François Maurice Adrien Marie Mitterrand
né le 26 octobre 1916 à Jarnac (Charente)
mort le 8 janvier 1996 à Paris
Au-delà de l'homme politique souvent controversé, je voudrais aborder un aspect méconnu de l'ancien président de la République française, François Mitterrand, qui se prétendait agnostique (bien qu'ayant eu une éducation et une scolarité chrétiennes), à savoir son côté mystique et spirituel.
En effet, ce "thanathophile", fasciné par la mort, par les pierres tombales, les monuments funéraires et les cimetières, par l'au-delà, par la vie après la mort, aimait la compagnie des prêtres et des religieux, était attiré par le "tellurisme" d'endroits sacrés ou empreints de spiritualité (Vézelay, Cathédrale de Chartres, Taizé...), ou symboliques (Roche de Solutré...).
François Mitterrand était aussi intellectuel et spirituel que terrestre, en ce sens qu'il était subjugué par les éléments de la nature, par SA terre charentaise, par LA terre et sa beauté surnaturelle, puissante, relaxante, ressourçante et inspirante : il était en osmose avec la Divine Création de notre Père Céleste, vers qui il est retourné.
Patrick, l'auteur du blog
Documentaire "François Mitterrand, à bout portant - 1993-1996"
diffusé sur France 2 le mardi 10 mai 2011
Rediffusions France Télévisions
François Mitterrand avec Frère Roger de Taizé
"... Sa mère, Yvonne, est une femme très pieuse et ascète. Son père, Joseph, un solitaire féru de littérature, est fidèle de la Conférence Saint-Vincent-de-Paul, mouvement catholique de bienfaisance, et brancardier à Lourdes. À 9 ans, François part pour la pension du collège Saint-Paul, à Angoulême. Il y rencontre Pierre de Bénouville, qui deviendra député (RPR) et restera l’un de ses plus proches amis. À 14 ans, le jeune Mitterrand affirme avoir la vocation et pense entrer au séminaire. La légende familiale conte qu’il s’écrie : « Je veux être roi ou pape ! » Il s’imagine déjà un destin. Cette éducation catholique laisse forcément des traces. En février 1974, il se confie au journaliste Franz-Olivier Giesbert : « Enfant, j’étais croyant. Maintenant, franchement, je ne sais pas. Disons que, devant l’absence d’explication du monde, j’ai tendance à être déiste. Je ne fais pas partie de ceux pour qui tout n’est que hasard et nécessité. Au contraire, j’incline à penser qu’il y a une inspiration, derrière l’univers. Peut-être parce que mon esprit n’est pas très scientifique ; peut-être parce que le christianisme a modelé toute ma jeunesse. » Il ne renie pas ces racines, mais ne se fait pas violence quand il porte les valeurs d’une gauche rationaliste et laïque. Rien ne lui déplaît plus que ses contempteurs chrétiens de gauche, derrière Michel Rocard ou Jacques Delors. Une de ses insultes préférées ? « Lui, il sent la sacristie ! »
... Autant François Mitterrand abhorre l’Église, qu’il estime complice d’un certain ordre établi, autant il aime le silence des églises, propice au recueillement et à l’intériorité. La famille de Danielle, son épouse, possède-t-elle une maison à Cluny (Bourgogne) ? Il en profite pour se rendre en pèlerinage, tous les lundis de Pentecôte, à Taizé. La veille, avec un groupe d’amis, il a fait l’ascension de la roche de Solutré. Le lendemain, il part seul et incognito se recueillir dans l’église de la communauté fondée par le frère Roger Schutz. En 1981, fraîchement élu, il s’y rend comme à son habitude. « Il ne nous avait pas prévenus de sa visite, se souvient le frère Charles Eugène. Il est venu à l’heure du repas. L’église était vide. Seuls deux jeunes faisaient un peu de ménage. En le voyant, ils n’en ont pas cru leurs yeux et ne l’ont même pas salué ! » L’année suivante, le président annonce sa visite. Il veut rencontrer le prieur de Taizé. « Au seuil de la chambre de frère Roger, monsieur Mitterrand s’exclame : “Cela fait 40 ans que je tourne autour de cette maison et, aujourd’hui, enfin, j’entre !”, raconte Charles Eugène. Les deux hommes passaient une demi-heure ensemble, et on n’a jamais su de quoi ils se parlaient.
