St. Julian of Norwich
recluse volontaire
(visitée parfois par Margery Kempe)
née ~ le 8 novembre 1342
dans la région de Norwich (Norfolk - Angleterre)
morte ~ 1416
L’Amour Divin paternel et maternel
"... Le thème de l’amour divin revient souvent dans les visions de Julienne de Norwich qui, avec une certaine audace, n’hésite pas à le comparer également à l’amour maternel. C’est l’un des messages les plus caractéristiques de sa théologie mystique. La tendresse, la solitude et la douceur de la bonté de Dieu envers nous sont si grandes que, à nous pèlerins sur la terre, elles évoquent l’amour d’une mère pour ses enfants. En réalité, les prophètes bibliques ont parfois eux aussi utilisé ce langage qui rappelle la tendresse, l’intensité et la totalité de l’amour de Dieu, qui se manifeste dans la création et dans toute l’histoire du salut et qui atteint son sommet dans l’Incarnation du Fils. Mais Dieu dépasse toujours tout amour humain, comme le dit le prophète Isaïe : « Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas » (Is 49, 15). Julienne de Norwich a compris le message central pour la vie spirituelle : Dieu est amour et ce n’est que lorsqu’on s’ouvre, totalement et avec une confiance totale, à cet amour et qu’on le laisse devenir l’unique guide de notre existence, que tout est transfiguré, que l’on trouve la véritable paix et la véritable joie et que l’on est capable de la diffuser autour de soi..."
Extrait de l'AUDIENCE GÉNÉRALE du Pape BENOÎT XVI, en la Salle Paul VI, le mercredi 1er décembre 2010.
"All shall be well"
"Tout sera bien"
Julienne de Norwich
"Révélations de l'Amour Divin"
Sainte Julienne de Norwich
13ème révélation
13th "shewing" (showing of love)
« Notre Seigneur me remit ensuite dans l'esprit l'ardent désir de le posséder ; et je vis que rien ne s'y opposait si ce n'est le péché. Je me dis que si le péché n'avait pas existé, nous aurions tous été purs et semblables à Dieu, tel qu'il créa nos premiers parents. » – « Je m'étais souvent demandé pourquoi la grande sagesse de Dieu qui prévoit tout n'avait pas mis obstacle au premier péché ; car, pensais-je, tout alors eût été bien. » – « Jésus m'y répondit : ''Il convient que le péché existe ; mais, sois sans inquiétude, tout ira bien, tout finira bien.'' »
« Avec ce simple mot péché, Notre Seigneur me mit dans l'esprit tout ce qui n'est pas bon en général ; toutes les souffrances et douleurs, corporelles ou spirituelles, toutes les souffrances passées ou à venir, y compris la Passion. Mais je ne vis pas le péché ; je crois, en effet, qu'il n'a pas de substance, ni aucune sorte d'être ; on ne saurait le connaître autrement que par la souffrance qu'il cause. » – « On peut dire que la souffrance est quelque chose pour un temps donné, car elle nous purifie, nous amène à nous connaître nous-mêmes et à demander miséricorde. Notre bon Seigneur réconforte par ces paroles : ''Il est vrai que le péché est cause de toutes ces souffrances ; mais tout ira bien, oui, tout ira bien, aie confiance, tout finira bien.'' »
« Ces paroles me furent adressées avec la plus parfaite tendresse, sans me montrer aucune sorte de blâme. C'était donc bien mal à moi et un grand manque de confiance filiale de me plaindre ou de m'étonner de la conduite de Dieu, alors que Lui ne m'inflige aucun reproche pour mes péchés. » – « Je vis dans ces paroles un merveilleux mystère, profondément caché en Dieu ; mystère qu'il nous révélera un jour. »
« Dans mon anxiété pleine de tristesse, je disais à Notre Seigneur : ''Ah ! Mon bon Jésus, comment pourrait-il se faire que tout aille bien, étant donné le grand mal que le péché fait à la créature ?'' – « Notre Seigneur daigna me répondre tout à fait doucement et avec un air des plus tendres : ''Puisque j'ai réparé le plus grand mal, tenez pour certain que je réparerai aussi tout ceux qui sont moindres.'' – « L'enseignement qui me fut donné ici, c'est que nous devons mettre toute notre confiance en notre bien-aimé Sauveur et nous réjouir en lui seul. »
