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  • : Blog Parousie de Patrick ROBLES (Montbéliard, Franche-Comté, France)
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  • Dominus pascit me, et nihil mihi deerit. Le Seigneur est mon berger : je ne manquerai de rien. The Lord is my shepherd; I shall not want. El Señor es mi pastor, nada me falta. L'Eterno è il mio pastore, nulla mi mancherà. O Senhor é o meu pastor; de nada terei falta. Der Herr ist mein Hirte; mir wird nichts mangeln. Господь - Пастырь мой; я ни в чем не буду нуждаться. اللهُ راعِيَّ، فلَنْ يَنقُصَنِي شَيءٌ (Ps 23,1)
  • Dominus pascit me, et nihil mihi deerit. Le Seigneur est mon berger : je ne manquerai de rien. The Lord is my shepherd; I shall not want. El Señor es mi pastor, nada me falta. L'Eterno è il mio pastore, nulla mi mancherà. O Senhor é o meu pastor; de nada terei falta. Der Herr ist mein Hirte; mir wird nichts mangeln. Господь - Пастырь мой; я ни в чем не буду нуждаться. اللهُ راعِيَّ، فلَنْ يَنقُصَنِي شَيءٌ (Ps 23,1)

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 20:03

23ème DIMANCHE APRÈS LA PENTECÔTE

Sur la mort du juste

Pretiosa in conspectu Domini, mors sanctorum ejus.
La mort des justes est précieuse aux yeux du Seigneur.
(PS. CXV, 15.)

La mort, M.F., est un juste sujet de trouble et de frayeur pour le pécheur impénitent, qui se voit forcé de quitter ses plai-sirs. Accablé de douleur, assiégé de la pensée du jugement qu'il va subir, dévoré à l'avance par la crainte des horreurs de l'enfer où il va bientôt être précipité, il se voit comme abandonné des créa-tures et de Dieu même. Mais, par une loi toute contraire, la mort remplit de joie et de consolation l'homme de bien qui aura vécu selon l'Évangile, marché sur les traces de Jésus-Christ même, et satisfait à la justice divine par une vraie pénitence. Les justes re-gardent la mort comme la fin de leurs maux, de leurs chagrins, de leurs tentations et de toutes leurs misères ; ils la considèrent comme le commencement de leur bonheur ; elle leur procure l'en-trée à la vie, au repos et à la béatitude éternelle. Mais, M.F., il n'est point d'hommes, et même jusqu'aux plus scandaleux qui ne désirent et ne souhaitent cette précieuse mort. Ce qui est incom-préhensible, c'est que tous nous désirons une bonne mort, et que presque personne ne prend les moyens de se rendre heureux. C'est un aveuglement difficile à expliquer ; cependant, comme je désire ardemment que vous fassiez tous une bonne mort ; je vais vous engager à vivre de manière à pouvoir espérer ce bonheur, en vous montrant 1. les avantages d'une bonne mort, et 2. les moyens de la rendre bonne.

I. - Si nous devions mourir deux fois, nous pourrions en ex-poser une ; mais l'on ne meurt qu'une fois , et de notre mort dé-pend notre éternité. Là où l'arbre tombe, il reste. Si une personne se trouve, au moment de la mort, dans quelque mauvaise habi-tude, sa pauvre âme, tombera côté de l'enfer ; si, au contraire, elle est en bon état, elle prendra le chemin du ciel. O heureux chemin qui nous conduit à la jouissance des biens parfaits ! Devrions-nous passer par les flammes du purgatoire, nous sommes sûrs d'y arriver. Toutefois, cela dépendra de la vie que nous aurons me-née : il est certain que notre mort sera conforme à notre vie ; si nous avons vécu en bons chrétiens et selon Dieu, nous mourrons de même en bons chrétiens pour vivre éternellement avec Dieu. Au contraire, si nous vivons selon nos passions, dans les plaisirs et le libertinage, nous mourrons infailliblement dans le péché . N'oublions jamais cette vérité qui a converti tant de pécheurs : où l'arbre tombera, il restera pour jamais . Mais, M.F., la mort, par elle-même, n'est pas si effrayante qu'on veut bien le croire, puis-qu'il ne tient qu'à nous de la rendre heureuse, belle et agréable. Saint Jérôme était près de mourir ; ses amis le lui ayant annoncé, il sembla réunir toutes ses forces pour s'écrier : « O heureuse et bonne nouvelle ! ô mort, venez bientôt ! ah ! qu'il y a longtemps que je vous désire ! venez me délivrer de toutes les misères de ce monde ! Venez, c'est vous qui m'allez réunir à mon Sauveur ! » S'adressant aux assistants : « Mes amis, pour ne pas craindre la mort et la trouver douce, il faut marcher dans le chemin que Jé-sus-Christ nous a tracé, et se mortifier continuellement. » En ef-fet, c'est à l'heure de la mort qu'un bon chrétien commence à être récompensé du bien qu'il a pu faire pendant sa vie ; à ce moment, le ciel semble s'ouvrir pour lui faire goûter la douceur des biens célestes. Voici, sur ce sujet, un bel exemple. Saint François de Sa-les visitant son diocèse, fut prié de venir auprès d'un bon paysan malade qui désirait ardemment, avant de mourir, recevoir sa bé-nédiction. En toute hâte, le saint évêque se rendit auprès de lui, et trouva dans ce mourant un jugement encore fort sain. En effet, le malade témoigna à son évêque la joie qu'il avait de le voir, et de-manda à se confesser. Quand il eut fini, se voyant seul avec le saint prélat, il lui fit cette question : « Monseigneur, dois-je bien-tôt mourir ? » Le saint, croyant que la frayeur portait le malade à faire cette demande, lui répondit pour le rassurer, qu'il avait vu des malades revenir de plus loin, et que du reste, il devait mettre sa confiance en Dieu, à qui seul appartient notre vie comme notre mort. - « Mais encore, Monseigneur, croyez-vous que je meure ? » - « Mon fils, à cela un médecin répondrait mieux que moi ; tout au plus, vous dirai-je que votre âme est en fort bon état, et peut-être dans un autre temps, n'auriez-vous pas d'aussi bonnes dispositions. Ce que vous avez donc de mieux à faire, c'est de vous abandonner entièrement à la providence et à la miséricorde de Dieu ; afin qu'il dispose de vous selon son bon plaisir. » - « Monseigneur, reprit le paysan ce n'est pas la crainte de mourir qui me fait vous demander si je mourrai de cette maladie ; mais bien plutôt la crainte de vivre plus longtemps. » Le saint, surpris d'un langage aussi extraordinaire, et, sachant qu'une grande vertu ou une excessive tristesse étaient seules capables de faire naître le désir de la mort, demanda au malade d'où lui venait ce dégoût pour la vie. « Oh ! Monseigneur, s'écrie le malade, ce monde est si peu de chose ! je ne sais comment on peut aimer cette vie. Si le bon Dieu ne nous forçait d'y rester jusqu'à ce qu'il nous en retire, il y longtemps que je n'y serais plus. - Est-ce la souffrance, la pauvreté, qui vous a ainsi dégoûté de la vie ? - Non, Monsei-gneur, j'ai mené une vie fort sereine jusqu'à l'âge de soixante-dix ans où vous me voyez, et, grâce à Dieu, je ne sais pas ce que c'est que la pauvreté. - Peut-être avez-vous eu quelque mécontente-ment de la part de votre femme, ou de vos enfants ? - Point du tout, ils ne m'ont jamais causé le moindre chagrin, et ont toujours cherché à me rendre heureux ; la seule chose que je regretterais en quittant le monde, serait de les quitter. - Pourquoi donc désirez-vous la mort avec tant d'ardeur ? - C'est que j'ai entendu dire dans les prédications tant de merveilles sur l'autre vie et les joies du pa-radis que ce monde est pour moi comme un cachot et une pri-son. » Alors, parlant de l'abondance du cœur, ce paysan ajouta des choses si belles et si sublimes sur le ciel, que le saint évêque se retira ravi d'admiration, et profita lui-même de cet exemple, pour s'animer à mépriser les choses créées et à soupirer après le bon-heur du ciel.
N'avais-je pas raison de vous dire que la mort est douce et consolante pour un bon chrétien ; car elle le délivre de toutes les misères de la vie et le met en possession des biens éternels. O mi-sérable vie, comment peut-on s'attacher si fort à toi !... Job nous dit en peu de mots ce que c'est que la vie : « L'homme vit fort peu de temps et sa vie est remplie de misères. Comme une fleur, il ne fait que paraître, et déjà se flétrit. Il est comme l'ombre qui passe et s'enfuit . » Il n'y a point, en effet, d'animal au monde qui soit autant que l'homme, rempli de misères. Depuis la tête jusqu'aux pieds, il n'est pas un endroit qui ne soit sujet à toutes sortes de maladies. Sans compter les craintes, les frayeurs de maux qui, le plus souvent, ne nous arriveront jamais. Et la mort, M.F., nous délivre de toutes ces misères . Saint Paul écrivant aux Hébreux leur dit : « Nous sommes ici comme de pauvres bannis, qui n'ont point de cité permanente ; mais nous en cherchons une qui est dans l'autre monde . » Quelle joie, M F. pour une personne qui a été bannie de son pays, et conduite pour de longues années en es-clavage, lorsqu'on lui annonce que son exil est fini, qu'elle va re-venir dans sa patrie, voir ses parents et ses amis ! Or, le même bonheur attend une âme qui aime Dieu, et languit ici-bas, dans le désir d'aller le voir au ciel au milieu des saints, qui sont ses véri-tables parents et amis. Elle soupire donc ardemment après le mo-ment de sa délivrance.
La mort, M.F., est à l'homme de bien ce que le sommeil est au laboureur, qui se réjouit à l'approche de la nuit où il va trouver le repos des fatigues de la journée. La mort délivre le juste de la prison de son corps ; c'est ce qui faisait dire à saint Paul : « Ah ! malheureux homme que je suis ! qui me délivrera de ce corps de mort ? » - « Tirez-moi, mon Dieu, disait le saint roi David, tirez mon âme de la prison de ce corps, parce que les justes m'attendent, jusqu'à ce que vous m'ayez donné ma récompense. Ah ! qui me donnera des ailes comme à la colombe ? » Et l'Épouse du cantique « Si vous avez vu mon bien-aimé, dites-lui que je languis d'amour ! » Hélas ! notre pauvre âme est dans notre corps comme un diamant dans la boue. O heureuse mort, qui nous délivre de tant de misères !... Saint Grégoire rapporte qu'un pauvre homme nommé Préneste, depuis longtemps perclus de tous ses membres, étant près de mourir, pria les assistants de chanter. On lui demanda pourquoi, et ce qui pouvait le réjouir dans l'état où il était. « Ah ! dit-il, c'est que bientôt mon âme va quitter mon corps ! Tout à l'heure je vais être délivré de cette prison ! » Lorsqu'ils eurent chanté un moment, ils entendirent une agréable musique d'anges. Oh ! leur dit le moribond, n'entendez-vous pas les anges qui chantent ? laissez, laissez-les chanter ! » et il mourut. A l'instant, il se répandit autour de lui une odeur si agréable, que la chambre en fut embaumée. Dans cet exemple, M.F., nous voyons s'accomplir à la lettre ce que Dieu dit par la bouche du prophète Isaïe : « Lève toi, Jérusalem ma bien-aimée, réveille-toi, car tu as bu de ma main, jusqu'à la lie, le calice de ma colère..., tous les maux sont venus ensemble fondre sur toi... Écoute, Jérusalem, pauvre cité, tu ne boiras plus à l'avenir le calice de mon indignation... ; revêts-toi de ta force, Sion ; revêts-toi des vêtements de ta gloire... Sors de ta poussière, et romps les fers de ton cou !... »
Qui pourrait comprendre, M.F., la, grandeur des joies de sainte Liduwine ? Après vingt-sept ans de maladie, rongée par un chancre et dévorée par les vers, se voyant à la fin de ses maux, elle s'écrie : « O bonheur ! tous mes maux sont finis !... Heureuse nouvelle ! Précieuse mort, hâte-toi ! Je te désire depuis si long-temps ! » Quelle satisfaction pour saint Clément, martyr, lors-qu'après trente-deux ans de prison et de supplices ; on vint lui an-noncer sa condamnation, à mort ! « O heureuse nouvelle ! s'écrie-t-il, adieu prison, tortures et bourreaux ! voici donc enfin le terme de ma vie et de mes souffrances. O mort, que tu es précieuse, ah ! ne tarde pas !... ; ô mort tant désirée, viens mettre le comble à mon bonheur en me réunissant à mon Dieu !... »
Qu'un chrétien est donc heureux, s'il a le courage de marcher sur les traces de son divin Maître !... Mais en quoi consiste la vie de Jésus-Christ ? Le voici, M.F. Elle consiste en trois choses, sa-voir : les prières ; les actions et les souffrances. Vous voyez que dans sa vie publique, le Sauveur s'est souvent retiré à l'écart pour prier, et qu'il était toujours en action pour le salut des âmes. Or, il faudrait, M.F., que la pensée de Dieu nous fût aussi naturelle que la respiration. Pendant sa vie de prières et d'actions, Jésus-Christ a beaucoup souffert, tantôt la pauvreté, tantôt les persécutions, tan-tôt les humiliations et toutes sortes de mauvais traitements. « Ma vie, nous dit-il par son prophète, a défailli dans la douleur, et mes années dans les gémissements, ma force s'est affaiblie dans la pauvreté . » La vie d'un bon chrétien peut-elle être autre chose que celle d'un homme attaché à la croix avec Jésus-Christ ? Un juste est un crucifié.
Nous voyons que les saints ont trouvé tant de plaisirs dans la douleur, qu'ils semblaient ne pouvoir s'en rassasier. Voyez ce grand pape Innocent Ier : il était couvert d'ulcères des pieds à la tête, cependant il n'était pas encore content, et soupirait sans cesse après de nouvelles souffrances. Il les demandait chaque jour à Dieu par ses prières. « Mon Dieu, disait-il, augmentez mes dou-leurs, des maladies encore plus cruelles, pourvu que vous me donniez de nouvelles grâces ! » - « Pour-quoi, lui disait-on, de-mandez-vous à Dieu un surcroît de souffrances ? vous êtes déjà couvert de plaies. » - « Vous ne savez pas combien est grand le mérite des souffrances. Ah ! si vous pouviez comprendre ce que vaut la douleur, comme vous l'aimeriez ! » Saint Ignace le martyr, crai-gnant que les lions et les tigres ne vinssent à lui lécher les pieds, comme cela arrivait quelquefois, fit entendre ces belles pa-roles : « Quand est-ce que je vous baiserai, bêtes farouches, vous qui êtes préparées pour mon sup-plice ! Ah ! quand vous caresse-rai-je ? Si vous ne voulez pas me dévorer je vous exciterai ; afin que vous tombiez sur moi avec plus de fureur ; je vous presserai pour que vous vous hâtiez de me dévorer. » Il écrivait à ses disci-ples : « Je vous écris pour vous annoncer combien je suis heu-reux ! je vais mourir pour Jésus-Christ mon Dieu ! Tout ce que je vous demande c'est de ne rien faire pour m'arracher à la mort, je sais ce qui m'est avantageux. Je suis le froment de Dieu. Il faut que je sois moulu entre les dents des lions pour devenir un pain digne de Jésus-Christ . »
Entendez encore saint André qui s'écrie à la vue de la croix sur laquelle il va perdre la vie : « O heureuse croix, par toi je vais être réuni à mon Maître ! ah ! bénite croix, reçois-moi entre tes bras ; puisque, de tes bras, je serai reçu entre ceux de mon Dieu. » La foule, voyant ce bon vieillard attaché à la croix ; voulait mettre en pièces le proconsul et détacher le saint. « Non, mes enfants, leur cria saint André du haut de sa croix, laissez-moi, laissez moi terminer une vie si misérable, puisque, de là, je vais à mon Dieu . » Saint Laurent est étendu sur un gril de fer, les flammes qui, autrefois, ont épargné les trois enfants dans la fournaise de Babylone, le brûlent impitoyablement. Il est déjà rôti d'un côté, et pour toute récompense il demande d'être retourné de l'autre côté ; afin que, dans le ciel, toutes les parties de son corps soient égale-ment glorieuses. Sans doute, M.F., cet exemple est un miracle de la grâce, qui est toute-puissante dans celui qui aime Dieu ; mais voyez sainte Paule. Cette dame romaine était torturée par de vio-lentes douleurs qu'elle éprouvait dans l'estomac, elle aima mieux mourir, que de boire une goutte de vin qu'on voulait lui faire prendre . Saint Grégoire nous rapporte ce trait d'un pauvre mais célèbre mendiant ; qui, étant demeuré plusieurs années paralyti-que, ne pouvant se remuer sur la paille où il couchait, souffrait des douleurs inconcevables, et, cependant, ne cessa pas un instant de sa vie de bénir Dieu. Il mourut en chantant ses louanges.
Ah ! dit saint Augustin, qu'il est consolant de mourir avec la conscience en paix ! Le repos de l'âme et la tranquillité du cœur sont les dons les plus précieux que nous puissions obtenir, nous dit le Saint-Esprit, il n'y a point de plaisir comparable à la joie du cœur . Le juste, dit le même Docteur, ne craint pas la mort, puis-qu'elle va le réunir à son Dieu et le mettre en possession de tontes sortes de délices. Voyez la joie que les saints font paraître en al-lant à la mort... Voyez, nous dit saint Jean Chrysostome, l'intrépi-dité et la joie avec laquelle saint Paul va à Jérusalem, quoiqu'il soit certain des mauvais traitements qui l'attendent : « Je sais qu'il n'y a pour moi que des tribulations et des chaînes ; je sais les per-sécutions et les maux que j'y souffrirai ; mais, n'importe, je ne crains rien, parce que je suis persuadé que j'ai affaire à un bon maître qui ne m'abandonnera pas. Jésus-Christ lui-même est ma caution et mon garant. » Et voyant pleurer ses disciples, l'apôtre ajoutait : « Que faites-vous, en pleurant et affligeant mon cœur ? car moi, je suis prêt, non seulement à être lié mais à mourir à Jé-rusalem pour le nom du Seigneur Jésus . » Nous ne sommes pas sûrs, il est vrai, d'être comme saint Paul, les amis du bon Dieu ; cependant, quoique pécheurs, si nous avons confessé nos péchés avec un sincère regret, et que nous ayons tâché de satisfaire autant que nous avons pu, par la prière et la pénitence ; mais surtout, si à une grande douleur de nos péchés vient se joindre un ardent amour pour le bon Dieu, nous pouvons avoir confiance : nos pé-chés ont été noyés dans le sang précieux de Jésus-Christ, comme l'armée de Pharaon dans la mer Rouge. M.F., il y avait trois croix sur le calvaire, celle de Jésus-Christ, qui est la croix de l'inno-cence, nous ne pouvons aspirer à celle-là, parce que nous avons péché. Puis, celle du bon larron, la croix de pénitence : ce doit être la nôtre. Imitons le bon larron, qui profita des derniers ins-tants de sa vie, pour se repentir, et, de sa croix monta au ciel. Jé-sus-Christ le lui annonça : « Aujourd'hui même tu sera, avec moi dans le paradis » La dernière croix est celle du mauvais larron ; nous devons la laisser à ces pécheurs qui veulent mourir dans leur péché... Mais, pour nous, M.F., nous pouvons certainement, si nous le voulons bien, être du nombre de ceux qui font une bonne mort.
A la mort, tout nous quitte : biens, parents et amis ; mais ici, ce qui est un supplice pour le pécheur procure au juste une grande joie. Dites-moi quel chagrin, en effet, pourrait éprouver un bon chrétien à sa dernière heure ! Pourrait-il regretter ces biens, qu'il a méprisés toute sa vie ? Son corps ? il le regarde comme un cruel ennemi, qui l'a mis plus d'une fois en danger de perdre son âme. Serait-ce les plaisirs du monde ? Non, sans doute, puisqu'il a pas-sé sa vie dans les gémissements, la pénitence et les larmes. Non, M.F., il ne regrette rien de tout cela. La mort ne fait que le séparer de ce qu'il a toujours haï et méprisé ; c'est-à-dire, le péché, le monde et les plaisirs. En s'en allant, il emporte avec lui tout ce qu'il a le plus aimé : ses vertus et ses bonnes œuvres ; il quitte toutes sortes de misères pour aller prendre possession d'innom-brables richesses ; il quitte le combat pour aller jouir de la paix ; il quitte un ennemi cruel, le démon, pour aller se reposer dans le sein du meilleur de tous les pères. Oui, ses bonnes œuvres le conduisent en triomphe devant Dieu, qui lui apparaît, non comme un juge, mais comme un tendre ami, qui après avoir compati à ses souffrances, ne désire rien autre chose que de le récompenser.
Le prophète Isaïe nous apprend que nos bonnes œuvres iront solliciter la bonté de Dieu, nous ouvriront la porte du paradis, et nous marqueront notre demeure dans le ciel. Il est parfaitement vrai que nos bonnes œuvres nous accompagneront. Voici un bel exemple du pieux roi Ezéchias. Le Saint-Esprit nous montre ce roi orné de tous les mérites du juste. Il s'attache de tout son cœur à la pratique des bonnes œuvres, son intention est pure, le motif de toutes ses actions est uniquement celui de plaire à Dieu. Il observe fidèlement, et avec grand respect, toutes les cérémonies de la loi. Mais qu'arriva-t-il ? Le voici. Tout lui réussit pendant sa vie. Mais à l'heure de sa mort toute sa magnificence et ses richesses, qui étaient très grandes, le quittèrent ; ses sujets les plus fidèles furent forcés de l'abandonner ; tandis que ses bonnes œuvres ne le quit-tèrent point. Par elles, il prie Dieu de lui faire grâce : « Je vous en conjure, Seigneur, souvenez-vous que j'ai toujours marché devant vous avec un cœur pur et droit ; j'ai toujours cherché ce que j'ai cru vous être plus agréable . » Telle est, M.F., l'heureuse fin d'une personne qui a travaillé toute sa vie à bien faire tout ce qu'elle a fait, en vue de plaire à Dieu seul. « Heureux, dit saint Jean, ceux qui meurent dans le Seigneur, car leurs œuvres les sui-vent ! » Oui, M.F., nous emporterons tout ce que nous avons de plus précieux ; les biens qui doivent passer, nous les laisserons sur la terre, et ce qui doit durer éternellement nous suivra. Le solitaire sera accompagné de son silence, de sa retraite et de toutes ses oraisons ; le religieux sera accompagné de ses macérations, de ses jeûnes et abstinences ; le prêtre de tous ses travaux apostoliques : il y verra toutes les âmes qu'il a converties et qui seront sa récom-pense et sa gloire ; le chrétien fidèle retrouvera toutes les bonnes confessions et communions qu'il aura faites, toutes les vertus qu'il aura pratiquées pendant sa vie. Heureuse mort, M.F., que celle du juste ! Écoutez le prophète Isaïe : « Dites au juste qu'il est heu-reux, parce qu'il recueillera le fruit de ses œuvres . »
Vous conviendrez donc que la mort du juste est bien pré-cieuse aux yeux de tous les hommes ; qu'un prêtre aille visiter un tel mourant, sa seule présence l'affermira dans la foi et l'espé-rance ; qu'on lui parle de Dieu et de ses grâces, aussitôt son amour s'enflammera comme une fournaise ardente ; qu'on lui parle des derniers sacrements, ce qui glace un pécheur de frayeur et de crainte, il est inondé d'un torrent de délices ; car son Dieu va venir en son cœur pour le conduire avec lui au paradis. Saint Grégoire nous rapporte que sa tante sainte Tharsille, étant près de mourir, s'écria, transportée : « Ah ! voilà mon Dieu ! voilà mon époux ! » et elle expira dans un élan d'amour. Voyez encore saint Nicolas de Tolentino . Pendant les huit derniers jours de sa maladie, lors-qu'il avait reçu le corps du Sauveur, on entendait les anges chan-ter dans sa chambre ; et quand ces chants eurent cessé, il mourut : les anges l'emmenèrent au ciel avec eux. Heureuse mort que celle du juste !.. Sainte Thérèse ayant apparu toute brillante de gloire à une religieuse de son ordre, elle l'assura que Notre-Seigneur était présent à sa mort, et avait conduit son âme au ciel. Heureuse l'âme qui peut être assistée à la mort par Jésus-Christ lui-même !... Qu'il est doux et consolant de mourir dans l'amitié de Dieu !... N'est-ce pas une première récompense du bien que l'on a pu faire pendant sa vie ?