Le président disait de frère Roger : “Il me fait du bien.” Il est vrai qu’il accueillait chacun comme un homme, ne voulait pas prêcher, mais écouter. » Qualité qui doit, bien sûr, plaire au président. Après cette conversation intime, chaque année, il veut toujours passer un moment dans l’église et demande aux frères d’entamer des chants. « Il se tenait dans le fond pour avoir une vue d’ensemble, parfois; il regardait les icônes », rappelle Charles Eugène.
Lustiger/Mitterrand, c’est le choc de deux personnalités hors norme. Le président admire le parcours de ce converti au catholicisme féru d’Histoire et de lectures. Quant au cardinal, il aime ce littéraire pétri de culture chrétienne, et dont il connaît les méandres intimes – la double vie, la maladie. « Avec Mitterrand, Jean-Marie Lustiger n’avait pas besoin de refaire la catéchèse, indique Jean Duchesne, conseiller éditorial du cardinal. Le président avait un sens profond du catholicisme, sans pour autant que son existence soit ordonnée autour de la religion. Il savait ce qu’était la foi, les doutes qu’elle engendrait et les défis qu’elle comportait. »
Entre eux, la conversation roule sur la philosophie, la Bible et la littérature. Quand ils abordent les questions religieuses, ils dépassent la simple problématique des rapports entre Église et État. Ils ne peuvent toutefois éviter le débat qui fait rage à l’époque : l’école libre. L’archevêque de Paris, fils reconnaissant de l’enseignement public, voudrait qu’elle soit plus d’Église que privée. Pierre Mauroy, Premier ministre au début du premier septennat, est pour une solution tranchée, afin de satisfaire la frange dure de la gauche. Mais le président, pur produit de l’école catholique, ne peut raisonnablement pas se prononcer pour la nationalisation totale de l’enseignement voulue par la base socialiste… Son enracinement chrétien a favorisé ses relations avec les autorités ecclésiastiques, ce que confirme Gérard Defois, évêque émérite de Lille, secrétaire général de la Conférence des évêques de France en 1981 : « Mitterrand nous recevait là où Giscard nous laissait nous entretenir avec des seconds couteaux. Dès mars 1981, alors que Mitterrand n’était même pas élu, j’avais affaire à un petit monsieur discret, Pierre Bérégovoy. » Le futur secrétaire général de l’Élysée prévient Gérard Defois : « François Mitterrand parle d’un “service public unifié de l’enseignement”, mais ne le comprenez pas comme une nationalisation de l’école catholique. » Les socialistes prennent des gants. Defois poursuit : « Mitterrand m’a même dit : “Quand je quitterai le pouvoir, si une seule école catholique a fermé, ce sera de son fait et non du mien !” »
Le président – qui voulait être pape – réussit même à séduire Jean Paul II, pourtant inquiet de l’avenir de l’école catholique en France, et qui n’avait pas hésité à tancer Giscard au sujet de la loi sur l’avortement. Quand ils se rencontrent pour la première fois, le 28 février 1982, ils ressortent de leur entretien de fort bonne humeur. Mitterrand demande même à son porte-parole, Michel Vauzelle, d’accepter un chapelet pour sa sœur..."
Source : extraits de "Mitterrand, le président qui voulut être pape", article d'Olivia Elkaim publié le 5 mai 2011 dans l'hebdomadaire "la Vie".
