeûnes, elle nous en fait un commandement : « Quatre-Temps, Vigiles, jeûneras. » Elle veut, par ces jeûnes des Quatre-Temps, nous faire ressouvenir que, comme il n'y a point de temps où nous n'ayons le malheur d'offenser le bon Dieu, il n'y en a point aussi où nous ne fassions péni-tence, afin d'apaiser la colère du bon Dieu par le sacrifice d'un cœur contrit et humilié. Voilà la pre-mière raison qui a porté l'Église à instituer les Quatre--Temps.
La deuxième raison se rapporte à nos besoins tempo-rels. Vous savez qu'il y a des jeûnes de Quatre-Temps dans le printemps, parce que c'est dans ce moment que le retour du soleil commence à ranimer la nature, et à ouvrir la terre pour la production des fruits. L'Église nous avertit de demander à Dieu qu'il veuille bien donner la fécondité à la terre par ses bénédictions. Dans l'été, comme la récolte est exposée à mille accidents fâcheux, l'intention de l'Église est que nous priions le bon Dieu de les conserver et de nous accorder, par miséricorde, ce qui nous est nécessaire à la vie pendant l'année. Je dis, M.F., par miséricorde : c'est parce que, étant pécheurs comme nous le sommes, nous n'avons aucun droit aux biens même nécessaires à la vie. D'après cela, nous devons donc humblement demander au bon Dieu la nourriture, le vêtement, comme une aumône qu'il peut nous refuser sans injustice, et les recevoir avec beaucoup de reconnaissance, comme un bienfait tout gratuit qu'il répand sur nous par sa pure bonté. C'est pour cela qu'en automne, où l'on est occupé à la récolte, et en hiver, lorsqu'elle est achevée, l'Église veut que nous offrions à Dieu nos jeûnes et nos aumônes comme un sacrifice d'actions de grâces, pour tous les biens qu'il nous a accordés pendant l'année.
La troisième raison pour laquelle l'Église a institué les Quatre-Temps, c'est pour demander au bon Dieu la grâce de faire un bon usage des biens qu'il nous a don-nés, et de ne jamais perdre de vue Celui qui nous les a donnés. Mais, malheureusement, ce n'est pas ce que nous faisons ! Hélas ! M.F., qui de nous pourrait ne pas déplorer l'aveuglement des chrétiens, qui, dans le temps des récoltes, devraient remercier le bon Dieu des biens qu'il nous donne, et qui, bien loin de là, sem-blent redoubler leur fureur envers lui par les péchés qu'ils commettent dans ces mêmes temps qu'ils ramas-sent les biens que le bon Dieu leur a donnés. Nous devons donc conclure, M.F., que si nous sommes en état de jeûner, et que nous ne le fassions pas, nous péchons mortellement, et que, si nous ne pouvons pas jeûner, nous devons toujours le remplacer par quelque bonnes œuvres : soit en nous privant de quelque chose dans nos repas, soit en assistant à la sainte messe, ou bien en faisant quelque prière de plus que les autre jours. Nous devons, pour nous unir à l'Église, nous exciter à la contrition de nos péchés, gémir de ce que nous ne pouvons pas faire pénitence, afin de satisfaire au moins ainsi pour nos péchés à la justice de Dieu.
La quatrième raison qui a porté l'Église à instituer le jeûne, c'est de demander au bon Dieu que les évêques n'ordonnent que de bons prêtres ; puisque c'est par le ministère du prêtre que le bon Dieu nous éclaire, nous conduit, nous distribue ses grâces et nous applique dans les sacrements le prix du sang de Jésus-Christ. Un bon pasteur, un pasteur selon le cœur de Dieu : c'est là le plus grand trésor que le bon Dieu puisse accorder à une paroisse, et un des plus précieux dons de la mi-séricorde divine. Au contraire, un mauvais prêtre est un des plus terribles fléaux de la colère de Dieu ; c'est pour cela que l'Église invite et commande à tout le monde qui sont en état de faire le jeûne, afin d'attirer sur les évêques les lumières nécessaires pour bien connaître ceux que le bon Dieu destine à son service, et pour qu'il répande ses grâces et ses dons sur ceux qui vont être ordonnés. Vous voyez, M.F., combien nous y sommes tous intéressés, puisqu'il semble que notre salut en dépend ; en effet, si vous êtes conduits par un bon prêtre, vous pouvez recevoir toute sorte de béné-dictions, soit par les prières qu'il fera pour vous, soit par les bons conseils qu'il vous donnera,

II. - En deuxième lieu, nous avons dit que nous par-lerions des différentes processions qui se font pendant l'année, qui ont chacune un objet particulier. La pro-cession du Saint-Sacrement a pour objet de célébrer le triomphe que Jésus-Christ a fait remporter à son Église sur ses ennemis qui nient la présence réelle dans le sacrement adorable, et, en même temps, de se faire rendre les hommages qui lui sont dus dans ce sacre-ment d'amour. C'est la plus auguste de toutes les pro-cessions, puisque Jésus-Christ y marche en personne. Oh ! de quel respect et de quel amour ne devrions-nous -pas être pénétrés dans ce moment si heureux, si nous avions le bonheur de le bien comprendre, puisque nous avons le même avantage que ceux qui suivaient le Sau-veur lorsqu'il était sur la terre ! La procession des Ra-meaux se fait pour honorer la marche, l'entrée triom-phante de Jésus-Christ à Jérusalem, cinq jours avant sa mort ; celle de la Purification, pour représenter le voyage que la sainte Vierge fit au Temple, portant Jésus-Christ entre ses bras ; celle de l'Assomption a été instituée pour célébrer le triomphe de la Mère de Dieu élevée au ciel, et pour renouveler la consécration de la France à cette auguste Reine, qui nous a tant donné de preuves de sa protection. Les dimanches, avant la messe de paroisse, on fait une procession pour honorer Jésus--Christ ressuscité, qui alla de Jérusalem en Galilée ; parce que tous les dimanches sont une suite de la résurrection de Jésus-Christ. L'on fait cette procession avant la Messe, pour rappeler le voyage que Jésus-Christ fit en allant au Calvaire ; puisque le saint sacrifice de la Messe n'est autre chose qu'une continuation du sacrifice de la croix. Dites-moi, si vous aviez bien réfléchi que la procession que nous faisons les dimanches avant la sainte Messe était pour honorer le voyage que Jésus-Christ fit en allant au Calvaire, avec quel empressement ne vous y ren-driez-vous pas pour avoir le bonheur de suivre en esprit Jésus-Christ qui va s'immoler une deuxième fois pour nous ? Avec quelle piété, M.F., et avec quel respect, vous y assisteriez ! Ne vous semblerait-il pas voir le sang que ce divin Sauveur a répandu en allant au Cal-vaire ? Hélas ! si nous voyons tant d'indifférence et si peu de respect, c'est que l'on ne connaît pas ce que l'on fait et les mystères que ces différentes cérémonies nous rappellent. Heureux le chrétien qui est instruit et qui entre dans l'esprit de l'Église !
Nous voyons que, dans les temps de calamités publi-ques, les évêques ordonnent des processions extraordi-naires pour apaiser la colère de Dieu, ou pour obtenir de sa miséricorde quelque grâce particulière. Dans ces processions, l'on porte quelquefois les reliques des saints, afin que le bon Dieu, à la vue de ce dépôt pré-cieux, se laisse fléchir en notre faveur. L'Église a fixé quatre jours dans l'année pour faire ces processions de pénitence, qui sont : le jour de Saint-Marc et les trois jours des Rogations. Dans ces processions, l'on porte une croix et des bannières, où est peinte l'image de la sainte Vierge et du patron de la paroisse : c'est pour avertir les fidèles qu'ils doivent toujours marcher à la suite de Jésus-Christ crucifié, et s'efforcer d'imiter les saints que l'Église nous a donnés pour patrons, protec-teurs et modèles. Nous devons regarder toutes les pro-cessions que nous faisons comme une espèce de triom-phe où nous accompagnons Jésus-Christ et les saints ou saintes. Jésus-Christ se plaît à répandre les bénédictions dans tous les lieux où son image ou celle des saints a passé : c'est ce qui s'est vu d'une manière particulière à Rome, lorsque la peste semblait ne vouloir laisser personne. Le Pape voyant que ni les pénitences, ni les autres bonnes œuvres, ne pouvaient faire cesser ce fléau, ordonna une procession générale, où l'on porta l'image de la sainte Vierge peinte par saint Luc. Dès que l'on fut en route, partout où l'image de la sainte Vierge passait, la peste cessait et l'on entendit des anges qui chantaient : « Regina cæli lætare, Alleluia. » Alors la peste cessa entièrement. Cette marche, que nous faisons en suivant la croix, nous rappelle que notre vie ne doit être autre chose qu'une imitation de celle de Jésus-Christ qui s'est donné pour être notre modèle, et en même temps notre guide ; et que, toutes les fois que nous le quittons, nous sommes surs de nous égarer. La croix et les bannières, M.F., que nous voyons à la tête des pro-cessions, sont pour les vrais fidèles un grand sujet de joie, parce que nous faisons un petit corps d'armée qui est formidable au démon et nous donne droit aux grâces de Dieu, puisqu'il n'y a rien de si puissant que les priè-res qui se font, tous réunis ensemble, sous la conduite des pasteurs . Voyez, M.F., ce qui arriva aux Israé-lites sous la conduite de Josué : ils firent pendant sept jours le tour des remparts de la ville de Jéricho avec l'arche, marchant respectueusement avec les ministres sacrés. Les Chananéens s'en moquaient du haut de leurs murailles ; mais ils changèrent bientôt de sentiments . A la fin de cette étrange procession, les fortifications tombèrent au seul son des trompettes, et le Seigneur livra leurs ennemis entre leurs mains avec la même faci-lité que des agneaux sans aucune résistance. Tel est, M.F., la victoire que Jésus-Christ nous fait remporter sur les ennemis de notre salut, lorsque nous avons le bonheur d'assister à ces processions avec beaucoup de religion et de respect.

III. - En troisième lieu, nous disons que les proces-sions doivent nous faire penser que nous ne sommes que de pauvres voyageurs sur la terre, que le ciel est notre véritable patrie, et que nous avons des lumières et des grâces de Jésus-Christ pour y arriver. Il est lui--même le chemin, puisque c'est lui qui nous a montré tout ce que nous devions faire pour y parvenir. L'Église veut nous inspirer par ces processions que nous ne devons point nous attacher à la vie, mais à Jésus-Christ jusqu'à la mort, puisqu'il est notre récompense pour l'éternité. Oui, M.F., voilà les avantages que nous trou-vons dans les processions, si nous avons le bonheur de bien nous pénétrer de ce que nous faisons. Hélas ! quel mépris Jésus-Christ ne reçoit-il pas dans les pro-cessions que nous faisons ? Les uns ne savent plus ce qui les y conduit ; ils y vont comme en riant ; les autres y parlent comme dans une place ordinaire, regardent d'un côté et d'un autre. Hélas ! si j'osais le dire, com-bien promènent leurs regards sur des objets qui ani-ment et enflamment leurs passions et qui, à la fin de la procession, sortent beaucoup plus criminels que dans le moment où ils sont entrés parmi les fidèles ! Mon Dieu, que de grâces méprisées ! que de péchés qui se commet-tent dans un moment si précieux pour obtenir les grâ-ces les plus abondantes ! que de choses pour conten-ter le démon !... Si nous y paraissions avec de bonnes dispositions !... Nous devons donc nous faire un devoir d'assister aux processions autant que nous le pouvons ; si absolument nous ne pouvons pas y assister, il nous faut y suppléer en faisant toutes les prières que font ceux qui ont le bonheur d'y assister et nous efforcer de les accompagner avec les saintes dispositions que l'Église nous commande.