II. - Je sais, M.F., que nous désirons tous faire une bonne mort ; mais ce n'est pas assez de le désirer, il faut encore travailler à mériter ce bonheur, ce grand bonheur. Voulez-vous savoir ce qui nous peut procurer ce bien ? Le voici en peu de mots. Parmi les moyens que nous devons prendre pour bien mourir, j'en choi-sis trois, qui, avec la grâce de Dieu, nous conduiront infaillible-ment à une bonne mort. Il faut nous y préparer 1? par une sainte vie ; 2? par une véritable pénitence si nous avons péché, et 3? par une parfaite conformité de notre mort à celle de Jésus-Christ.
On meurt pour l'ordinaire, comme l'on a vécu : c'est là une de ces grandes vérités que l'Écriture et les saints Pères nous affir-ment en maint endroit. Si vous vivez en bons chrétiens, vous êtes sûrs de mourir en bons chrétiens ; mais si vous vivez mal, vous êtes sûrs de faire une mauvaise mort. Le prophète Isaïe dit : « Malheur à l'impie qui ne pense qu'à mal faire, parce qu'il sera traité comme il le mérite : à la mort il recevra le salaire des œu-vres de ses mains . » Il est vrai cependant que l'on peut quelque-fois, par une espèce de miracle, mal commencer et bien finir ; mais cela arrive si rarement que, d'après saint Jérôme, la mort est ordinairement l'écho de la vie ; vous croyez qu'alors vous revien-drez au bon Dieu ? non, vous périrez dans le mal.
Mais si, étant touchés de repentir, vous commencez à vivre chrétiennement, vous serez du nombre de ces pénitents qui atten-drissent le cœur de Dieu et gagnent son amitié. Quoique moins riches, ils ne laissent pas que d'aller au ciel, et c'est d'eux préci-sément que Dieu se sert pour manifester sa miséricorde. Le Saint-Esprit nous dit : « Si vous avez un ami, faites-lui du bien avant votre mort . » Eh ! M.F., pouvons-nous avoir un meilleur ami que notre âme ? Faisons pour elle tout ce que nous pourrons ; car au moment que nous voudrons lui faire du bien, nous ne le pour-rons plus !... La vie est courte. Si vous différez de vous convertir jusqu'à l'heure de votre mort, vous êtes des aveugles ; puisque, vous ne savez ni le moment, ni le lieu où vous mourrez, peut-être sans secours. Qui sait si vous n'irez point paraître cette nuit même, couverts de péchés devant le tribunal de Jésus-Christ ?... Non, M.F., ce n'est pas ce que vous devez faire ; vous devez vous purifier, et vous tenir toujours en état de paraître devant votre juge. Voici un exemple qui vous fera voir que celui qui retarde de jour en jour son retour à Dieu, meurt comme il a vécu. Le cardinal Pierre Damien nous rapporte qu'un religieux avait passé la meil-leure partie de sa vie en chicanes et en disputes avec ses frères. Étant au lit de la mort, ses frères le conjuraient de confesser ses péchés, d'en demander pardon à Dieu et d'en faire pénitence, avec un bon propos de n'y plus retomber, si la santé lui était rendue. Ils n'en tirèrent pas un seul mot. Mais un peu plus tard, ayant repris la parole, il leur parla, et de quoi ? hélas ! de ce qui avait fait le sujet de ses conversations pendant sa vie : de procès et autres af-faires. Ses frères le suppliaient de songer à son âme ; tout fut inu-tile, il se rendormit et mourut ainsi, sans donner le moindre signe de repentir. Oui, M.F., telle vie, telle mort. N'espérez pas un mi-racle que Dieu ne fait que rarement ; vous vivez dans le péché, vous mourrez dans le péché.
Un grand nombre d'exemples nous prouve qu'après une mauvaise vie, nous ne devons pas attendre une bonne mort. Nous lisons dans l'Écriture sainte , qu'Abimélech, prince fier et orgueilleux, s'empara du royaume qu'il devait partager avec ses frères, et les fit mourir afin de régner seul. Comme il attaquait une place, les assiégés s'étant réfugiés dans une tour, il s'en approcha pour y mettre le feu. Une femme qui le vit du haut du rempart, lui jeta une pierre et lui fendit la tête. Ce malheureux se sentant bles-sé, appela son écuyer et lui dit : « Tire ton épée et perce moi le corps... Fais-moi promptement mourir, afin de m'épargner la confusion d'avoir été tué par une femme. » Quelle étrange conduite, M. F : ? Est-il le premier prince qui ait été ainsi blessé ? Pourquoi, donc veut-il que son écuyer le tue ? Hélas ! c'est qu'il n'a été toute sa vie qu'un ambitieux !... Saül venait de livrer ba-taille aux Amalécites, le sort des armées était très incertain ; il se sentait perdu, car il était déjà blessé, et voyait l'armée ennemie prête à fondre sur lui. S'appuyant sur son épée, et voyant venir der-rière lui un soldat, il lui dit : « Viens ici, mon ami, qui es-tu ? » « Je suis un Amalécite. » - « Eh bien ! fais-moi une grâce : jette-toi sur moi et me tue ; parce que je suis accablé de douleur ; je ne saurais mourir, achève-moi . » Et pourquoi, M.F., ce misérable veut-il mourir de la main d'un Amalécite ? Était-ce donc le seul prince qui ait perdu une bataille ? Ne vous étonnez pas de cela, nous répondent les saints Pères, c'est un prince qui, pendant sa vie, s'est livré aux vices, qui s'est laissé dominer par l'envie, l'ava-rice et par toutes sortes de passions. Pourquoi meurt-il d'une ma-nière si déshonorante ? C'est qu'il a mal vécu. Tout le monde sait qu'Absalon avait été toute sa vie désobéissant et rebelle à son bon père. L'heure de sa mort que Dieu avait marquée de toute éternité, étant enfin arrivée, comme il passait sous un arbre, il y resta sus-pendu par les cheveux. Joab le voyant, lui tira trois coups de flè-ches . D'où vient, M.F., la fin malheureuse de ce prince ? sinon que toute sa vie il n'avait été qu'un mauvais fils. Il meurt de cette sorte, parce qu'il avait mal vécu.
Vous voyez donc clairement, M.F., que si nous voulons faire une bonne mort, il faut mener une vie chrétienne et faire pé-nitence pour nos péchés ; il faut exciter en nous, avec la grâce de Dieu, une humilité profonde, dans un cœur plein de regret d'avoir offensé un maître si bon. Mais un troisième moyen, pour nous préparer à bien mourir, c'est de régler notre mort sur celle de Jé-sus-Christ. Quand on porte le bon Dieu à un malade, on porte aus-si la croix ; ce n'est pas seulement pour chasser le démon, mais bien plus, pour que ce Sauveur crucifié serve de modèle au mori-bond, et afin que, jetant les yeux sur l'image d'un Dieu crucifié pour son salut, il se prépare à la mort comme Jésus-Christ s'y est préparé. La première chose que fit Jésus-Christ avant de mourir fut de se séparer de ses apôtres ; un malade doit faire de même, s'éloigner du monde, et se détacher autant qu'il peut des personnes qui lui sont les plus chères pour ne s'occuper plus que de Dieu seul et de son salut. Jésus-Christ sachant que sa mort était proche, se prosterna la face contre terre dans le jardin des Oliviers, en priant avec instances . Voilà bien ce que doit faire un malade aux approches de la mort ; il doit prier avec ferveur, et dans son agonie, s'unir à l'agonie de Jésus-Christ. Le malade qui veut rendre son mal méritoire doit accepter la mort avec joie, ou, du moins, avec une grande soumission à la volonté de son Père céleste ; pensant qu'il faut absolument mourir pour aller voir Dieu, et que c'est là tout notre bonheur. Saint Augustin nous dit que celui qui ne veut pas mourir, porte la marque d'un réprouvé. Oh ! M.F., qu'un chrétien qui a bien vécu est heureux à ce dernier moment ! Il quitte toutes sortes de misères pour entrer en posses-sion de toutes sortes de biens !... Heureuse séparation ! Elle nous unit à notre souverain bien qui est Dieu même !... C'est ce que je vous souhaite.

 

Merci à http://jesusmarie.com

je vous aime

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 20:02
22ème DIMANCHE APRÈS LA PENTE-CÔTE
Sur la restitution

Reddite ergo quœ sunt Cœsaris, Cœsari ; et quæ sunt Dei, Deo.
Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui
est à Dieu.
(S. Matthieu, XXII, 21.)

Rendre à Dieu ce qui est à Dieu et au prochain ce qui lui est dû ; rien n'est plus juste, rien n'est plus raisonnable. Si tous les chrétiens suivaient ce chemin, l'enfer n'en compterait aucun parmi ses habitants, et le ciel serait peuplé. Ah ! plût à Dieu, nous dit le grand saint Hilaire, que les hommes ne perdissent jamais de vue ce précepte ! Mais, hélas ! combien se font illusion ! Ils passent leur vie à tromper l'un, à voler l'autre. Oui, M.F., rien de plus commun que les injustices, rien de plus rare que les restitutions. Le prophète Osée avait bien raison de dire que les injustices et les larcins couvraient la face de la terre, et qu'ils étaient semblables au déluge qui a ravagé l'univers . Ah ! malheureusement, autant il y a de coupables, autant de personnes qui ne veulent pas le reconnaître. O mon Dieu ! que de voleurs la mort va faire découvrir ! Pour vous en con-vaincre, M.F., je vais vous montrer 1? que le bien mal acquis ne profite jamais ; 2? en combien de ma-nières vous faites tort à votre prochain ; 3? comment et à qui vous devez rendre ce qui ne vous appartient pas.

I. - Nous sommes si aveugles, que nous passons notre vie à chercher et à ramasser des biens que nous perdrons malgré nous, tandis que nous laissons ceux que nous pouvons conserver pen-dant toute l'éternité. Les richesses de ce monde ne sont dignes que de mépris pour un chrétien, et c'est précisément après elles seules que nous courons. L'homme donc est un insensé, puisqu'il agit d'une manière toute contraire à la fin pour laquelle Dieu l'a créé.
Je ne veux pas vous parler, M.F., de ceux qui prêtent à usure, à sept, huit, neuf et dix pour cent ; laissons-les de côté. Il faudrait, pour leur faire sentir toute la grandeur et la noirceur de leur injustice et de leur cruauté, qu'un de ces vieux usuriers, qui, depuis trois ou quatre mille ans, brûlent en enfer, vînt leur faire le récit des tourments qu'il endure, et dont ses mille injustices sont la cause. Non, ce n'est pas là mon dessein. Ceux-là savent bien qu'ils font mal, et que jamais Dieu ne leur pardonnera, s'ils ne rendent à qui ils ont fait tort. Tout ce que je leur dirais ne servirait qu'à les rendre plus coupables. Entrons dans un détail qui en regarde un plus grand nombre.
Je dis que le bien acquis injustement n'enrichira jamais celui qui le possède. Au contraire, il sera une source de malédictions pour toute sa famille. O mon Dieu, que l'homme est aveugle ! Il est parfaitement convaincu qu'il ne vient dans ce monde que pour un petit moment ; à chaque instant, il en voit partir de plus jeunes et de plus robustes que lui ; n'importe, cela ne lui fait pas ouvrir les yeux. L'Esprit-Saint a beau lui dire par la bouche du saint homme Job, qu'il est venu dans le monde dépourvu de tout, et qu'il en sortira de même ; que tous ces biens, après lesquels il court, le quitteront tous au moment qu'il y pensera le moins : tout cela ne l'arrête pas encore. Saint Paul affirme que celui qui veut devenir riche par des voies injustes, ne tardera pas de tomber dans de grands égarements ; bien plus ; qu'il ne verra jamais la face de Dieu . Cela est si vrai que, sans un miracle de la grâce, un avare ou, si vous voulez, une personne qui a acquis quelque bien par fraude ou par adresse, ne se convertira presque jamais, tant ce pé-ché aveugle celui qui le commet. Écoutez comment saint Augus-tin parle à ceux qui ont du bien d'autrui . Vous aurez beau, leur dit-il, vous confesser, vous aurez beau faire pénitence et pleurer vos péchés, si vous ne rendez pas, quand vous le pouvez, jamais Dieu ne vous pardonnera. Toutes vos confessions et toutes vos communions ne seront que des sacrilèges, que vous accumulerez les uns sur les autres. Ou rendez ce qui n'est pas à vous, ou il fau-dra vous résoudre à aller brûler dans les enfers. L'Esprit-Saint ne se contente pas seulement de nous défendre de prendre et de dési-rer le bien de notre prochain, il ne veut pas même que nous le re-gardions, dans la crainte que cette vue nous y fasse porter la main dessus. Le prophète Zacharie nous dit que la malédiction du Sei-gneur restera sur la maison du larron jusqu'à ce qu'elle soit dé-truite . Et moi je dis que non seulement le bien acquis par fraude ou par adresse ne profitera pas ; mais qu'il sera cause que votre bien acquis légitimement périra, et que vos jours seront abrégés. Si vous en doutez, écoutez-moi un instant, vous en serez convain-cus.
Nous lisons dans l'Écriture sainte que le roi Achab voulant agrandir son jardin, alla trouver un homme, nommé Naboth, pour lui demander à acheter sa vigne : « Non, lui dit Naboth, c'est l'héritage de mes pères, je veux la garder. » Le roi fut si outré de ce refus, qu'il en tomba malade. Il n'en pouvait ni boire, ni manger, et se mit au lit. La reine vint et lui demanda la cause de sa maladie. Le roi répondit qu'il voulait agrandir son jardin, et que Naboth avait refusé de vendre sa vigne. « Hé quoi ! répartit la reine, où est donc votre autorité ? Ne vous mettez point en peine ; je vous la ferai bien avoir. » Elle se hâte d'aller trouver quelques personnes qui, gagnées par de l'argent, témoignèrent que Naboth avait blasphémé contre Dieu et contre Moïse. Ce pauvre homme eut beau se défendre, en affirmant qu'il était innocent du crime dont on l'accusait ; on ne le crut pas ; il fut entraîné et assommé à coups de pierres. La reine, le voyant baigné dans son sang, courut vers le roi, pour lui dire de prendre possession de la vigne, parce que celui qui avait été assez hardi pour la lui refuser était mort. A cette nouvelle, le roi guéri courut comme un désespéré, prendre possession de la vigne. Ce malheureux ne pensait pas que c'était là que Dieu l'attendait pour le punir. Le Seigneur appelle son prophète Élie, lui commande d'aller trouver le roi, et de lui dire de sa part que, dans l'endroit même où les chiens avaient léché le sang de Naboth, ils lécheraient son propre sang, et que aucun de ses enfants ne régnerait après lui. Il l'envoie aussi à la reine Jézabel pour lui annoncer que les chiens la mange-ront en punition de son crime. Tout arriva comme le prophète l'avait prédit. Le roi, massacré dans un combat, les chiens léchèrent son sang. Un nouveau roi appelé Jéhu, entrant dans la ville, vit une femme assise à une fenêtre. Elle s'était parée comme une déesse, dans l'espoir de charmer le cœur du nouveau roi. Celui-ci demande quelle est cette créature. On lui répond que c'est la reine Jézabel. Aussitôt il commande de la jeter en bas. Les hommes et les chevaux là foulèrent aux pieds. Le soir étant venu, lorsqu'on voulut lui donner la sépulture, on ne trouva plus que quelques morceaux de son corps : les chiens avaient mangé le reste. « Ah ! s'écria Jéhu, voilà donc accomplie la parole du prophète . » Le roi Achab laissait soixante et dix enfants, tous princes ; ce nouveau roi ordonna qu'on leur tranchât à tous la tête, et qu'on la mît dans des paniers à la porte de la ville pour montrer, par un spectacle aussi affreux, quels malheurs les injustices des parents attirent sur leurs enfants . Saint Victor nous rapporte un exemple qui n'est pas moins étonnant. Un homme, nous dit-il, était entré dans le grenier de son voisin pour lui voler du blé. Au moment où il prenait son sac, le démon s'empara de lui, et, devant tout le monde, le traîna comme s'il l'eut emmené aux enfers . O mon Dieu, que l'homme est aveugle de se damner pour si peu de chose.
La seconde raison, qui doit nous faire craindre de prendre le bien d'autrui, c'est qu'il nous conduit en enfer. Le prophète Zacha-rie dit que, dans une vision, Dieu lui fit voir un livre où il était écrit que jamais les ravisseurs du bien d'autrui ne verraient Dieu, et qu'ils seraient jetés dans les flammes . Et cependant, M.F., il en est qui sont tellement aveuglés, qu'ils aimeraient mieux mourir et être damnés, que de rendre le bien mal acquis, tandis que la mort est sûr le point de l'arracher de leurs mains. Un homme avait passé sa vie à voler et à piller... N'étant âgé que de trente ans, il fut atteint de la maladie dont il mourut. Un de ses amis, voyant qu'il ne demandait point de prêtre, va lui-même en chercher un. « Mon ami, lui dit le prêtre, vous me paraissez bien malade. Vous ne pensiez donc pas à me demander ? vous voulez bien vous confesser ? - « Ah ! Monsieur, répond le malade d'un air tout éga-ré, vous me croyez donc déjà mort ? » - « Mais, mon ami, plus vous aurez de connaissance, mieux vous recevrez les sacrements. » - « Ne me parlez pas de cela, je suis fatigué dans ce moment ; quand je serai mieux, j'irai vous trouver à l'église. » - « Non, mon ami, si vous veniez à mourir sans être administré, j'aurais trop de regret. Puisque je suis ici, je ne m'en irai pas avant de vous avoir confessé. » Se voyant comme forcé, il y consent ; mais comment le fait-il ? comme une personne qui a du bien d'autrui, et qui ne veut pas le rendre. Il n'en dit rien... - « Si vous allez plus mal, je reviendrai vous apporter le bon Dieu. » En effet, le malade va du côté de la mort ; l'on court avertir le prêtre que son pénitent expire. Il se hâte d'accourir. Lorsque le malade entendit la clochette, il demanda ce que c'était, et, apprenant que monsieur le curé lui apportait le bon Dieu : « Eh quoi ! s'écria-t-il, ne vous avais-je pas dit que je ne voulais pas le recevoir ? Dites-lui de ne pas aller plus loin. » Le prêtre entra cependant, et, s'approchant de son lit : « Vous ne voulez donc pas recevoir le bon Dieu qui vous consolerait, et qui vous aiderait à souffrir vos peines. » - « Non, non, j'ai déjà fait assez de mal. » - Mais vous allez scandaliser toute la paroisse. - Eh ! que m'importe que tout le monde sache que je suis damné ? - Si vous ne voulez pas recevoir les sacrements, vous ne pourrez pas être enterré chrétiennement. - Un damné mérite-t-il être enterré parmi les saints ? Lorsque le démon aura pris ma maudite âme, jetez mon corps au loup, comme celui d'un animal... ». Voyant sa femme en pleurs : « Tu pleures ? console-toi ; si tu m'as accompagné pour aller, la nuit, voler les voisins, tu ne tarderas pas à venir me rejoindre dans les enfers. » Il s'écriait dans son désespoir : « Ah ! horreur des enfers, ouvre tes abîmes ! viens m'arracher de ce monde, je ne peux plus y tenir. » Et il meurt avec des signes visibles de réprobation. - Mais, me direz-vous, il avait certaine-ment commis de grands crimes. - Hélas ! mon ami, si j'osais, je vous dirais qu'il ne faisait que ce que vous faites presque tous ; tantôt c'était un fagot, tantôt une brassée de foin ou une gerbe de blé.

II. - Si je voulais, M.F., examiner la conduite, de ceux qui sont ici présents, je ne trouverais peut-être que des voleurs. Cela vous étonne ? Écoutez-moi un instant et vous allez reconnaître que cela est vrai. Si je commence par examiner la conduite des domestiques, je les trouve coupables du côté de leurs maîtres et du côté des pauvres. Du côté de leurs maîtres, les domestiques sont coupables, et, par conséquent, obligés à restituer toutes les fois qu'ils ont pris plus de temps qu'il ne fallait pour se délasser, qu'ils en ont perdu dans les cabarets ; s'ils ont laissé perdre ou prendre le bien de leurs maîtres, et que pouvant l'empêcher ils ne l'aient pas fait. De même, si, en se louant, un serviteur a assuré qu'il était capable de faire certains ouvrages, sachant très bien qu'il l'ignorait ou ne le pouvait...., il est obligé de dédommager son maître de la perte qui est la conséquence de son ignorance ou de sa faiblesse. De plus, il vole les pauvres toutes les fois qu'il dé-pense son argent au jeu, au cabaret ou à d'autres inutilités. - Mais, me direz-vous, cet argent est bien à moi puisque c'est mon gage. - Je vous répondrai : Vous avez travaillé pour le gagner, c'est vrai, et pourtant vous êtes coupable ; vous allez le comprendre. Peut-être vos parents sont-ils assez pauvres pour être obligés d'avoir recours à la charité publique ; si vous aviez conservé vos gages, vous pourriez les soulager : vous êtes dans l'impossibilité de le faire ; n'est-ce donc pas voler les pauvres ? Une fille ou un gar-çon ont dépensé tout leur argent, l'une à acheter des vanités, l'au-tre dans les cabarets ou les jeux ; si le bon Dieu leur envoie quel-que maladie ou infirmité, ils sont obligés d'aller à l'hôpital manger le pain des pauvres ; ou bien ils attendront qu'une personne chari-table leur tende la main, et leur donne ce qui fera faute à d'autres encore plus malheureux. S'ils entrent en ménage, les voilà avec leurs enfants, réduits à la misère. Pourquoi cela ? sinon parce que étant jeunes, ils n'ont rien su réserver. N'est ce pas, ma sœur ; si l'on réfléchissait un peu, la vanité ne monterait pas si haut ? Ce qu'il y a de plus malheureux, c'est que, non seulement vous prodi-guez un bien qui vous fera défaut ; mais vous perdez votre pauvre âme.
Mais voici un péché d'autant plus déplorable qu'il est plus commun, c'est celui des enfants et des domestiques qui volent leurs parents ou leurs maîtres. Les enfants ne doivent jamais rien prendre à leurs parents sous prétexte qu'on ne leur donne pas as-sez. Quand vos parents vous ont nourris, vêtus et instruits, ils ne vous doivent rien de plus. D'ailleurs, dès lors qu'un enfant vole ses parents, on le regarde comme capable de tout. Tout le monde le fuit et le méprise. Un domestique me dira : L'on ne me paie pas de mes peines, il faut bien que je me récompense. - L'on ne vous paie pas de vos peines, mon ami, pourquoi restez-vous chez ces maîtres ? Lorsque vous vous êtes loué, vous saviez bien quel était votre gage et ce que vous pouviez mériter ; il fallait vous adresser ailleurs, où vous auriez gagné davantage. Et que ceux qui reçoi-vent chez eux ce que les domestiques volent à leurs maîtres ou les enfants à leurs parents fassent bien attention ! Ces objets ne se-raient-ils restés chez eux que cinq minutes, et quand même ils n'en connaîtraient pas la valeur, ces receleurs sont obligés à resti-tuer, sous peine de damnation, si les coupables ne le rendent pas eux-mêmes. Il en est qui achèteront quelque objet, d'un enfant ou d'un domestique : or ; ils le paieraient plus que cela ne vaut, ils sont obligés de rendre au maître ou l'objet ou sa valeur ; sans quoi ils seront jetés en enfer. Si vous avez conseillé à une autre per-sonne de dérober ; quand même vous n'auriez tiré aucun profit, si le voleur ne restitue pas, c'est à vous de le faire ; sinon, vous ne pouvez plus espérer le ciel.
Les vols les plus communs se font dans les ventes et les achats. Entrons dans le détail, afin que vous connaissiez le mal que vous faites, et, en même temps, vous puissiez vous corriger. Lorsque vous portez vendre vos denrées, l'on vous demandera si vos œufs ou votre beurre sont bien frais, vous vous empresserez de répondre que oui ; tandis que vous savez très bien le contraire. Pourquoi le dites-vous, sinon pour voler deux ou trois sous à une pauvre personne, qui, peut-être, les a empruntés pour entretenir son ménage ? Une autre fois, c'est en vendant du chanvre. Vous aurez la précaution de cacher en dedans le plus petit ou le plus mauvais. Vous direz peut-être : Si je ne fais pas ainsi, je ne le ven-drai pas autant. - C'est-à-dire, si vous vous conduisiez comme un bon chrétien, - vous ne voleriez pas comme vous le faites. Une autre fois, vous vous êtes bien aperçu que dans votre compte l'on vous avait donné plus qu'il ne fallait, mais vous n'avez rien dit. - Tant pis pour cette personne, ce n'est pas ma faute. - Ah ! mon ami, un jour viendra où l'on vous dira peut-être avec plus de rai-son : Tant pis pour toi !... Telle personne veut vous acheter du blé, du vin ou des bêtes. Elle vous demandera si ce blé est d'une bonne année. Sans balancer vous l'assurez que cela est. Votre vin, vous le mélangez avec d'autre mauvais, et vous le vendez comme tout bon. Si l'on ne veut pas vous croire, vous le jurez, et ce n'est pas une fois, mais vingt fois que vous donnez votre âme au démon. Oh ! mon ami, tu n'as pas besoin de tant te tourmenter pour te donner à lui ; il y a longtemps que, tu lui appartiens ! Cette bête, vous dira-t-on encore, a-t-elle quelque défaut ? Il ne faut pas me tromper, je viens d'emprunter cet argent, si vous le faites, me voi-là dans la misère. - Ah ! certes non, reprenez-vous ; cette bête est très bonne. Si je la vends, ce n'est pas sans en être fâché ; si je pouvais faire autrement, je ne la vendrais pas. Et en réalité, vous ne la vendez que parce qu'elle ne vaut rien et ne peut plus vous servir : - Je fais comme les autres ; tant pis pour celui qui est at-trapé. L'on m'a trompé, je tâche de tromper, sans quoi je perdrais trop. - N'est-ce pas, mon ami, les autres se damnent, il faut bien que vous vous damniez aussi ; ils vont en enfer, il faut bien que vous y alliez avec eux ? Vous aimez mieux avoir quelques sous de plus, et aller brûler en enfer pendant toute l'éternité ! Eh bien ! je vous dis que si vous avez vendu une bête avec des défauts ca-chés, vous êtes obligé de dédommager l'acheteur, de la perte que ces défauts cachés peuvent lui avoir causée ; sans quoi, vous serez damné. - Ah ! si vous étiez à notre place, vous feriez bien comme nous. - Oui ; sans doute, je ferais comme vous, si, comme vous, je voulais me damner ; mais, voulant me sauver, je ferais tout le contraire de ce que vous faites. D'autres personnes passant dans un pré, une ravière ou un verger, ne feront point difficulté de remplir leur tablier d'herbes ou de raves, et d'emporter leurs pa-niers et leurs poches pleins de fruits. Des parents verront venir leurs enfants les mains pleines de choses volées, et les repren-dront en riant. - Eh ! c'est bien grand'chose que cela ! - M.F., si vous prenez tantôt pour un sou, tantôt pour deux, vous aurez bien-tôt fait la matière d'un péché mortel. D'ailleurs, vous pouvez com-mettre un péché mortel en ne prenant qu'un centime si vous désirez prendre trois francs. Que doivent donc faire les parents lorsqu'ils voient venir leurs enfants avec quelque objet volé ? le voici : ils doivent les obliger à aller le rendre eux-mêmes à ceux qu'ils ont volés. Une ou deux fois suffiront pour les corriger. Un exemple va vous montrer combien vous devez être fidèles à cela. Il est rapporté qu'un enfant de neuf à dix ans commençait à faire de petits vols, comme prendre des fruits ou autres petites choses de peu de valeur. Il alla toujours en augmentant, au point qu'il fut plus tard conduit sur l'échafaud. Avant de mourir, il demanda aux juges que l'on fit venir ses parents ; lorsqu'ils furent présents : « O malheureux père et malheureuse mère, s'écria-t-il, je veux que tout le monde sache que vous êtes cause de ma mort honteuse. Vous êtes déshonorés aux yeux du monde ; mais vous êtes des malheureux ! si vous m'aviez corrigé au commencement de mes petits vols, je n'aurais point commis ceux qui m'ont conduit sur cet échafaud. » Je dis, M.F., que les parents doivent être sages par rapport à leurs enfants, quand bien même ils oublieraient qu'ils ont une âme à sauver. L'on voit en effet, pour l'ordinaire, que tels sont les parents, tels sont les enfants. Tous les jours on entend dire : Un tel a des enfants qui suivront bien les traces qu'ils ont suivies étant jeunes. - Cela ne vous regarde pas, me direz-vous, laissez-nous tranquilles, ne venez pas nous troubler ; nous ne pen-sions plus à cela, et vous nous le remettez devant les yeux. Le feu de l'enfer n'est-il donc pas assez rigoureux, ni l'éternité assez lon-gue, pour que vous nous fassiez souffrir ainsi dès ce monde ! - C'est bien vrai, M.F., mais c'est précisément parce que je ne vou-drais pas vous voir damnés. - Eh bien ! tant pis pour nous ; si nous faisons le mal, ce n'est pas vous qui en subirez la peine. - Si vous êtes contents, à la bonne heure !
Quelquefois, ce sera un cordonnier qui emploiera du mau-vais cuir et du mauvais fil ; et qui les fera payer comme bons. Ou encore, ce sera un tailleur qui, sous prétexte qu'il ne reçoit pas un assez bon prix de façon, gardera un morceau d'étoffe sans en rien dire. O mon Dieu ! que la mort va faire découvrir de voleurs !... C'est encore un tisserand qui gâte une partie de son fil, plutôt que de prendre la peine de le débrouiller ; ou bien, il en mettra du moindre, et gardera, sans en rien dire, celui qu'on lui a confié. Voilà une femme à qui l'on donnera du chanvre à filer, elle en jet-tera une partie, sous prétexte qu'il n'est pas bien peigné, en garde-ra quelque peu, et, mettant son fil dans un endroit humide, le poids y sera tout de même. Elle ne pense peut-être pas qu'il appar-tient à un pauvre domestique, auquel ce fil ne fera point d'usage, parce qu'il est déjà à moitié pourri : elle sera donc cause des nom-breux jurements qu'il fera contre son maître . Un berger sait très bien qu'il n'est pas permis de mener paître dans ce pré, ou ce bois ; n'importe, si on ne le voit pas, cela lui suffit. Un autre sait que l'on a défendu d'aller ramasser l'ivraie dans ce blé parce qu'il est en fleur ; il regarde si personne ne le voit et il y entre. Dites-moi, M.F., seriez-vous bien contents si votre voisin vous faisait cela ? Non, sans doute ; eh bien ! croyez que celui ........
Si maintenant nous examinons la conduite des ouvriers, il en est une bonne partie qui sont des voleurs. Dans un moment vous en serez convaincus. - Si on les fait travailler à prix faits , soit pour piocher, soit pour miner, ou pour tout autre travail ; ils en massacreront la moitié, et ne laisseront pas que de bien se faire payer. Si on les loue à la journée, ils se contentent de bien travail-ler quand le maître les regarde, et ensuite ils se mettent à causer ou à ne rien faire. Un domestique ne fera pas difficulté de rece-voir et bien traiter ses anis en l'absence de ses maîtres, sachant bien que ceux-ci ne le souffriraient pas. D'autres feront de grosses aumônes, afin d'être considérés comme des personnes charita-bles... Ne devraient-ils pas, au contraire, donner de leur gage qu'ils dissipent si souvent en vanités ? Si cela vous est arrivé, n'oubliez pas que vous êtes obligés à rendre à qui de droit tout ce que vous avez donné aux pauvres, à l'insu et contre le gré de vos maîtres. C'est encore un premier domestique, auquel son patron aura confié la surveillance des autres ou de ses ouvriers, et qui, sur leur demande, leur donnera du vin ou toute autre chose ; fai-tes-y bien attention : si vous savez donner, il faudra savoir rendre, sous peine de damnation. Un homme d'affaire aura été chargé d'acheter du blé, du foin ou de la paille, il dira au marchand : « Faites-moi un billet, sur lequel vous compterez en plus à mon maître quelques bichets de blé, dix, douze quintaux de paille ou de foin que vous ne m'en livrez. Cela ne peut pas faire tort. » Or, si ce pauvre aveugle livre un tel billet, il est obligé de rendre lui-même l'argent que cet homme va faire donner en plus à son maî-tre, sinon, il doit se résoudre à aller brûler en enfer.
Si nous nous tournons maintenant du côté des maîtres, je crois que nous ne manquerons pas d'y trouver des voleurs. En ef-fet, combien de maîtres ne donnent pas tout ce dont ils sont convenus avec leurs domestiques ; qui, voyant arriver la fin de l'année, font tout leur possible pour les faire partir, afin de n'avoir point à les payer. Si une bête vient à périr malgré les soins de ce-lui qui en était chargé, ils lui en retiendront le prix sur son gage de sorte qu'un pauvre enfant aura travaillé toute l'année, et au bout de ce temps se trouvera sans rien : Combien encore, ayant promis de la toile, la feront faire ou plus étroite, ou de plus mauvais fil, ou même la font attendre plusieurs années ; jusqu'au point qu'il faut les appeler en justice pour les obliger à payer. Combien enfin en labourant, fauchant, moissonnant, dépassent les bornes ; ou bien coupent chez leur voisin un scion pour s'en faire un manche de pioche, une riote ou une corde à leur charrette. N'avais-je pas raison de dire, M.F., que si nous examinions de bien près la conduite des gens du monde, nous ne trouverions que des voleurs et des adroits ? Ne manquez pas de vous examiner sur ce que nous venons de dire : si votre conscience crie, hâtez-vous de réparer le mal que vous avez fait, et tandis qu'il en est temps encore, rendez de suite, si vous le pouvez, ou, au moins, travaillez de toutes vos forces à vous mettre en état de restituer ce que vous avez mal acquis : Rappelez-vous aussi de dire dans vos confessions combien de fois vous avez négligé de rendre, quand vous étiez en état de le faire ; car, Dieu vous en donnant la pen-sée, ce sont là tout autant de grâces méprisées. Je vous parlerai aussi d'un vol assez commun dans les familles, où certains héritiers, lors du partage, dissimulent autant de bien qu'ils le peuvent. Ceci est un véritable larcin, et on est obligé à restitution, sans quoi l'on est perdu.
Je vous l'ai dit en commençant, rien n'est plus commun que l'injustice, et rien de plus rare que la restitution : il eu est peu, comme vous voyez, qui n'aient quelque chose sur la conscience. Hé bien ! où sont ceux qui restituent ? Je n'en sais rien. Cepen-dant, M.F., quoique nous soyons obligés de rendre le bien mal ac-quis sous peine de damnation, lorsque nous le rendons, Dieu ne laisse pas de nous récompenser. Un exemple vous le prouvera clairement, Un boulanger, qui avait, depuis plusieurs années, fait usage de faux poids et de fausses mesures, voulant mettre sa conscience en repos, consulta son confesseur, qui lui conseille de faire, pendant quelque temps, le poids un peu plus fort, Le bruit s'en étant répandu, le concours de clients devint très grand, et, quoiqu'il gagnât peu, Dieu permit qu'en restituant, il augmentât considérablement sa fortune.