« Tout ira bien, tu le verras toi-même. »
« Dans ces deux paroles, mon âme saisit plusieurs enseignements. Jésus veut que nous sachions qu'il ne fait pas seulement attention aux choses nobles et grandes, mais aussi aux petites, aux actions les plus humbles. La moindre chose ne sera ni oubliée ni perdue. C'est là ce que veut dire : Tout ira bien. Dans la seconde parole, il s'agissait des actions mauvaises à nos yeux et qui causent de si grands maux qu'il nous paraît impossible qu'elles arrivent jamais à une bonne fin. Nous le constatons, avec désolation et tristesse, sans pouvoir nous résigner à entrer dans les vues de Dieu comme nous le devrions. Cela vient de ce que notre raison est aveuglée, trop simple pour comprendre la suréminente Sagesse, la Puissance et la Bonté de la Trinité. Par ces mots, Notre Seigneur voulait dire : ''Pour le moment, sois seulement fidèle et confiante ; un jour viendra où tu verras cela en toute vérité, au sein d'une joie parfaite.'' »
« Il y a une Oeuvre que la sainte Trinité accomplira au dernier jour. Quand et comment sera-t-elle faite ? Aucune créature ne saurait le dire avant son accomplissement. » – « Cette grande Oeuvre décidée par Dieu de toute éternité, profondément cachée dans son sein, connue seulement de lui, c'est celle où toutes choses seront par lui réparées. Car, de même que la Trinité a créé tout de rien, ainsi fera-t-elle que tout ce qui n'est pas bien le devienne. » – « La plénitude de la joie consiste à voir Dieu en tout. »
Source : reclusesmiss.org
"Dieu est notre Mère"
"C’est une caractéristique de Dieu de faire vaincre le bien sur le mal.
Ainsi Jésus Christ, qui a Lui aussi vaincu le mal par le bien, est notre véritable Mère : nous recevons notre “Être” de Lui - et c’est ici que commence Sa Maternité - et avec cela la douce Protection et Garde de l’Amour qui ne cesseront jamais de nous entourer.
Comme il est vrai que Dieu est notre Père, il est également vrai que Dieu est notre Mère.
Et Lui m’a montré cette vérité en chaque chose, mais spécialement dans ces douces paroles, lorsqu’ il dit : “Je le suis”.
C’est-à-dire, je suis la Puissance et la Bonté du Père ; je suis la Sagesse de la Mère ; je suis la Lumière et la Grâce qui est amour heureux ; je suis la Trinité ; je suis l’Unité, je suis la souveraine Bonté de chaque genre de chose ; je suis Celui qui te fait aimer ; je suis Celui qui te fait désirer ; je suis la satisfaction infinie de tous les vrais désirs. (...)
Notre Père céleste, Dieu tout puissant, qui est l’Être, nous connaît et nous aime depuis toujours : dans une telle connaissance, par Sa merveilleuse et profonde charité, et par le consentement unanime de toute la sainte Trinité, Il voulut que la Seconde Personne devienne notre Mère, notre Frère, Notre Sauveur.
Il est donc logique que Dieu, étant notre Père, soit aussi notre Mère. Notre Père veut, notre Mère opère, et notre bon Seigneur, l’Esprit Saint, confirme ; il nous convient donc d’aimer notre Dieu, en qui nous avons l’Être, de le remercier avec dévotion et de le louer pour nous avoir créés, de prier ardemment notre Mère pour obtenir miséricorde et pitié, et de prier notre Seigneur, l’Esprit Saint, pour obtenir aide et grâce.
Et je vis avec la complète certitude que Dieu, avant de nous avoir créés, nous a aimés, et son amour n’a jamais diminué et ne diminuera jamais. Dans cet amour, Il a fait toutes Ses oeuvres, et dans cet amour, Il meut toute chose pour notre bien ; et dans cet amour, notre vie est éternelle.
Par la création, nous avons eu un commencement, mais l’amour avec lequel Il nous a créés, était en Lui depuis toujours : et, dans cet amour, nous avons notre origine.
Et tout ceci nous le verrons en Dieu, éternellement."
Source : Site du Vatican, "Des "Révélations de l’amour divin" de Sainte Julienne de Norwich (1342-1416), (LIX, LXXXVI)."