La première disposition, c'est de nous pénétrer de ce que l'Église veut nous représenter dans chaque proces-sion. Ne perdons jamais de vue, M.F., que pour plaire à Dieu et mériter ses grâces, il faut l'adorer en esprit et en vérité, et que nous faisons comme les Juifs quand nous nous contentons de n'y être que de corps. Mais un bon chrétien doit se pénétrer l'esprit de ce que l'Église veut lui représenter dans toutes les cérémonies qu'elle fait. Il faut que nous croyions véritablement que nous sommes en la présence de Dieu, que nous le suivions comme faisaient les premiers chrétiens dans le cours de sa vie mortelle, et que nous ne venions dans ces proces-sions que pour y demander miséricorde, et par consé-quent, être sensiblement affligés d'avoir offensé un Dieu si bon.
La seconde disposition que le bon Dieu veut que nous ayons dans les processions, c'est de marcher avec beaucoup d'ordre : parce qu'il y a assez d'une personne qui va mal, pour donner combien de distractions aux autres. L'ordre consiste à marcher avec modestie sans regarder d'un côté et d'un autre, sans parler, sans rire ; parce que ceci serait un mépris que l'on ferait de la présence de Dieu et des choses saintes.
La troisième disposition est de joindre ses prières à celles que la sainte Église fait pendant la procession ; c'est-à-dire que vous devez vous unir au prêtre en fai-sant toutes les prières qu'on y fait. Si vous ne savez pas lire, eh bien ! vous dites votre chapelet, en unissant vos prières à celles du prêtre et de tous les autres fidèles. Il faut bien prendre garde de ne pas laisser égarer notre esprit par les différents objets que nous voyons devant nous ; mais il faut un peu baisser les yeux pour que le démon n'y ait pas tant d'occasions de nous distraire. Avant que de commencer, il faut bien demander au bon Dieu pardon de nos péchés, afin qu'il arrête sa miséri-corde sur nous. Hélas ! depuis combien d'années assis-tons-nous aux saintes processions, et malgré cela, nous n'en valons pas mieux ! Savez-vous, M.F., d'où nous peut venir ce malheur ? C'est que nous ne nous sommes jamais bien pénétrés de ce que nous faisons, et que toujours nous l'avons fait par habitude, par coutume, et non par un esprit de piété et d'amour. Oui, M.F., un bon chrétien doit toujours assister aux prières et à tous les exercices de la religion avec un nouveau goût, tou-jours avec un nouveau désir d'en profiter mieux qu'il n'a fait. Quelle bonté de la part du bon Dieu que de nous souffrir en sa sainte présence, et de nous permet-tre de faire ce que font les saints dans le ciel ! Que l'homme serait mieux sur la terre s'il avait le bonheur de connaître la sainte religion !
Mais voyons maintenant un mot de ce que c'est que la procession de Saint-Marc et celle des Rogations. Écoutez bien : ceci est assez intéressant. Il faut que vous sachiez qui les a instituées, quand elles ont été instituées, et pourquoi elles ont été instituées.
En l'année 492, les tremblements de terre furent si grands, et les habitants de la ville de Vienne en Dau-phiné furent si épouvantés qu'ils se croyaient à la fin du monde. Ce qui les effraya encore plus, ce fut le feu du ciel qui tomba sur la maison de ville, et la réduisit en cendres avec plusieurs maisons voisines. Les bêtes féroces sortaient des forêts, et venaient attaquer les hommes au milieu des places publiques. Les habitants, tout effrayés, courent dans l'église avec leur évêque, pour se garantir de ces monstres. Saint Mamert, qui était leur évêque, fit faire beaucoup de prières et de pénitences ; et ensuite, pour demander à Dieu la cessa-tion de ces maux, il ordonna, trois jours avant l'Ascen-sion, des processions solennelles et des jeunes pour apaiser la colère de Dieu. Les autres églises de France, et plusieurs autres églises en firent de même, et ensuite ces processions se firent dans tout le monde chrétien. Rien n'était plus édifiant que la manière dont ces pro-cessions se faisaient alors : on y assistait nu-pieds, revêtu de cilice et couvert de cendres ; on observait un jeûne très rigoureux pendant les trois jours ; il était défendu de travailler, afin que l'on eût plus de temps pour la prière, et tout ce temps était employé à deman-der pardon au bon Dieu des péchés, à prier pour la conservation des fruits de la terre et pour les besoins de l'État.
Pour la procession de Saint-Marc, elle a été instituée par le pape saint Grégoire le Grand, en 590, à l'occasion d'une horrible calamité qui ravageait Rome. Les eaux ayant croupi longtemps après une furieuse inondation, elles corrompirent l'air, ce qui causa une peste cruelle qui fit périr une multitude considérable de monde, de tout âge et de tout état. La procession que saint Gré-goire le Grand ordonna se fit avec tant de piété, de ferveur et de larmes que la peste cessa sur-le-champ. L'Église, voyant combien le péché se multipliait sur la terre, voyant que le bon Dieu nous châtiait rigoureuse-ment, ordonna de continuer ces saintes processions, afin de nous porter à la pénitence, d'apaiser la justice de Dieu et de conserver les fruits de la terre, qui sont exposés pendant neuf mois de l'année à mille accidents. On appelle ces processions grandes et petites Litanies, ce qui veut dire : prière et supplication. Les litanies n'étaient au commencement que des cris redoublés qu'on poussait vers le bon Dieu en demandant miséricorde par ces deux mots : Kyrie eleison. On y a ensuite ajouté les noms de la sainte Vierge et des saints, pour les prier de s'intéresser à nous auprès du bon Dieu. L'Église, après avoir invoqué le nom de Dieu, réclame l'intercession des saints, expose dans ces litanies les maux dont elle se sent pressée et les biens dont elle se sent le besoin ; elle conjure la bonté de Dieu, par tous les mystères de Jésus-Christ, et surtout par sa qualité d'Agneau et de Victime de Dieu pour nos péchés, qui est le titre le plus capable d'apaiser la colère de Dieu. Oui, ces litanies, ces processions, la sainte Messe et l'abstinence que l'Église nous prescrit ces jours-là nous montrent parfaitement quelles sont ses vues dans tout cela.
Nous devons donc, M.F., pour nous conformer à son intention, regarder ces jours comme des jours consa-crés à la prière, à la pénitence et aux autres bonnes œuvres ; nous faire un grand scrupule d'y man-quer ; et y paraître avec un extérieur modeste et recueilli, avec un cœur contrit et profondément humi-lié sous la puissante main de Dieu, par la vue de nos péchés et des châtiments qu'ils méritent. Étant animés de ces sentiments, nous devons solliciter avec instance, au nom de Jésus-Christ, la divine Miséricorde pour nous, pour nos frères, pour tous les besoins de l'Église, pour les besoins de l'État, et particulièrement pour la conservation des biens de la terre. Mais, hélas ! des devoirs si nécessaires et fondés sur des motifs si intéressants sont presque entièrement oubliés ; tandis qu'on voit certaines personnes sans cesse aux vogues du monde. Eh quoi ! si l'Église nous prescrit des prières pendant ces quatre jours, nous nous ferions une peine d'y assister, puisque ce n'est que pour apai-ser la colère du bon Dieu et pour détourner les maux que méritent nos péchés ?
Savez-vous, M.F., à quoi l'Église nous invite lors-qu'elle nous appelle aux processions ? Le voici, M.F. C'est de quitter quelques moments le travail de la terre, pour nous occuper de celui de notre salut. Quel bonheur, quelle grâce de nous forcer en quelque sorte de sauver notre âme ! Mon Dieu, quel don ! nous cherchons le ciel dans ces processions. Disons encore que nous fai-sons, dans ce moment, ce que les saints ont fait toute leur vie. Dites-moi, M.F., qu'a fait Jésus-Christ pen-dant sa vie ? Rien autre, sinon que de travailler à nous sauver. Eh bien ! M.F., voilà ce que nous faisons pen-dant les jours de Saint-Marc et des Rogations. Quel bonheur, M.F., de travailler dans ce moment au salut de notre âme ! Hélas ! M.F., que le bon Dieu se contente de peu de chose, si nous comparons ce que nos péchés méritent à ce que les saints ont fait ! Ils ne se sont pas contentés de quelques jours de jeûne et de quelques voyages de dévotion, ni de quelques jours d'abstinence ; mais voyez combien d'années de larmes et de péni-tences pour bien moins de péchés que nous ! Voyez un saint Hilarion, qui pleura pendant quatre-vingts ans dans un bois. Voyez un saint Arsène, qui passa le reste de sa vie entre deux roches. Voyez un saint Clément, qui a enduré un martyre qui a duré trente-deux ans. Voyez encore ces foules de martyrs, qui ont donné leur vie pour assurer leur salut. On en voit un exemple bien frappant dans la personne de sainte Félicité, mère de sept enfants, qui vivait sous l'empereur Antonin. Les prêtres des idoles, voyant comment cette sainte savait faire sortir les gens de l'idolâtrie, dirent à l'empereur : « Nous croyons, Seigneur, devoir vous avertir qu'il y a dans Rome une veuve avec ses sept enfants qui, étant de cette secte impie que l'on nomme chrétienne, font des vœux sacrilèges qui rendront vos dieux implaca-bles. » Sur-le-champ, l'empereur dit au préfet de faire venir cette veuve, de la forcer, par toutes sortes de tourments, à sacrifier à ses dieux ; et à son refus, de la faire mourir. Le préfet l'ayant fait venir, la pria avec bonté de quitter sa religion impie, et de sacrifier aux dieux de l'empire ; sinon l'empereur avait ordonné de la faire mourir. Mais sainte Félicité lui répondit avec une sainte fierté : « N'espérez pas, Publius, que vous me gagnerez par vos prières ni par vos menaces. Vous avez le choix, ou de me laisser vivre, ou de me faire mourir ; mais vous êtes sûr d'être vaincu par une femme. » - « Mais, lui dit le préfet, si tu veux mourir, meurs ; mais au moins ne sois pas la cause que tes enfants périssent. » - « Mes enfants périraient, s'ils savaient sacrifier aux démons qui sont tes dieux ; mais s'ils meurent pour le vrai Dieu, ils vivront éternellement. » Mais le préfet : « Ayez au moins pitié de vos enfants qui sont à la fleur de leur âge. » - « Gardez votre compassion pour d'au-tres, nous n'en voulons point. » Ensuite se tournant contre ses enfants qui étaient présents : « Voyez-vous, mes enfants, ce ciel si beau et si élevé, c'est là que Jésus-Christ vous attend pour vous récompenser ; com-battez généreusement, mes enfants, pour le grand Roi du Ciel et de la terre. » On la fit frapper cruellement au visage. Le préfet fit venir le premier de ses enfants nommé Janvier ; ne pouvant le gagner, il le fit cruellement fouetter, puis conduire en prison. Félix se pré-senta ensuite, et lui répondit : « Non, préfet, vous ne nous ferez pas renoncer à notre Dieu pour sacrifier au démon ; faites-nous endurer tous les tourments que vous voudrez, nous ne les craignons pas. » Publius, les ayant fait passer devant son tribunal sans rien pouvoir gagner, le dernier lui dit : « Ah ! préfet, si tu savais les feux qui te sont préparés pour te brûler pendant toute l'éternité ! Ah ! si tu savais que la justice de Dieu est prête à te frapper ! Profite du temps que notre Dieu te laisse encore pour te repentir. » Rien ne put le gagner, il les fit tous mourir ; mais pendant l'exécution, la mère les engageait à souffrir généreusement pour Jésus-Christ : « Courage, mes enfants ; voyez le ciel où Jésus-Christ vous attend pour vous récompenser. »
Eh bien ! voilà des saints qui n'avaient qu'une âme à sauver, qu'un Dieu à servir comme nous, et voyez ce qu'ils ont fait. Oui, M.F., ils ne se sont pas contentés de quelques prières comme nous les faisons pendant quelques moments où l'Église nous appelle à prier ; mais ils ont courageusement donné leur vie pour sauver leur âme. Finissons, M.F., en disant que nous devons nous faire un grand plaisir, une grande joie d'assister à toutes ces saintes processions qui se font dans le cou-rant de l'année, et tâchons d'y venir avec un désir sin-cère pour demander miséricorde. Faisons que jamais le respect humain, ni la moindre incommodité ne soient capables de nous faire transgresser la loi de l'abstinence et du jeûne. Heureux, M.F., si nous remplissons toutes ces petites pratiques de piété, puisque le bon Dieu veut s'en contenter...