III. - Maintenant, allez-vous dire, nous pouvons espérer connaître, du moins en gros, la manière dont nous pouvons faire tort. Mais comment et à qui faut-il donc rendre ? - Vous voulez restituer ? Eh bien ! écoutez-moi un instant, et vous allez le sa-voir. Il ne faut pas se contenter de rendre la moitié, ni les trois quarts ; mais tout, si vous le pouvez ; sans quoi vous serez dam-nés. Il en est qui, sans examiner le nombre de personnes auxquel-les ils ont fait tort, feront quelque aumône, ou feront dire quelques messes ; et, après cela, ils se croiront en sûreté. C'est vrai, les au-mônes et les messes sont de très bonnes choses ; mais il faut qu'elles soient données de votre argent, et non pas de celui de vo-tre prochain. Cet argent n'est pas à vous ; donnez-le à son maître, et ensuite donnez du vôtre, si vous voulez : vous ferez très bien. Savez-vous comment saint Chrysostome appelle ces aumônes ? les aumônes de Judas et du démon. Lorsque Judas eut vendu No-tre-Seigneur, se voyant condamné, il courut rendre l'argent aux docteurs ; ceux-ci, quoique très avares, ne le voulurent point ac-cepter ; ils en achetèrent un champ pour enterrer les étrangers. - Mais, me direz-vous, quand ceux à qui on a fait tort sont morts, à qui faut-il donc rendre ? Ne peut-on pas le garder ou le donner aux pauvres ? - Mon ami, voilà ce que vous devez faire. S'ils ont des enfants, c'est à eux à qui vous devez donner ; s'ils n'ont point d'enfants, c'est aux parents, aux héritiers ; s'ils n'ont point d'héri-tiers, vous devez aller trouver votre pasteur, qui vous dira ce que vous avez à faire. Il en est d'autres qui disent : J'ai bien fait tort à un tel, mais il est assez riche : je connais une pauvre personne qui en a un bien plus grand besoin. Mon ami, donnez à cette personne de votre bien ; mais rendez à votre prochain le bien que vous lui avez pris. - Il en fera un mauvais usage. - Cela ne vous regarde, pas ; donnez-lui son bien, priez pour lui et dormez tranquille .
Hélas ! aujourd'hui les gens du monde sont si avares, si atta-chés aux biens de la terre, que, croyant n'avoir jamais assez eu, c'est à qui sera le plus adroit et trompera le mieux les autres. Mais vous, M.F., n'oubliez pas que si vous connaissez les personnes à qui vous avez fait tort, quand même vous auriez donné le double aux pauvres ; si vous ne rendez pas au maître ce que vous lui avez pris, vous serez damnés. Je ne sais pas si votre conscience est tranquille, j'en doute bien !... J'ai dit que le monde est rempli de voleurs et d'adroits. Les marchands volent en trompant avec les poids et les mesures ; ils profitent de la simplicité d'une personne pour vendre plus cher, ou pour acheter meilleur marché, les maî-tres volent les domestiques en leur faisant perdre une partie de leurs peines ; d'autres, en les leur faisant attendre un temps considérable, en leur décomptant jusqu'à un jour de maladie, comme s'ils avaient pris leur mal chez un voisin et non à leur ser-vice !... De leur côté, les domestiques volent leurs maîtres, tantôt en ne faisant pas leur ouvrage, tantôt en laissant perdre le bien par leur faute ; un ouvrier se fait payer, tandis que son ouvrage est fait à moitié. Ceux qui tiennent les cabarets ; ces réservoirs d'iniqui-tés, ces portes de l'enfer, ces calvaires où Jésus-Christ est sans cesse crucifié ; ces écoles infernales où Satan enseigne sa doc-trine, où se détruisent la religion et les mœurs. Les cabaretiers, dis-je, volent le pain d'une pauvre femme et de ses enfants en donnant du vin à ces ivrognes, qui dépensent le dimanche tout ce qu'ils auront gagné la semaine. Un granger détournera mille cho-ses à son profit, avant que le maître ne partage, et n'en tiendra pas compte. O mon Dieu ! où en sommes-nous ? Que de choses à exa-miner à l'heure de la mort !... Si leur conscience crie trop fort, ces gens-là iront trouver un ministre du Seigneur. Ils voudraient obte-nir la remise de leur dette ; si, au contraire, on les presse de resti-tuer, ils trouveront mille prétextes pour prouver que d'autres leur ont fait tort aussi, et qu'ils ne le peuvent en ce moment : Ah ! mon ami, je ne sais pas si le bon Dieu va se contenter de vos raisons ? Si vous vouliez retrancher un peu de ces vanités, de ces gourman-dises, de ces jeux ; aller un peu moins au cabaret et à la danse, et redoubler votre travail ; vous auriez bientôt acquitté une partie de vos dettes : Prenez bien garde, si vous ne faites pas votre possible pour rendre à chacun ce que vous lui devez, quelque pénitence que vous fassiez, vous ne laisserez pas de tomber en enfer : vous en êtes sûrs !...
Vous en trouverez d'assez aveugles pour dire que leurs en-fants le feront après leur mort. Vos enfants, mon ami, le feront comme vous le faites. D'ailleurs, voulez-vous que vos enfants aient plus soin de votre âme que vous-même ? Vous serez damné, voilà ce qu'il vous arrivera. Dites-moi, avez-vous donc bien satis-fait à toutes les petites injustices que vos parents avaient faites ? Vous vous en êtes bien gardés ; et vos pauvres parents sont en en-fer, pour n'avoir pas restitué de leur vivant, se fiant trop à votre bon vouloir. Enfin, pour couper plus court, combien en est-il parmi ceux qui m'écoutent que leurs parents ont chargés, il y a peut-être plus de vingt ans, de faire des aumônes, ou bien de don-ner des messes, et aucun ne l'a fait. Ils s'en sont bien gardés ! Ils préfèrent agrandir leurs terres, fréquenter les jeux et les cabarets, acheter des vanités à leurs enfants.
Saint Antonin rapporte qu'un usurier aima mieux mourir sans sacrements que de rendre ce qui ne lui appartenait pas. Il n'avait que deux fils ; l'un craignait Dieu et l'autre, non. Celui qui avait souci du salut de son âme fut si touché de l'état malheureux dans lequel son père était mort, qu'après avoir employé une partie de sa fortune à réparer les injustices paternelles, il se fit moine, pour n'avoir plus à penser qu'à Dieu seul. L'autre, au contraire, dissipa tout son argent en débauches et mourut subitement. La nouvelle en fut portée au religieux, qui se mit aussitôt en oraison. Il vit alors en esprit la terre entr'ouverte, et, dans son centre, un gouffre profond vomissant des flammes. Au milieu de ces flam-mes, son père et son frère brûlaient et se maudissaient l'un l'autre. Le père maudissait son fils ; car, voulant lui laisser plus de biens, il n'avait pas craint de se damner pour lui, et le fils reprochait à son père les mauvais exemples qu'il en avait reçus.
Vous parlerai-je de ceux qui attendent jusqu'à leur mort avant de restituer ? Je vais vous prouver par deux exemples que, le moment venu, ou vous ne le voudrez pas, ou, quand même vous le voudriez, vous ne le pourrez plus. 1. Vous ne le voudrez pas. On raconte que le père d'une nombreuse famille étant sur le point de mourir, ses enfants lui dirent : « Père, vous le savez, ce bien que vous nous laissez n'est pas à nous : il faudrait le rendre. - Mes enfants, leur dit le père, si je rendais tout ce qui n'est pas à moi, il ne vous resterait presque rien. - Père, nous aimons mieux travailler pour gagner notre vie, que si vous étiez damné. - Non, mes enfants, je ne veux pas restituer ; vous ne savez pas ce que c'est que d'être pauvres. - Si vous ne rendez pas, vous irez en en-fer. - Non, je ne rendrai rien. » Il meurt en réprouvé... O mon Dieu ! comme le péché d'avarice aveugle l'homme ! 2. J'ai dit que, quand même vous le voudriez à ce moment, vous ne le pour-rez pas. Il est rapporté par un missionnaire qu'un père, voyant sa fin prochaine, fit venir ses enfants près de son lit, et leur dit : « Mes enfants, vous savez que j'ai fait tort à bien du monde ; si je ne rends pas, je suis perdu. Allez chercher un notaire, pour rece-voir mes dispositions. - Eh quoi ! mon père, lui répondent ses en-fants, voudriez-vous vous déshonorer et nous aussi, en vous fai-sant passer pour un malhonnête homme ? Voudriez-vous nous ré-duire à la misère, et nous envoyer mendier notre pain. - Mais, mes enfants, si je ne restitue pas, je serai damné ! » Un de ses fils impies ne craignit pas de lui dire : « Mon père, vous craignez donc l'enfer ? Allez, l'on s'habitue à tout : dans huit jours, vous y serez accoutumé... »
Eh bien, M.F., que concluons-nous de tout cela ? Que vous êtes fameusement aveugles ! Vous perdez vos âmes pour laisser quelques pouces de terre, ou quelques biens de fortune à vos en-fants, qui, loin de vous en savoir gré, se moqueront de vous, tan-dis que vous brûlerez dans les flammes. Finissons en disant que nous sommes des insensés, de ne penser qu'à amasser des biens, qui nous rendent malheureux quand nous les recueillons, pendant que nous les possédons, quand nous les quittons, et encore pen-dant l'éternité. Soyons plus sages, M.F., attachons-nous à ces biens qui nous suivront dans l'autre vie, et feront notre bonheur pendant des jours sans fin : ce que je vous souhaite...

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 20:01
21ème DIMANCHE APRÈS LA PENTECÔTE
Sur la colère

Tenens suffocabat eum, dicens : Redde quod debes.
L'ayant pris à la gorge, il lui dit : Rends-moi ce que tu dois.
(S. Matthieu, XVIII, 28.)

Que les sentiments de l'homme sont différents de ceux de Dieu ! Ce misérable, qui venait de recevoir la remise de tout ce qu'il devait à son maître, bien loin d'être touché de reconnais-sance, et d'être prêt à user de la même indulgence à l'égard de son frère, l'aperçoit à peine qu'il entre en fureur, ne se possède plus, lui saute à la gorge et semble vouloir l'étrangler. L'autre a beau se jeter à ses pieds pour lui demander grâce, rien ne le touche et rien ne l'arrête. Il faut qu'il épuise sa fureur contre ce pauvre malheu-reux, et le fait traîner en prison jusqu'à ce qu'il lui ait payé sa dette. Telle est, M.F., la conduite des gens du monde. Dieu nous est représenté par le maître. S'il nous remet volontairement tout ce que nous devons à sa justice, s'il nous traite avec tant de bonté et de douceur, c'est afin qu'à son exemple, nous nous comportions de la même manière envers nos frères. Mais un homme ingrat et fougueux a bientôt oublié tout ce que son Dieu a fait pour lui. Pour un rien, on le verra se livrer à toute la fureur d'une passion si indigne d'un chrétien, si outrageante à un Dieu de douceur et de bonté. Craignons, M.F., une passion si mauvaise, si capable de nous éloigner de Dieu, et de nous faire passer à nous et à ceux qui nous environnent une vie malheureuse. Je vais donc vous mon-trer : 1. combien la colère outrage Dieu ; 2. combien elle est in-digne d'un chrétien.

I. - Je ne veux pas vous parler de ces petites impatiences, de ces murmures qui sont si fréquents. Vous savez que toutes les fois que vous ne les repoussez pas, vous offensez Dieu. Quoique ce ne soit pas pour l'ordinaire des péchés mortels, il ne faut pas man-quer de vous en accuser. Si vous me demandez ce que c'est que la colère, je vous répondrai que c'est un mouvement violent, impé-tueux de l'âme, qui repousse avec instance ce qui lui déplaît. Si nous ouvrons les livres saints, où sont contenues les actions des hommes qui ont fait l'admiration du ciel et de la terre, partout nous y voyons qu'ils ont toujours eu en horreur ce maudit péché, et qu'ils l'ont regardé comme une marque de réprobation. Cepen-dant, je vous dirai avec saint Thomas, qu'il y a une sainte colère, qui vient du zèle que nous avons pour soutenir les intérêts de Dieu. On peut quelquefois, nous dit-il, se fâcher sans offenser Dieu, selon ces paroles du Roi-prophète : « Mettez-vous en co-lère ; mais ne péchez pas . » IL y a donc une colère juste et raisonnable, que l'on peut plutôt appeler zèle que colère. L'Écriture sainte nous en montre un grand nombre d'exemples. Nous y lisons que Phinéès, qui était un homme craignant le Seigneur et soutenant ses intérêts, entra dans une sainte colère à la vue du scandaleux péché d'un juif avec une Madianite, et les perça d'un coup d'épée. Non seulement il n'a pas offensé le Seigneur par la mort de ces deux abominables, mais au contraire, il fut loué de son zèle à venger les outrages qu'on lui faisait . Telle fut aussi la conduite de Moïse. Indigné de ce que les Israéli-tes. avaient adoré un veau d'or, en mépris du vrai Dieu, il en fit tuer vingt-trois mille pour venger le Seigneur, et, cela, par les ordres de Dieu lui-même . Telle fut encore celle de David qui, dès le matin, déclarait la guerre à tous ces grands pécheurs qui passaient leur vie à outrager son Dieu . Telle fut enfin celle de Jésus-Christ lui-même, quand il alla dans le temple pour en chasser ceux qui y vendaient et achetaient, leur disant : « Ma maison est une maison de prière et vous en faites une caverne de voleurs . » Telle doit être la colère d'un pasteur qui a le salut de ses paroissiens à cœur et la gloire de son Dieu. Si un pasteur reste muet en voyant Dieu outragé et les âmes s'égarer, malheur à lui ! S'il ne veut pas se damner, il faut que, s'il y a quelques désordres dans sa paroisse, il foule aux pieds le respect humain et la crainte d'être méprisé ou haï de ses paroissiens ; et serait-il sûr d'être mis à mort après être descendu de chaire, cela ne doit pas l'arrêter. Un pasteur qui veut remplir son devoir doit toujours avoir l'épée à la main pour défendre les innocents, et poursuivre les pécheurs jusqu'à ce qu'ils soient revenus à Dieu ; cette poursuite ne doit cesser qu'à sa mort. S'il ne se comporte pas de cette manière, c'est un mauvais prêtre, qui perd les âmes au lieu de les conduire à Dieu. Si vous voyiez arriver quelque scandale dans votre paroisse, et que vos pasteurs ne disent rien : malheur à vous, parce que Dieu vous a punis en vous envoyant de tels pasteurs.
Je dis donc que toutes ces colères ne sont que de saintes co-lères, louées et approuvées de Dieu même. Si toutes vos colères étaient de cette nature, l'on ne pourrait que vous en louer. Mais quand nous réfléchissons un peu sur tout ce qui se passe dans le monde, quand nous entendons tous ces bruits, voyons ces dissen-sions qui règnent entre les voisins et les voisines, les frères et les sœurs : nous n'y reconnaissons qu'une passion fougueuse, injuste, vicieuse et déraisonnable, dont il est nécessaire de vous montrer les pernicieux effets ; afin de vous en faire concevoir toute l'hor-reur qu'elle mérite. Écoutez ce que nous dit le Saint-Esprit : L'homme en se mettant en colère, non seulement perd son âme et son Dieu, mais encore il abrège ses jours . Je vais vous le prouver par un exemple frappant. Nous lisons dans l'histoire de l'Église que l'empereur Valentinien, en recevant les députés des Quades, entra dans une colère si épouvantable qu'il en perdit la respiration et mourut sur le champ. O mon Dieu ! quelle horreur ! quelle passion détestable et monstrueuse ! elle donne la mort à celui qui l'enfante ! Je sais bien que l'on ne se livre pas souvent à de tels excès ; mais combien de femmes enceintes, par la colère à laquelle elles se livrent, font périr leurs pauvres enfants, avant de leur avoir donné le jour et le baptême ! Ces malheureux n'auront donc jamais le bonheur de voir le bon Dieu ! Au jour du jugement nous les verrons perdus : ils n'iront jamais au ciel ! Et la colère seule d'une mère en sera la cause ! Hélas ! ces pauvres enfants vont souvent s'écrier dans l'enfer : Ah ! maudit péché de colère, que tu nous as privés de biens !... c'est toi qui nous a ravi le ciel ; c'est toi qui nous as condamnés à être dévorés par les flammes ! O mon Dieu ! que ce maudit péché nous a ravi de grands biens ! Adieu, beau ciel, nous ne te verrons jamais ; ah ! quel malheur ! ... O mon Dieu ! une femme qui se serait rendue coupable d'un tel crime, pourrait-elle bien vivre sans verser jour et nuit des torrents de larmes, et ne pas se dire à chaque instant : Malheureuse, qu'as-tu fait ? où est ton pauvre enfant ? tu l'as jeté en enfer. Hélas ! quels reproches pour le jour du jugement, lorsque tu le verras ve-nir te demander le ciel ! Ce pauvre enfant va se jeter sur sa mère avec une fureur affreuse. Ah ! mère ! lui dira-t-il, maudite mère ! rends-moi le ciel ; c'est toi qui me l'as ravi ! Ce beau ciel que je ne verrai jamais, toute l'éternité je te le demanderai ; ce beau ciel que la colère d'une mère m'a fait perdre !... O mon Dieu ! quel mal-heur ! Et cependant que le nombre de ces pauvres enfants est grand ! - Une femme enceinte doit, en se confessant d'un péché de colère, ne jamais manquer, si elle veut se sauver, de déclarer son état ; parce que, au lieu d'un péché mortel, il peut y en avoir deux. Si vous ne faites pas cela, c'est-à-dire, si vous ne dites pas cette circonstance, vous devez bien douter pour vos confessions. De même, un mari qui aurait fait mettre en colère sa femme, doit s'accuser de cette circonstance ; ainsi que tous ceux qui se sont rendus coupables de la même faute. Hélas ! qu'il y en a peu qui s'accusent de cela ! Mon Dieu, que de confessions mauvaises !
Le prophète Isaïe nous dit que l'homme en colère est semblable à une eau agitée par la tempête . Belle comparaison, M.F., En effet, rien ne représente mieux le ciel que la mer quand elle est calme ; c'est un grand miroir dans lequel les astres semblent se reproduire ; mais aussi, dès que l'orage en a troublé les eaux, toutes ces images célestes disparaissent. Ainsi, l'homme qui a le bonheur de conserver la patience et la douceur est, dans ce calme, une image sensible de Dieu. Mais la colère, les impatiences n'ont pas plus tôt détruit ce calme, que l'image de la divinité disparaît. Cet homme cesse dès lors d'être l'image de Dieu pour être celle du démon. Il en redit les blasphèmes, en représente la fureur. Quelles sont les pensées du démon ? Ce ne sont que pensées de haine, de vengeance, de division : telles sont celles d'un homme en colère. Quelles sont les expressions du démon ? Ce ne sont que malédictions et jurements. Si j'écoute un homme en colère, je n'entends autre chose de sa bouche que jurements et malédictions. O mon Dieu ! quelle triste compagnie que celle d'une personne qui est sujette à la colère ! Voyez une pauvre femme qui a un mari de cette sorte : si elle a la crainte de Dieu, et veut lui éviter des offenses et à elle les mauvais traitements, elle ne peut lever la langue , quand même elle en aurait le plus grand désir du monde. Il faut qu'elle se contente de gémir et de pleurer en secret ; afin de ne point faire mauvais ménage, ni donner scandale. - Mais, me dira un homme emporté, pourquoi me tient-elle tête ? on sait bien que je suis vif. - Vous êtes vif, mon ami, mais croyez-vous que les autres ne le soient pas aussi bien que vous ? Dites donc plutôt que vous n'avez point de religion, et vous direz ce que vous êtes. Est-ce qu'une personne qui a la crainte de Dieu ne doit pas savoir gouverner ses passions, au lieu de se laisser gouverner par elles ?
Hélas ! si j'ai dit qu'il y a des femmes malheureuses parce qu'elles ont des maris emportés ; il y a des maris qui ne sont pas moins malheureux, avec des femmes qui ne sauront jamais leur dire un mot de bonne grâce, qu'un rien emporte et met hors d'el-les-mêmes. Mais quel malheur dans un ménage, lorsque ni l'un ni l'autre ne veulent plier ; ce n'est plus que disputes, que colères et malédictions. O grand Dieu ! n'est-ce pas là véritablement un en-fer anticipé ? Hélas ! à quelle école sont ces pauvres enfants ? quelles leçons de sagesse et de douceur reçoivent-ils ? Saint Ba-sile nous dit que la colère rend l'homme semblable au démon, parce qu'il n'y a que le démon qui soit capable de se livrer à ces sortes d'excès. Une personne dans cet état est semblable à un lion en fureur, dont le rugissement fait mourir d'effroi les autres ani-maux. Voyez Hérode : parce que les rois Mages l'avaient trompé, il entra dans une telle colère, ou plutôt dans une telle fureur, qu'il fit égorger tous les petits enfants de Bethléem et des environs . Il ne se contenta pas de ces horreurs ; il fit encore poignarder sa femme et ses enfants . Hélas ! combien de pauvres enfants sont estropiés pour leur vie, par les mauvais coups qu'ils ont reçus de leurs parents, dans ces transports de colère ! Mais j'ajoute que la colère ne marche presque jamais seule : elle est toujours accom-pagnée de beaucoup d'autres péchés, comme nous allons le voir.