Sainte Julienne de Norwich
Icône d'Anna Dimascio
Révélations de l'Amour Divin - Sainte Julienne de Norwich
JULIAN'S SHOWING OF LOVE IN A NUTSHELL:
HER MANUSCRIPTS AND THEIR CONTEXTS
Revelations of Divine Love, by St. Julian of Norwich
MP3 Files for Revelations of Divine Love
née ~ 1373 à King's Lynn
(alors Bishop's Lynn, Norfolk - Angleterre)
morte ~ 1438
Margery Kempe
"Mystique anglaise, connue par le récit de sa vie, qu'elle a dicté à deux secrétaires différents (et en deux temps). Le manuscrit de Margery Kempe, dont des morceaux choisis avaient paru en 1901 à Londres sous la forme d'un « court traité », ne fut publié qu'en 1936 (version modernisée, sous le titre Margery Kempe) et 1940 (édition critique, établie par S. B. Meechet et intitulée The Book of Margery Kempe). Originaire du Norfolk, mariée à un homme politique, dont elle eut quatorze enfants, Margery raconte ses nombreux pèlerinages (à Rome, pour la canonisation de sainte Brigitte ; en Terre sainte, en 1414 ; à Norwich, pour rencontrer l'ermite Julienne) et ses expériences spirituelles. L'intérêt de cette autobiographie (la plus ancienne du genre en langue anglaise) vient de ce que Margery Kempe n'est pas une recluse, mais une femme du monde ; précieux comme document psychologique et historique, Le Livre de Margery Kempe est néanmoins un peu décevant sur le plan spirituel."
Source : universalis.fr
Le livre de Margery Kempe
« Le livre de Margery Kempe. Une aventurière de la foi au Moyen-Âge », traduit par Louise Magdinier avec avant-propos d'André Vauchez, collection "Textes", éditions du Cerf, Paris 1989, 373 p.
"Découvert par hasard en 1934, édité en vieil anglais dans les années 60, le livre de Margery Kempe va maintenant être connu en France par deux traductions, dont cette dernière, de Louise Magdinier, aux éditions du Cerf (1).
L'étrange ouvrage se situe entre autobiographie et hagiographie, comme le dit André Vauchez dans sa préface, puisque, dicté par la sainte femme (en 1431 ?), il fut relu et réécrit, non sans peine et miracle, par un prêtre ami, en 1436.
Quelle femme ! Née en 1373, « cette créature » — ainsi est-elle nommée dans le Livre — entre dans la vie comme fille d'un honnête bourgeois, notable de Lynn (King's Lynn), un port actif du Norfolk sur la côte est de l'Angleterre. A 20 ans, elle épouse John Kempe, autre notable de la même ville, s'engageant vers un destin semble-t-il tout tracé de riche bourgeoise, fidèle épouse et bonne mère. Mais non. Dans une Angleterre enfiévrée de passions sociales et religieuses, Margery, à peine relevée de ses premières couches et menacée de folie démoniaque, se laisse séduire par le Christ. Cette femme très charnelle, brillante, entreprenante, va renoncer au sexe, aux mondanités, aux affaires (2).
Le Christ lui parle dans un langage familier, sans craindre des images triviales de peau de morue collante ou de stock mangé aux rats. Par le don de vision qu'il lui donne elle fait son premier voyage, passant de la méditation à la contemplation puis à l'immersion dans l'histoire : elle accompagne Notre Dame à Bethléem puis en Egypte et il me semble que cette aventure primordiale (ch. 5 et 6) décide de sa vie. Elle confondra les temps en cher chant à les organiser et ne cessera de pleurer et hurler les souffrances du Christ qu'en toute occasion elle revit. Elle sera une femme des routes, dans son Angleterre d'abord, où elle va quérir la bénédiction des prélats pour se disculper des accusations d'hérésie, et surtout au loin, vers les grands lieux d'identification chrétienne, Jérusalem, Rome, Saint- Jacques-de-Compostelle.
Folle de Dieu, elle a inversé les lignes de la raison, comme celles du temps et de la réalité quotidienne. Elle suscite donc, sur la route agitée de sa vie, de grands dévouements — en tout premier celui de son mari conservé dans la chasteté — et des haines féroces qui la réduisent plusieurs fois à l'abandon en terre étrangère ou la portent presque au pied du bûcher.
Elle se place dans la lignée de ces femmes visionnaires, chargées de missions prophétiques, que la fin du Moyen Âge a vu fleurir, après Catherine de Sienne, Jeanne d'Arc et Brigitte de Suède qui est son modèle avoué (ch. 39).
Le Livre s'offre à de multiples lectures, dans l'ordre de la mystique et de la vie religieuse, ou des perceptions visuelles et temporelles, ou des usages quotidiens de la vie en Angleterre et ailleurs au XVe siècle."