Pour le jour de l'Ascension

Gaudete, et exultate, quoniam merces vestra copiosa est in cælis.
Réjouissez-vous, faites éclater votre joie, parce qu'une grande récompense vous est promise dans le ciel.
(S. Matth., V, 12.)

Telles furent, M.F., les consolantes paroles que Jésus-Christ adressa à ses Apôtres pour les consoler et les animer à souffrir courageusement les croix et les persécutions qui devaient leur arriver. « Oui, mes en-fants, leur dit ce tendre Père, vous allez devenir l'objet de la haine et des mépris des méchants, vous serez la victime de leur fureur, les hommes vous haïront, vous conduiront devant les princes de la terre, pour être jugés et condamnés aux supplices les plus affreux, à la mort la plus cruelle, la plus honteuse ; mais, bien loin de vous décourager, réjouissez-vous parce qu'une grande récompense vous est réservée dans le ciel. » O beau ciel ! qui ne vous aimerait pas, puisque tant de biens sont renfermés dans vous ! N'est-ce pas, en effet, M.F., la pensée de cette récompense qui rendait les Apôtres infatigables dans leurs travaux apostoliques, invincibles contre les persécutions qu'ils eurent à souffrir de la part de leurs ennemis ? N'est-ce pas la pensée de ce beau ciel qui faisait paraître les martyrs devant leurs juges avec un courage qui étonnait les tyrans ? N'est-ce pas la vue d'un tel objet, qui éteignait l'ardeur des flammes destinées à les dévorer, et qui émoussait le tranchant des glaives qui les frappaient ? Oh ! combien ils se trou-vaient heureux de sacrifier leurs biens, leur vie, pour leur Dieu, dans l'espérance qu' « ils passeraient à une meilleure vie qui ne finirait jamais ! O heureux habi-tants de la cité céleste, que de larmes vous avez versées et que de souffrances vous avez endurées pour acquérir la possession de votre Dieu ! Oh ! nous crient-ils du haut de ce trône de gloire où ils sont assis, oh ! comme Dieu nous récompense pour le peu de bien que nous avons fait ! Oui, nous le verrons, ce tendre Père ; oui, nous le bénirons, cet aimable Sauveur ; oui, nous le remercierons, ce charitable Rédempteur, pendant des années sans fin. O heureuse éternité ! s'écrient-ils, que tu vas nous faire éprouver de douceurs et de joies ! Beau ciel, quand te verrons-nous ? O heureux mo-ment, quand viendras-tu ? Sans doute, M.F., que tous, nous désirons et soupirons après de si grands biens ; mais pour vous les faire désirer avec encore plus d'ardeur, je vais vous montrer, autant qu'il me sera possible, le bonheur dont les saints sont enivrés ; en-suite, le chemin qu'il faut prendre pour y aller.

I. - Si je devais, M.F., vous faire le triste et déplo-rable tableau des peines qu'endurent les réprouvés dans les abîmes, je commencerais à vous prouver la certitude de ces peines ; ensuite, j'étalerais devant vos yeux avec un tremblement, ou pour mieux dire, avec une espèce de désespoir, la grandeur et la durée des maux qu'ils souffrent et qu'ils souffriront éternellement. A ce récit lamentable, vous vous sentiriez saisis d'horreur, et pour vous le faire encore mieux comprendre, je vous montre-rais quelles sont les causes qui peuvent si vivement dévorer leurs âmes de désespoir et d'horreur. Il y en a quatre, vous dirais-je, qui sont : la privation de la vue de Dieu, la douleur qu'ils ressentent, la certitude qu'ils ont qu'elle ne finira jamais, et les moyens qu'ils avaient eus, par lesquels ils pouvaient si facilement s'en exemp-ter : ce qui sera comme autant de bourreaux qui les dévoreront pendant une éternité entière. En effet, quand un damné demanderait pendant mille éternités, s'il était possible d'en avoir mille, avec les cris les plus déchi-rants et les plus attendrissants, le bonheur de voir Dieu une seule minute, il est certain que jamais cela ne lui sera accordé. En deuxième lieu, je dis qu'à chaque ins-tant, lui seul souffre plus que jamais n'ont souffert tous les martyrs ensemble, ou, pour mieux dire, il endure, à chaque minute de l'éternité, toutes les souffrances qu'il doit souffrir pendant l'éternité. La troisième cause de leurs supplices c'est que, malgré la rigueur de leurs peines, ils sont assurés qu'elles ne finiront jamais. Mais ce qui achèvera de mettre le comble à leurs tourments, à leur désespoir, c'est qu'ils verront tant de moyens si faciles, non seulement pour éviter toutes ces horreurs, mais encore pour être heureux pendant toute l'éternité ; ils verront sans cesse toutes les grâces que Dieu leur a offertes pour se sauver, ce qui sera autant de bourreaux qui les dévoreront. Du fond des flammes, ils verront les bienheureux assis sur des trônes de gloire, saisis d'un amour ardent et si tendre qu'ils seront dans une ivresse continuelle ; pour eux, la pensée des grâces que Dieu leur a faites, le souvenir du mépris qu'ils en ont fait, leur feront pousser des hurlements de rage et de désespoir si affreux que l'univers entier, si Dieu permettait qu'ils fussent entendus, en perdrait la vie et tomberait dans le néant. De là s'ensuivront les blasphèmes les plus horribles, qu'ils vomiront les uns contre les autres. Un enfant criera qu'il n'est perdu que parce que ses parents l'ont bien voulu ; il invoquera la colère de Dieu, et lui demandera, avec les plus horribles cris, de lui accorder d'être le bourreau de son père. Une fille arrachera les yeux à sa mère qui, au lieu de la conduire au ciel, l'a poussée, traînée en enfer par ses mauvais exem-ples, par des paroles qui ne respiraient que la monda-nité, le libertinage. Ces enfants vomiront des blasphè-mes horribles contre Dieu de n'avoir pas assez de puis-sance et de fureur pour faire souffrir leurs parents ; ils courront dans les abîmes comme des désespérés qu'ils seront, pour arracher et traîner les démons, pour les jeter sur leurs pères et mères ; afin de faire sentir que jamais ils ne seront assez tourmentés pour les avoir perdus, tandis qu'ils pouvaient si bien les sauver. O éternité malheureuse ! ô malheureux pères et mères, que les tourments qui vous sont réservés sont affreux ! Encore un instant, et vous les éprouverez, encore un instant et vous brûlerez dans les flammes !...
Mais non, M.F., n'allons pas plus loin ; ce n'est pas le moment de nous entretenir d'un objet aussi triste et aussi malheureux ; ne troublons pas la joie que nous avons ressentie en... aux approches d'un jour consacré à publier le bonheur dont jouissent les élus dans la cité céleste et permanente. Je vous ai dit, M.F., que quatre choses accableront de maux les réprouvés dans les flammes ; de même, par rapport aux bienheureux, je vous dirai que quatre choses s'unissent ensemble pour ne rien laisser à désirer. Ces choses sont : 1° la vue et la présence du Fils de Dieu, qui se manifestera dans tout l'éclat de sa gloire, de sa beauté et de toutes ses amabilités ; c'est-à-dire, tel qu'il est dans le sein de son Père ; 2° c'est ce torrent de douceur et de chastes plaisirs qu'ils ressentiront, qui sera semblable au débordement d'une mer agitée par les fureurs d'une horrible tempête ; elle transporte dans ses flots, et les plonge dans une ivresse si ravissante qu'ils en ou-blient qu'ils existent. La troisième cause de leur bon-heur, au milieu de toutes ces délices, c'est l'assurance où ils seront qu'elles ne finiront jamais ; et enfin, ce qui achèvera de les noyer dans ces torrents d'amour, c'est que tous ces biens leur sont donnés pour récom-pense des vertus et des pénitences qu'ils auront faites. Ces saintes âmes verront que c'est à leurs bonnes œuvres qu'elles sont redevables des chastes embrasse-ments de leur époux.
Je dis d'abord que le premier transport d'amour qui s'emparera de leur cœur, c'est à la vue des beautés qu'elles découvriront aux approches de la présence de Dieu. Dans ce monde, si beau et si flatteur que soit un objet qui se présente à nous, après un instant de plai-sir, notre esprit se lasse et se tourne d'un autre côté, s'il y trouve de quoi se satisfaire ; il va d'une chose à l'autre sans pouvoir trouver de quoi se contenter ; mais, dans, le ciel, il n'en est pas de même ; il faut, au con-traire, que Dieu nous rende participants de ses forces, pour pouvoir soutenir l'éclat de ses beautés et des choses tendres et ravissantes qui s'offrent continuelle-ment à nos yeux ; ce qui jette les âmes des élus dans un tel abîme de douceur et d'amour, qu'elles ne peu-vent pas distinguer si elles vivent, ou si elles se chan-gent en amour. O heureuse demeure ! O bonheur per-manent ! qui de nous te goûtera un jour ?
En deuxième lieu, je dis que quelque grandes et ravissantes que soient ces douceurs, nous entendrons continuellement les anges qui chanteront qu'elles dure-ront toujours. Je vous laisse à penser ce que les bien-heureux ressentent de tout cela.
En troisième lieu, dans ce monde, si nous goûtons quelques plaisirs, nous ne tardons pas à ressentir quel-ques peines qui en diminuent les douceurs, soit par la crainte que nous avons de les perdre, soit aussi par les soins qu'il faut prendre pour les conserver : ce qui fait que nous ne sommes jamais parfaitement contents. Dans le ciel, ce n'est pas de même ; nous sommes dans la joie et les délices, et assurés que jamais rien ne pourra nous les ravir ni les diminuer.