II. - La colère entraîne avec elle les jurements, les blasphè-mes, les reniements de Dieu, les malédictions, les imprécations , Saint Thomas nous dit que jurer est un péché si grand, si affreux aux yeux de Dieu, que jamais nous ne pourrons comprendre l'outrage qu'il lui fait. Ce péché n'est pas comme les autres, dont la légèreté de matière ne fait souvent qu'un péché véniel. Dans les jurements, plus la matière est légère, plus le péché est grand ; puisque c'est un plus grand mépris, et une plus grande profanation du saint nom de Dieu. Le Saint-Esprit nous assure que la maison de l'homme qui est accoutumé à jurer, sera remplie d'iniquité, et que les châtiments de Dieu n'en sortiront pas jusqu'à ce qu'elle soit détruite . Peut-on bien entendre sans frémir ces malheureux, qui osent porter leur fureur jusqu'à jurer le saint nom de Dieu, ce nom adorable que les anges ont tant de joie à répéter sans cesse : « Saint, saint, saint, le grand Dieu des armées ! qu'il soit béni dans tous les siècles des siècles ! » Si l'on réfléchissait bien en em-ployant sa langue, que c'est un instrument donné de Dieu pour le prier, pour chanter ses louanges ; que cette langue a été arrosée par le sang précieux de Jésus-Christ ; que, tant de fois, elle a servi de reposoir au Sauveur lui-même, pourrait-on s'en servir pour outrager un Dieu si bon, et pour profaner un nom si saint et si respectable !...
Voyez quelle horreur les saints avaient des jurements. Saint Louis, roi de France, avait fait une loi portant que celui qui jure-rait aurait la langue percée d'un fer rouge. Un bourgeois de la ville, dans une dispute, jura le saint nom de Dieu. Il fut conduit devant le roi, qui le condamna sur le champ à avoir la langue percée. Tous les puissants de la ville étant venus pour demander sa grâce, le roi leur répondit que, s'il avait eu le malheur de commet-tre ce péché, il se la percerait lui-même. Et il ordonna que sa sen-tence fut exécutée. Lorsqu'il alla combattre pour la Terre sainte, il fut fait prisonnier. On lui demanda un serment, qui cependant, ne paraissait pas blesser sa conscience ; il aima mieux néanmoins s'exposer à la mort que de le faire, tant il craignait de jurer . Aus-si, voyons-nous qu'une personne qui jure, est ordinairement une personne abandonnée de Dieu, accablée de toutes sortes de mal-heurs, et qui souvent fait une fin malheureuse.
Nous lisons dans l'histoire un exemple capable de nous donner la plus grande horreur du jurement. Du temps que saint Nar-cisse gouvernait l'Église de Jérusalem, trois libertins calomnièrent horriblement le saint, appuyant leur affirmation par trois serments exécrables. Le premier dit que, si ce qu'il affirmait n'était pas vrai, il voulait être brûlé vif ; l'autre, qu'il voulait mourir du mal caduc ; le troisième, qu'il voulait que les yeux lui fussent arrachés. A cause de ces calomnies, saint Narcisse fut chassé de la ville comme un infâme, c'est-à-dire, comme un évêque qui s'abandonnait à toutes sortes d'impuretés. Mais la vengeance de Dieu ne tarda pas à punir ces malheureux. Le feu ayant été mis pendant la nuit dans la maison du premier, il y fut brûlé tout vif. Le second mourut du mal caduc ; le troisième, épouvanté par de si horribles châtiments, perdit la vue en pleurant ses péchés. Je sais que bien peu se permettent ces sortes de jurements. Les jurements les plus ordinaires sont ceux-ci : Ma foi ! Ma conscience ! - Mon Dieu ! oui ; - Mon Dieu ! non ; parbleu ! - morbleu ! - mâtin !
Lorsque vous vous confessez, il faut bien vous accuser de la raison pour laquelle vous avez juré ; si c'est pour assurer des cho-ses fausses ou la vérité. Si vous avez fait jurer d'autres personnes en ne voulant pas les croire. Vous devez dire si vous en avez l'ha-bitude, et depuis combien de temps vous l'avez. Aux jurements, il faut bien prendre garde de ne pas ajouter le serment. Il en est qui disent : « Si cela n'est pas vrai, je veux ne jamais bouger de place ; voir le ciel ; que Dieu me damne ! que la peste m'étouffe ! que le démon m'emporte ! .... » Hélas ! mon ami, peut-être que le démon n'attend que ta mort pour t'emporter !... Vous devez dire, dans vos confessions, si ce que vous avez dit était ou n'était pas contre la vérité. Il y en a qui croient qu'il n'y a point de mal de faire un serment pour assurer une chose qui est véritable. Le mal, il est vrai, n'est pas si grand que pour une chose fausse ; mais c'est toujours un péché, et même gros. Vous êtes donc toujours obligés de vous en accuser, sans quoi vous êtes damnés. En voici un exemple qui fait trembler. Il est rapporté dans la vie de saint Édouard, roi d'Angleterre , que le comte Gondevin, beau-père du roi, était si orgueilleux, qu'il ne pouvait souffrir personne auprès de lui. Le roi l'accusa un jour d'avoir coopéré à la mort de son frère. Le comte lui répondit que, si cela était vrai, il voulait qu'un morceau de pain l'étranglât. Le roi fit le signe de la croix sur ce morceau de pain, son beau-père le prit, et comme il l'avalait, le pain lui resta au gosier, l'étrangla, et il en mourut. Terrible punition, M.F. ! Hélas ! où alla sa pauvre âme, puisqu'il mourut en commettant ce péché ?
Non seulement nous ne devons pas jurer, sous quelque prétexte que ce soit, quand même il s'agirait de perdre nos biens, no-tre réputation et notre vie, parce que, en jurant, nous perdons le ciel, notre Dieu et notre âme ; mais nous ne devons pas même faire jurer les autres. Saint Augustin nous dit que, si nous pré-voyons que ceux que nous faisons appeler en justice jureront à faux, nous ne devons pas le faire ; nous sommes aussi coupables et même plus coupables que si nous leur ôtions la vie. En effet, en les égorgeant nous ne faisons que donner la mort à leur corps, s'ils ont le bonheur d'être en état de grâce ; le seul mal est pour nous : au lieu qu'en les faisant jurer, nous perdons leur pauvre âme, et nous les perdons pour l'éternité. Il est rapporté qu'un bourgeois de la ville d'Hippone, homme de bien, mais fort attaché à la terre, contraignit un homme à qui il avait prêté de l'argent de jurer en justice ; celui-ci jura faussement. La même nuit, il fut présenté au tribunal de Dieu. - Pourquoi as-tu fait jurer cet homme... ? Ne de-vais-tu pas plutôt perdre ce qu'il te devait que de perdre son âme ? Jésus-Christ lui dit qu'il lui pardonnait, pour cette fois, mais qu'il le condamnait à être fouetté ; ce qui fut exécuté sur le champ par les anges ; car le lendemain, il se trouva tout couvert de plaies. - Vous me direz : Il faudrait perdre ce que l'on me doit ? - Il fau-drait perdre ce que l'on vous doit ; mais vous estimez donc moins l'âme de votre frère que votre argent ? D'ailleurs, soyez bien sûrs que si vous faites cela pour le bon Dieu, il ne manquera pas de vous récompenser.
Les pères et mères, maîtres et maîtresses doivent examiner s'ils n'ont point été, pour leurs enfants ou leurs domestiques, la cause de quelques jurements, par la crainte où ils ont été quelque-fois d'être maltraités ou grondés. On jure aussi bien pour le men-songe que pour la vérité. Prenez bien garde, lorsque vous serez appelés en justice, de ne jamais jurer à faux. Quoique vous n'ayez pas juré, il faut même examiner si vous n'en avez pas eu la pensée dans vous-même, et combien de fois vous avez eu cette pensée ; si vous avez conseillé à d'autres de jurer à faux, sous prétexte que, s'ils disent la vérité, ils seront condamnés. Vous êtes obligé de dire cela. Accusez-vous encore si vous avez pris quelques détours pour dire autrement que vous ne pensiez ; car vous êtes obligé de dire tel que vous le pensez ou tel que vous l'avez vu et entendu ; sans quoi, vous commettez un gros péché. Vous devez de même distinguer si vous avez donné quelque chose pour porter les autres à mentir : ainsi, un maître qui menacerait son domestique de le maltraiter ou de lui faire perdre son gage, doit s'expliquer en confession sur tout ceci, sans quoi sa confession ne serait qu'un sacrilège. Le Saint-Esprit nous dit que le faux témoin sera puni rigoureusement .
Nous venons de dire ce que c'est que le jurement et le ser-ment, voyons maintenant ce que c'est que le blasphème. Il y en a plusieurs qui ne savent pas distinguer le blasphème du jurement. Si vous ne savez pas distinguer l'un de l'autre, vous ne pouvez pas espérer que vos confessions soient bonnes, parce que vous ne fai-tes pas connaître vos péchés tels que vous les avez commis. Écou-tez donc bien ; afin que vous quittiez cette ignorance, qui vous damnerait très certainement. Le blasphème est un mot grec qui veut dire détester, maudire une beauté infinie. Saint Augustin nous dit que l'on blasphème lorsqu'on attribue à Dieu quelque chose qu'il n'a pas, ou qui ne lui convient pas ; lorsqu'on lui ôte ce qui lui convient, ou, enfin, quand l'on s'attribue ce qui n'est dû qu'à Dieu. Expliquons cela. 1. nous blasphémons lorsque nous disons que Dieu n'est pas juste, si ce que nous faisons ou entre-prenons ne réussit pas. 2. Dire que Dieu n'est pas bon, comme le font quelques malheureux dans l'excès de leurs misères, est un blasphème. 3. Nous blasphémons lorsque nous disons que Dieu ne sait pas tout ; qu'il ne fait pas attention à ce qui se passe sur la terre ; qu'il ne nous sait pas seulement au monde ; que toutes cho-ses vont comme elles veulent ; que Dieu ne se mêle pas de si peu de chose ; qu'en venant au monde nous apportons notre sort d'être malheureux ou d'être heureux, et que Dieu n'y change rien. 4. Lorsque nous disons : Si Dieu faisait miséricorde à celui-là, vrai-ment il ne serait pas juste ; car il en a trop fait et n'a mérité que l'enfer. 5. Lorsque nous nous emportons contre Dieu à l'occasion de quelque perte, et que nous disons : Non, Dieu ne peut pas m'en faire davantage qu'il ne m'en fait. C'est aussi un blasphème que de se moquer et railler de la sainte Vierge, ou des saints, en disant : C'est un saint qui n'a pas grand pouvoir, voilà plusieurs jours que je prie... et je n'ai rien obtenu ; je ne veux plus avoir recours à lui. C'est un blasphème de dire que Dieu n'est pas puissant, et de le traiter indignement, comme en disant : Malgré Dieu ! S... D... ! S... N... !
Les Juifs avaient une telle horreur de ce péché que quand ils entendaient blasphémer, ils déchiraient leurs vêtements, en signe de douleur . Le saint homme Job redoutait ce péché à tel point, que dans la crainte que ses enfants l'eussent commis, il offrait à Dieu des sacrifices pour l'expier . Le prophète Nathan dit à Da-vid : Puisque vous avez été la cause de ce que l'on a blasphémé Dieu, votre enfant mourra, et les châtiments ne sortiront point de votre maison pendant votre vie . Le Seigneur dit dans l'Écriture sainte : Quiconque blas-phémera mon saint nom, je veux qu'il soit mis à mort. Pendant que les Hébreux étaient dans le désert, on surprit un homme qui blasphémait, le Seigneur ordonna qu'il fût assommé à coups de pierres . Sennachérib ; roi des Assyriens, qui assiégeait Jérusalem, ayant blasphémé le nom de Dieu, en disant que, malgré Dieu, il prendrait cette ville et la mettrait toute à feu et à sang ; le Seigneur envoya un ange, qui, dans une seule nuit, tua cent quatre-vingt-cinq mille hommes, et lui-même fut égorgé par ses propres enfants . Ces blasphèmes ont toujours été en horreur depuis le commencement du monde ; ils sont vraiment le langage de l'enfer, puisque le démon et les damnés ne cessent de les proférer. Lorsque l'empereur Justin apprenait que, quelques-uns de ses sujets avaient blasphémé, il leur faisait couper la langue. Pendant le règne du roi Robert, la France fut affligée d'une grande guerre. Le bon Dieu révéla à une sainte âme que tous ces maux dureraient jusqu'à ce que le blasphème eût été banni du royaume. N'est-ce donc pas un miracle extraordinaire, qu'une maison, où se trouve un blasphémateur, ne soit pas écrasée par la foudre et accablée de toutes sortes de malheurs ? Saint Augustin dit encore que le blasphème est un péché plus grand que le parjure ; car, dans celui-ci, on prend Dieu à témoin d'une chose fausse, dans celui-là, au contraire, c'est une chose fausse que l'on attribue à Dieu . Vous conviendrez avec moi, M.F., de la gran-deur de ce péché et du malheur qui en résulte pour l'homme qui s'y livre. Après s'y être livré, ne doit-il pas craindre que la justice de Dieu le punisse sur le champ, comme tant d'autres ?
Voyons maintenant quelle différence il y a entre le blas-phème et le reniement de Dieu. Je ne veux pas vous parler de ceux qui renient Dieu en quittant la religion catholique pour en embrasser une fausse : tels sont les protestants, les jansénistes et tant d'autres. Nous appelons ces personnes des renégats et des apostats. Il s'agit ici de ceux qui, à la suite de quelque perte ou de quelque disgrâce, ont la maudite habitude de s'emporter en paro-les de colère contre Dieu. Ce péché est horrible, parce qu'à la moindre chose qui nous arrive, nous nous en prenons à Dieu même, nous nous emportons contre lui ; c'est comme si nous di-sions à Dieu : Vous êtes un...... ! un...... ! un malheureux ! un vindicatif ! Vous me punissez pour telle action, vous êtes injuste. Il faut que Dieu essuie notre colère, comme s'il était cause de la perte que nous avons faite et de l'accident qui nous est arrivé. N'est-ce pas lui, ce tendre Sauveur, qui nous a tirés du néant, qui nous a créés à son image, qui nous a rachetés par son sang pré-cieux et qui nous conserve depuis si longtemps ; tandis que nous méritions d'être abîmés dans les enfers depuis bien des années !... Il nous aime d'un amour inconcevable, et nous le méprisons ; nous profanons son saint nom, nous de jurons, nous le renions ! Quelle horreur ! Y a-t-il un crime plus monstrueux que celui-là ? N'est-ce pas imiter le langage des démons ? des démons qui ne font que cela dans les enfers ? Hélas ! M.F., si vous les imitez en cette vie, vous êtes bien sûrs d'aller leur tenir compagnie dans les enfers. O mon Dieu ! un chrétien peut-il bien se livrer à de telles horreurs !
Une personne qui se livre à ce péché doit s'attendre à une vie malheureuse, et même dès ce monde. Il est raconté qu'un homme, après avoir été pendant toute sa vie un blasphémateur, dit au prê-tre qui le confessait : Hélas ! mon père, que ma vie a été malheu-reuse ! J'avais l'habitude de jurer, de blasphémer le nom de Dieu ; j'ai perdu tous mes biens qui étaient considérables ; mes enfants, sur qui je n'ai attiré que des malédictions, ne valent rien ; ma lan-gue, qui a juré, blasphémé le saint nom de Dieu, est ulcérée et tombe en pourriture. Hélas ! après avoir été bien malheureux dans ce monde, je crains encore d'être damné à cause de mes jure-ments.
Souvenez-vous, M.F., que votre langue ne vous a été donnée que pour bénir le bon Dieu ; elle lui a été consacrée par le saint baptême et par la sainte communion. Si par malheur vous êtes su-jet à ce péché, il faut vous en confesser avec grande douleur et en faire une rude pénitence ; sans quoi vous irez en subir le châti-ment en enfer. Purifiez votre bouche, en prononçant avec respect le nom de Jésus. Demandez souvent à Dieu la grâce de mourir plutôt que de retomber dans ce péché. Auriez-vous jamais pensé combien le blasphème est un péché horrible aux yeux de Dieu et des hommes ? Dites-moi, vous êtes-vous confessé comme il faut, ne vous êtes-vous pas contenté de dire que vous avez juré, ou en-core d'avoir dit des paroles grossières ; sondez votre conscience, et ne vous endormez pas, car il est bien possible que vos confes-sions ne valent rien.
Voyons maintenant ce qu'on entend par malédiction et im-précation. Le voici. La malédiction, c'est lorsque, entraînés par la haine ou la colère, nous voulons anéantir ou rendre malheureux quiconque s'oppose à notre volonté. Ces malédictions tombent sur nous, sur nos semblables ou sur les créatures animées ou même inanimées. Lorsque nous agissons de la sorte, nous nous condui-sons non selon l'esprit de Dieu, qui est un esprit de douceur, de bonté et de charité ; mais selon l'esprit du démon, dont toute l'oc-cupation est de maudire. Les malédictions les plus mauvaises sont celles que les pères et mères appellent sur leurs enfants, à cause des grands maux qui s'ensuivent. Un enfant maudit de ses parents est, ordinairement, un enfant maudit de Dieu même ; parce que le bon Dieu a dit que si les parents bénissent leurs enfants, il les bé-nira ; au contraire, s'ils les maudissent, leur malédiction restera sur eux . Saint Augustin en cite un exemple digne d'être à ja-mais gravé dans le cœur des pères et mères. Une mère, nous dit-il, maudit dans la colère ses trois enfants ; à l'instant même, ils furent possédés du démon . Un père dit à un des siens : Tu ne crèveras donc pas...... Son enfant tomba mort à ses pieds.
Ce qui aggrave encore ce péché, c'est que, si un père et une mère ont l'habitude de le commettre, leurs enfants contracteront cette habitude, ce vice devient héréditaire dans les familles. S'il y a tant de maisons qui sont malheureuses, et qui sont véritablement la retraite des démons et l'image de l'enfer, vous en trouverez l'explication dans les blasphèmes et les malédictions de leurs an-cêtres, qui ont passé de leur grand'père à leur père et de leur père passent à leurs enfants, et ainsi de suite. Vous avez entendu un père en colère prononcer des jurements, des imprécations et des malédictions ; hé bien ! écoutez ses enfants lorsqu'ils seront en colère : mêmes jurements, mêmes imprécations et le reste. Ainsi les vices des parents passent à leurs enfants comme leurs biens, et encore mieux. Les anthropophages ne tuent que les étrangers pour les manger ; mais, parmi les chrétiens, il y a des pères et mères, qui, pour assouvir leurs passions, souhaitent la mort de ceux à qui ils ont donné la vie, et livrent au démon ceux que Jésus-Christ a rachetés par son sang précieux. Combien de fois n'entend-on pas dire à ces pères et mères sans religion : Ah ! maudit enfant, tu ne... une fois ! tu m'ennuies ; le bon Dieu ne te punira donc pas une bonne fois ! ; je voudrais que tu fusses aussi loin de moi que tu en es près ! ce mâtin d'enfant ! ce démon d'enfant ! ces ch..... d'enfants ! ces bêtes d'enfants ! et le reste. O mon Dieu ! toutes ces malédictions peuvent-elles bien sortir de la bouche d'un père et d'une mère, qui ne devraient souhaiter et désirer que les béné-dictions du ciel à leurs pauvres enfants ! Si nous voyons tant d'en-fants insensés, revêches, sans religion, estropiés, n'en cherchons pas la cause ailleurs que dans les malédictions des parents ; du moins pour le plus grand nombre.
Quel est donc le péché de ceux qui se maudissent eux-mêmes dans les moments d'ennui ? C'est un crime épouvantable qui combat la nature et la grâce ; car, la nature et la grâce nous inspirent de l'amour pour nous-mêmes. Celui qui se maudit res-semble à un enragé qui se tue de ses propres mains ; il est même pire ; souvent il s'en prend à son âme, en disant : Que Dieu me damne ! que le démon m'emporte ! j'aimerais autant être en enfer que d'être comme je suis ! Ah ! malheureux, dit saint Augustin, que Dieu ne te prenne pas au mot ; car, tu irais vomir le venin de ta rage dans les enfers. O mon Dieu ! si un chrétien pensait bien à ce qu'il dit, aurait-il la force de prononcer ces blasphèmes, capa-bles, en quelque sorte, de forcer Dieu à le maudire du haut de son trône ! Oh ! qu'un homme sujet à la colère est donc malheureux ! Il force à le punir ce Dieu qui ne voudrait que son bien et son bonheur ! Pourra-t-on jamais le comprendre !
Quel est encore le péché d'un mari et d'une femme, d'un frère et d'une sœur, qui vomissent les uns contre les autres toutes sortes de blasphèmes ? C'est un péché dont nul terme ne pourra jamais exprimer la grandeur ; c'est un péché d'autant plus grand, qu'ils sont plus rigoureusement obligés de s'aimer et de se suppor-ter les uns les autres. Hélas ! combien de gens mariés ne cessent de vomir toutes sortes de malédictions l'un contre l'autre ! Un ma-ri et une femme qui ne devraient se faire que des souhaits heu-reux, et solliciter la miséricorde de Dieu, afin d'obtenir l'un pour l'autre le bonheur d'aller passer leur éternité ensemble, se chargent de malédictions ; ils s'arracheraient, s'ils le pouvaient, les yeux, et même la vie. Maudite femme ou maudit mari, s'écrient-ils, au moins, si je ne t'avais jamais vu et jamais connu ! Ah ! maudit père, qui m'a conseillé de te prendre !... O mon Dieu ! quelle hor-reur pour des chrétiens, qui ne devraient travailler qu'à devenir des saints ! Ils font ce que font les démons et les réprouvés ! Combien ne voyons-nous pas de frères et de sœurs se souhaiter la mort, se maudire, pour être plus riches ou pour quelques injures qu'ils auront reçues ; conserver souvent de la haine toute leur vie, et avoir de la peine à se pardonner même avant de mourir.
C'est encore un gros péché que de maudire le temps, les bê-tes, son travail. Combien de gens, quand le temps n'est pas selon leur volonté, le maudissent en disant : Maudit temps, tu ne chan-geras donc pas ! Vous ne savez pas ce que vous dites, c'est comme si vous disiez : Ah ! maudit Dieu, qui ne me donne pas un temps comme je le voudrais. D'autres maudissent leurs bêtes : Ah ! maudite bête, je ne pourrai donc te faire aller comme je veux !... Que le démon t'emporte ! que le tonnerre t'écrase ! que le feu du ciel te grille !... Ah ! malheureux, vos malédictions ont plus souvent leur effet que vous ne le pensez. Souvent des bêtes périssent ou s'estropient, et cela par suite des malédictions que vous leur avez données. Combien de fois vos malédictions, vos emportements et vos blasphèmes ont-ils attiré la grêle et la gelée sur vos récoltes !
Mais quel est le péché de ceux qui souhaitent du mal à leur prochain ? Ce péché est grand en proportion du mal que vous souhaitez, du dommage qui serait causé, si cela arrivait. Vous de-vez vous en accuser chaque fois qu'il vous est arrivé de faire de tels souhaits. Lorsque vous vous confessez, il faut dire quel mal vous avez souhaité à votre prochain, quelle perte il aurait subie, si ce mal lui était arrivé. Vous devez expliquer s'il s'agit de vos pa-rents, de vos frères et sœurs, de vos cousins ou cousines, de vos oncles ou tantes. Hélas ! qu'il y en a peu qui font toutes ces dis-tinctions dans leurs confessions ! On aura maudit ses frères, ses sœurs, ses cousins ou cousines ; et on se contentera de dire qu'on a souhaité du mal à son prochain, sans dire à qui, ni quelles étaient les intentions en le faisant. Combien d'autres ont fait des jurements affreux, des blasphèmes, des imprécations, des renie-ments de Dieu à faire dresser les cheveux de la tête, et qui se contentent de s'accuser qu'ils ont dit des paroles grossières, et rien autre. Une parole grossière, vous le savez, c'est une espèce de pe-tit jurement, comme b...... et f...... dit sans colère.
Hélas ! que de confessions et communions sacrilèges !
Mais, me direz-vous, que faut-il faire pour ne pas commettre ces péchés, qui sont affreux et capables de nous attirer, toutes sor-tes de malheurs ? - Il faut que toutes les peines qui nous arrivent nous fassent ressouvenir que, nous étant révoltés contre Dieu, il est juste que les créatures se révoltent contre nous. Il faut ne ja-mais donner aux autres occasion de nous maudire. Les enfants et les domestiques surtout, doivent faire tout ce qu'ils peuvent, afin de ne pas porter leurs parents ou leurs maîtres à les maudire ; car il est certain que tôt ou tard, il leur arrivera quelque châtiment. Les pères et mères doivent considérer qu'ils n'ont rien de si cher au monde que leurs enfants, et, bien loin de les maudire, ils ne doivent cesser de les bénir, afin que Dieu répande sur eux le bien qu'ils leur désirent. S'il vous arrive quelque chose de fâcheux, au lieu de charger de malédictions ce qui ne va pas comme vous vou-lez, il vous serait aussi facile et bien plus avantageux de dire : Que Dieu vous bénisse. Imitez le saint homme Job ; qui bénissait le nom du Seigneur dans toutes les peines qui lui arri-vaient , et vous recevrez les mêmes grâces que lui. Voyant sa grande sou-mission à la volonté de Dieu, le démon prend la fuite, les bénédic-tions se répandent avec abondance sur ses biens, tout lui est rendu au double . Si, par malheur, il vous arrive de prononcer quel-qu'une de ces mauvaises paroles, faites-en vite un acte de contri-tion pour en demander pardon, et promettez que vous n'y retour-nerez pas. Sainte Thérèse nous dit que, quand nous prononçons le nom de Dieu avec respect, tout le ciel se réjouit ; tandis que si nous prononçons ces mauvais mots, c'est l'enfer. Un chrétien ne doit jamais perdre de vue que sa langue ne lui est donnée que pour bénir Dieu en ce monde, et le remercier des biens dont il l'a comblé pendant sa vie ; afin de le bénir pendant l'éternité avec les anges et les saints : ce sera le partage de ceux qui auront imité, non le démon, mais les anges. Je vous le souhaite...

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 20:00
20ème DIMANCHE APRÈS LA PENTE-CÔTE
Sur l'Ivrognerie

Nolite inebriari vino, in quo est luxuria.
Ne vous laissez pas aller à l'ivrognerie, qui conduit à l'impureté.
(S. Paul aux Éphésiens, V, 18.)

Saint Paul nous assure que les ivrognes n'entreront jamais dans le royaume des cieux ; il faut donc, M.F., que l'ivrognerie soit un bien grand péché. Cela est très facile à comprendre, car, sous quelque aspect que nous le considérions, ce péché est in-fâme, aux yeux mêmes des païens ; à plus forte raison, les chré-tiens doivent-ils le craindre mille fois plus que la mort. Le Saint-Esprit nous le dépeint d'une manière effrayante ; il nous dit : « Malheur à vous qui êtes puissants à boire du vin et vaillants à vous enivrer... malheur à celui qui se lève dès le matin avec la pensée de se livrer à l'ivresse ! » Hélas ! M.F., il en est bien peu de ceux qui sont atteints de ce vice horrible qui travaillent à s'en corriger. Les uns ne voient aucun mal à boire en toute rencontre ; les autres pensent que pourvu qu'ils ne perdent pas la raison, ils ne commettent pas un bien grand péché ; d'autres, enfin, s'excusent sur ce que les compagnies les entraînent. Pour les détromper tous de ces erreurs, je vais leur montrer : 1? que tout condamne l'ivro-gnerie, 2? que tous les prétextes qu'ils peuvent alléguer ne sont pas capables de les justifier devant le bon Dieu.