François Mitterrand et la religion, par Hubert Védrine
"... La réponse ? François Mitterrand ne l'avait-il pas trouvée, alors qu'il posait encore la question ? Quand il confie à Elie Wiesel que "Dieu est un aiguillon, une motivation supérieure à toute autre" ?
Quand il évoque ses élans mystiques, son admiration pour Thérèse d'Avila, François d'Assise, Thérèse de Lisieux ? Quand, pensant à sa maladie, il confie qu'en période de détresse on se rapproche "forcément" de Dieu ? Quand il livre son attachement au Sermon sur la montagne, "un des plus beaux textes que je connaisse" ?
Le 14 avril 1995, à Bernard Pivot qui lui demandait ce qu'il aimerait que Dieu lui dise, s'il existe, lors de son arrivée dans l'au-delà, François Mitterrand avait répondu : "Maintenant, tu sais."
Maintenant, il sait."
Source : extrait de "FRANÇOIS MITTERRAND - Maintenant, il sait..", article de Béatrice Houchard publié le 11 janvier 1996 dans "la Vie".
François Mitterrand avec Helmut Kohl
"... Certes, l’éducation de François Mitterrand fut profondément catholique mais, bien qu’il s’en éloignât au fil de sa vie, son questionnement métaphysique ne cessa de s’intensifier. Son intérêt prononcé pour les religions, pour leur histoire et les croyances qu’elles engendrent suscita chez lui une véritable quête du savoir théologique...
La Bibliothèque nationale de France, l’atmosphère d’un cloître
Le choix du projet de Dominique Perrault fut l’un des emblèmes de l’intérêt présidentiel pour l’architecture religieuse. La partie inférieure de la bibliothèque reprenait en effet exactement le schéma classique du cloître. Ainsi, le cloître fut à l’image du Mitterrand religieux, de l’homme pour qui les églises et la méditation sont importantes. Il s’inscrit dans une dynamique d’intériorisation où chacun est amené à se questionner, à se tourner vers soi-même, à partir en quête de son âme. « Avec Perrault, nous en avons beaucoup parlé, nous avons voulu reconstituer l’atmosphère de cloître. Naturellement, avec les moyens modernes, et sans vouloir imiter les cloîtres anciens. » [4] Cette intervention atteste l’importance du projet du cloître pour François Mitterrand.
On peut aisément déceler ici son intérêt très vif pour les lieux, sinon religieux, en tous cas dégageant une spiritualité très forte. Le choix même du projet de cloître de Dominique Perrault et de l’engouement présidentiel en sont les preuves inéluctables. Néanmoins, cette passion pour les ambiances spirituelles ne se lit pas uniquement à travers sa connaissance ou son intérêt pour les monuments religieux. En effet, le Président a établi tout au long de son existence une série de pèlerinages sacrés. Ces rituels lui permettaient de partager des instants de recueillements spirituels, catholiques ou non, assez peu connus du grand public et pourtant au cœur de sa vie.
Vézelay, Taizé, Solutré
Certains pèlerinages présidentiels avaient un objectif qui dépassait la simple visite, la rencontre avec un lieu historique... En effet, tandis que Solutré symbolisait davantage le retour aux racines, à d’autres rituels s’ajoutait une perspective spirituelle. En effet, si l’on observe des pèlerinages chers à François Mitterrand comme ses visites cycliques à Vézelay ou Taizé, il est explicite qu’elles ne sous-entendaient pas uniquement la recherche d’une architecture insolite.
« Il avait cette passion pour Vézelay, je pense, parce que c’est un lieu comme cela, très mystique, que l’on est bien obligé de ressentir. » [5] Pierre Bergé souligne l’enjeu capital du pèlerinage à Vézelay comme un rituel situé au cœur d’une procession et d’un questionnement religieux. Cette atmosphère mystique et spirituelle touchait énormément François Mitterrand. « Voici trente ans que je suis (à ma manière) un pèlerin de Vézelay. Ce que j’y cherche n’est pas précisément de l’ordre de la prière bien que tout soit offrande dans l’accord du monde et des hommes. Je pourrais tracer de mémoire un cercle réunissant tous les points d’où, du plus loin possible, on aperçoit la Madeleine. » On peut déceler ici la passion du Président pour Vézelay ainsi que sa connaissance assidue de la basilique.