En quatrième lieu, je dis que le dernier trait d'amour dont notre cœur sera percé, c'est le tableau que Dieu mettra devant nos yeux de toutes les larmes que nous aurons versées et de toutes les pénitences que nous aurons faites pendant notre vie, sans même laisser échapper une bonne pensée, un bon désir. Oh ! quelle joie pour un bon chrétien, qui verra le mépris qu'il a eu pour lui-même, les duretés qu'il aura exercées sur son corps, le plaisir qu'il éprouvait en se voyant mé-prisé ! Il verra sa fidélité à rejeter toutes ces mauvaises pensées dont le démon avait tâché de salir son imagina-tion ; il se rappellera ses préparations pour ses confes-sions, son empressement à nourrir son âme à la table sainte ; il aura devant les yeux chaque fois qu'il s'est dépouillé pour couvrir son frère pauvre et souffrant. « O mon Dieu ! O mon Dieu ! s'écriera-t-il à chaque ins-tant, que de biens pour si peu de chose ! » Mais Dieu, pour enflammer les élus d'amour et de reconnaissance, placera sa croix sanglante au milieu de sa cour, et leur fera la description de toutes les souffrances qu'il a endurées pour les rendre heureux, guidé qu'il était par son seul amour. Je laisse à penser quels seront leurs transports d'amour et de reconnaissance ; quels chastes embrassements ne vont-ils pas lui prodiguer pendant l'éternité, en se rappelant que cette croix est l'instru-ment dont Dieu s'est servi pour leur donner tant de biens !
Les saints Pères, en nous faisant la description des peines qu'endurent les réprouvés, nous disent que cha-cun de leurs sens est tourmenté, selon les crimes qu'ils ont commis et les plaisirs qu'ils ont goûtés : une per-sonne qui aura eu le malheur de s'être livrée au vice impur sera couverte de serpents et de dragons qui la dévoreront pendant l'éternité ; ses yeux qui auront eu des regards déshonnêtes, ses oreilles qui auront pris plaisir aux chansons et discours impudiques, sa bouche qui aura vomi ces impudicités, seront autant de canaux par où sortiront des tourbillons de flammes qui les dévoreront ; leurs yeux ne verront que les objets les plus horribles. Un avare y ressentira une faim à se dévo-rer lui-même ; un orgueilleux sera foulé sous les pieds des autres damnés, un vindicatif sera traîné par les démons dans les flammes. Non, M.F., il n'y aura aucune partie de notre corps qui ne souffrira à proportion des crimes qu'elle aura commis. O horreur ! O malheur épouvantable !...
D'après cela, je dis que, par rapport au bonheur des bienheureux dans le ciel, il en sera de même : leur bon-heur, leurs plaisirs et leurs joies seront grands à pro-portion de ce qu'ils auront fait souffrir leur corps pen-dant leur vie. Si nous avons eu horreur des chansons et des discours infâmes, nous n'entendrons, dans le ciel, que des cantiques tendres et ravissants, dont les anges feront retentir la voûte des cieux ; si nous avons été chastes dans nos regards, nos yeux ne seront occupés qu'à contempler des objets dont la beauté les tiendra dans un ravissement continuel sans pouvoir s'en lasser : c'est-à-dire que toujours nous découvrirons de nouvelles beautés semblables à une source d'amour qui coule sans cesse. Notre cœur qui aura gémi, pleuré pendant son exil, ressentira une telle ivresse de douceur qu'il ne sera plus à lui-même. Le Saint-Esprit nous dit que les personnes chastes seront semblables à une personne couchée sur un lit de roses, dont les odeurs la tiennent dans une extase continuelle. Pour mieux dire, ce ne sont que des plaisirs chastes et purs dont les saints seront nourris et enivrés pendant l'éternité.
Mais, pensez-vous en vous-même, quand nous serons dans le ciel, nous serons bien tous heureux de même. - Oui, mon ami, mais il y a quelque chose à distinguer. Si les damnés sont malheureux, et souffrent selon les crimes qu'ils ont commis ; de même, il ne faut pas douter que plus les saints ont fait de pénitences, plus leur gloire est brillante ; et voici comment cela se fera. Il est nécessaire, ou plutôt il faut que Dieu nous donne des forces proportionnées à l'état de gloire dont il veut nous environner, de sorte qu'il nous donnera des forces à proportion des douceurs qu'il veut nous faire éprouver. A ceux qui ont fait de grandes pénitences sans avoir commis de péchés, il donnera des forces suffisantes pour soutenir les grâces qu'il leur communiquera pendant toute l'éternité. Il est très véritable que nous serons tous très heureux et tous contents, parce que nous trouve-rons des délices autant qu'il nous en faudra pour ne rien nous laisser à désirer. « O mon Dieu ! mon Dieu ! s'écrie saint François de Sales, dans une furieuse tentation qu'il éprouve, vos jugements sont épouvantables ; mais si j'étais assez malheureux que de ne pas vous aimer dans l'éternité, ah ! du moins, accordez-moi la grâce de vous aimer autant que je pourrai en ce monde. » Ah ! si du moins, pauvres pécheurs qui ne voulez pas revenir à votre Dieu, si du moins, vous aviez les mêmes désirs que ce grand saint, que vous aimassiez le bon Dieu autant que vous le pouvez en cette vie ! O mon Dieu ! combien de chrétiens qui m'écoutent ne vous verront jamais ! O beau ciel ! ô belle demeure ! quand te verrons-nous ? O mon Dieu ! jusques à quand nous laisserez-vous lan-guir dans cette terre étrangère ? dans ce bannissement ?... Ah ! si vous voyiez celui que mon cœur aime ! ah ! dites--lui que je languis d'amour, que je ne vis plus, mais que je meurs à toute heure !...Oh ! qui me donnera des ailes comme à la colombe pour quitter cet exil et voler dans le sein de mon bien-aimé !... O cité heureuse ! d'où sont bannies toutes les peines et où l'on nage dans un déli-cieux torrent d'amour éternel !...

II. - Eh bien ! mon ami, vous en fâcherait-il d'être de ce nombre, tandis que les damnés brûleront, et pousse-ront des cris horribles sans jamais espérer de fin ? - Oh ! me direz-vous, non seulement il ne m'en fâcherait pas ; mais je voudrais déjà y être. - Je pensais bien que vous m'alliez dire cela ; mais il y a plus qu'à le désirer, il faut travailler pour le mériter. - Eh bien ! que faut-il donc faire ? - Vous ne le savez donc pas, mon ami ; eh bien ! le voici : écoutez-le bien et vous le saurez. Il faudrait ne pas tant vous attacher aux biens de ce monde, avoir un peu plus de charité pour votre femme, vos enfants, vos domestiques et vos voisins ; avoir un cœur un peu plus tendre pour les malheu-reux ; au lieu de ne penser qu'à ramasser de l'argent, à acheter des terres, il faudrait penser à vous acheter une place dans le ciel ; au lieu de travailler le diman-che, il faudrait le bien sanctifier en venant dans la maison de Dieu pour y pleurer vos péchés, lui demander de ne plus y retomber et de vous pardonner ; bien loin de ne pas donner le temps à vos enfants et à vos domestiques de remplir leurs devoirs de religion, vous devriez être les premiers à les y porter par vos paroles et vos bons exemples ; au lieu de vous emporter à la moindre perte ou contradiction qui vous arrive, vous devriez considérer qu'étant pécheur, vous en méritez bien plus, et que Dieu ne se conduit envers vous que de la manière la plus sûre pour vous rendre heureux un jour. Voilà, mon ami, ce qu'il faudrait faire pour aller au ciel, et vous ne le faites pas.
Non, me direz-vous. - Et qu'allez-vous devenir, mon frère, puisque vous tenez le chemin qui conduit dans un lieu où l'on souffre des maux si affreux ? Prenez garde, si vous ne quittez pas cette route, vous ne tar-derez pas d'y tomber ; faites là-dessus vos réflexions, et ensuite vous me direz ce que vous aurez trouvé, et moi je vous dirai ce qu'il faudra faire. N'est-ce pas, mon ami, que vous portez envie à ces heureux habi-tants de la cour céleste ? - Ah ! je voudrais y être déjà ; au moins je serais délivré de toutes les misères de ce monde. - Et moi aussi, je voudrais ; mais c'est qu'il y a autre chose à faire et à penser. - Que faut-il donc faire ? Je le ferai. - Vos pensées sont très bonnes eh bien ! écoutez un instant et je vais vous le montrer. Ne dormez pas, s'il vous plaît. Il faudrait, ma sœur, être un peu plus soumise à votre mari, ne pas vous laisser monter le sang à la tête pour un rien ; il fau-drait un peu plus le prévenir, et lorsque vous le voyez revenir dans le vin, ou bien ayant fait quelque mau-vais marché, il ne faudrait pas vous déchaîner contre lui jusqu'à ce que vous l'ayez fait mettre dans une fureur à ne plus se posséder. De là viennent les blasphèmes et les malédictions sans nombre contre vous, et qui scandalisent vos enfants et vos domesti-ques ; bien loin d'aller courir les maisons pour rappor-ter ce que vous dit ou fait votre mari, vous devriez employer ce temps-là en prières pour demander au bon Dieu de vous donner la patience et la soumission que vous devez à votre mari ; demander que Dieu lui touche le cœur pour le changer. Je sais bien ce qu'il faudrait encore faire pour aller au ciel : ma mère, écoutez-le bien et cela ne vous sera pas inutile. Ce serait de donner un peu plus de temps à instruire vos enfants et vos domestiques, à leur apprendre ce qu'ils doivent faire pour aller au ciel ; ce serait de ne leur acheter pas tout à fait de si beaux habits, pour avoir de quoi faire l'aumône, et attirer les bénédictions de Dieu, et peut-être même vous donner de quoi payer vos dettes ; il faudrait laisser les vanités de côté, et que sais-je encore ? Il faudrait qu'il n'y ait dans votre conduite que de bons exemples, cette exactitude à faire vos prières le matin et le soir, à vous préparer à la sainte communion, à approcher des sacrements ; il faudrait ce détachement des biens du monde, un langage qui montre le mépris que vous faites de toutes les choses d'ici-bas et l'estime que vous faites des choses de l'autre vie. Voilà quels devraient être vos occupations et tous vos soins ; si vous vous comportez autrement, vous êtes perdus ; pen-sez-y bien aujourd'hui, peut-être que demain il ne sera plus temps ; faites votre examen là-dessus, et ensuite, jugez-vous vous-même ; pleurez vos fautes, et tâchez de mieux faire, sinon vous ne serez jamais au ciel.

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 15:01
Visitation, Domenico Ghirlandaio

Nous lisons dans la vie de saint Athanase, qu'une dame, désirant de travailler à gagner le ciel, alla trouver l'évêque et lui demanda un des pauvres que l'on nourrissait d'aumônes, pour en avoir soin chez elle ; parce que, disait-elle, je voudrais que ma patience soit un peu exercée. Le saint évêque lui envoya une femme qui était extrêmement humble, et ne pouvait souffrir d'être servie par cette dame. Chaque fois qu'elle lui rendait quelque service, elle lui faisait mille remerciements. Non contente de tous ces remerciements, la dame toute triste, va trouver l'évêque, lui disant « Monseigneur,, vous ne m'avez pas bien servie comme je le désirais ; vous m'avez donné une personne qui me couvre de confusion par son humilité. Au moindre service que je lui rends, elle s'abaisse jusqu'à terre ; donnez-m'en une autre. » L'évêque, voyant son courage à souffrir, lui en donna une qui était d'un caractère orgueil-leux, colère, méprisant. Chaque fois que cette dame la servait, elle l'accablait d'injures, en lui disant qu'elle l'avait demandée, non pour en avoir soin, mais pour la faire souffrir. Elle alla même jusqu'à la frapper ; et que fit-elle, M.F. ? Le voici : plus elle méprisait la dame, plus celle-ci la servait avec empressement et sans cesser malgré tant de peines. De là que s'ensuivit--il ? sinon que, touchée de tant de charité, cette femme se convertit et mourut comme une sainte. Oh ! M.F., que d'âmes, au jour du jugement, nous reprocheront que si nous n'avions opposé que bonté et charité à leurs injures, elles seraient dans le ciel, tandis qu'elles brûleront pen-dant une éternité !