I. - Pour vous montrer, M.F., la grandeur du péché de l'ivrognerie, il faudrait pouvoir vous faire connaître la grandeur des maux qu'il entraîne avec lui pour le temps et pour l'éternité ; ce qui ne sera jamais donné à l'homme mortel, parce qu'il n'y a que Dieu seul qui puisse le connaître. Tout ce que je vous en dirai ne sera donc rien en comparaison de ce qu'il est.
D'abord, vous conviendrez avec moi qu'une personne, qui a encore un peu de bon sens et de religion, ne peut pas être indiffé-rente et insensible à la perte de sa réputation, de sa santé et de son salut. Faut-il mieux m'expliquer encore, je vous dirai que l'ivro-gne, par son péché, s'attire la ruine de sa santé, l'aversion des hommes et la malédiction de Dieu lui-même. Je crois, M.F., que cela seul devrait suffire pour vous en faire concevoir une horreur exécrable. Quelle honte pour une personne, mais surtout pour un chrétien, de se plonger dans cet infâme bourbier ! Le Saint-Esprit nous dit dans l'Écri-ture sainte, qu'il faut envoyer le paresseux à la fourmi pour apprendre d'elle à travailler ; mais que pour l'ivro-gne ; il faut l'envoyer à la bête brute pour apprendre d'elle la tem-pérance dans le boire et le manger. Quand on veut engager un pé-cheur à sortir du péché, on s'em-presse de lui proposer les exem-ples de Jésus-Christ et des saints ; mais pour un ivrogne, il faut bien changer de langage, il faut lui proposer l'exemple des ani-maux, et sans craindre de descendre jusqu'aux plus immondes. Grand Dieu, quelle horreur ! Saint Basile nous dit que l'on ne de-vrait pas souffrir les ivrognes parmi les hommes ; mais qu'il fau-drait les chasser, et les reléguer parmi les bêtes sauvages qui sont au fond des forêts.
Ce péché paraît odieux même aux païens. Il est rapporté dans l'histoire que les magistrats de la ville de Sparte, dont les ha-bitants étaient très sobres, pour bien faire comprendre aux jeunes gens combien ce vice est indigne d'une créature raisonnable, fai-saient venir, à certain jour de l'année, au milieu de la place publi-que, un esclave que l'on avait enivré. Les jeunes gens, voyant cet homme se traîner dans l'eau ou dans la boue, s'en étonnaient et s'écriaient : O ciel ! d'où peut venir un tel monstre ? Il a une figure humaine, mais il a moins de raison qu'une bête brute. Vous le voyez, M.F., tout païens qu'ils étaient, ils ne pouvaient pas conce-voir qu'une créature raisonnable fût capable de se livrer à une pas-sion qui la réduisît à un état aussi déshonorant. Nous lisons encore qu'un jeune seigneur, homme de bien, avait un serviteur assez malheureux pour se mettre de temps en temps dans le vin. Un jour, comme il allait à l'église, il le trouva dans cet état, et lui de-manda où il se rendait. Je vais à l'église, prier le bon Dieu, lui ré-pondit le serviteur. - Tu vas à l'église, lui repartit son maître, ah ! infâme ! comment pourrais-tu prier le bon Dieu quand tu ne serais pas en état de paître ton cheval.
Il n'en est pas de ce péché comme de ceux qui, avec le temps et la grâce, se corrigent ; pour celui-là il faut un miracle de la grâce, et non une grâce ordinaire. Me demandez-vous pourquoi les ivrognes se convertissent si rarement ? - En voici la raison : c'est qu'ils n'ont ni foi, ni religion, ni piété, ni respect pour les choses saintes ; rien n'est capable de les toucher et de leur faire ouvrir les yeux sur leur état malheureux. Si vous les menacez de la mort, du jugement, de l'enfer qui les attend pour les brûler ; si vous les entretenez du bonheur que Dieu réserve à ceux qui l'ai-ment ; pour toute réponse ils vous feront un petit sourire malin qui signifie : « Vous croyez-peut-être me faire peur comme l'on fait aux enfants ; mais je ne suis pas encore du nombre de ceux qui se laissent... pour croire tout cela. » Voilà tout ce que vous en tirez. Il croit que quand nous sommes morts, tout est fini. Son Dieu, c'est son vin et il s'en tient là. « Va, malheureux, lui dit l'Esprit-Saint, ce vin que tu bois avec excès est comme une couleuvre qui te donne la mort . » Tu n'en crois rien maintenant ; mais en enfer, tu apprendras qu'il y a un autre Dieu que ton ventre.
Outre le mal que l'ivrogne se fait à lui-même par ce péché, à quels excès n'est-il pas capable de se porter lorsqu'il est dans sa crapule ! Saint Augustin nous en rapporte un exemple effrayant. Dans la ville où il était évêque, un jeune homme nommé Cyrille avait, comme tant d'autres, hélas ! la malheureuse habitude de fréquenter les cabarets. Un jour qu'il revenait du lieu de ses dé-bauches, il porta la fureur de la passion si loin qu'il attaqua sa mère elle-même qui était enceinte. Se voyant entre les mains de ce fils maudit, elle se débattit avec tant d'efforts qu'elle fit périr le pauvre enfant qu'elle portait. O mon Dieu, quel malheur ! un en-fant qui ne verra jamais le ciel par la fureur de ce malheu-reux li-bertin !... Cet infâme voyant qu'il ne pouvait pas gagner sa mère, se met à la poursuite d'une de ses sœurs, qui aima mieux se laisser poignarder que de consentir à son infâme désir. Le père, enten-dant un grand bruit, accourt pour délivrer sa fille. Le malheureux se jette sur son père, le frappe à coups de couteau et le fait tomber à ses pieds. Une autre de ses sœurs court au secours de son père qu'elle voyait assassiner, le malheureux la poignarde aussi. O ciel ! quelle horreur ! quelle est la passion semblable à celle-ci ? Saint Augustin ayant fait rassembler les fidèles à l'église pour leur faire part de cet événement, rapporte lui-même que tout le monde fondait en larmes, au récit d'un tel crime.
Voyez, M.F., quelle horreur de ce péché le Saint-Esprit veut vous inspirer, puisqu'il vous dit de « ne pas même regarder le vin quand il brille dans le verre. Si vous le buvez avec excès, dit-il encore, il vous mordra comme un serpent, il vous empoisonnera comme un basilic . » Voulez-vous, nous dit saint Basile, savoir ce que c'est que l'estomac d'un ivrogne, le voici : c'est un réservoir rempli de toutes les immondices du cabaret. Vous voyez ordinai-rement, dit-il, un ivrogne mener une vie languissante ; il n'est ca-pable de rien ; sinon de ruiner sa santé, de manger son bien, de mettre sa famille à la misère : voilà tout ce dont il est capable. Il faut que cette passion soit bien déshonorante, puisque le monde, si corrompu qu'il soit, ne laisse pas que d'avoir un souverain mé-pris pour les ivrognes, et de les regarder comme des pestes publi-ques. Cela n'est pas bien difficile à comprendre : ne renferme-t-elle pas tout ce qui est capable de rendre un homme infâme et odieux aux yeux des païens même. N'est-il pas odieux, lorsque, par la négligence de ses affaires, il ruine sa famille et la met à la misère ? N'est-il pas odieux par les scandales qu'il donne, par la turpitude de sa vie, et les injures qu'il débite aussi bien contre ses supérieurs que contre ses inférieurs ; car un ivrogne n'a pas plus de respect pour les uns que pour les autres. Vous conviendrez avec moi, M.F., qu'il n'en faudrait pas autant pour rendre une per-sonne méprisable.
Écoutez-moi un instant encore, et vous le comprendrez mieux. Où trouverez-vous un père qui veuille donner sa fille à un ivrogne, s'il le connaît pour tel ? Dès que vous lui en faites la pro-position, il vous répond : « Si je voulais faire périr ma fille de chagrin, je le ferais ; mais comme j'aime mes enfants, je préfère la garder avec moi toute ma vie. » D'ailleurs, M.F., où serait la fille qui voudrait consentir à prendre un jeune homme qui roule les cabarets ? - « J'aimerais mieux, vous dirait-elle, aller passer ma vie dans un bois que de prendre un abruti, qui, peut-être, dans son vin me tuera, comme on l'a vu bien souvent. » Dites-moi, M.F., quel est le bourgeois qui voudrait confier le gouvernement de son domaine à un ivrogne, le charger de payer ses dépenses, de recevoir son argent ? De tous les cinq mille, vous n'en trouverez pas un qui y consente, et ils ont bien raison. Où est le juge qui vou-drait recevoir en justice la déposition d'un ivrogne ? Il le ferait chasser de son audience, et ordonnerait de le conduire dans son écurie, avec ses chevaux, ou même mieux, avec ses pourceaux, s'il en avait. Où trouverez-vous un honnête homme, qui veuille paraître dans une auberge en la société d'un ivrogne ? Si personne ne le connaît, il prendra peut-être patience mais, s'il se croit re-connu d'une personne comme il faut, de suite il prend la fuite ; ou, s'il ne le peut pas, il cherche mille détours pour faire entendre qu'il s'est trouvé dans cette compagnie sans le savoir. Voulez-vous dans une dispute lui faire de la peine, reprochez-lui de l'avoir vu en telle compagnie ; c'est lui dire qu'il ne vaut, pas mieux que cet ivrogne ; et l'on suppose toutes sortes de mauvaises qualités à un ivrogne !
Saint Basile nous dit que si les bêtes étaient capables de connaître ce que c'est qu'un ivrogne, elles ne voudraient pas le souffrir en leur compagnie, elles croiraient se déshonorer. Un ivrogne ne se met-il pas au-dessous de la bête la plus brute ? Voyez, en effet, une bête a des pieds pour aller où elle veut, où on l'appelle ; mais un ivrogne n'en a point. Que de fois le trouvez-vous couché dans un chemin, semblable à un animal à qui l'on a coupé les quatre pieds. Si vous avez la charité de le relever, de suite il retombe, au point que vous êtes obligé ou de le laisser dans la boue, ou bien de le prendre sur vos épaules. N'est-ce pas la vérité ? - Oui, sans doute, pensez-vous en vous-mêmes. - Une bête a des yeux pour voir, pour se conduire, pour aller à la maison de son maître, et se placer d'elle-même dans l'écurie qu'il lui a dé-signée. Un ivrogne n'a point d'yeux pour se conduire chez lui, il ne sait pas s'il doit prendre la droite ou la gauche ; s'il est de vos voisins, il ne vous connaît pas seulement. Demandez-lui s'il est jour ou s'il est nuit, il n'en sait rien. Une bête a des oreilles pour entendre ce que son maître lui dit ; elle ne peut pas lui répondre ; mais elle le regarde pour montrer qu'elle comprend et qu'elle est prête à faire ce qu'il lui commande. Un chien voit-il son maître lui faire signe qu'il a perdu son mouchoir ou son bâton, il se met aus-sitôt en devoir d'aller le chercher, il le rapporte et témoigne à son maître la joie, le plaisir qu'il a de lui rendre service. Si vous trou-vez un ivrogne étendu sur votre chemin, essayez de lui parler pendant des heures entières, il ne vous répondra pas seulement, tant ses oreilles sont bouchées, tant ses yeux sont obscurcis par la fumée du vin. Si l'ivresse lui laisse encore la force d'ouvrir la bouche, il vous répondra une chose pour l'autre ; et vous finirez par vous en aller, déplorant son malheureux penchant. Si, dans cet état, il a encore quelque connaissance, il n'y a sorte de saletés et d'infamies qu'il ne vomisse ; vous lui verrez commettre des ac-tions qui feraient rougir les païens s'ils en étaient témoins, et cela sans remords. Faut-il donner un dernier coup de pinceau pour vous faire mieux apprécier quelle est là valeur et quelles sont les belles qualités d'un ivrogne ? je n'ajoute qu'un mot : c'est un dé-mon d'impureté revêtu d'un corps, que l'enfer a vomi sur la terre, c'est le plus sale, le plus immonde de tous les animaux. Otez-lui son âme, et ce n'est plus que la dernière des bêtes que porte la terre.
Je crois qu'à présent, M.F., vous pouvez vous faire une idée de la grandeur du péché de l'ivrognerie. Nous le trouvons très hor-rible, et cependant nous n'avons qu'une connaissance-bien bornée de la malice du péché ; je vous laisse à penser de quelle manière le bon Dieu, qui le connaît dans toute son étendue, doit le consi-dérer ! S'il n'était pas immortel, pourrait-il, sans mourir d'horreur, supporter la vue de ce vice qui le déshonore dans ses créatures, puisqu'elles sont, nous dit saint Paul, les membres de Jésus-Christ . N'allons pas plus : loin, M.F., c'en est assez. Je vous dirai seulement qu'un impudique, quoique bien criminel, peut encore au moins, dans son péché, produire un acte de contrition qui le réconcilie avec le bon Dieu ; mais pour un ivrogne, il est incapable de donner le moindre signe de repentir. Bien loin de connaître l'état de son âme, il ne sait pas même s'il est au monde ; de sorte que, M.F., mourir dans l'ivresse ou mourir en réprouvé, c'est une même chose.
Nous disons, M.F., qu'un ivrogne est tout à fait incapable de travailler à son salut, comme vous allez le voir. Il faudrait, pour qu'il sortit de son état, qu'il pût en sentir toute l'horribilité. Mais, hélas ! il n'a point de foi ; il ne croit que très faiblement les vérités que l'Église nous enseigne. Il faudrait qu'il recourût à la prière ; mais il n'en fait presque point, ou bien s'il les fait, c'est en s'habil-lant ou en se déshabillant, ou encore il se contentera de faire le signe de la croix, tant bien que mal, en se jetant sur son lit comme un cheval sur son fumier. Il faudrait qu'il usât des sacrements, qui sont, malgré le mépris qu'en font les impies, les seuls remèdes que la miséricorde de Dieu nous présente pour nous attirer à lui. Mais, hélas ! il ne connaît ni les dispositions qu'il faut apporter pour les recevoir dignement, ni même le plus nécessaire de ce qu'il faut savoir pour être sauvé. Si vous voulez l'interroger sur son état, il n'y comprend rien, il vous répond une chose pour l'autre. Si, dans un temps de jubilé, ou de mission, il veut sauver les apparences, il se contentera de dire seulement la moitié de ses péchés ; et, avec les autres, il va à la sainte table, c'est-à-dire, il va commettre un sacrilège ; cela lui suffit. Mon Dieu, quel état est celui d'un ivro-gne ! qu'il est difficile d'en pouvoir sortir ! M.F., si vous preniez la peine de considérer le maintien d'un ivrogne à l'église, vous penseriez qu'il est semblable à un athée qui ne croit rien ; vous le voyez venir le dernier, ou bien sortir, afin de se délasser un peu, chercher quelques-uns de ses semblables pour l'accompagner au cabaret, pendant que les autres sont à entendre la sainte Messe.
Le prophète Isaïe nous dit que les ivrognes sont des créatu-res inutiles sur la terre pour le bien ; mais qu'elles sont très dange-reuses pour le mal . Pour nous en convaincre, M.F., entrez dans un cabaret, que saint Jean Climaque appelle la boutique du dé-mon, l'école où l'enfer débite et enseigne sa doctrine, le lieu où l'on vend les âmes, où les ménages se ruinent, où les santés s'altè-rent, où les disputes commencent et où les meurtres se commet-tent. Hélas ! autant de choses qui font horreur à ceux qui n'ont pas encore perdu la foi. Qu'y entend-on ? Vous le savez bien mieux que moi : blasphèmes, jurements, imprécations, paroles sales. Et que d'actions honteuses que l'on ne ferait pas partout ailleurs !...
Voyez, M.F., ce pauvre ivrogne ! IL est plein de vin et sa bourse est vide. Il se jette sur un banc ou sur une table ; le lende-main il est étonné de se trouver dans un cabaret, tandis qu'il se croyait chez lui. Il s'en va après avoir dépensé tout son argent, et souvent il est obligé de laisser en gage son chapeau ou ses habil-lements avec un billet ; afin de pouvoir emporter son corps avec le vin qu'il a bu. Quand il rentre, sa pauvre femme et ses en-fants, qu'il a laissés sans pain, avec leurs seuls yeux pour pleurer, sont obligés de vite prendre la fuite, sinon ils vont être maltraités, comme s'ils étaient la cause de la dépense de son argent et des mauvaises affaires qu'il a faites. Mon Dieu, que l'état d'un ivrogne est déplo-rable !
Le concile de Mayence a bien raison de nous dire qu'un ivrogne transgresse les dix commandements de Dieu. Si vous voulez vous en convaincre, examinez-les les uns après les autres, et vous verrez qu'un ivrogne, est capable de faire tout ce que les commandements de Dieu nous défendent. Je ne veux pas entrer dans ce détail qui serait trop long. Saint Jean Chrysostome dit, en s'adressant au peuple de la ville d'Antioche : « Prenez bien garde, mes enfants, de ne pas vous laisser aller à l'ivrognerie ; parce que ce péché dégrade l'homme d'une manière si épouvantable, qu'il le met au-dessous de la bête brute privée de raison. Oui, continue-t-il, les ivrognes sont véritablement les amis du démon ; là où sont les ivrognes, sont les démons en grand nombre. » Hélas ! M.F., ne faut-il pas que ce péché soit horrible aux yeux de Dieu ; pour qu'il le punisse d'une manière si effrayante, même dès ce monde ? En voici un exemple frappant. Nous lisons dans l'Écriture sainte , que le roi Balthasar avait fait, pour recevoir les grands de sa cour, un splendide festin, qui surpassait tous ceux qu'il leur avait offert durant son règne. Il avait fait chercher dans tout son royaume les vins les plus délicieux. Quand ses convives furent assemblés, et que, se faisant gloire de boire à longs traits, le sang commençait à s'échauffer et l'impudicité à s'allumer ; nous pouvons bien dire que l'un ne va pas sans l'autre : quand déjà ils se plongeaient dans la volupté, tout à coup, parut devant la face du roi, une main sans corps, écrivant sur la muraille certains mots qui étaient la condamnation de ce roi, sans qu'il le connût. Hélas ! M.F., que l'homme le plus fier, le plus orgueilleux et le plus féroce, est peu de chose dans un accident semblable, ou plutôt dans le moindre accident !
Balthasar en fut si épouvanté, prit un si grand tremblement, que les jointures de ses reins se brisaient et ses genoux se heur-taient l'un contre l'autre. Tous les convives furent en proie à la même terreur et semblaient être demi-morts. Le roi s'empressa de faire chercher quelqu'un qui pût lui faire comprendre la significa-tion de ces mots ; mais personne n'y comprenait rien. Alors il or-donna de faire venir tous ses devins, c'est-à-dire ses faux prophè-tes. Chacun voulait savoir, mais sans y parvenir. Enfin on dit au roi que Daniel, le prophète du Seigneur, pouvait seul lui en don-ner la signification. Comme il désirait vivement connaître le sens de ces paroles, il commanda de l'amener sur le champ. Le pro-phète se rend sans résistance auprès du roi, qui le reçoit avec beaucoup de respect, et lui demande l'explication de ces mots, en lui offrant plusieurs présents. Le prophète les refuse. « Prince, lui dit-il, écoutez. Voici ce que veulent dire ces trois mots MANE, THECEL, PHARES. Le premier, que vos jours sont comptés et que vous êtes à la fin de votre vie et de votre règne ; le second, que vous avez été pesé et trouvé trop léger ; le troisième, que votre royaume sera divisé entre les Mèdes et les Perses. » Ainsi le roi entendit de la bouche même du prophète la sentence de condam-nation qui lui annonçait la fin de toutes ses débauches. Remar-quez-le bien, ceci se passait au moment où ce malheureux buvait avec ses convives, dans les vases sacrés enlevés par son père dans le pillage du temple de Jérusalem ; pendant qu'ils se remplissaient le corps de vin, et qu'ils se plongeaient dans les plus sales volup-tés. O mon Dieu ! quel coup de foudre de votre colère ! Mais il n'en fut pas quitte pour la peur, comme on dit communément : tout arriva comme le prophète l'avait prédit. Le roi fut massacré, et son royaume fut partagé entre les Mèdes et les Perses.
Malgré cet avertissement capable de convertir tout autre pécheur, ce malheureux ne fut qu'endurci ; car il ne paraît pas qu'il ait donné le moindre signe de repentir. Selon toute appa-rence, de sa crapule et de sa frayeur descendit en enfer. Ce qui nous montre combien il est difficile à un ivrogne de se convertir.
Voyez encore Holopherne, ce fameux orgueilleux, qui se faisait gloire de se remplir de vin jusqu'à regorger, en présence de la belle Judith . Ce fut précisément dans son ivresse qu'elle lui coupa la tête. Oh ! M.F., quelle funeste passion ! qui pourrait en comprendre la tyrannie et s'y abandonner ? Non, M.F., une per-sonne qui s'abandonne à l'ivrognerie n'a plus de réserve, pas même pour ses parents, comme nous l'avons dit . Mais, pour bien vous le graver dans le cœur, en voici un exemple qui n'est pas moins effrayant. L'histoire rapporte qu'un père avait un fils, qui, encore tout jeune, avait l'habitude d'aller assez souvent dans les cabarets. Un jour, le voyant revenir de ce lieu de malheur et re-marquant qu'il avait un peu trop bu, le père voulut lui représenter combien il était honteux pour lui, qui n'était encore qu'un enfant, d'aller dans les cabarets où l'on commet le mal et où l'on ne fait jamais le bien ; qu'il ferait beaucoup mieux de fuir ces lieux où se perdaient sa réputation et son argent, et que, s'il voulait continuer, il se verrait chassé par son père. Ce jeune homme, entendant ces paroles, entra dans une si grande colère, qu'il courut sur son père, et le frappant de coups de couteau, le poignarda et le renversa à ses pieds tout couvert de sang. Dites-moi, M.F., auriez-vous ja-mais pu penser que l'ivrognerie pût porter l'homme à de tels ex-cès ?
Ainsi l'ivrogne ne commet pas seulement le péché de gour-mandise ; mais il devient capable, par ce péché de se livrer à tous les crimes. Si je ne craignais pas d'être trop long, je vous le mon-trerais si clairement, que vous n'en sauriez douter. Après cela, M.F., il n'est pas nécessaire de vous dire combien vous devez re-douter l'ivrognerie, et fuir ceux qui s'y livrent. Ah ! qu'il est à craindre que ceux qui en sont atteints ne s'en corrigent jamais !
Cependant, M.F., comme la miséricorde du bon Dieu est in-finie, et qu'il veut sauver les ivrognes comme les autres hommes, quoique leur conversion soit bien difficile ; s'ils voulaient se prê-ter à la grâce qui leur est donnée pour se corriger, ils viendraient à bout de se tirer de cet abîme. La première chose qu'ils doivent faire, c'est de fuir les ivrognes et les cabarets ; cette condition leur est absolument nécessaire pour revenir au bon Dieu. Le second moyen, c'est d'avoir recours à la prière, afin de toucher le cœur de Dieu et de regagner son amitié. Le troisième, c'est d'avoir un grand respect pour les choses saintes, de ne jamais mépriser rien de ce qui a rapport à la religion. Le quatrième, d'avoir recours aux sacrements où tant de grâces nous sont accordées : c'est le moyen dont tous les pécheurs se sont servis pour revenir au bon Dieu, aussi bien les ivrognes que les autres.
Saint Augustin raconte , d'après le récit même de sa mère, qu'elle avait failli se damner en faisant la petite gourmande, dans le vin. Elle épiait le moment où personne ne la voyait, et alors elle tâchait de se contenter . Mais une servante qui l'avait aperçue quelquefois, et à laquelle il lui arriva un jour de déplaire, lui dit qu'elle était une petite ivrognesse. Ce mot lui fut tant à cœur, elle en eut une si grande confusion, que, dans son repentir, elle en pleura longtemps. Elle alla aussitôt se confesser de cette faute, qu'elle n'avait jamais osé dire à son confesseur, tant elle regardait ce péché comme infâme et honteux, quoiqu'elle eût douze ans à peine. Elle s'en corrigea si bien avec la grâce du bon Dieu, qu'elle n'y retomba plus de toute sa vie, et elle vécut d'une manière si exemplaire qu'elle est devenue grande sainte. Nous voyons que le bon Dieu, pour lui faire expier son péché, permit qu'elle épousât un homme ivrogne et brutal, qui lui fit essuyer mille mauvais traitements. Son fils Augustin, jusqu'à l'âge de trente-deux ans, ne fut pas moins ivrogne que son père. Sainte Monique reconnaissant que le bon Dieu permettait cela pour qu'elle satisfît à sa justice, supporta si bien cette épreuve qu'on ne lui entendit jamais faire à personne la moindre plainte. Elle eut enfin le bonheur de voir son mari et son fils Augustin se convertir. Vous voyez, M.F., que le bon Dieu tend la main et donne la grâce à ceux qui la lui demandent, avec un vrai désir de sortir du péché, pour ne plus vivre que pour lui.
Mais un autre exemple va vous faire plaisir, car il vous mon-trera que les ivrognes, quoique bien misérables, peuvent encore se sauver ; et que ceux qui ne se convertissent pas de leurs mauvai-ses habitudes, et croient qu'ils ne pourront pas se corriger, se trompent bien. Il est rare de trouver un trait qui convienne mieux à notre sujet. Dans un village près de Nîmes, il y avait un paysan nommé Jean. Dès sa jeunesse, il s'était tellement adonné à l'ivro-gnerie, qu'il était presque continuellement dans le vin, et passait généralement pour le plus grand ivrogne du pays. Le curé de la paroisse ayant fait venir des missionnaires, pour instruire ses pa-roissiens, pensa qu'il fallait leur faire connaître ce pécheur, de crainte qu'il ne les trompât. Cette sage précaution du pasteur parut d'abord inutile ; car, non seulement le paysan ne se présenta à au-cun missionnaire, mais encore il n'assista à aucun des exercices de la mission. Deux jours avant qu'elle fût finie, il s'avisa d'aller en-tendre un sermon sur l'enfant prodigue ou sur la miséricorde de Dieu, qui fut prêché par M. Castel, prêtre de Nîmes, l'un des mis-sionnaires qui avait le plus de talent et de zèle. Ce discours écrit avec une noble simplicité, mais prononcé avec beaucoup de force et d'onction, fit la plus vive impression sur le nouvel auditeur. Il reconnut son portrait dans la peinture qu'on fit des désordres de l'enfant prodigue ; il vit dans la bonté de son père une image tou-chante de celle de Dieu, et plein, tout à la fois, de repentir et de confiance, il dit : « A l'exemple du jeune homme prodigue de l'Évangile, je sortirai enfin de la malheureuse habitude où je crou-pis depuis si longtemps ; j'irai me jeter aux pieds de ce Dieu de miséricorde qu'on vient de me représenter comme le plus tendre de tous les pères. » Sa résolution ne fut pas moins efficace que prompte. Dès le lendemain, il va trouver ce même M. Castel dont il avait entendu le sermon, et en l'abordant il lui dit, les yeux mouillés de larmes : « Vous voyez ici le plus grand pécheur qu'il y ait sur la terre. Vous dites que la miséricorde de Dieu est encore plus grande que nos péchés ; pour en attirer sur moi les salutaires effets, je viens vous prier d'avoir la charité d'entendre ma confes-sion. Ah ! ne me le refusez pas, mon père, je vous en conjure ; vous me feriez tomber dans le désespoir. Je ne puis plus soutenir le poids de mes remords, et je ne serai tranquille que lorsque vous m'aurez réconcilié avec le bon Dieu que j'ai tant offensé. » Le mis-sionnaire fut d'autant plus touché et surpris de ce discours, qu'il reconnut dans son interlocuteur le fameux ivrogne dont le curé lui avait parlé. Il s'attendrit avec lui, l'embrassa tendrement, et lui montra les mêmes sentiments que le père de l'enfant prodigue avait témoigné à son fils ; mais, en même-temps, il lui représenta avec bonté qu'il était trop tard, qu'il était presque à la veille de son départ ; et qu'il craignait bien de n'avoir pas le temps de lui accorder ce qu'il demandait. « Ah ! s'il en est ainsi, lui répondit le paysan en sanglotant, c'en est fait, je suis perdu. Quand vous me connaîtrez mieux, peut-être, aurez-vous pitié de moi. Faites-moi donc la grâce de m'entendre, et que j'aie, au moins, la consolation de me confesser. » Le missionnaire se rendit à ce désir, et le paysan fit sa confession aussi bien qu'il lui fut possible. Il accom-pagna l'accusation de ses péchés de tant de larmes et d'un si vif repentir ; il résista avec tant de courage aux conseils prudents qu'on lui donnait, de ne pas entièrement renoncer au vin, à cause de sa santé, et d'en user seulement plus rarement et plus sobre-ment ; il protesta si fortement que jamais rien ne pourrait le ré-concilier avec ce cruel ennemi, qui avait donné la mort à son âme, et qu'il en aurait horreur toute sa vie, que le missionnaire, le voyant si bien disposé, lui donna l'absolution, en lui recomman-dant fortement de persévérer dans les bons sentiments que le bon Dieu lui avait inspirés. Ce grand pécheur le lui promit, et la suite prouvera que son repentir avait été sincère. Cinq ou six mois après la mission, une des sœurs de Jean fit un voyage à Nîmes. Elle rencontra le missionnaire qui fut bien curieux de savoir si son fameux ivrogne Jean avait persévéré. « Vous venez, sans doute, de votre village, lui dit-il, pouvez-vous me donner des nouvelles du brave Jean ? - Ah ! monsieur, lui répondit cette, femme, nous vous avons de grandes obligations ; vous en avez fait un saint. Depuis que vous avez quitté notre pays, non seulement ses an-ciens amis n'ont pas pu l'entraîner dans les cabarets ; mais il ne nous a pas été possible de lui faire boire une seule goutte de vin. Non, non, nous dit-il, quand nous lui en parlons, il a été mon plus grand ennemi, je ne me réconcilierai jamais avec lui ; ne m'en parlez plus. » Le missionnaire ne put entendre ces paroles sans verser des larmes, tant il eut de joie de savoir que ce pécheur converti avait eu le bonheur de persévérer. Toutes les fois qu'il ra-contait ce trait, il avait coutume d'ajouter qu'après une telle conversion, l'on ne devrait jamais désespérer des plus grands pé-cheurs, si le pécheur veut correspondre à la grâce que le bon Dieu accorde à tous pour les sauver.