Au delà de Vézelay et pour aller toujours plus avant dans le questionnement métaphysique, François Mitterrand avait l’habitude de se rendre à Taizé. « Taizé c’est l’interrogation métaphysique à l’état pur. C’est un centre de réflexion religieuse qui a été tenu pendant très longtemps par Frère Roger. C’était un homme qui avait une immense aura auprès des jeunes, qui était très ouvert à la modernité et qui s’efforçait de ne pas mettre de frontière entre les différentes religions, notamment entre les catholiques et les protestants. Je crois que cette réflexion religieuse au delà des frontières traditionnelles de l’Eglise était quelque chose qui était assez proche de la pensée de François Mitterrand. » [6]
Ce pèlerinage représentait une facette du Président assez peu connue : François Mitterrand s’interrogeait beaucoup sur les religions, sur l’au-delà, sur la spiritualité... Georges-Marc Benamou partage ses souvenirs sur son voyage à Taizé : « Le lendemain de Solutré, il avait l’habitude de se rendre à Taizé et de passer un long moment avec Frère Roger. Il allait dans l’église de la communauté de Taizé. Il y avait quelque chose d’un peu mystique avec Mitterrand. » [7] Le journaliste souligne ici l’ambiguïté de François Mitterrand, son caractère proche du questionnement permanent, son intérêt très vif pour la métaphysique. Au-delà de son questionnement religieux sur la transcendance, il s’intéressait beaucoup aux mystiques. Il connaissait très bien les ouvrages des grands auteurs et percevait dans le mysticisme une dimension particulière de la foi qui le fascinait. Alain Duhamel souligne parfaitement cet engouement pour le mysticisme chez François Mitterrand : « Je pense que l’on peut parler de lui comme de quelqu’un qui avait une dimension spirituelle, des interrogations spirituelles et qui avait un rapport avec la métaphysique. Mais dire qu’il avait quelque chose de mystique, pas du tout. En revanche, cela l’intéressait chez d’autres parce qu’il pensait que cela était une des dimensions de la foi. »" [8]
[4] « Bouillon de culture », Bernard Pivot - 14/04/1995
[5] Pierre Bergé - 11/01/2006
[6] François Stasse - 16/01/2006
[7] Georges-Marc Benamou - 17/01/2006
[8] Alain Duhamel, Ibidem.
Source : extraits de l'article "Lieux de recueillement et de spiritualité : une passion de pèlerin", "Point de vue" par Aurélie Lebelle, publié le 10 octobre 2006 sur le site de l'Institut François Mitterrand
François Mitterrand avec Marie de Hennezel
Mission fin de vie et accompagnement, Marie de Hennezel (2003)
"La mort intime - Ceux qui vont mourir
nous apprennent à vivre"
Marie de Hennezel
Préface de François Mitterrand
"Toutes les explications du monde ne justifieront pas qu’on ait pu livrer aux chiens l’honneur d’un homme et finalement sa vie au prix d’un double manquement de ses accusateurs aux lois fondamentales de notre République, celles qui protègent la dignité et la liberté de chacun d’entre nous."
Extrait de l'éloge funèbre de Pierre Bérégovoy, mort le 1er mai 1993, prononcé par François Mitterrand
Allocution prononcée par François Mitterrand le 4 mai 1993
Note originale de François Mitterrand
Eloge funèbre de Pierre Bérégovoy
prononcé par Philippe Séguin le 18 mai 1993
Mitterrand à Assouan, Noël 1995
Journal de 20h00 du 8 janvier 1996