Si nous avons dit, M.F., en commençant, que les croix, ainsi que toutes les misères de la vie, nous étaient données de Dieu pour satisfaire à sa justice pour nos péchés, nous pouvons dire aussi qu'elles sont un préser-vatif contre le péché. Pourquoi est-ce que Dieu a permis que l'on vous fît tort, qu'un autre vous trompât ? En voici la raison. C'est que Dieu, qui voit l'avenir, a prévu que votre cœur s'attacherait trop aux choses de la terre et que vous perdriez de vue le ciel. Il permet que l'on noircisse votre réputation, que l'on vous décrie : pour-quoi cela, M.F. ? sinon parce que vous êtes trop orgueil-leux, trop jaloux de votre réputation ; c'est pour cela qu'il a permis que vous fussiez humiliés, sans quoi vous vous seriez damnés. Je dis donc, M.F., en finis-sant, qu'il n'y a rien de si malheureux dans les croix, qu'un homme sans religion. Tantôt il s'accuse lui-même en disant : Si j'avais pris ces mesures, ce malheur ne me serait pas arrivé. Tantôt il accuse les autres : C'est cette personne qui est cause de mes maux ; je ne lui pardonnerai jamais. Il se souhaite la mort, il la lui souhaite. Il maudit le jour de sa naissance ; il fera mille bassesses qu'il se croira permises pour se tirer d'em-barras ; mais non, sa croix, ou plutôt son enfer, le suivra.
Telle est la fin malheureuse de celui qui souffre sans se tourner du côté de Dieu, qui seul peut le consoler et le soulager. Mais regardez une personne qui aime Dieu, qui désire de l'aller voir dans le ciel : O mon Dieu, dit--elle, que mes souffrances sont peu de chose en compa-raison de ce que mes péchés méritent de souffrir dans l'autre vie ! Vous me faites souffrir un petit moment dans ce monde pour me rendre heureux pendant toute l'éternité. Que vous êtes bon, mon Dieu ! faites-moi souffrir, que je sois un objet de mépris et d'horreur aux yeux du monde ; pourvu que j'aie le bonheur de vous plaire, je ne veux rien autre. Concluons de cela que celui qui aime Dieu est heureux même au milieu de toutes les tempêtes de ce monde. Mon Dieu, faites que nous souffrions toujours, afin qu'après vous avoir imité ici-bas, nous allions régner avec vous dans le ciel !
5ème dimanche après Pâques
Sur la Prière

Amen, amen dico vobis : si quid petieritis Patrem in nomine meo, dabit vobis.
En vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous l'accordera.
(Saint Jean, XVI, 23.)

Non, M.F., rien de plus consolant pour nous que les promesses que Jésus-Christ nous fait dans l'Évangile, en nous disant que tout ce que nous demanderons à son Père en son nom, il nous l'accordera. Non content de cela, M.F., non seulement il nous permet de lui demander ce que nous désirons ; mais il va jusqu'à nous le com-mander, il nous en prie. Il disait à ses Apôtres : « Voilà bien trois ans que je suis avec vous et vous ne me demandez rien. Demandez-moi donc, afin que votre joie soit pleine et parfaite. » Ce qui nous montre que la prière est la source de tous les biens et de tout le bonheur que nous pouvons espérer sur la terre. D'après cela, M.F., si nous sommes si pauvres, si dénués de lumières et des biens de la grâce ; c'est que nous ne prions pas ou que nous prions mal. Hélas ! M.F., disons--le en gémissant : une grande partie ne savent pas même ce que c'est que de prier, et d'autres n'ont qu'une grande répugnance pour un exercice qui est si doux et si consolant pour un bon chrétien. Parfois, nous en voyons quelques-uns qui prient, mais qui n'obtiennent rien, cela vient de ce qu'ils prient mal : c'est-à-dire, sans préparation, et sans savoir même ce qu'ils vont demander au bon Dieu. Mais pour mieux vous faire sentir la grandeur du bien que la prière nous attire, M.F., je vous dirai que tous les maux qui nous acca-blent sur la terre ne viennent que de ce que nous ne prions pas, ou que nous prions mal ; et, si vous voulez en savoir la raison, la voici. C'est que si nous avions le bonheur de prier le bon Dieu comme il faut, il nous serait impossible de tomber dans le péché ; et si nous étions exempts de péché, nous nous retrouverions pour ainsi dire comme Adam avant sa chute. Pour vous engager, M.F., à prier souvent et à prier comme il faut, je vais vous montrer 1° que sans la prière, il nous est impossible de nous sauver ; 2° que la prière est toute puissante auprès de Dieu ; 3° quelles sont les qualités que doit avoir une prière pour être agréable à Dieu et méritoire pour celui qui la fait.

I. - Pour vous montrer, M.F., le pouvoir de la prière et les grâces qu'elle vous attire du ciel, je vous dirai que ce n'est que par la prière que tous les justes ont eu le bonheur de persévérer. La prière est à notre âme ce que la pluie est à la terre. Fumez une terre, tant que vous voudrez ; si la pluie manque, tout ce que vous ferez ne servira de rien. De même, faites des bonnes œuvres tant que vous voudrez ; si vous ne priez pas souvent et comme il faut, jamais vous ne serez sauvés ; parce que la prière ouvre les yeux de notre âme, lui fait sentir la grandeur de sa misère, la nécessité d'avoir recours à Dieu, elle lui fait redouter sa faiblesse. Le chrétien compte pour tout sur Dieu seul, et rien sur lui--même. Oui, M.F., c'est par la prière que tous les justes ont persévéré. En effet, qui a porté tous ces saints à faire de si grands sacrifices que d'abandonner tous leurs biens, leurs parents et toutes leurs commodités, pour aller passer le reste de leur vie dans les forêts, afin d'y pleurer leurs péchés ? C'est, M.F., la prière, qui enflam-mait leur cœur de la pensée de Dieu, du désir de lui plaire, et de ne vivre uniquement que pour lui. Voyez Magdeleine, quelle est son occupation après sa conver-sion ? N'est-ce pas la prière ? Voyez saint Pierre ; voyez encore saint Louis, roi de France, qui, dans ses voyages, au lieu de passer la nuit dans son lit, la passait dans une église, pour y prier, en demandant au bon Dieu le don précieux de persévérer dans sa grâce. Mais sans aller si loin, M.F., ne voyons-nous pas nous-mêmes que dès que nous négligeons nos prières, nous perdons de suite le goût des choses du ciel : nous ne pensons plus qu'à la terre ; et si nous reprenons la prière, nous sentons renaître en nous la pensée et le désir des choses du ciel. Oui, M.F., si nous avons le bonheur d'être dans la grâce de Dieu, ou nous aurons recours à la prière, ou nous sommes sûrs de ne pas persévérer longtemps dans le chemin du ciel.
En second lieu, nous disons, M.F., que tous les pé-cheurs ne doivent, sans un miracle extraordinaire, qui arrive très rarement, leur conversion qu'à la prière. Voyez sainte Monique, ce qu'elle fait pour demander la conversion de son fils : tantôt elle est au pied de son crucifix, qui prie et qui pleure ; tantôt, auprès des per-sonnes qui sont sages, pour demander le secours de leurs prières. Voyez saint Augustin lui-même, lorsqu'il voulut sérieusement se convertir ; voyez-le dans un jardin, livré à la prière et aux larmes, afin de toucher le cœur de Dieu et de changer le sien. Oui, M.F., comme que nous soyons pécheurs, si nous avions recours à la prière, et si nous priions comme il faut, nous serions sûrs que le bon Dieu nous pardonnerait. Ah ! M.F., ne soyons pas étonnés de ce que le démon fait tout ce qu'il peut pour nous faire manquer nos prières, et nous les faire faire mal ; c'est qu'il comprend bien mieux que nous combien la prière est redoutable à l'enfer, et qu'il est impossible que le bon Dieu puisse nous refuser ce que nous lui demandons par la prière. Oh ! que de pécheurs sortiraient du péché, s'ils avaient le bonheur d'avoir recours à la prière !
En troisième lieu, je dis que tous les damnés se sont damnés parce qu'ils n'ont pas prié, ou ont prié mal. De là je conclus, M.F., que sans la prière, nous ne pou-vons que nous perdre pour l'éternité, et qu'avec la prière bien faite, nous sommes sûrs de nous sauver. Oui, M.F., tous les saints étaient tellement convaincus que la prière leur était absolument nécessaire pour se sauver, qu'ils ne se contentaient pas de passer les jours à prier, mais encore les nuits entières. Pourquoi est-ce, M.F., que nous avons tant de répugnance pour un exercice si doux et si consolant ? Hélas ! M.F., c'est que, le faisant mal, nous n'avons jamais senti les dou-ceurs que les saints y éprouvaient. Voyez saint Hila-rion, qui pria pendant cent ans sans discontinuer, et ces cent ans de prières furent si courts que sa vie lui sembla passer comme un éclair. En effet, M.F., une prière bien faite est une huile embaumée qui se répand dans toute notre âme, qui semble déjà lui faire sentir le bonheur dont jouissent les bienheureux dans le ciel. Cela est si vrai, que nous lisons dans la vie de saint François d'Assise que, souvent, quand il priait, il tom-bait dans le ravissement, au point qu'il ne pouvait distinguer s'il était sur la terre ou dans le ciel parmi les bienheureux. C'est qu'il était embrasé par le feu divin que la prière allumait dans son cœur, et qui lui com-muniquait une chaleur sensible. Un jour qu'il était à l'église, il se sentit un amour si violent qu'il se mit à crier à haute voix : « Mon Dieu, je ne peux plus y tenir. » - Mais, pensez-vous en vous-mêmes, cela est bien bon pour ceux qui savent bien prier et dire de belles prières. - M.F., ce ne sont ni les longues, ni les belles prières que le bon Dieu regarde ; mais celles qui se font du fond du cœur, avec un grand respect et un véritable désir de plaire à Dieu. En voici un bel exemple. Il est rapporté dans la vie de saint Bonaven-ture, qui était un grand docteur de l'Église, qu'un reli-gieux très simple lui dit : « Mon père, moi qui suis peu instruit, pensez-vous que je puisse prier le bon Dieu, et l'aimer ? » Saint Bonaventure lui dit : « Ah ! mon ami, c'est principalement ceux-là que le bon Dieu chérit le plus, et qui lui sont le plus agréables. » Ce bon religieux, tout étonné d'une si bonne nouvelle, va se mettre à la porte du monastère, disant à tous ceux qu'il voyait passer : « Venez, mes amis, j'ai une bonne nouvelle à vous donner ; le docteur Bonaventure m'a dit que nous autres, quoique ignorants, nous pouvions autant aimer le bon Dieu que les savants. Quel bonheur pour nous de pouvoir aimer le bon Dieu et lui plaire, sans rien savoir ! » D'après cela, M.F., je vous dirai que rien n'est plus facile que de prier le bon Dieu, et qu'il n'est rien de plus consolant.