II. - Nous allons voir, M.F., que les pécheurs ; c'est-à-dire les ivrognes, n'ont point de prétextes qui justifient leurs excès. Saint Augustin nous dit que, quoique l'ivrognerie soit condamnée par tout le monde, cependant chacun croit pouvoir s'en excuser. Si vous demandez à un homme pourquoi il s'est mis dans le vin, il vous répondra, sans se tourmenter , qu'un ami est venu le voir ; qu'ils sont allés au cabaret, et que, s'ils ont trop, bu, ce n'est que par complaisance. - C'est par complaisance ! mais ou cet ami est un bon chrétien ou c'est un impie. S'il est bon chrétien, vous l'avez grandement scandalisé en le pressant de boire, et en passant votre temps dans un cabaret. Peut-être même était-ce pendant la sainte Messe ou pendant les vêpres !,.. Eh ! quoi, mon frère, vous étiez entrés deux personnes raisonnables dans le cabaret, et vous en êtes sortis moins raisonnables que deux bêtes brutes ! Croyez-moi, mon ami, si vous aviez gardé votre ami chez vous un mo-ment, et que, n'ayant point de vin, vous lui eussiez offert de l'eau ; vous lui auriez fait beaucoup plus de plaisir qu'en lui faisant ven-dre son âme au démon. Si cet ami est un mauvais chrétien ou un impie sans religion, vous ne devez pas aller avec lui, vous devez le fuir. - Mais, me direz-vous, si je ne le fais pas boire, et si je ne le mène pas au cabaret, il me voudra mal, il me traitera d'avare. - Mon ami, c'est un grand bonheur d'être méprisé des méchants, parce que cela prouve qu'on ne leur ressemble pas : Vous devez leur servir d'exemple. Saint Augustin, nous dit : Eh ! quoi, misé-rable, vous vous êtes mis dans le vin pour être l'ami d'un ivrogne, d'un impie, d'un libertin ; tandis que vous devenez l'ennemi de Dieu même ! Oh malheureux ! quelle indigne préférence ! Vous voyez donc, M.F., vous n'avez rien qui puisse vous excuser : vous vous mettez dans le vin, parce que votre gourmandise vous y en-traîne. Quelques-uns vous disent qu'ils ont l'habitude d'aller au cabaret pour boire avec les autres ; mais que, si copieusement qu'ils boivent, jamais le vin ne trouble leur raison. Mon ami, vous vous trompez. Quoique le vin ne vous trouble pas, dès que vous en buvez plus qu'il ne vous est nécessaire, vous êtes aussi coupa-ble, en vous-même, que si vous aviez perdu la raison ; il n'y a qu'un petit scandale de moins. Et encore vous n'êtes pas moins, aux yeux du public, un pilier de cabaret. Écoutez ce que nous dit le prophète Isaïe : « Malheur à vous qui avez la tête assez forte pour boire avec excès, qui vous faites gloire d'enivrer les autres ; vous vous enivrez vous-même . » En voici qui vous disent en-core : C'est pour faire un marché, pour donner ou pour recevoir de l'argent. - Hélas ! mon ami, je ne veux pas vous prouver combien de ceux qui sont, dans le vin font des marchés tout de travers. On leur fait signer des quittances sans qu'ils aient l'argent, ou s'ils l'ont reçu, on tâche bien vite de le leur reprendre. D'ailleurs, comment voulez-vous connaître ce que vous faites ? vous ne vous connaissez pas vous-même.
Quelle conclusion devons-nous tirer de tout cela, M.F. ? la voici. C'est de rentrer sérieusement en nous-mêmes, comme le Seigneur nous le dit par la bouche du prophète Joël : Réveillez-vous, dit-il, ivrognes, parce que toutes sortes de malheurs vous attendent. Pleurez et criez ; à la vue des châtiments que la juste colère de Dieu vous prépare dans les enfers, à cause de votre ivrognerie . Réveillez-vous, malheureux, aux clameurs de cette pauvre femme que vous avez maltraitée après avoir mangé son pain ; réveillez vous, ivrognes, aux cris de ces pauvres enfants que vous réduisez à la mendicité ou que vous mettez dans le cas de mourir de faim. Écoutez, infâme ivrogne, ce voisin qui vous demande l'argent qu'il vous a prêté, et que vous avez mangé en débauches et dans les cabarets. Il en a besoin pour nourrir sa femme et ses enfants, qui pleurent la misère que votre ivrognerie leur a causée. Ah ! malheureux pécheur, qu'aviez-vous promis au bon Dieu quand il vous a reçu pour son enfant ? Vous lui avez promis de le servir, de ne plus retomber dans ces désordres. Qu'avez-vous fait dans votre ivresse ? Hélas ! vous avez révélé des secrets qu'on vous avait confiés et que vous ne deviez jamais dire. Vous avez commis un nombre infini de turpidités qui font horreur à tout le monde. Qu'avez-vous fait en vous livrant à l'ivrognerie ? Vous avez ruiné votre réputation, votre fortune, vo-tre santé et vous avez rendu votre famille si misérable, que, peut-être pour vivre, s'abandonnera-t-elle à toutes sortes de désordres. Vous êtes devenu vous-même un homme de rien, la fable et l'op-probre de vos voisins, qui, maintenant, ne vous regardent plus qu'avec mépris et horreur. Qu'avez-vous fait de votre âme, de cette âme si belle, que Dieu seul la surpasse en beauté ? Vous l'avez rendue toute charnelle, toute défigurée par vos excès.
Qu'avez-vous perdu par votre ivrognerie ? Hélas ! mon ami, vous avez perdu le plus grand de tous les biens, vous avez perdu le ciel, un bonheur éternel, des biens infinis ; vous avez perdu vo-tre pauvre âme qui avait été rachetée par le sang adorable de Jé-sus-Christ. Ah ! disons plus encore : Vous avez perdu votre Dieu, ce tendre Sauveur, qui n'a vécu que pour vous rendre heureux pendant toute l'éternité. Oh ! quelle perte ! Qui pourra la com-prendre et y être insensible ! Quel malheur est comparable à ce-lui-là ?
Mais qu'avez-vous mérité ? Hélas ! rien autre chose que l'enfer, pour y être brûlé pendant toute l'éternité. Vous avez méri-té, mon ami ; d'être placé sur la table des démons où vous allez nourrir et entretenir la fureur qu'ils ont contre Jésus-Christ lui-même. Vous allez être cette victime sur laquelle la juste colère de Dieu s'appesantira pendant des siècles sans fin !... Convenez avec moi que peut-être jamais vous n'auriez pu vous former une idée de la grandeur du péché d'ivrognerie, de l'état où il réduit celui qui le commet, des maux qu'il lui attire pendant sa vie et des châti-ments qu'il lui prépare pour l'éternité. Qui ne serait touché de tant de maux, M. F, ? Pleurez, malheureux ivrognes, vos dérèglements et tous les mauvais exemples que vous avez donnés, au lieu d'en rire comme vous le faites : Poussez des cris vers le ciel, pour de-mander miséricorde, pour essayer, si le Seigneur voudra encore avoir pitié de vous. Prions le bon Dieu qu'il nous préserve, de ce malheureux péché, qui semble nous mettre presque dans l'impos-sibilité de nous sauver. Pour cela, n'aimons que Dieu seul, c'est le bonheur que je vous souhaite.

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 19:59
Saint François-Xavier

20ème DIMANCHE APRÈS LA PENTE-CÔTE

Devoirs des parents envers les enfants

Credidit ipse et domus ejus tota.
Il crut, lui et toute sa maison
(S. Jean, IV, 53.)