"Odile Redon"
(1) Une première traduction en 1987 par Daniel Vidal aux éditions Jérôme Millon, sous le titre : Une mystique anglaise au temps de l'hérésie lollarde. 1436, précédé de « Margery Kempe ou la dévoration du temps » par Daniel Vidal.
(2) Dieu a empêché la réussite de sa brasserie puis de son moulin (livre 2).
"Redécouvert en 1934 ; jouissant en Angleterre depuis trente ans d'un intérêt accru, le « livre » se situe, comme le souligne A. Vauchez, « entre la vie de saint médiévale et l'autobiographie moderne » (p. vin). Singulière destinée que celle de cette aventurière de la foi ; née en 1373 dans l’East Anglia, qui consacrera au Christ un amour exclusif qui la pousse en 1413, à l'âge de quarante ans, à faire voeu de chasteté après avoir eu quatorze enfants. Le devoir conjugal lui était devenu « si abominable qu’elle aurait (...) préféré boire ou manger la vase et la fange du ruisseau plutôt que de consentir, sauf par obéissance, à quelque rapport sexuel » (p. 23). Le lecteur actuel découvrira ici le document brut d’une piété féminine exacerbée qui pousse parfois jusqu'à l’insoutenable la volonté mimétique de s’incorporer les mérites du Christ par le biais de l’imitatio. C'est dire tout l'intérêt que l'on prendra à suivre dans le détail le récit de vie d'une contemporaine de Jeanne d'Arc qui reçoit de son Seigneur l'assurance du salut : « Ma fille, tu auras avec Moi, grande récompense au paradis, pour tes loyaux services et les bonnes actions que tu as faites intentionnellement dans tes méditations... » (p. 292)."
"Bernard Cottret"
The Book of Margery Kempe
Excerpt
"1. Here begynnyth a schort tretys and a comfortabyl for synful wrecchys, wherin thei
2. may have gret solas and comfort to hem and undyrstondyn the hy and unspecabyl
3. mercy of ower sovereyn Savyowr Cryst Jhesu, whos name be worschepd and magnyfyed
4. wythowten ende, that now in ower days to us unworthy deyneth to exercysen hys nobeley
5. and hys goodnesse. Alle the werkys of ower Saviowr ben for ower exampyl and
6. instruccyon, and what grace that he werkyth in any creatur is ower profyth yf lak of
7. charyté be not ower hynderawnce. And therfor, be the leve of ower mercyful Lord
8. Cryst Jhesu, to the magnyfying of hys holy name, Jhesu, this lytyl tretys schal tretyn
9. sumdeel in parcel of hys wonderful werkys, how mercyfully, how benyngly, and how
10. charytefully he meved and stered a synful caytyf unto hys love, whech synful caytyf
11. many yerys was in wyl and in purpose thorw steryng of the Holy Gost to folwyn oure
12. Savyour, makyng gret behestys of fastyngys wyth many other dedys of penawns. And
13. evyr sche was turned agen abak in tym of temptacyon, lech unto the reedspyr whech
14. boweth wyth every wynd and nevyr is stable les than no wynd bloweth, unto the tyme
15. that ower mercyfulle Lord Cryst Jhesu havyng pety and compassyon of hys handwerke
16. and hys creatur turnyd helth into sekenesse, prosperyté into adversyté, worshep into
17. repref, and love into hatered. Thus alle this thyngys turnyng up so down, this creatur
18. whych many yerys had gon wyl and evyr ben unstable was parfythly drawen and steryd
19. to entren the wey of hy perfeccyon, whech parfyth wey Cryst ower Savyowr in hys
20. propyr persoone examplyd. Sadly he trad it and dewly he went it beforn. Than this..."
2 unspecabyl, unspeakable.
4 deyneth, deigns; nobeley, nobleness.
7 hynderawnce, hinderance; be, by.
9 sumdeel, somewhat.
10 charytefully, charitably; whech, which.
12 penawns, penance.
13 lech, like; reedspyr, reed stalk.
16 worshep, honor.
17 repref, reproof; this creatur, i.e., Margery.
18 gon wyl, become wayward; parfythly, perfectly; steryd, stirred.
20 trad, trod.
Source: "THE BOOK OF MARGERY KEMPE", Book I, Part I (1-20), edited by Lynn Staley, originally Published in The Book of Margery Kempe, Kalamazoo, Michigan: Medieval Institute Publications, 1996.