Nous disons que la prière est une élévation de notre cœur vers Dieu. Disons mieux, M.F., c'est un doux entretien d'un enfant avec son père, d'un sujet avec son roi, d'un serviteur avec son maître, d'un ami avec son ami, dans le sein duquel il dépose ses chagrins et ses peines. Pour mieux encore vous exprimer ce bonheur, c'est une vile créature que le bon Dieu reçoit entre ses bras pour lui prodiguer toutes sortes de bénédictions. Que vous dirai-je encore, M.F. ? C'est la réunion de tout ce qu'il y a de plus vil, avec tout ce qu'il y a de plus grand, de plus puissant, de plus parfait en toutes sortes de manières. Dites-moi, M.F., nous en faut-il davantage, pour nous faire sentir le bonheur de la prière et la nécessité de la prière ? D'après cela, M.F., vous voyez que la prière nous est absolument néces-saire si nous voulons plaire à Dieu et nous sauver.
D'un autre côté, nous ne pouvons trouver notre bon-heur sur la terre qu'en aimant Dieu ; et nous ne pou-vons l'aimer qu'en le priant. Nous voyons que Jésus--Christ, pour nous encourager à avoir souvent recours à lui par la prière, nous promet de ne jamais rien nous refuser si nous le prions comme il faut. Mais, sans aller chercher de grands détours pour vous montrer que nous devons souvent prier, vous n'avez qu'à ouvrir votre catéchisme, et vous y verrez que le devoir d'un bon chrétien est de prier le matin et le soir et souvent pen-dant le jour : c'est-à-dire, toujours.
Je dis que, le matin, un chrétien qui désire de sau-ver son âme doit, dès l'instant qu'il s'éveille, faire le signe de la croix, donner son cœur à Dieu, lui offrir toutes ses actions, se préparer à faire sa prière. Il ne faut jamais travailler avant de la faire ; mais la faire à genoux, après avoir pris de l'eau bénite, et la faire de-vant son crucifix. Ne perdons jamais de vue, M.F., que c'est le matin que le bon Dieu nous prépare toutes les grâces qui nous sont nécessaires pour passer sainte-ment la journée ; parce que le bon Dieu sait toutes les occasions que nous aurons de pécher, toutes les tenta-tions que le démon nous livrera pendant le jour ; et, si nous prions à genoux et comme il faut, il nous donne toutes les grâces dont nous avons besoin pour ne pas succomber. C'est pour cela que le démon fait tout ce qu'il peut pour nous les faire manquer ou pour nous les faire faire mal ; étant très convaincu, comme il l'avoua un jour par la bouche d'un possédé, que s'il peut avoir le premier moment de la journée, il est sûr d'avoir tout le reste. Qui de nous, M.F., pourrait entendre, sans pleurer de compassion, ces pauvres chrétiens qui osent vous dire qu'ils n'ont pas le temps de prier ! Vous n'avez pas le temps ! pauvres aveugles ; quelle est l'action la plus précieuse, ou de travailler à plaire à Dieu et à sauver votre âme, ou d'aller donner à manger à vos bêtes qui sont à l'écurie, ou bien d'appeler vos enfants ou vos domestiques pour les envoyer remuer la terre ou le fumier ? Mon Dieu, que l'homme est aveugle !... Vous n'avez pas le temps ! mais, dites-moi, ingrats, si le bon Dieu vous avait fait mourir cette nuit, auriez-vous tra-vaillé ? Si le bon Dieu vous avait envoyé trois ou quatre mois de maladie, auriez-vous travaillé ? Allez, miséra-bles, vous méritez que le bon Dieu vous abandonne à votre aveuglement, que vous périssiez. Nous trouvons que c'est trop de lui donner quelques minutes pour le remercier des grâces qu'il nous accorde à chaque instant. - Vous voulez faire votre ouvrage, dites-vous. - Mais, mon ami, vous vous trompez grandement, vous n'avez pas d'autre ouvrage que de plaire à Dieu et de sauver votre âme, tout le reste n'est pas votre ouvrage : si vous ne le faites pas, d'autres le feront ; mais si vous perdez votre âme, qui la sauvera ? Allez, vous êtes un insensé, quand vous serez en enfer, vous apprendrez ce que vous eussiez dû faire ; mais ce que, malheureusement, vous n'avez pas fait.
Mais, me direz-vous, quels sont donc les avantages que nous recevons par la prière, que nous devons si souvent prier ? - M.F., les voici. La prière fait que nos croix sont moins pesantes, elle adoucit nos peines et nous sommes moins attachés à la vie, elle attire sur nous le regard de la miséricorde de Dieu, elle fortifie notre âme contre le péché, elle nous fait désirer la pénitence et nous la fait pratiquer avec plaisir, elle nous fait sentir et comprendre combien le péché outrage le bon Dieu. Disons mieux, M.F., par la prière nous plaisons à Dieu, nous enrichissons nos âmes, et nous nous assurons la vie éternelle. Dites-moi, M.F., en faut-il davantage pour nous porter à faire que notre vie ne soit qu'une prière continuelle par notre union avec Dieu ? Quand on aime quelqu'un, a-t-on besoin de le voir pour penser à lui ? Non, sans doute. De même, M.F., si nous aimons le bon Dieu, la prière nous sera aussi familière que la respiration. Cependant, M.F., je vous dirai que pour prier de manière qu'elle puisse nous attirer tous ces biens, il ne suffit pas d'y employer un instant à la hâte, c'est-à-dire, avec précipitation. Le bon Dieu veut que nous y passions un temps convenable, que nous ayons au moins le temps de lui demander les grâces qui nous sont nécessaires, de le remercier de ses bienfaits, et de gémir sur nos fautes passées en lui en demandant pardon.
Mais, me direz-vous, comment pouvons-nous donc prier sans cesse ? - M.F., rien de plus facile : c'est de nous occuper du bon Dieu, de temps en temps, pendant notre travail ; tantôt faisant un acte d'amour, pour lui témoigner que nous l'aimons, parce qu'il est bon et digne d'être aimé ; tantôt, un acte d'humilité, nous reconnaissant indignes des grâces dont il ne cesse de nous combler ; tantôt un acte de confiance, de ce que, quoique bien misérables, nous savons qu'il nous aime et qu'il veut nous rendre heureux. Ou bien, nous penserons à la mort et passion de Jésus-Christ, nous le verrons au jar-din des Olives, portant sa croix ; nous nous rappellerons son couronnement d'épines, son crucifiement ; ou, si vous voulez, son incarnation, sa naissance, sa fuite en Égypte ; ou bien encore, la pensée de la mort, du juge-ment, de l'enfer ou du ciel. Nous ferons quelques prière en l'honneur de notre saint ange gardien, et ne man-querons jamais de dire nos Benedicite, nos actions de grâces, nos Angelus, le Salut, Marie, quand l'heure sonne : ce qui nous fait ressouvenir de nos fins dernières, que bientôt nous ne serons plus sur la terre, et ce qui nous porte à ne pas nous y attacher, et à ne pas rester dans le péché, crainte que la mort nous y surprenne. Voyez, M.F., combien il est facile de prier sans cesse en faisant cela. Voilà, M.F., comme les saints priaient toujours.

II. - Le deuxième motif qui doit nous porter à avoir recours à la prière, c'est que tout l'avantage tourne contre nous. Le bon Dieu veut notre bonheur, et il sait que ce n'est que par la prière que nous pouvons nous le procurer. D'ailleurs, M.F., quel plus grand honneur pour une vile créature comme nous, que Dieu veuille bien s'abaisser jusqu'à elle, en s'entretenant avec elle aussi familièrement qu'un ami avec son ami. Voyez quelle bonté de sa part en nous permettant de lui faire part de nos chagrins, de nos peines. Et ce bon Sauveur s'empresse de nous consoler, de nous soutenir dans les épreuves, ou, pour mieux dire, il souffre pour nous. Dites-moi, M.F., ne serait-ce pas vouloir renoncer à notre salut et à notre bonheur sur la terre que de ne pas prier ? puisque, sans la prière, nous ne pouvons être que malheureux, et qu'avec la prière nous sommes sûrs de tout obtenir ce qui nous est nécessaire pour le temps et pour l'éternité, comme nous allons le voir.
Je dis 1° M.F., que tout est promis à la prière, et 2° que la prière obtient tout quand elle est bien faite : c'est une vérité que Jésus-Christ nous répète presque à chaque page de la sainte Écriture. La promesse que Jésus-Christ nous en fait est formelle : « Deman-dez, nous dit-il, et vous recevrez ; cherchez et vous trouverez ; frappez, l'on vous ouvrira. Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, vous l'obtiendrez, si vous le faites avec foi. » Jésus-Christ ne se contente pas de nous dire que la prière bien faite obtient tout. Pour mieux encore nous en convaincre, il nous l'assure avec serment : « En vérité, en vérité je vous le dis, tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous l'accordera. » D'après les paroles de Jésus-Christ même, il me semble, M.F., qu'il serait impossible de douter du pouvoir de la prière. D'ailleurs, M.F., d'où pourrait venir notre défiance ? Serait-ce de notre indi-gnité ? Mais, le bon Dieu sait bien que nous sommes pécheurs et coupables, et que nous comptons en tout sur sa bonté qui est infinie, et que c'est en son nom que nous prions. Et notre indignité n'est-elle pas couverte, et comme cachée par ses mérites ? Est-ce parce que nos péchés sont trop affreux ou trop nombreux ? Mais, ne lui est-il pas aussi facile de nous pardonner mille péchés qu'un seul ? N'est-ce pas principalement pour les pé-cheurs qu'il a donné sa vie ? Écoutez ce que nous dit le saint Roi-Prophète : « A-t-on jamais vu quelqu'un qui ait prié le Seigneur, et dont la prière n'ait pas été exaucée ? » « Oui, nous dit-il, tous ceux qui invoquent le Seigneur, et qui ont recours à lui, ont éprouvé les effets de sa miséricorde. ».