Pouvons-nous trouver, M.F., un exemple plus capable de montrer à tous les chefs de famille qu'ils ne peuvent travailler ef-ficacement à leur salut sans travailler en même temps à celui de leurs enfants ? En vain les pères et mères passeraient-ils leur vie à faire pénitence, à pleurer leurs péchés, à distribuer leur bien aux pauvres ; s'ils ont le malheur de négliger le salut de leurs enfants, tout est perdu pour eux. En doutez-vous, M.F. ? Ouvrez les Écri-tures, et vous y verrez que si les parents ont été saints, les enfants et même leurs domestiques l'ont été également. Lorsque le Sei-gneur loue ces pères et mères qui se sont distingués par leur foi et leur piété, il n'oublie jamais de nous dire que leurs enfants et leurs domestiques ont marché sur leurs traces. L'Esprit-Saint veut-il nous faire l'éloge d'Abraham et de Sara ? Il ne manque pas en même temps de nous faire mention de l'innocence d'Isaac et de leur fervent et fidèle serviteur Éliézer . Et s'il nous met devant les yeux les rares vertus de la mère de Samuel, de suite il relève les belles qualités de ce digne enfant . Veut-il nous manifester l'innocence de Zacharie et d'Élisabeth, de suite il nous parle de Jean-Baptiste, le saint précurseur du Sauveur . Le Seigneur veut-il nous représenter la mère des Machabées comme une mère digne de ses enfants, en même temps, il nous manifeste le courage et la générosité de ses enfants qui donnent leur vie avec tant de joie pour le Seigneur . Si saint Pierre nous parle du centurion Corneille comme d'un modèle de vertu, en même temps il dit que toute sa famille avec lui servait le Seigneur . Si l'Évangile nous parle de cet officier qui vint demander à Jésus la guérison de son fils, il nous dit qu'après l'avoir obtenue, il ne se donna point de repos avant que toute sa famille avec lui fût au Seigneur . Beaux exemples pour les pères et mères ! O mon Dieu ! si les pères et mères de nos jours avaient le bonheur d'être des saints eux-mêmes, que d'enfants de plus pour le ciel ! que d'enfants de moins pour l'enfer !
Mais, me direz-vous peut-être, que faut-il donc faire pour remplir nos devoirs, puisqu'ils sont si grands et si redoutables ? Hélas ! je n'ose vous le dire, tant ils sont effrayants pour un chré-tien qui veut les remplir comme le bon Dieu le demande. Mais puisque je suis forcé de vous les montrer, les voici : instruire vos enfants, c'est-à-dire leur apprendre à connaître le bon Dieu et leurs devoirs ; les corriger chrétiennement, leur donner bon exemple, les conduire dans le chemin qui va au ciel en y marchant vous-mêmes. Hélas ! M.F., je crains bien que cette instruction ne vous soit, comme tant d'autres ; un nouveau sujet de condamna-tion, Vouloir entreprendre de vous montrer la grandeur de vos de-voirs, c'est vouloir descendre dans un abîme sans fond, c'est vou-loir vous développer une vérité qu'il est impossible à l'homme de montrer dans tout son jour. Pour cela, M.F., il faudrait pouvoir vous faire comprendre ce que valent les âmes de vos enfants, ce que Jésus-Christ a souffert pour leur procurer le ciel, le compte épouvantable que vous en rendrez un jour à Dieu, les biens que vous leur faites perdre pour l'éternité, les tourments que vous leur préparez pour l'autre vie ; vous conviendrez, avec moi, M.F., que nul homme n'est capable de cela. Ah ! malheureux parents, si vous les estimiez autant que le démon ! Quand il emploierait trois mille ans à les tenter, si au bout de ce temps, il pouvait, les avoir, il compterait toutes ses peines pour rien. Pleurons, M.F., la perte de tant d'âmes que les parents jettent chaque jour en enfer.
Je vais passer bien légèrement sur vos obligations, et cepen-dant si vous n'avez entièrement perdu la foi, vous allez voir que vous n'avez rien fait de ce que le bon Dieu veut que vous fassiez pour vos enfants, ou plutôt que vous avez fait tout ce qu'il fallait faire pour les perdre. Oh ! que de personnes mariées n'iront pas au ciel ! - Et pourquoi, me direz-vous ? - Mon ami, le voici. Parce qu'il en est beaucoup qui entrent dans l'état du mariage sans les dispositions nécessaires, et qui ainsi profanent tout d'abord ce sa-crement. Oui, où sont ceux qui reçoivent ce sacrement avec la préparation convenable ? les uns sont conduits par la pensée d'y contenter leurs désirs impurs ; les autres sont attirés par des vues d'intérêts ou les séductions de la beauté ; mais presque personne n'a Dieu seul pour objet. Hélas ! que de mariages profanés, et qu'il y a peu d'unions où règnent la paix et la vertu ! Mon Dieu ! que de gens mariés qui seront damnés ! Mais non, M.F., n'entrons pas dans ces détails, nous y reviendrons une autre fois ; parlons seu-lement des devoirs des parents envers leurs enfants : ils sont assez vastes, assez étendus pour nous servir de sujet d'entretien.
Pour aujourd'hui, M.F., nous ne dirons rien de ces pères et mères, dont je ne pourrais dépeindre en termes assez vifs et assez énergiques, la noirceur et l'horreur du crime. Ils fixent, avant Dieu même, le nombre de leurs enfants, ils mettent des bornes aux des-seins de la Providence, et s'opposent à ses volontés adorables. Couvrons, M.F., toutes ces turpitudes d'un voile que Celui qui a tout vu, tout compté, et tout pesé, saura bien arracher au grand jour des vengeances. Tes crimes sont cachés, mon ami, mais at-tends encore quelques jours, et Dieu saura bien les manifester à la face de tout l'univers. Oui, M.F., nous verrons au jour du juge-ment des horreurs qui se sont commises dans le mariage, et qui auraient fait frémir les païens eux-mêmes.
Nous ne dirons rien non plus de ces mères criminelles, qui verraient sans douleur, hélas ! peut-être même avec plaisir, périr leurs pauvres enfants, avant de leur avoir donné le jour, et de leur avoir procuré la grâce du saint baptême ; les unes, par la crainte de la peine qu'elles éprouveraient pour les élever ; les autres, par la crainte du mépris et rebut qu'elles essuieraient de la part d'un mari brutal et sans raison ; je ne dis pas, sans religion, car les païens n'en feraient pas davantage. O mon Dieu ! de tels crimes peuvent-ils bien se trouver parmi les chrétiens ? Cependant, M.F., que le nombre en est grand ! Encore une fois, que de gens mariés sont damnés ! Eh ! quoi, mon ami, faut-il que le bon Dieu ne vous ait donné des connaissances si au-dessus des bêtes que pour mieux l'outrager ? Faut-il que les petits oiseaux et les animaux même les plus féroces vous servent d'exemple ? Voyez-les, ces pauvres petites bêtes, combien elles se réjouissent de voir multi-plier leur génération ; le jour, elles sont occupées à leur chercher de la nourriture, et la nuit, elles les couvrent de leurs ailes, pour les garantir des injures de l'air. Si une main avide leur enlève leurs petits, vous les entendez pleurer à leur manière ; elles semblent ne plus pouvoir quitter leurs nids, toujours dans l'espérance qu'elles les retrouveront. Quelle honte, je ne dis pas pour les païens, mais pour des chrétiens, que les animaux soient plus fidèles à accom-plir les desseins de la Providence sur eux, que les propres enfants de Dieu ; c'est-à-dire les pères et mères que le bon Dieu n'a choi-sis que pour peupler le ciel ! Non, non, M.F., n'allons pas plus loin, quittons un sujet aussi révoltant ; entrons dans des détails qui regarderont un plus grand nombre.
Je vais vous parler aussi simplement qu'il me sera possible, afin que vous puissiez bien comprendre vos devoirs et les accom-plir.
Je dis 1? que, dès qu'une mère est enceinte, elle doit faire quelque prière ou quelque aumône ; mieux encore, si elle le peut, faire dire une Messe pour prier la très sainte Vierge de la recevoir sous sa protection, afin qu'elle obtienne du bon Dieu que ce pau-vre enfant ne meure pas sans avoir reçu le saint baptême. Si une mère avait vraiment le sentiment religieux, elle se dirait à elle-même : « Ah ! si j'avais le bonheur de voir ce pauvre enfant deve-nir un saint, de le contempler toute l'éternité à côté de moi, chan-tant les louanges du bon Dieu, quelle joie pour moi ! » Mais non, non, M.F., ce n'est pas la pensée qui occupe une mère enceinte ; elle éprouvera plutôt un chagrin dévorant de se voir dans cet état, et peut-être aura-t-elle la pensée de détruire le fruit de son sein. O mon Dieu ! le cœur d'une mère chrétienne peut-il bien concevoir un tel crime ? Cependant, que nous en verrons au grand jour qui auront nourri dans elles-mêmes ces pensées d'homicide !
2? Je dis qu'une mère enceinte qui veut conserver son enfant pour le ciel, doit éviter deux choses, la première ; de porter de fardeaux trop lourds et de lever les bras pour prendre quelque chose, ce qui pourrait nuire à son pauvre enfant et le faire périr. La seconde chose à éviter, c'est de prendre des remèdes qui pour-raient fatiguer son enfant, et de se mettre dans des accès de colère, ce qui pourrait souvent l'étouffer. Les maris doivent passer sur beaucoup de choses sur lesquelles ils ne passeraient pas dans un autre temps ; s'ils ne le font pas par rapport à la mère, qu'ils le fas-sent par rapport à ce pauvre enfant ; car peut-être perdrait-il la grâce du saint baptême : ce qui serait le plus grand de tous les malheurs !
3? Dès qu'une mère voit approcher ses couches, elle doit al-ler se confesser, et pour plusieurs raisons. La première est que plusieurs meurent dans leurs couches, et que, par conséquent, si elle avait le malheur d'être en état de péché, elle se damnerait. La seconde, c'est qu'étant en état de grâces, toutes les souffrances et les douleurs qu'elle endurera seront récompensées pour le ciel ; la troisième, c'est que toutes les bénédictions qu'elle souhaitera à son enfant, le bon Dieu ne manquera pas de les lui accorder. Une mère, dans ses couches, doit conserver la pudeur et la modestie, autant qu'il lui est possible dans son état, et ne jamais perdre de vue qu'elle est en présence du bon Dieu, en la compagnie de son bon ange gardien. Elle ne doit jamais faire gras les jours défen-dus, sans permission, ce qui attirerait la malédiction sur elle et sur son enfant.
4° Ne laissez jamais passer plus de vingt-quatre heures sans baptiser vos enfants ; si vous ne le faites pas, vous vous rendez coupables, à moins que vous n'ayez des raisons sérieuses. Dans le choix que vous faites des parrains et marraines, prenez des per-sonnes sages, autant que vous le pourrez ; en voici la raison : c'est que toutes les prières, les bonnes œuvres que feront leurs parrains et leurs marraines, en vertu de la parenté spirituelle avec vos en-fants, leur obtiendront quantité de grâces du ciel. Oui, M.F., nous sommes sûrs de voir au jugement dernier beaucoup d'enfants qui se reconnaîtront redevables de leur salut aux prières, aux bons conseils et aux bons exemples de leurs parrains et marraines. Une autre raison vous y oblige : si vous venez à leur manquer, ce sont eux qui doivent tenir votre lieu et place. Donc, si vous aviez le malheur de prendre des parrains et des marraines sans religion, ils ne pourraient que conduire vos enfants dans les enfers.
Pères et mères, vous ne devez jamais laisser perdre le fruit du baptême à vos enfants ; combien ne seriez-vous pas aveugles et cruels ! L'Église vient de les sauver par le saint baptême, et vous, par votre négligence, vous les redonneriez au démon ? Ah ! pauvres enfants, entre les mains de qui avez-vous eu le malheur de tomber ! Mais s'il s'agit des parrains et marraines, il ne faut pas oublier que pour répondre pour un enfant on doit être suffisam-ment instruit, afin de pouvoir instruire cet enfant si le père et la mère venaient à lui manquer. En outre, il faut qu'ils soient bons chrétiens, et même de parfaits chrétiens ; puisqu'ils doivent servir d'exemples à leurs enfants spirituels. Ainsi, une personne qui ne fait pas ses pâques ne doit pas répondre pour un enfant, ni une personne qui garde une mauvaise habitude sans vouloir y renon-cer, ni une personne qui court les danses, qui fréquente habituel-lement les cabarets ; parce que, à chaque interrogation du prêtre, il fait un faux serment ; chose grave, comme vous le pensez, en présence de Jésus-Christ même, au pied des fonts sacrés du bap-tême. Quand vous n'êtes pas dans les conditions requises pour être des parrains chrétiens, il faut refuser ; et, si cela vous est arrivé, il faut vous en confesser et ne plus retomber dans ce péché.
5? Il ne faut pas faire coucher vos enfants avec vous avant qu'ils aient deux ans ; si vous le faites, vous commettez un péché. Si l'Église a fait cette loi, ce n'est pas sans raison : vous êtes obli-gés de l'observer. - Mais, me direz-vous, parfois il fait bien froid ; ou l'on est bien las. - Tout cela, M.F., n'est pas une raison qui puisse vous excuser aux yeux de Dieu. D'ailleurs, quand vous vous êtes mariés, vous saviez bien que vous seriez obligés de rem-plir les charges et les obligations qui sont attachées à cet état. Oui, M.F., il y a des pères et mères si peu instruits de leur religion, ou si peu soucieux de leurs devoirs, qu'ils feront coucher avec eux des enfants de quinze à dix-huit ans, et même souvent des frères et des sœurs ensemble. O mon Dieu ! dans quel état d'ignorance sont ces pauvres pères et mères ! - Mais, me direz-vous, nous n'avons point de lit. Vous n'avez point de lit, mais il vaut bien mieux les faire coucher sur une chaise, ou chez votre voisin. O mon Dieu ! que de parents et d'enfants damnés ! Mais je reviens à mon sujet en vous disant que toutes les fois que vous faites coucher vos enfants avec vous, avant qu'ils aient deux ans, vous offensez le bon Dieu. Hélas ! combien de pauvres enfants la mère trouve étouffés le matin, et combien de mères sont présentes auxquelles ce malheur est arrivé ! Et quand même le bon Dieu vous en aurait préservés, vous n'êtes pas moins coupables que si, chaque fois que vos enfants ont couché avec vous, vous les aviez trouvés étouffés le matin. Vous ne voulez pas en convenir, c'est-à-dire, que vous ne vous en corrigez pas ; attendons le jugement, et vous serez forcés de reconnaître ce que vous ne voulez pas recon-naître aujourd'hui. - Mais, me direz-vous, quand ils sont baptisés ils ne sont pas perdus ; au contraire, ils vont au ciel. - Sans doute, M.F., ils ne sont pas perdus ; mais c'est vous qui serez perdus ; et du reste, savez-vous à quoi Dieu destinait ces enfants ? Peut-être que cet enfant aurait été un bon prêtre. Il aurait conduit quantité d'âmes au bon Dieu ; chaque jour, en célébrant la sainte Messe, il aurait rendu plus de gloire à Dieu que les anges et les saints tous réunis ensemble dans le ciel. Il aurait tiré plus d'âmes du purga-toire que les larmes et les pénitences de tous les solitaires réunis auprès du tribunal de Dieu. Comprendrez vous, maintenant, le malheur de laisser périr un enfant même baptisé ? Si la mère de saint François Xavier, qui a été un si grand saint, qui a tant converti d'idolâtres, l'avait laissé périr : hélas ! que d'âmes en en-fer, qui, au jour du jugement, lui reprocheraient d'avoir été cause de leur malheur, parce que cet enfant était suscité de Dieu pour les convertir ! Vous laissez périr cette fille qui peut-être se serait donnée au bon Dieu ; par ses prières et ses bons exemples elle en aurait conduit un grand nombre au ciel. Peut-être mère de famille, elle aurait bien élevé ses enfants, qui, à leur tour, en auraient éle-vé d'autres, et ainsi la religion se serait maintenue et conservée dans de nombreuses générations. Vous faites peu de cas, M.F., de la perte d'un enfant, sous prétexte qu'il est baptisé ; mais attendez le jugement, et vous verrez et reconnaîtrez ce que vous ne com-prendrez jamais en ce monde. Hélas !, si les pères et mères fai-saient de temps en temps cette réflexion, que d'âmes de plus dans le ciel.
6? Je dis que les parents sont très coupables en caressant leurs enfants d'une manière inconvenante. - Mais, me direz-vous, nous ne faisons point de mal, c'est pour les caresser ; - et moi je dirai que vous offensez le bon Dieu, et que vous attirez la malé-diction sur ces pauvres enfants. Savez-vous ce qu'il en résulte ? Le voici. Il y a des enfants, qui ont pris cette habitude par le fait de leurs parents, et qui l'ont conservée jusqu'à leur première communion. Mais, mon Dieu ! peut-on bien croire cela de la part de parents chrétiens ?
7? IL y a des mères, qui ont si peu de religion, ou, si vous voulez, sont si ignorantes que pour montrer à une voisine la santé de leurs enfants elles les mettent à nu ; d'autres, pour les langer, les laissent longtemps découverts devant tout le monde. Eh bien ! même en l'absence de toute personne, vous ne devriez pas le faire. Est-ce que vous ne devez pas respecter la présence de leurs anges gardiens ? Il en est de même, lorsque vous les allaitez. Est-ce qu'une mère chrétienne doit se laisser les seins découverts ? et quoique bien couverte, ne doit-elle pas se tourner du côté où il n'y a personne ? D'autres, sous prétexte qu'elles sont nourrices, ne sont toujours qu'à moitié couvertes : quelle abomination ! n'y a-t-il pas même de quoi faire rougir les païens ? L'on est obligé, pour ne pas s'exposer à des regards mauvais, de fuir leur compagnie. Oh quelle horreur : - Mais, me direz-vous, quoiqu'il y ait du monde, il faut bien allaiter nos enfants, et les langer quand ils pleurent ? - Et moi je vous dirai que quand ils pleurent, vous de-vez faire tout ce que vous pourrez pour les apaiser ; mais il vaut beaucoup mieux les laisser un peu pleurer que d'offenser le bon Dieu. Hélas ! combien de mères sont cause de mauvais regards, de mauvaises pensées, d'attouchements déshonnêtes ! Dites-moi, sont-ce là des mères chrétiennes qui devraient être si réservées ? O mon Dieu ! à quel jugement doivent-elles s'attendre ? D'autres sont si cruelles, qu'elles laissent leurs enfants en été courir toute la matinée à moitié couverts. Dites-moi, misérables ; ne seriez-vous pas mieux à votre place parmi les bêtes sauvages ? Où est donc votre religion et le souci de vos devoirs ? Hélas ! pour de la reli-gion, vous n'en avez point, et vos devoirs, les avez-vous jamais connus ? Vous en donnez la preuve chaque jour. Ah ! pauvres en-fants, que vous êtes malheureux d'appartenir à de tels parents !
8? Je dis, que vous devez encore surveiller vos enfants, lors-que vous les envoyez aux champs ; alors, éloignés de vous, ils se livrent à tout ce que le démon veut leur inspirer. Si j'osais, je vous dirais qu'ils font toutes sortes de malhonnêtetés, qu'ils passent des moitiés de jour à faire des abominations. Je sais bien, que la plu-part ne connaissent pas le mal qu'ils font ; mais attendez qu'ils aient la connaissance. Le démon ne manquera pas de les faire res-souvenir de ce qu'ils ont fait dans ce moment, pour leur faire commettre le péché, ou de semblables choses. Savez-vous, M.F., ce que votre négligence ou votre ignorance produit ? Le voici : retenez-le bien. Une bonne partie des enfants que vous envoyez dans les champs font des sacrilèges pour leur première commu-nion ; ils ont contracté ces habitudes honteuses : ou ils n'osent pas le dire, ou ils ne sont pas corrigés. Ensuite, si un prêtre, qui ne veut pas les damner, les refuse ; on lui fera des reproches, en di-sant : C'est parce que c'est le mien... Allez, misérables, veillez un peu mieux sur vos enfants, et ils ne seront pas refusés. Oui, je di-rai que la plus grande partie de vos enfants ont commencé leur réprobation dans le temps qu'ils allaient aux champs. Mais, me direz-vous, nous ne pouvons pas toujours les suivre, il y aurait bien de quoi faire. - Pour cela, M.F., je ne vous en dis rien ; mais tout ce que je sais, c'est que vous répondrez de leurs âmes comme de la vôtre même. - Mais nous faisons bien ce que nous pouvons. - Je ne sais si vous faites ce que vous pouvez ; mais ce que je sais, c'est que, si vos enfants se damnent chez vous, vous le serez aussi ; voilà ce que je sais et rien autre. Vous aurez beau dire que non, que je vais trop loin ; vous en conviendrez, si vous n'avez pas entièrement perdu la foi ; cela seul suffirait à vous jeter dans un désespoir dont vous ne pourriez sortir. Mais je sais bien que vous ne ferez pas un pas de plus pour mieux vous acquitter de vos devoirs envers vos enfants ; vous ne vous inquiétez pas de tout ce-la, et vous avez presque raison, parce que vous aurez bien le temps de vous tourmenter pendant toute l'éternité. Passons plus loin.
9? Vous ne devez pas faire coucher vos servantes ou vos fil-les dans les appartements où vos domestiques vont chercher, le matin, vos raves et vos pommes de terre. Il faut le dire à la honte des pères et des mères, des maîtres et maîtresses, de pauvres en-fants, des servantes auront la confusion de se lever, de s'habiller devant des gens qui n'ont pas plus de religion que s'ils n'avaient jamais entendu parler du vrai Dieu. Souvent les lits de ces pauvres enfants n'auront point de rideaux. - Mais, me direz-vous, s'il fal-lait faire tout ce que vous dites, il y aurait bien de l'ouvrage. - Mon ami, c'est l'ouvrage que vous devez faire, et si vous ne le fai-tes pas, vous en serez jugé et puni : voilà. Vous ne devez pas non plus faire coucher vos enfants dans la même chambre que vous, dès qu'ils ont sept ou huit ans. Tenez, M. F, vous ne connaîtrez le mal que vous faites qu'au jugement de Dieu. Je sais bien que vous ne ferez rien ou presque rien de ce que je viens de vous enseigner mais, n'importe, je vous dirai toujours ce que je dois vous dire ; ensuite, tout le mal sera pour vous et non pour moi, parce que je vous fais connaître ce que vous devez faire pour remplir vos obli-gations envers vos enfants. Quand le bon Dieu vous jugera, vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas ce qu'il fallait faire ; je vous rappellerai ce que je vous dis aujourd'hui.
Vous venez de voir, M.F., que vos enfants, quoique petits, vous ont fait commettre bien des fautes ; mais vous allez voir, que quand ils sont grands ils vous en font commettre de bien plus grandes et de bien plus funestes pour vous et pour eux. Vous conviendrez tous avec moi, M.F., que plus vos enfants avancent en âge, plus vous devez redoubler vos prières et vos soins, vu les dangers plus grands et les tentations plus fréquentes. Dites-moi maintenant, est-ce là ce que vous faites ? Non sans doute, quand vos enfants étaient petits, vous aviez le soin de leur parler du bon Dieu, de leur faire faire leur prière ; vous veilliez un peu sur leur conduite, vous leur demandiez s'ils avaient été se confesser, s'ils avaient assisté à la sainte Messe ; vous aviez la précaution de leur dire d'aller au catéchisme. Depuis qu'ils ont dix-huit à vingt ans, bien loin de leur inspirer la crainte et l'amour de Dieu, le bonheur de celui qui le sert pendant sa vie, le regret que nous avons en mourant de nous être perdus ; hélas ! ces pauvres enfants sont remplis de vices, et ont mille fois transgressé les commandements de Dieu sans les connaître ; leur esprit est plein des choses de la terre et vide de celles de Dieu. Vous leur parlez du monde. Une mère commencera à dire à sa fille qu'une telle s'est mariée avec un tel, qu'elle a bien trouvé un bon parti ; qu'il faudrait bien qu'elle ait le même bonheur. Cette mère n'aura que sa fille en tête, c'est-à-dire, qu'elle fera tout ce qu'elle pourra pour la faire briller aux yeux du monde. Elle la chargera de vanités, peut-être même jusqu'à faire des dettes ; elle lui apprendra à marcher bien droit, en lui disant qu'elle marche toute courbée, qu'on ne sait à quoi elle ressemble. Cela vous étonne, qu'il y ait de ces mères si aveugles ! Hélas ! que le nombre est grand de ces pauvres aveugles qui cher-chent la perte de leurs filles ! Une autre fois, les voyant sortir le matin, elles sont plus empressées à vite regarder si elles ont leur bonnet bien droit, le visage et les mains bien propres, que de leur demander si elles ont donné leur cœur au bon Dieu, si elles ont fait leur prière et offert leur journée : de tout cela, elles n'en par-lent pas. Une autre fois, elles diront qu'il ne faut pas paraître sau-vage, qu'il faut faire bonne grâce à tout le monde, qu'il faut penser à faire des connaissances pour s'établir. Combien de mères ou de pauvres pères aveuglés disent à leur enfant : Si tu es bien gentille ou si tu fais bien cela, je te laisserai aller à la foire de Montmerle, ou à la vogue; c'est-à-dire, si tu fais bien toujours ce que je vou-drai, je te traînerai en enfer ! O mon Dieu, est-ce bien le langage de parents chrétiens qui devraient prier nuit et jour pour leurs pauvres enfants ; afin que le bon Dieu leur inspirât une grande horreur pour les plaisirs, un grand amour pour lui avec le salut de leur âme ! Ce qu'il y a encore de plus triste, c'est qu'il y a des en-fants qui ne sont nullement portés à sortir ; les parents sont à les prier, à les solliciter en leur disant : Tu restes toujours là, tu ne trouveras pas à t'établir, l'on ne te saura pas au monde. Vous vou-lez, ma mère, que votre fille fasse des connaissances ? Ne vous inquiétez pas tant, elle en fera bien ! sans que vous vous tourmen-tiez si fort ; attendez encore quelque temps, et vous verrez bien qu'elle les a faites.
La fille, dont le cœur ne sera peut-être pas aussi gâté que ce-lui de la mère, lui dira : « Je ferai bien comme vous voudrez ; mais non, M. le curé ne veut pas ; il nous dit que tout cela ne fait qu'attirer la malédiction du bon Dieu sur les mariages ; j'ai envie de ne pas aller dans les danses, qu'en pensez-vous, ma mère ? » - « Eh ! bon Dieu, que tu es bonne, ma fille, d'écouter M. le curé, il faut bien qu'il nous dise quelque chose ; c'est son gagne-pain, l'on en prend ce que l'on veut, et on laisse le reste à d'autres. » - « Mais nous ne ferons point de pâques ? » - « Ah ! pauvre enfant, s'il ne veut nous recevoir, nous irons à un autre ; ce que l'un ne veut pas, l'autre le prend toujours. Ma fille, sois sage, reviens de bonne heure, va seulement, tu ne te divertiras pas quand tu ne se-ras plus jeune. » Une autre fois, ce sera une voisine qui lui dira : « Vous laissez trop de liberté à votre fille, elle finira par vous donner du chagrin. » - « Ma fille ! lui répondra-t-elle, je n'ai pas peur de cela. D'ailleurs, je lui ai recommandé d'être bien sage, elle me l'a promis ; je suis sûre qu'elle ne voit que des personnes comme il faut. » Ma mère, attendez quelque temps et vous verrez le fruit de sa sagesse. Quand le crime éclatera, il sera un sujet de scandale pour toute la paroisse, il couvrira la famille d'opprobre et de déshonneur ; et si rien n'éclate, c'est-à-dire, si personne ne l'apprend, elle portera sous le voile du sacrement de mariage, un cœur et une âme gâtés par les impuretés auxquelles elle s'est li-vrée avant son mariage, source de malédictions pour toute sa vie. - Mais, dira une mère, quand je verrai qu'elle en fera trop, je sau-rai bien l'arrêter ; je ne lui donnerai plus la permission de sortir, ou bien je prendrai un bâton.
Vous ne lui donnerez plus la permission, ma mère ; ne vous inquiétez pas, elle saura bien la prendre sans que vous ayez la peine de la lui donner, et si vous faites seulement semblant de la lui refuser, elle saura vous braver, se moquer de vous et partir. Vous l'avez poussée la première ; mais ce n'est pas vous qui l'en retirerez. Vous pleurerez peut-être, mais de quoi serviront vos larmes ? de rien, sinon de vous faire ressouvenir que vous vous êtes trompée, que vous auriez dû être plus sage et mieux conduire vos enfants. Si vous en doutez, écoutez-moi un instant, et vous verrez, malgré la dureté de votre cœur pour l'âme de vos pauvres enfants, qu'il n'y a que le premier pas qui coûte ; une fois que vous les avez laissés s'égarer, vous n'en êtes plus maîtresse, et souvent, ils font des fins biens misérables.
Il est rapporté dans l'histoire, qu'un père avait un fils, qui lui donnait toutes sortes de consolations ; il était sage, obéissant, ré-servé dans ses paroles, il était en même temps l'édification de toute la paroisse. Un jour, qu'il y eut une petite partie de divertis-sement dans le voisinage, le père lui dit : « Mon fils, vous ne sor-tez jamais, allez un moment vous amuser avec vos amis, ce sont tous des jeunes gens comme il faut, vous n'y serez pas en mau-vaise compagnie. » Le fils lui dit : « Mon père, je n'ai point de plaisir plus grand et de meilleure récréation que d'être en votre compagnie. ». Voilà une belle réponse pour un enfant, qui estime mieux la compagnie de son père, que tous les autres plaisirs et toutes les autres compagnies. « Ah ! mon fils, lui dit ce pauvre père aveuglé, si cela est, j'irai avec vous. » Le père part avec son fils. La seconde fois, le jeune homme n'a plus besoin de tant se faire prier pour partir ; la troisième fois, il part tout seul ; il n'a pas besoin de son père ; au-contraire, son père commence à le gêner, il trouve parfaitement le chemin. Son esprit n'est plus occupé que du son des instruments qu'il a entendus, des personnes qu'il a vues. Il finit par abandonner ces petites pratiques de piété qu'il s'était prescrites dans le temps où il était tout à Dieu ; il se lie en-suite avec une jeune fille, bien plus mauvaise que lui. Les voisins commencent déjà à parler de lui comme d'un nouveau libertin. Dès que le père s'en aperçoit ; il veut s'y opposer, il lui défend d'aller n'importe où sans sa permission ; mais il ne trouve plus dans son fils cette ancienne soumission. Rien ne peut le retirer ; il se moque de son père, en lui disant que, maintenant, ne pouvant plus se divertir, il veut empêcher les autres de le faire. Le père, au désespoir, ne voit plus de remède, il s'arrache les cheveux, il veut le corriger. La mère, qui sentait mieux que son mari les dangers de ces compagnies, lui avait souvent dit qu'il faisait bien mal, qu'il en serait fâché ; mais non, c'était trop tard. Un jour que le père le voit venir de ces plaisirs, il le châtie. Le fils, voyant qu'il est gêné par ses parents, s'engage, et, au bout de quelque temps, le père re-çoit une lettre, lui annonçant que son fils a été écrasé sous les pieds des chevaux. Hélas ! où alla ce pauvre enfant ? Dieu veuille qu'il ne soit pas en enfer. Cependant, s'il est damné, selon les ap-parences, son père est la véritable cause de sa perte. Quand le père ferait pénitence, sa pénitence et ses larmes n'auront jamais le pou-voir d'arracher ce pauvre enfant de l'enfer. Ah ! malheureux pa-rents, qui, jetez vos enfants dans les flammes éternelles !
Vous trouvez cela un peu extraordinaire, cependant, si nous examinons de près la conduite des parents : voilà ce qu'ils font tous les jours. Si vous en doutez le moins du monde, touchons ce-la d'un peu plus près. N'est-ce pas que vous vous plaignez chaque jour de vos enfants ? que vous ne pouvez plus en être maîtres, et cela est bien vrai. Vous avez peut-être oublié le jour où vous avez dit à votre garçon ou à votre fille : Si tu veux aller à la foire à Montmerle, ou bien à la vogue chez le cabaretier, tu peux bien y aller ; tu reviendras de bonne heure. Votre fille vous a dit que ce serait bien comme vous vouliez. - Va seulement, tu ne sors ja-mais, il faut bien que tu aies un moment de plaisir. - Vous ne di-rez pas que non. Mais plus tard, vous n'aurez besoin ni de la solli-citer, ni même de lui donner la permission. Alors, vous vous tourmenterez de ce qu'elle part sans vous le dire. Regardez en ar-rière, ma mère, et vous vous rappellerez que vous lui avez donné la permission une fois pour toutes. De plus, examinez ce qu'il ar-rivera quand vous lui aurez donné la liberté d'aller partout où sa pauvre tête écervelée la conduira. Vous voulez qu'elle fasse des connaissances pour s'établir. En effet, à force de courir, elle fera des connaissances, elle multipliera ses crimes. Ce sera comme une montagne de péchés qui empêchera la bénédiction du bon Dieu de se répandre sur ces enfants au moment de leur mariage. Hélas ! ces pauvres personnes sont déjà maudites de Dieu ! Pen-dant que le prêtre lève la main pour les bénir, le bon Dieu, du haut du ciel, lance ses malédictions. De là, pour elles une source épou-vantable de malheur. Ce nouveau sacrilège, ajouté à tant d'autres, leur fait perdre la foi pour toujours. Alors, dans le mariage, où l'on se croit tout permis, la vie n'est plus qu'un abîme de corrup-tion, qui ferait frémir l'enfer même, s'il en était témoin. Mais, hé-las ! tout cela n'a qu'un temps. Bientôt après, les chagrins, les hai-nes, les disputes et les mauvais traitements de la part de l'un et de l'autre époux ne sont pas rares. - Après cinq ou six mois de ma-riage, le père verra venir son fils tout en fureur comme un déses-péré, maudissant le père, la mère, la femme, et peut-être même ceux qui ont sollicité le mariage. Son père, tout étonné, lui de-mandera ce qui lui est arrivé : « Ah ! que je suis malheureux ; ah ! du moins si après ma naissance vous m'aviez écrasé, si avant de me marier quelqu'un m'avait empoisonné ! » - « Mais, mon fils, lui dira le père tout chagrin, il faut prendre patience. Que veux-tu ! peut-être que cela ne durera pas. » - « Ne me dites rien, si je croyais mon courage, je me tirerais un coup de fusil ou j'irais me jeter dans l'eau : il faut toujours être à se disputer ou se battre. » N'est-ce pas, mon père, laissons dire M. le curé, il faut bien faire des connaissances, sans quoi on ne trouverait pas à s'établir. Pars toujours, mon fils, sois sage, reviens de bonne heure et sois tran-quille.
Oui, sans doute, mon ami, si vous aviez été sage, si vous aviez consulté le bon Dieu, vous ne vous seriez pas établi comme vous l'avez fait ; Dieu ne l'aurait pas permis ; mais il vous aurait fait comme il fit au jeune Tobie ; il vous aurait choisi lui-même une épouse qui, en venant chez vous, aurait apporté la paix, la vertu, toutes sortes de bénédictions. Voilà, mon ami, ce que vous avez perdu de ne pas écouter votre pasteur, et d'avoir suivi le conseil de vos parents aveugles.
Une autre fois ce sera une pauvre fille qui viendra, peut-être toute meurtrie de coups, déposer dans le sein de sa mère ses lar-mes et son chagrin. Elles mêleront leurs larmes ensemble : « Ah ! pauvre mère, que j'ai du malheur d'avoir pris un mari comme ce-lui-là ! Il est si méchant et si brutal ! Je crains bien que l'on dise un jour qu'il m'a tuée. » - « Mais, lui dira la mère : il faut faire tout ce qu'il te commandera. » - « Je le- fais bien ; rien ne le contente, il est toujours en colère. » - « Pauvre enfant, lui dira la mère, si tu avais eu le bonheur de prendre un tel, qui t'a deman-dée, tu aurais été bien plus heureuse » Vous vous trompez, mère, ce n'est pas ce que vous devez lui dire. « Ah ! pauvre enfant, si j'avais eu le bonheur de t'inspirer la crainte et l'amour du bon Dieu, si je ne t'avais jamais laissé courir les plaisirs : Dieu n'aurait pas permis que tu fusses si malheureuse : .... » N'est-ce pas, ma mère ? laisse dire M. le curé, pars toujours ; sois sage, reviens de bonne heure et sois tranquille. Ceci est très bien, ma mère, mais écoutez.
Un jour, je me trouvai de passer auprès d'un gros feu, je pris une poignée de paille bien sèche, je la jetai dedans en lui disant de ne pas brûler. Ceux qui furent témoins de cela, me dirent en se moquant de moi : « Vous avez beau lui dire de ne pas brûler, cela n'empêchera pas qu'elle ne brûle. » - « Et comment, leur ai-je ré-pondu, puisque je lui dis de ne pas brûler ? » - Qu'en pensez-vous, ma mère ? vous y reconnaissez-vous ? N'est-ce pas là votre conduite ou celle de votre voisine ? N'est-ce pas que vous aviez dit à votre fille d'être bien sage, lorsque vous lui donniez la per-mission de partir ? - Oui sans doute... - Allez, ma mère, vous avez été une aveugle et le bourreau de vos enfants. S'ils sont mal-heureux dans leur mariage, c'est vous seule qui en êtes la cause. Dites-moi, ma mère, si vous aviez quelques sentiments de religion et d'amitié pour vos enfants, ne deviez-vous pas travailler de tout votre pouvoir à leur faire éviter le mal que vous avez fait vous-même, lorsque vous étiez dans le même cas que votre fille ? Par-lons plus clairement. Vous n'êtes pas assez contente d'être mal-heureuse vous-même, vous voulez encore que vos enfants le soient aussi. Et vous, ma fille, vous êtes malheureuse dans votre ménage ? J'en suis bien fâché, j'en ai bien du chagrin ; mais j'en suis moins étonné que si vous me disiez que vous êtes heureuse, après les dispositions apportées à votre mariage.
Oui, M.F., la corruption est montée aujourd'hui à un si haut degré parmi les jeunes gens, qu'il serait presque aussi impossible d'en trouver qui reçoivent saintement ce sacrement, qu'il est im-possible de voir monter un damné dans le ciel. - Mais, me direz-vous : il y en a bien encore quelques-uns. - Hélas ! mon ami, où sont-ils ?... Ah ! bien oui, une mère ou un père ne font point de difficulté de laisser une fille avec un jeune homme trois ou quatre heures le soir, ou bien pendant les vêpres. - Mais, me direz-vous, ils sont sages. Oui, sans doute, ils sont sages ; la charité doit nous le faire croire. Mais dites-moi, ma mère, étiez-vous bien sage lorsque vous étiez dans le même cas que votre fille ?
Finissons, M.F., en disant que si les enfants sont malheureux en ce monde et dans l'autre, c'est la faute des parents qui n'ont pas employé tous les moyens dont ils étaient capables pour conduire saintement leurs enfants dans le chemin du salut, où très certai-nement le bon Dieu les aurait bénis. Hélas ! aujourd'hui, un jeune homme ou une jeune fille veulent s'établir, il faut absolument qu'ils abandonnent le bon Dieu... Non, n'entrons pas dans ce dé-tail, nous y reviendrons une autre fois. Pauvres pères et mères, que de tourments vous attendent dans l'autre vie ! Tant que votre génération durera, vous allez participer à tous les péchés qui s'y commettront, vous en serez punis comme si vous les aviez com-mis, et bien plus, vous rendrez compte de toutes les âmes de votre génération qui se seront damnées. Toutes ces pauvres âmes vous accuseront de les avoir perdues. Ceci est très facile à comprendre. Si vous aviez bien élevé vos enfants, ils auraient bien élevé les leurs : ils se seraient sauvés les uns et les autres. Ce n'est pas tout encore, vous serez responsables devant Dieu de toutes les bonnes œuvres que votre génération aurait accomplies jusqu'à la fin du monde et qui ne se seront pas faites par votre faute.
Que pensez-vous de cela, pères et mères ? Si vous n'avez pas encore perdu la foi, n'avez-vous pas de quoi pleurer sur le mal que vous avez fait et sur l'impossibilité où vous êtes de le répa-rer ? Avais-je raison de vous dire en commençant qu'il est presque impossible de vous montrer dans tout son jour la grandeur de vos devoirs ? .... Encore ce que je vous ai dit aujourd'hui n'est qu'un petit aperçu... Revenez dimanche, pères et mères, faites garder la maison, à vos enfants, et nous irons plus loin sans pouvoir vous tout faire connaître.
Hélas ! que de parents traînent leurs pauvres enfants dans l'enfer, en y tombant eux-mêmes. Mon Dieu ! peut-on bien penser sans frémir à tant de malheurs ! Heureux ceux que le bon Dieu n'appelle pas au mariage ! Quel compte de moins à rendre ! - Mais, me direz-vous : « Nous faisons bien ce que nous pouvons. » - Vous faites ce que vous pouvez, oui sans doute ; mais c'est pour les perdre et non pour les sauver. En finissant, je veux vous mon-trer que vous ne faites pas ce que vous pouvez. Où sont les larmes que vous avez versées, les pénitences et les aumônes que vous avez faites pour demander à Dieu leur conversion ? Pauvres en-fants, que vous êtes malheureux d'appartenir à des parents qui ne travaillent qu'à vous rendre malheureux dans ce monde et encore bien plus dans l'autre ! Étant votre père spirituel, voici le conseil que j'ai à vous donner : Quand vous voyez vos parents qui man-quent les offices, qui travaillent le dimanche, qui font gras les jours défendus, qui ne fréquentent plus les sacrements, qui ne s'ins-truisent pas : faites tout le contraire ; afin que vos bons exemples les sauvent eux-mêmes, et si vous aviez ce bonheur, vous auriez tout gagné. C'est ce que je vous souhaite.

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 19:58
Saint Charbel

Finissons, M.F., en disant que nous devons craindre, par-dessus tout, que ce maudit péché d'envie ne prenne racine en no-tre cœur, puisqu'il rend une personne si malheureuse. Si le démon nous tente par des pensées d'envie contre notre prochain, bien loin de le lui faire connaître par un air indifférent, il faut lui montrer de l'amitié et lui rendre service autant que nous le pouvons. Quant à ses actions, si elles nous paraissent mauvaises, pensons vite que nous pouvons bien nous tromper, étant si aveugles que nous le sommes ; et que, d'ailleurs ; nous ne serons pas jugés sur ce que les autres feront, mais seulement sur le bien et le mal que nous aurons faits pendant notre vie. Si nous avons des pensées d'envie parce que les autres réussissent mieux que nous dans leurs affaires temporelles, pensons vite qu'un bon chrétien doit remercier Dieu du bien qu'il a fait à son frère. Si c'est pour le bien spirituel, pen-sons combien nous sommes heureux que le bon Dieu ait des per-sonnes qui le dédommagent des outrages que nous lui faisons.
Je conclus, M.F., en vous disant que si nous voulons espérer d'aller au ciel, il faut absolument être contents du bien que le bon Dieu fait à notre prochain, et nous attrister des maux qu'il éprouve, puisque saint Jean nous dit : « Comment voulez-vous faire croire que vous aimez le bon Dieu que vous ne voyez pas, tandis que vous n'aimez pas votre frère que vous voyez ? » Jetons les yeux sur notre grand modèle, qui, pour nous guérir de ce maudit péché d'envie et de jalousie, est mort pour ses ennemis et pour nous rendre heureux ; c'est le même bonheur que je vous souhaite.
19ème DIMANCHE APRÈS LA PENTE-CÔTE

Sur l'Impureté

Ligatis manibus et pedibus ejus, mittite eum in tenebras exteriores : ibi erit fletus et stridor dentium.
Liez-lui pieds et mains, et jetez-le dans les ténèbres extérieures, et là il y aura des pleurs et des grincements de dents.
(S. Matthieu, XXII, 13.)

Si tout péché mortel, M.F., doit nous traîner, nous précipiter, nous foudroyer dans les enfers, comme Jésus-Christ nous le dit dans l'Évangile, quel sera donc le sort de celui qui aura le malheur de se livrer au péché le plus infâme, le péché d'impureté ? O mon Dieu ! peut-on bien oser prononcer le nom d'un vice si horrible, non seulement aux yeux des chrétiens, mais encore à ceux de créatures raisonnables ? Pourrais-je le dire, M.F., et vous, pour-rez-vous l'entendre sans frémir ? Ah ! si j'avais le bonheur, en vous montrant toute la noirceur et toute l'horribilité de ce péché, de vous le faire fuir pour jamais ! O mon Dieu ! un chrétien peut-il bien s'abandonner à une passion qui le dégrade jusqu'à le mettre au-dessous de la bête la plus vile, la plus brute, la plus immonde ! Un chrétien peut-il bien se livrer à un crime qui fait tant de rava-ges dans une pauvre âme ! Un chrétien, dis-je, qui est le temple de l'Esprit-Saint, un membre de Jésus-Christ, peut-il bien se plonger et se rouler, se noyer, pour ainsi dire, dans le limon d'un vice aus-si infâme, qui, en abrégeant ses jours, lui faisant perdre sa réputa-tion, lui prépare tant de maux et de malheurs pour l'éternité ! Oui, M.F., pour vous donner une idée de la grandeur de ce péché, je vais 1? vous montrer, autant qu'il me sera possible, toute l'horribi-lité de ce crime ; 2? en combien de manières nous pouvons nous en rendre coupables ; 3? quelles sont les causes qui peuvent nous y conduire ; 4? enfin, ce que nous devons faire pour nous en pré-server.