Voyons cela par des exemples, ce qui vous sera plus sensible. Voyez Adam après son péché demander misé-ricorde. Non seulement le Seigneur lui pardonne, mais encore à tous ses descendants ; il lui promet son Fils, qui devait s'incarner, souffrir et mourir pour réparer son péché. Voyez les Ninivites qui étaient si coupables, puisque le Seigneur leur envoie son prophète Jonas, pour les avertir qu'il allait les faire périr de la manière la plus épouvantable : c'est-à-dire, par le feu du ciel . Tous se livrent à la prière, et le Seigneur leur accorde à tous leur pardon. Lors même que le bon Dieu était prêt à faire périr l'univers par un déluge universel, si ces pécheurs avaient eu recours à la prière, ils auraient été sûrs que le Seigneur les aurait pardonnés. Si vous allez plus loin, voyez Moïse sur la montagne, pendant que Josué combat les ennemis du peuple de Dieu. Tant que Moïse prie, les Israélites sont victorieux ; et aussitôt qu'il cesse de prier, ils sont vaincus. Voyez encore ce même Moïse qui va demander au Seigneur le pardon de trente mille coupables que le Seigneur avait résolu de faire périr : par ses prières, il força pour ainsi dire le Seigneur à les pardonner. « Non, Moïse, lui dit le Seigneur, ne demande pas grâce pour ce peuple, je ne veux pas le pardonner. » Moïse continue, et le Seigneur est vaincu par les prières de son serviteur, et les pardonne. Que fait Judith, M.F., pour délivrer sa patrie de son redoutable ennemi ? Elle se met en prière, et, pleine de confiance en celui qu'elle vient de prier, elle va chez Holopherne, lui tranche la tête et sauve sa patrie. Voyez le pieux roi Ézéchias, à qui le Seigneur envoie son prophète pour lui dire de mettre ordre à ses affaires parce qu'il va mourir. Il se prosterne devant le Seigneur, en le priant de ne pas l'ôter encore de ce monde. Le Seigneur, touché de sa prière, lui donne encore quinze ans de vie. Si vous passez plus loin, voyez le publicain qui, se reconnaissant coupable, va dans le temple prier le Seigneur de le par-donner. Jésus-Christ nous dit lui-même que ses péchés lui sont pardonnés. Voyez la pécheresse qui, prosternée aux pieds de Jésus-Christ, le prie avec larmes. Jésus--Christ ne lui dit-il pas : « Vos péchés vous sont par-donnés ? » Le bon larron prie sur la croix, quoique tout couvert des crimes les plus énormes : non seulement Jésus-Christ le pardonne ; mais, bien plus, lui promet qu'au même jour, il sera dans le ciel avec lui. Oui, M.F., s'il vous fallait citer tous ceux qui ont obtenu leur par-don par la prière, il faudrait vous citer tous les saints qui ont été pécheurs ; puisque ce n'est que par la prière qu'ils ont eu le bonheur de se réconcilier avec le bon Dieu, qui se laissa toucher par leurs prières.

III. - Mais peut-être pensez-vous : D'où peut donc venir que, malgré tant de prières, nous sommes toujours pécheurs et pas meilleurs une fois que l'autre ? - Mon ami, notre malheur vient de ce que nous ne prions pas comme il faut, c'est-à-dire que nous prions sans pré-paration et sans désir de nous convertir, souvent même sans savoir ce que nous voulons demander au bon Dieu. Rien de si sûr, M.F., que cela, puisque tous les pécheurs qui ont demandé au bon Dieu leur conversion l'ont obtenue, et que tous les justes qui ont demandé à Dieu la persévérance ont persévéré. - Mais peut-être me direz-vous : L'on est trop tenté. - Vous êtes trop tenté, mon ami ? Vous pouvez prier et vous êtes sûr que la prière vous donnera la force de résister à la tenta-tion. Vous avez besoin de grâce ? Eh bien ! la prière vous l'obtiendra. Si vous en doutez, écoutez ce que nous dit saint Jacques, qu'avec la prière nous domi-nons sur le monde, sur le démon et sur nos penchants. Oui, M.F., dans quelques peines que nous soyons, si nous prions, nous aurons le bonheur de les supporter avec résignation à la volonté de Dieu ; et quelque vio-lentes que soient nos tentations, si nous avons recours à la prière, nous les surmonterons. Mais que fait le pécheur ? Le voici. II est très persuadé que la prière lui est absolument nécessaire pour éviter le mal et pour faire le bien, et pour sortir du péché quand il a le malheur d'y être tombé ; mais comprenez, si vous le pouvez, son aveuglement ; il ne fait presque point de prière ou il la fait mal. Cela n'est-il pas vrai, M.F. ? Voyez la manière dont un pécheur fait sa prière, sup-posé même qu'il en fasse, car la plupart des pécheurs n'en font point ; hélas ! on les voit se lever et se cou-cher comme des bêtes. Mais examinons ce pécheur faisant sa prière : voyez-le se couchant sur une chaise ou contre son lit, la faisant en s'habillant ou se désha-billant, en allant ou en criant, et peut-être même en jurant après ses domestiques ou ses enfants. Quelle préparation y apporte-t-il ? Hélas ! point du tout. Sou-vent et la plupart du temps, ces hommes ont fini leur prétendue prière, non seulement sans savoir ce qu'ils ont dit, mais encore sans penser devant qui ils étaient et ce qu'ils venaient faire et demander. Voyez-les dans la maison du bon Dieu, cela ne vous ferait-il pas mou-rir de compassion ? Pensent-ils qu'ils sont en la sainte présence de Dieu ? Non, sans doute : ils regardent qui entre et qui sort, ils parlent à l'un et à l'autre, ils bâil-lent, ils dorment, ils s'ennuient, peut-être même sont--ils en colère de ce que les offices sont, selon eux, trop longs. Ils ont de la dévotion en prenant l'eau bénite à peu près comme quand ils en prennent dans le seau pour boire. A peine mettent-ils les deux genoux par terre, il leur semble que c'est beaucoup que de courber un petit peu la tête pendant la Consécration ou la Bénédiction. Vous les voyez promener leurs regards dans l'église, peut-être même sur des objets qui peuvent les porter au mal ; ils ne sont pas même entrés, qu'ils voudraient déjà être dehors. Quand ils sortent, vous les entendez crier comme des personnes que l'on tire d'une prison pour les mettre en liberté. Eh bien ! M.F., voilà le besoin du pécheur : vous voyez qu'il est bien grand. D'après cela, devons-nous nous étonner si un pécheur reste toujours dans son péché, et de plus, s'il y per-sévère ?
Nous avons dit, en troisième lieu, que les avantages de la prière sont attachés à la manière dont nous nous acquittons de ce devoir, comme vous allez le voir. 1° Pour qu'une prière soit agréable à Dieu et avanta-geuse à celui qui la fait, il faut être en état de grâce ou du moins dans une bonne résolution de sortir du péché promptement, parce que la prière d'un pécheur qui ne veut pas sortir du péché est une insulte qu'il fait à Dieu ; 2° Pour qu'une prière soit bonne, il faut nous y être préparé. Toute prière qui est faite sans préparation est une prière mal faite, et cette préparation c'est, au moins, de s'occuper un instant du bon Dieu avant de se mettre à genoux, pensant à qui vous allez parler, ce que vous allez lui demander. Hélas ! que le nombre de ceux qui s'y préparent est petit, et par conséquent qu'il y en a peu qui prient comme il faut, c'est-à-dire de manière à être exaucés ? D'ailleurs, M.F., que voulez--vous que le bon Dieu vous accorde, puisque vous ne voulez rien et ne désirez rien ! Disons encore mieux c'est un pauvre qui ne veut pas d'aumône, c'est un malade qui ne veut pas de guérison, c'est un aveugle qui veut rester dans son aveuglement ; enfin, c'est un damné qui ne veut point de ciel et qui consent d'aller en enfer.
En deuxième lieu, nous avons dit que la prière est l'élévation de notre cœur vers Dieu, c'est un doux et heureux entretien d'une créature avec son Dieu. Ce n'est donc pas, M.F., prier le bon Dieu comme il faut, lorsque nous pensons à autre chose pendant que nous prions. Aussitôt que nous nous apercevons que notre esprit s'égare, il faut vite revenir en la présence du bon Dieu, nous en humilier devant lui, et ne jamais laisser nos prières parce que nous ne sentons point de plaisir à prier. Au contraire, plus nous avons de dégoût, plus notre prière est méritoire aux yeux de Dieu, si nous continuons toujours dans la pensée de plaire à Dieu. Il est rapporté dans l'histoire qu'un jour un saint disait à un autre saint : « Pourquoi est-ce que quand l'on prie le bon Dieu, notre esprit se remplit de mille pensées étran-gères, et que, bien souvent, si l'on n'était pas occupé à la prière, l'on n'y penserait pas. » L'autre lui répon-dit : « Mon ami, cela n'est pas étonnant : d'abord, le démon prévoit les grâces abondantes que nous pouvons obtenir par la prière, et par conséquent, il désespère de gagner une personne qui prie comme il faut ; ensuite, plus nous prions avec ferveur plus nous le rendons furieux ». Un autre à qui le démon apparut, lui de-manda pourquoi il était continuellement occupé à ten-ter les chrétiens ? Le démon lui répondit lui-même qu'il ne pouvait pas souffrir qu'un chrétien, qui tant de fois a péché, puisse encore obtenir son pardon, et que tant qu'il y aurait un chrétien sur la terre, il le tente-rait. Ensuite il lui demanda comment il les tentait. Le démon lui répondit, le voici : « Aux uns, je leur mets le doigt dans la bouche pour les faire bâiller ; les autres, je les endors ; et d'autres, je transporte leur esprit de ville en ville. » Hélas ! M.F., cela n'est que trop véritable ; nous éprouvons chaque jour ces choses, toutes les fois que nous sommes en la sainte présence de Dieu pour le prier.
Il est rapporté que le supérieur d'un monastère voyant un de ses religieux qui, avant de commencer ses prières, se donnait certain mouvement et semblait parler avec quelqu'un, lui demanda de quoi il s'occu-pait avant de commencer ses prières. « Mon père, lui dit-il, c'est qu'avant de commencer mes prières, j'ai la coutume d'appeler toutes mes pensées et mes désirs en leur disant : Venez tous et nous adorerons Jésus-Christ notre Dieu. » « Ah ! M.F., nous dit Cassien, qu'il faisait bon voir prier les premiers fidèles ! Ils avaient un si grand respect en la présence de Dieu, qu'il semblait qu'ils étaient morts, tant le silence était grand ; on les voyait dans l'église tout tremblants ; il n'y avait ni chaises ni bancs ; ils se tenaient prosternés comme des criminels qui attendent leur sentence. Mais aussi, M.F., que le ciel se peuplait vite et qu'il faisait bon vivre sur la terre ! Ah ! bonheur infini pour ceux qui ont vécu dans ces temps heureux ! »
3° Nous avons dit qu'il faut que nos prières soient faites avec confiance, et avec une espérance ferme que le bon Dieu peut et veut nous accorder ce que nous lui demandons, si nous le demandons comme il faut. Dans tous les endroits où Jésus-Christ nous promet de tout accorder à la prière, il met toujours cette condition « Si vous la faites avec foi. » Quand quelqu'un lui de-mandait sa guérison ou autre chose, il ne manquait jamais de leur dire : « Qu'il vous soit fait selon votre foi. » D'ailleurs, M.F., qui pourrait nous porter à dou-ter, puisque notre confiance est appuyée sur la toute -puissance de Dieu qui est infinie, et sur sa miséricorde qui est sans bornes, et sur les mérites infinis de Jésus--Christ au nom duquel nous prions. Quand nous prions au nom de Jésus-Christ, ce n'est pas nous qui prions, mais c'est Jésus-Christ lui-même qui prie son Père pour nous. L'Évangile nous donne un bel exemple de la foi que nous devons avoir en priant, dans la personne de cette femme qui était atteinte d'une perte de sang. Elle se disait en elle-même : « Si je peux seulement toucher le bord de son manteau, je suis sûre d'être guérie. » Vous voyez qu'elle croyait fermement que Jésus-Christ pouvait la guérir ; elle attendait avec une grande con-fiance une guérison qu'elle désirait ardemment. En effet, le Sauveur passant près d'elle, elle se jette aux pieds de Jésus-Christ, lui touche son manteau, et aussi-tôt elle est guérie. Jésus-Christ, voyant sa foi, la regarde avec bonté, en lui disant : « Allez, votre foi vous a sauvée. » Oui, M.F., c'est à cette foi et à cette confiance que tout est promis.
4° Nous disons que quand nous prions, il faut avoir des intentions bien pures dans tout ce que nous de-mandons, et ne rien demander que ce qui peut contri-buer à la gloire de Dieu et à notre salut. « Vous pouvez, nous dit saint Augustin, demander des choses tempo-relles ; mais toujours dans la pensée que vous vous en servirez pour la gloire de Dieu et le salut de votre âme, ou pour celui de votre prochain ; autrement, vos de-mandes ne sont formées que par l'orgueil et l'ambition ; et si, dans ce cas, le bon Dieu refuse de vous accorder ce que vous lui demandez, c'est qu'il ne veut pas contri-buer à votre perte. Mais que faisons-nous dans nos prières, nous dit encore saint Augustin ? Hélas ! nous demandons une chose, et nous en désirons une autre. En récitant notre Pater, nous disons : « Notre Père, qui êtes aux cieux ; c'est-à-dire : Mon Dieu, détachez-nous de ce monde ; faites-nous la grâce de mépriser toutes les choses qui ne sont que pour la vie présente ; faites--moi la grâce que toutes mes pensées et tous mes désirs soient pour le ciel ! » Hélas ! nous serions bien fâchés si le bon Dieu nous faisait cette grâce ; du moins, un grand nombre .
Nous devons souvent prier, M.F., mais nous devons redoubler nos prières dans les épreuves et les tentations. En voici un bel exemple. Nous lisons dans l'histoire que, du temps de l'empereur Licinius, l'on voulut que tous les soldats fissent des sacrifices au démon. Dans le nom-bre il y en eut quarante qui refusèrent, en disant que les sacrifices n'étaient dus qu'à Dieu seul, et non au démon. On leur fit toutes sortes de promesses. Voyant que rien ne pouvait les vaincre, ils furent condamnés après bien des tourments à être jetés nus dans un étang d'eau glacée, pendant une nuit, dans les rigueurs de l'hiver, afin de les faire mourir par la rigueur du froid. Les saints martyrs, se voyant ainsi condamnés, se dirent les uns aux autres : « Mes amis, que nous reste-t-il à présent, sinon de nous jeter entre les mains du Dieu tout-puissant, de qui seul nous devons attendre la force et la victoire ? Ayons recours à la prière, et prions sans cesse pour attirer sur nous les grâces du Ciel ; deman-dons à Dieu que tous les quarante nous ayons le bonheur de persévérer. » Mais pour les tenter, l'on mit près de là un bain chaud. Malheureusement, un d'entre eux perdant courage, quitte le combat, et va se mettre dans le bain chaud ; mais en y entrant il perdit la vie. Celui qui les gardait voyant trente-neuf couronnes des-cendre du ciel, une seule restait. « Ah ! s'écria-t-il, c'est ce malheureux qui a quitté les autres !... » Il se met à sa place, reçoit la quarantième et est baptisé dans son sang. Le lendemain, comme ils respiraient encore, le gouverneur ordonna qu'ils fussent jetés dans le feu. Les ayant mis sur un chariot, excepté le plus jeune qu'on espérait encore pouvoir gagner ; sa mère qui en fut témoin, s'écria : « Ah ! mon fils, courage ! un moment de souffrance te vaudra une éternité de bonheur. » Et prenant elle-même son fils, elle le porte sur le chariot avec les autres ; pleine de joie, elle le conduit, comme en triomphe, à la gloire du martyre. Ils ne cessèrent de prier pendant tout le temps de leur martyre, tant ils étaient persuadés que la prière est le moyen le plus puis-sant pour attirer sur nous les secours du Ciel. Nous voyons que saint Augustin, après sa conversion, se retira pendant longtemps dans un petit désert, pour demander au bon Dieu la grâce de persévérer dans ses bonnes résolutions. Étant évêque, une bonne partie de ses nuits était occu-pée à la prière. Saint Vincent Ferrier, qui a tant converti d'âmes, disait que rien n'était si puissant pour convertir les pécheurs que la prière ; qu'elle était semblable à un dard qui perce le cœur du pécheur.
Oui, M.F., nous pouvons dire que la prière fait tout ; c'est elle qui nous fait connaître nos devoirs, c'est elle qui nous fait connaître l'état misérable de notre âme après le péché, c'est elle qui y met les dispositions qui nous sont nécessaires pour recevoir les sacrements ; c'est elle qui nous fait comprendre combien la vie et les biens de ce monde sont peu de chose, ce qui nous porte à ne pas nous y attacher ; c'est elle qui imprime vivement la crainte salutaire de la mort, du jugement, de l'enfer et de la perte du ciel. Ah ! M.F., si nous avions le bonheur de prier comme il faut, que nous serions bientôt de saints pénitents ! Nous voyons que saint Hugues, évêque de Grenoble, dans sa maladie, ne pouvait se contenter de dire le « Notre Père. » On lui dit que cela pourrait contribuer à augmenter sa maladie. « Ah ! non, leur répondit-il, au contraire, cela soulage. »
Nous avons dit, M.F., que la troisième condition afin que notre prière soit bien agréable à Dieu, est la persé-vérance. Nous voyons souvent que le bon Dieu ne nous accorde pas toujours de suite ce que nous lui deman-dons ; c'est pour nous le faire désirer davantage, ou pour nous le faire mieux apprécier. Ce retard n'est pas un refus, mais une épreuve, qui nous dispose à recevoir avec plus d'abondance ce que nous demandons. Voyez saint Augustin qui, pendant cinq ans, demande au bon Dieu la grâce de sa conversion. Voyez sainte Marie Égyptienne qui, pendant dix-neuf ans, demanda au bon Dieu la grâce de la délivrer des sales pensées. Mais qu'ont fait les saints ? Le voici. Ils ont toujours persévéré à demander, et par leur persévérance, ils ont toujours obtenu ce qu'ils ont demandé au bon Dieu. Pour nous, quoique tout couverts de péchés, si le bon Dieu ne nous accorde pas de suite ce que nous lui demandons, nous pensons que le bon Dieu ne veut pas nous accorder ce que nous lui demandons, et de suite, nous laissons la prière. Non, M.F., ce n'est pas là la conduite qu'ont tenue les saints en persévérance : ils ont toujours pensé qu'ils étaient indignes d'être exaucés, et que, si Dieu le leur accordait, il n'écoutait que sa miséricorde et non leur mérite. Je dis donc que quand nous prions, quoi-qu'il semble que le bon Dieu n'écoute pas nos prières, il ne faut pas se lasser de prier ; mais toujours continuer. Si le bon Dieu ne nous accorde pas ce que nous lui demandons, il nous accorde une autre grâce qui nous est plus avantageuse que celle que nous demandons. Nous avons un exemple de la manière dont nous devons persévérer dans la prière, en la personne de cette femme chananéenne, qui s'adresse à Jésus-Christ pour lui demander la guérison de sa fille. Voyez son humi-lité et sa persévérance, etc... Voici un autre exemple admirable de la puissance de la prière. Nous lisons dans l'histoire des Pères du désert, que les catholiques étant allés trouver un saint dont la réputation s'étendait bien au loin, pour le prier de venir confondre un certain hérétique, dont les discours séduisaient beaucoup de monde, ce saint s'étant mis en dispute avec ce mal-heureux, sans pouvoir le porter à convenir qu'il avait tort, et qu'il était un malheureux qui semblait n'être né que pour perdre les âmes ; voyant toujours que, par ses détours, il voulait faire croire qu'il n'avait pas tort ; le saint lui dit : « Malheureux, le royaume de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en œuvres ; allons tous les deux, et avec tout ce monde qui seront autant de témoins, allons au cimetière ; nous invoquerons le bon Dieu sur le premier mort que nous trouverons, et nos œuvres feront voir notre foi. » Cet hérétique fut tout interdit de cette proposition, il n'osa se rendre à l'invi-tation : il demanda au saint d'attendre jusqu'au lende-main ; le saint y consentit. Le lendemain, le peuple qui désirait avec empressement de savoir à quoi cela abou-tirait, se rendit en foule au cimetière. L'on attendit jusqu'à trois heures du soir ; mais on annonça au saint que son adversaire avait pris la fuite pendant la nuit et s'était retiré en Égypte. Alors saint Macaire conduisit tout ce peuple qui attendait le résultat de leur confé-rence, et surtout ceux que ce malheureux avait trompés, il les mena au cimetière. S'étant arrêté sur un tombeau, là, en leur présence, il se mit à genoux, pria quelque temps, et s'adressant au plus ancien cadavre qui fût enterré dans ce lieu, lui dit : « O homme ! écoute-moi : si cet hérétique fût venu ici avec moi, et que, devant lui, j'eusse invoqué le nom de Jésus-Christ mon Sau-veur, ne te serais-tu pas levé pour rendre témoignage à la vérité de ma foi ? » A ces mots, le mort se lève et en présence de tout le monde, dit qu'il l'aurait de suite fait comme il faisait maintenant. Saint Macaire lui dit « Qui es-tu ? et en quel âge du monde as-tu vécu ? As-tu connaissance de Jésus-Christ ? » Le mort ressuscité lui répondit qu'il avait vécu du temps des plus anciens rois ; mais qu'il n'avait jamais entendu nommer le nom de Jésus-Christ. Alors saint Macaire, voyant que tout le monde était bien convaincu que ce malheureux héré-tique était un trompeur, dit au mort : « Dors en paix jusqu'à la résurrection générale. » Et tout le monde se retira en louant Dieu, qui avait si bien fait connaître la vérité de notre sainte religion. Pour saint Macaire, il retourna dans son désert pour y continuer à faire péni-tence .
Voyez-vous, M.F., la puissance de la prière quand elle est bien faite ? Ne conviendrez-vous pas avec moi que si nous n'obtenons pas ce que nous demandons au bon Dieu, c'est que nous ne prions pas avec foi, avec un cœur assez pur, avec une confiance assez grande, ou que nous ne persévérons pas assez dans la prière ? Non, M.F., jamais Dieu n'a refusé et ne refusera rien à tous ceux qui lui demandent quelque grâce comme il faut. Oui, M.F., c'est la seule ressource qui nous reste pour sortir du péché, pour persévérer dans la grâce, pour toucher le cœur de Dieu, et pour nous attirer tou-tes sortes de bénédictions du ciel, soit pour l'âme, soit même pour les choses temporelles.
De là, je conclus que si nous restons dans le péché, si nous ne nous convertissons pas, si nous nous trou-vons si malheureux dans les peines que le bon Dieu nous envoie, c'est que nous ne prions pas ou que nous prions mal. Sans la prière, nous ne pouvons pas fré-quenter dignement les sacrements ; sans la prière, vous ne connaîtrez jamais l'état où le bon Dieu vous appelle. Sans la prière, nous ne pouvons qu'aller en enfer. Sans la prière, jamais nous ne goûterons les douceurs que nous pouvons goûter en aimant Dieu. Sans la prière, toutes nos croix sont sans mérite. Oh ! que de plaisirs, M.F., nous aurions en priant, si nous avions le bonheur de savoir prier comme il faut ! Ne prions donc jamais sans bien penser à qui nous parlons et à ce que nous voulons demander au bon Dieu. Prions surtout, M.F., avec humilité et confiance, et par là, nous aurons le bonheur d'obtenir tout ce que nous désirons, si nos demandes sont selon Dieu. Ce que je vous souhaite...

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