I. - Pour vous faire comprendre la grandeur de ce maudit péché qui perd tant d'âmes, il faudrait ici étaler à vos yeux tout ce que l'enfer a de plus affreux, de plus désespérant, et, en même temps, tout ce que la puissance de Dieu exerce sur une victime coupable d'un tel crime. Mais, vous comprenez comme moi, que jamais il ne sera donné de saisir la grandeur de ce péché et la ri-gueur de la justice de Dieu envers les impudiques. Je vous dirai seulement que celui qui commet le péché d'impureté se rend cou-pable d'une espèce de sacrilège, puisque notre cœur étant le tem-ple du Saint-Esprit, notre corps étant un membre de Jésus-Christ, nous profanons véritablement ce temple par les impuretés aux-quelles nous nous abandonnons ; et de notre corps, qui est un membre de Jésus-Christ, nous faisons véritablement le membre d'une prostituée . Examinez maintenant, si vous pourrez jamais vous former une idée qui approche de la grandeur de l'outrage que ce péché fait à Dieu et de la punition qu'il mérite. Ah ! M.F., il faudrait pouvoir traîner ici, à ma place, cette infâme reine Jézabel, qui a perdu tant d'âmes par ses impudicités ; il faudrait qu'elle vous fit elle-même la peinture désespérante des tourments qu'elle endure, et qu'elle endurera toute l'éternité, dans ce lieu d'horreur où elle s'est précipitée par ses turpitudes. Ah ! vous l'entendriez crier du milieu de ces flammes qui la dévorent : « Hélas ! que je souffre ! Adieu, beau ciel, je ne te verrai jamais, tout est fini pour moi. Ah ! maudit péché d'impureté, les flammes de la justice de Dieu me font payer bien cher les plaisirs que j'ai goûtés ! Si j'avais encore le bonheur d'être sur la terre, comme cette vertu de pureté me serait bien plus précieuse qu'elle ne m'a été ! »
Allons encore plus loin, M.F., peut-être que vous sentirez un peu mieux l'horreur de ce maudit péché. Je ne parle pas d'un païen, qui n'a pas le bonheur de connaître le bon Dieu ; mais d'un chrétien qui connaît combien ce vice est opposé à la sainteté de sa condition d'enfant de Dieu, d'un chrétien qui a été tout arrosé du sang adorable, qui tant de fois lui a servi de demeure et de taber-nacle. Comment ce chrétien peut-il bien s'abandonner à un tel pé-ché ! O mon Dieu ! peut-on y penser et ne pas mourir d'horreur ! Écoutez ce que dit le Saint-Esprit : Celui qui est assez malheureux pour s'abandonner à ce maudit péché, mérite d'être foulé sous les pieds du démon comme le fumier sous les pieds des hommes . Jésus-Christ dit un jour à sainte Brigitte, qu'il se voyait forcé de préparer des tourments affreux pour punir les impudiques, et que presque tous les hommes étaient atteints de ce vice infâme.
Si nous prenons la peine de parcourir l'Écriture sainte, nous voyons que, depuis le commencement du monde, le bon Dieu a poursuivi les impudiques de la manière la plus sévère. Voyez tous les hommes avant le déluge qui s'abandonnent à ce vice infâme ; le Seigneur ne peut plus les souffrir ; il se repent de les avoir créés ; il se voit forcé de les punir de la manière la plus effroya-ble, puisqu'il ouvre sur eux les cataractes du ciel et les fait tous périr par un déluge universel . Il fallait que cette terre souillée par tant de crimes, et si horrible aux yeux de Dieu fût purifiée par le déluge ; c'est-à-dire par les eaux de la colère du Seigneur. Si vous allez plus loin : Voyez les habitants de Sodome et de Gomorrhe, ainsi que les autres villes voisines, leurs habitants se livraient à des crimes si épouvantables d'impureté, que le Seigneur, dans sa juste colère, fit tomber sur ces lieux maudits une pluie de feu et de soufre qui les brûla avec leurs habitants ; les hommes, les bêtes, les arbres, les terres et les pierres furent comme anéantis ; ce lieu a été si maudit de Dieu, qu'il n'est plus maintenant qu'une mer maudite . On l'appelle Mer-morte, parce qu'elle ne nourrit aucun poisson et que, sur ses rivages, on trouve certains fruits qui ont une belle apparence, mais ne renferment qu'une poignée de cendres. Dans un autre endroit, nous voyons que le Seigneur ordonna à Moïse de mettre à mort vingt-quatre mille hommes, parce qu'ils s'étaient abandonnés à l'impureté .
Oui, M.F., nous pouvons dire que ce maudit péché d'impure-té a été, depuis le commencement du monde, jusqu'à la venue du Messie, la cause de presque tous les malheurs des Juifs. Voyez David, voyez Salomon et tant d'autres. Qui a attiré tant de châti-ments sur leurs personnes et sur leurs sujets, sinon ce maudit pé-ché ? O mon Dieu ! que ce péché vous ravit d'âmes, oh ! qu'il en traîne aux enfers !
Si nous passons de l'Ancien Testament au Nouveau, les châ-timents ne sont pas moindres. Saint Jean nous dit que Jésus-Christ lui fit voir, dans une révélation, le péché d'impureté sous la figure d'une femme assise sur une bête qui avait, sept têtes et dix cor-nes , pour nous montrer que ce péché attaque les dix commande-ments de Dieu et renferme les sept péchés capitaux . Si vous vou-lez vous en convaincre, vous n'avez qu'à examiner la conduite d'un impudique ; vous verrez qu'il n'y a pas un commandement qu'il ne transgresse, et un des péchés capitaux dont il ne se rende coupable, en contentant les désirs de son corps. Je ne veux pas en-trer dans tous ces détails, voyez-le vous-mêmes, et vous direz que cela est vrai. Mais j'ajouterai qu'il n'y a point de péché dans le monde qui fasse faire tant de sacrilèges : les uns ne connaissent pas la moitié des péchés qu'ils commettent de cette manière, par conséquent ils ne les disent pas ; les autres ne veulent pas les dire, quoiqu'ils les connaissent ; de sorte que nous verrons au jour du jugement qu'il n'y a point de péché qui ait jeté tant d'âmes en en-fer. Oui, M.F., ce péché est si affreux que non seulement nous nous cachons pour le commettre ; mais nous voudrions encore nous le cacher à nous-mêmes, tant il est infâme, même aux yeux de ceux qui s'en rendent coupables !

II. - Mais, pour mieux vous faire comprendre combien ce péché, quoique si affreux, est commun parmi les chrétiens, et comme il est facile de le commettre, je vous dirai en combien de manières l'on pèche contre le sixième commandement de Dieu. L'on pèche en six manières : par pensées, par désirs, par regards, par paroles, par actions et par occasions.
Je dis 1?, par pensées : il y en a plusieurs qui ne savent pas distinguer une pensée d'avec un désir ; ce qui peut faire faire des confessions sacrilèges. Écoutez-moi bien et vous allez le voir : une mauvaise pensée, c'est lorsque notre esprit s'arrête volontai-rement à penser à une chose impure, soit par rapport à nous, soit par rapport à d'autres, sans désirer accomplir ce que l'on pense ; on laisse seulement croupir son esprit sur ces choses sales et dés-honnêtes. Vous vous accusez de cela ; il faut dire combien de temps vous y avez laissé reposer votre pensée, sans vous en dé-tourner, ou encore si vous avez pensé à des choses qui pouvaient vous y conduire par le souvenir de quelque conversation que vous avez eue, ou de quelque familiarité que vous avez permise, ou de quelque objet que vous avez vu. Le démon ne vous remet cela de-vant les yeux que dans l'espérance qu'il vous conduira au péché, au moins par la pensée.
2? Nous péchons par désirs. Voilà, M.F., la différence qu'il y a entre la pensée et le désir ; le désir, c'est vouloir accomplir ce à quoi nous pensons ; mais pour vous parler plus clairement, c'est vouloir commettre le péché d'impureté, après y avoir pensé pen-dant quelque temps, lorsque nous en trouverons l'occasion ou lorsque nous la chercherons. Il faut bien dire si ce désir est resté dans notre cœur, si nous avons fait quelque démarche pour ac-complir ce que nous avons désiré, si nous avons sollicité quelques personnes à faire mal avec nous ensuite quelles sont les personnes que nous avons voulu porter au mal, si c'est un frère, une sœur, un enfant ; une mère, une belle-sœur, un beau-frère, un cousin. Il faut bien dire tout cela, autrement votre confession ne vaudrait rien. Cependant, il ne faut nommer les personnes qu'autant qu'il est né-cessaire pour faire connaître son péché. Il est bien certain que si vous aviez fait mal avec un frère ou une sœur, et que vous vous contentiez de dire que vous avez fait un péché contre la sainte vertu de pureté, cela ne suffirait pas.
3? L'on pèche par regards, lorsqu'on porte ses yeux sur des objets impurs, ou quelque chose qui peut nous y conduire. Il n'y a point de porte par laquelle le péché entre si facilement et si sou-vent que par les yeux ; aussi le saint homme Job disait : « Qu'il avait fait un pacte avec ses yeux pour ne jamais regarder une per-sonne en face . »
4° Nous péchons par paroles. Nous parlons, M.F., pour ma-nifester à l'extérieur ce que nous pensons au dedans de nous-mêmes, c'est-à-dire ce qui se passe dans notre cœur. Vous devez vous accuser de toutes les paroles impures que vous avez dites, combien de temps votre conversation a duré ; quel motif vous a engagé à les dire, à quelles personnes et à combien de personnes vous avez pu les dire. Hélas ! M.F., il y a de pauvres enfants, pour lesquels il vaudrait bien mieux trouver sur leur chemin un tigre ou un lion, que certains impudiques. Si, comme l'on dit, la bouche parle de l'abondance du cœur, jugez quelle doit être la corruption du cœur de ces infâmes qui se roulent, se traînent et se noient pour ainsi dire dans la fange de leur impureté. O mon Dieu ! si vous nous dites que l'on connaît l'arbre à son fruit, quel abîme de corruption peut être semblable !
5? Nous péchons par actions. Telles sont les libertés coupa-bles sur soi-même ou sur d'autres, les baisers impurs, sans oser vous dire le reste ; vous comprenez bien ce que je dis. Mon Dieu ! où sont ceux qui, dans leurs confessions, s'accusent de tout cela ? Mais aussi que de sacrilèges ce maudit péché d'impureté fait faire ! Nous ne connaîtrons cela qu'au grand jour des vengeances. Combien de jeunes filles resteront deux ou trois heures avec des libertins, et il n'y aura sorte d'impureté que leur bouche infernale ne vomisse continuellement. Hélas ! mon Dieu, comment ne pas brûler au milieu d'un brasier si ardent ?
6? L'on pèche par occasion, soit en la donnant, soit en la prenant. Je dis, en la donnant, comme une personne du sexe qui est mise d'une manière indécente, laissant son mouchoir trop écar-té, ayant le cou et les épaules découverts, portant des vêtements qui dessinent trop les formes du corps ; ou ne portant point de mouchoir en été, ou bien s'habillant d'une manière trop affectée. Non, ces malheureuses-là ne sauront qu'au tribunal de Dieu le nombre de crimes qu'elles auront fait commettre. Combien de gens mariés qui ont moins de réserves que des païens ! Une fille est encore coupable de quantité de péchés impurs, qui sont pres-que tous des péchés mortels, toutes les fois qu'elle est trop facile et trop familière avec les jeunes gens. L'on est encore coupable, lorsqu'on va avec des personnes que l'on sait n'avoir que des mauvaises paroles à la bouche. Vous pouvez ne pas y avoir pris plaisir, mais vous avez eu le tort de vous y exposer.
Souvent, on se fait illusion, l'on croit ne point faire de mal, tandis que l'on pèche affreusement. Ainsi les personnes qui se voient sous prétexte de mariage, croient qu'il n'y a point de mal de passer un temps considérable seuls, le jour et la nuit. N'oubliez pas, M.F., que tous ces embrassements qui se font dans ces mo-ments sont presque tous des péchés mortels, parce qu'ordinaire-ment ce n'est qu'une amitié charnelle qui les fait faire. Com-bien de jeunes fiancés n'ont aucune réserve ; ils se chargent des crimes les plus épouvantables, et semblent forcer la justice de Dieu de les maudire au moment où ils entrent dans l'état du mariage. Vous devez être aussi réservés pendant ce temps que vous l'êtes avec vos sœurs ; tout ce que l'on fait de plus est un péché. Hélas ! mon Dieu, où sont ceux qui s'en accusent ? presque personne. Mais aussi, où sont ceux qui entrent dans l'état du mariage saintement ? Hélas ! presque point. De là résultent tant de maux dans le ma-riage et pour l'âme et pour le corps. Eh ! mon Dieu ! des parents qui le savent peuvent dormir ! Hélas ! que d'âmes qui se traînent dans les enfers !
On pèche encore contre la sainte vertu de pureté quand on se lève la nuit sans être habillé pour sortir, pour aller servir un ma-lade, ou pour aller ouvrir la porte. Une mère doit faire attention de ne jamais avoir de regards déshonnêtes, ni d'attouchements sans nécessité sur ses enfants. Les pères et mères et les maîtres sont coupables de toutes les familiarités qu'ils permettent entre leurs enfants et leurs domestiques, pouvant les empêcher. L'on se rend encore coupable, en lisant et prêtant de mauvais livres ou des chansons licencieuses ; en s'écrivant des lettres entre personnes de différent sexe. L'on participe au péché en favorisant des rendez-vous de jeunes gens, sous prétexte même de mariage.
Vous êtes obligés, M.F., de déclarer toutes les circonstances aggravantes, si vous voulez que vos confessions soient bonnes. Écoutez-moi, vous allez encore mieux le comprendre. Péchez-vous avec une personne déjà abandonnée au vice, qui en fait pro-fession, vous vous rendez volontairement l'esclave de Satan, et encourez la damnation éternelle. Mais, apprendre le mal à une jeune personne, la porter au mal pour la première fois, lui ravir l'in-nocence, lui enlever la fleur de sa virginité, ouvrir la porte de son cœur au démon, fermer le ciel à cette âme qui était l'objet de l'amour des trois personnes de la Sainte-Trinité, la rendre digne de l'exécration du ciel et de la terre : ce péché est encore infini-ment plus grand que le premier, et vous êtes obligés de vous en accuser. Pécher avec une personne libre, ni mariée, ni parente, est, selon saint Paul, un crime qui nous ferme le ciel et nous ouvre les abîmes ; mais pécher avec une personne engagée dans les liens du mariage, c'est un crime qui en renferme un grand nombre d'au-tres ; c'est une horrible infidélité, qui anéantit et qui profane tou-tes les grâces du sacrement de mariage ; c'est encore un exécrable parjure qui foule aux pieds une foi jurée au pied des autels, en présence non seulement des anges, mais de Jésus-Christ lui-même ; crime qui est capable d'attirer toutes sortes de malédic-tions, non seulement sur une maison, mais encore sur une pa-roisse. Pécher avec une personne qui n'est ni parente, ni alliée, c'est un gros péché, puisqu'il nous perd pour jamais ; mais, pécher avec une parente ou une alliée, c'est-à-dire, un père avec sa fille, une mère avec son fils, un frère avec sa sœur, un beau-frère avec sa belle-sœur, un cousin avec sa cousine, c'est le plus grand de tous les crimes que l'on puisse imaginer ; c'est se jouer des règles les plus inviolables de la pudeur ; c'est fouler aux pieds les droits les plus sacrés de la religion et de la nature. Enfin, pécher avec une personne consacrée à Dieu, c'est le comble de tous les mal-heurs, puisque c'est un sacrilège épouvantable. O mon Dieu ! peut-il y avoir des chrétiens qui se livrent à toutes ces turpitudes ! Hélas ! si au moins, après de telles horreurs, l'on avait recours au bon Dieu pour lui demander de nous tirer de cet abîme ! Mais, non, l'on vit tranquille, et la plupart n'ouvrent les yeux qu'en tom-bant en enfer. Vous êtes-vous, M.F., formé une idée de la gran-deur de ce péché ? Non, sans doute, parce que vous en auriez bien plus d'horreur, et vous auriez pris plus de précautions pour ne pas y tomber.

III. - Si vous me demandez maintenant ce qui peut nous conduire à un tel crime. Mon ami, je n'ai qu'à ouvrir mon caté-chisme et à le demander à un enfant, en lui disant : Qu'est-ce qui nous conduit ordinairement à ce vice honteux ? Il me répondra simplement : Monsieur le Curé, ce sont les danses, les bals, les fréquentations trop familières avec des personnes de différent sexe ; les chansons, les paroles libres, les immodesties dans les habits, les excès dans le boire et le manger.
Je dis : les excès dans le boire et le manger. Si vous me de-mandez pourquoi cela, le voici, M.F. : C'est que notre corps ne tend qu'à la perte de notre âme ; il faut nécessairement le faire souffrir en quelque manière, sans quoi tôt ou tard, il jettera notre âme en enfer. Une personne qui a bien à cœur le salut de son âme ne passera jamais un jour sans se mortifier en quelque chose dans le boire, le manger, le sommeil. Pour l'excès du vin, saint Augus-tin nous dit clairement qu'un ivrogne est impudique, ce qui est bien facile à prouver. Entrez dans un cabaret, ou soyez en la com-pagnie d'un ivrogne, il n'aura pas autre chose à la bouche que les paroles les plus sales ; vous le verrez faire les actions les plus honteuses ; et certainement il ne les ferait pas s'il n'était pas dans le vin. Vous voyez donc par là, M.F., que, si nous voulons conserver la pureté dans notre âme, il faut nécessairement refuser quelque chose à notre corps, sans quoi il nous perdra.
Je dis que les bals et les danses nous conduisent à ce vice in-fâme. C'est le moyen dont le démon se sert pour enlever l'inno-cence au moins aux trois quarts des jeunes gens. Je n'ai pas besoin de vous le prouver, vous ne le savez que trop malheureusement par votre propre expérience. Hélas ! combien de mauvaises pen-sées, de mauvais désirs et d'actions honteuses causées par les dan-ses ! Il me suffirait de vous dire que huit conciles tenus en France défendaient la danse, même dans les noces, sous peine d'excom-munication. - Mais, me direz-vous, pourquoi donc y a-t-il des prêtres qui donnent l'absolution à ces personnes sans les éprou-ver ? - Pour cela, je ne vous en dis rien, chacun rendra compte de ce qu'il aura fait. Hélas ! M.F., d'où est venue la perte des jeunes gens ? Pourquoi n'ont-ils plus fréquenté les sacrements ? Pourquoi ont-ils même laissé leurs prières ? N'en cherchez pas d'autre cause que la danse. D'où peut venir ce grand malheur que plusieurs ne font plus de pâques, ou les font mal ? Hélas ! de la danse. Com-bien de jeunes filles, à la suite de la danse, ont perdu leur réputa-tion, leur pauvre âme, le ciel, leur Dieu ! Saint Augustin nous dit qu'il n'y aurait pas autant de mal à travailler toute la journée le dimanche, qu'à danser. Oui, M.F., nous verrons au grand jour du jugement, que ces filles mondaines ont fait commettre plus de pé-chés qu'elles n'ont de cheveux sur la tête. Hélas ! que de mauvais regards, que de mauvais désirs, que d'attouchements déshonnêtes, que de paroles impures, que d'embrassements mauvais, que de ja-lousies, que de disputes, que de querelles ne voit-on pas commet-tre dans la danse ou à la suite des danses ! Pour mieux vous en convaincre, M.F., écoutez ce que nous dit le Seigneur par la bou-che du prophète Isaïe : « Les mondains dansent au son des flûtes et des tambours, et un moment après ils descendent dans les en-fers . » L'Esprit-Saint nous dit par la bouche du prophète Ezé-chiel : « Va dire aux enfants d'amour, que parce qu'ils se sont li-vrés à la danse, je vais les punir rigoureusement ; afin que tout Israël soit saisi de frayeur. » Saint Jean Chrysostome nous dit que les patriarches Abraham, Isaac et Jacob ne voulurent jamais per-mettre que l'on dansât à leur mariage, dans la crainte d'attirer les malédictions du ciel sur eux. Mais, je n'ai pas besoin d'aller cher-cher d'autres preuves que vous-mêmes. Parlez-moi sincèrement, n'est-ce pas que vous ne voudriez pas mourir en venant d'une danse ? Non, sans doute, parce que vous ne seriez guère prêts à aller paraître devant le tribunal de Dieu. Dites-moi pourquoi vous ne voudriez pas mourir dans cet état, et pourquoi vous ne man-quez pas de vous en confesser ? C'est donc bien prouvé, vous sen-tez vous-mêmes que vous faites mal ; autrement vous n'auriez pas besoin de vous en accuser et ne craindriez pas de paraître devant Jésus-Christ. Écoutez ce que nous dit saint Charles Borromée par-lant de la danse : de son temps, l'on condamnait à trois ans de pé-nitence publique une personne qui allait à la danse, et, si elle continuait, on la menaçait d'excommunication. N'allons pas plus loin, M.F., la mort vous prouvera ce que nous disons aujourd'hui, mais trop tard pour un grand nombre. Il faut vraiment être aveugle pour croire qu'il n'y a pas grand mal dans la danse, lorsque nous voyons que toutes les personnes désireuses de s'assurer le ciel, l'ont quittée et ont pleuré le malheur d'y être allées, dans le temps de leurs folies. Mais, tirons le rideau jusqu'au grand jour des ven-geances où nous verrons tout cela plus clairement, où la corrup-tion du cœur ne pourra plus trouver d'excuse.
Je dis que les immodesties dans les habits nous conduisent à ce vice honteux. Oui, M.F., une personne qui ne s'habille pas dé-cemment est la cause de beaucoup de péchés : de mauvais re-gards, de mauvaises pensées, de paroles déshonnêtes. Voulez-vous savoir, du moins en partie, le mal dont vous êtes la cause ? Mettez-vous un instant aux pieds de votre crucifix, comme si vous alliez être jugé. L'on peut dire que les personnes mises d'une manière mondaine sont une source d'impureté, et un poison qui donne la mort à tous ceux qui n'ont pas la force de les fuir. Voyez en elles cet air efféminé ou enjoué, ces regards perçants, ces ges-tes honteux, qui, comme autant de traits trempés dans le poison de leur impudicité, blessent presque tous les yeux assez malheureux pour les regarder. Hélas ! que de péchés fait commettre un cœur une fois imbibé de ce limon impur ! Hélas ! il y a de ces pauvres cœurs qui sont aussi brûlés de ce vice impur, qu'une poignée de paille dans un feu, Je ne sais pas si vous avez commencé à vous former une idée de la grandeur de ce péché et en combien de ma-nières l'on peut s'en rendre coupable, priez le bon, Dieu, M.F., qu'il vous le fasse bien connaître et en concevoir une telle horreur que vous ne le commettiez jamais plus.

IV. - Mais, voyons maintenant ce qu'il faut faire pour se ga-rantir de ce péché, qui est si horrible aux yeux de Dieu, et qui traîne tant de pauvres âmes en enfer. Pour vous le montrer d'une manière claire et simple, je n'ai qu'à ouvrir encore une fois mon catéchisme. Si je demandais à un enfant, quels sont les moyens que nous devons employer pour ne pas tomber dans ce maudit pé-ché, il me répondrait avec sa simplicité ordinaire : Il y en a plu-sieurs, mais les principaux sont : la retraite, la prière, la fréquenta-tion des sacrements, une grande dévotion envers la sainte Vierge, la fuite des occasions, et enfin rejeter promptement toutes les mauvaises pensées que le démon nous présente.
Je dis qu'il faut aimer la retraite, je ne veux pas dire qu'il faille se cacher dans un bois, ni même dans un monastère, ce qui serait cependant un grand bonheur pour vous ; mais je veux dire, qu'il faut fuir seulement les compagnies des personnes qui ne par-lent que de choses capables de vous salir l'imagination, ou bien qui ne s'occupent que d'affaires terrestres et nullement du bon Dieu. Voilà, M.F., ce que je veux dire. Le dimanche surtout, au lieu d'aller voir vos voisins ou voisines, prenez un livre, comme l'Imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ou bien la Vie des saints ; vous y verrez comment ils ont combattu les tentations que le démon a tâché de faire naître dans leur esprit ; vous verrez combien ils ont fait de sacrifices pour plaire à Dieu et sauver leurs âmes : cela vous encouragera. Vous ferez comme saint Ignace, qui, étant blessé, se mit à lire la vie des saints ; voyant les luttes qu'ils avaient éprouvées et le courage avec lequel ils combattaient pour le bon Dieu, il se dit à lui-même : « Et pourquoi ne ferais-je pas ce que ces saints ont fait ? N'ai-je pas le même Dieu qui m'ai-dera à combattre, le même ciel à espérer et le même enfer à crain-dre ?... » Vous ferez de même. Oui, M.F., il est nécessaire de fuir la compagnie des personnes qui n'aiment pas le bon Dieu. Ne soyons avec le monde que par nécessité, quand notre devoir nous y appelle.
Nous disons qu'il faut aimer la prière, si nous voulons conserver la pureté de notre âme. Si vous me demandez pourquoi il faut prier, je vous en donnerai la raison : c'est que cette belle vertu de pureté vient du ciel, c'est donc par la prière que nous de-vons la demander et la conserver. Il est certain qu'une personne qui n'a pas recours à la prière ne conservera jamais son âme pure aux yeux de Dieu. Par la prière, nous conversons avec le bon Dieu, les anges et les saints, et par cet entretien céleste nous de-venons nécessairement spirituels ; notre esprit et notre cœur se détachent peu à peu des choses créées pour ne considérer et n'ai-mer que les biens du ciel. Cependant il ne faut pas croire que, tou-tes les fois que l'on est tenté, l'on offense le bon Dieu ; le péché ne se trouve que dans le consentement et dans le plaisir que l'on y prend. Quand nous serions tentés huit ou quinze jours, si cela nous fait horreur, nous faisons comme les enfants dans la four-naise de Babylone, qui n'en sortirent que plus beaux . IL nous faut vite avoir recours au bon Dieu en lui disant : « Mon Dieu, ve-nez à mon aide ; vous savez que sans vous, je ne peux que me perdre ; mais, aidé de votre grâce, je suis sûr de sortir victorieux du combat. Ah ! Vierge sainte, devons-nous dire, ne permettez pas que le démon ravisse mon âme qui a coûté tant de souffrances à votre divin Fils. »
Pour conserver la pureté, il faut avoir recours aux sacre-ments, et les recevoir avec de bonnes dispositions. Oui, M.F., une personne qui a le bonheur de fréquenter les sacrements souvent et saintement, peut très facilement conserver cette belle vertu. Nous avons une preuve que les sacrements nous sont d'un grand se-cours, dans les efforts du démon pour nous en éloigner ou nous les faire profaner. Voyez, quand nous voulons nous en approcher, combien le démon suscite en nous de craintes, de troubles, de dé-goûts. Tantôt il nous dit que nous agissons presque toujours mal, tantôt, que le prêtre ne nous connaît pas, ou bien que nous ne nous faisons pas assez connaître, que sais-je ? Mais, pour nous moquer de lui, il faut redoubler de soins, nous en approcher encore plus souvent, et ensuite nous ensevelir dans le sein de la miséricorde de Dieu, en lui disant : « Vous savez, mon Dieu, que je ne cher-che que vous et le salut de ma pauvre âme. » Non, M.F., il n'y a rien qui nous rende si redoutables au démon que la fréquentation des sacrements ; en voici la preuve. Voyez sainte Thérèse. Le démon avoua, par la bouche d'un possédé, que cette sainte lui était devenue si redoutable par la sainteté puisée dans la sainte com-munion, qu'il ne pouvait pas même respirer l'air où elle avait pas-sé. Si vous en cherchez la raison, elle est très facile à compren-dre : le sacrement adorable de l'Eucharistie, n'est-il pas ce vin qui produit la virginité ? Comment n'être pas vierge en recevant le roi de la pureté ? Voulez-vous conserver ou acquérir cette belle vertu qui rend semblable aux anges ? Fréquentez souvent et sain-tement les sacrements, vous êtes sûrs que, malgré tous les efforts du démon, vous aurez le grand bonheur de conserver la pureté de votre âme.
Si nous voulons conserver pur ce temple du Saint-Esprit, il faut avoir une grande dévotion à la très sainte Vierge, puisqu'elle est la Reine des vierges. C'est elle qui, la première, a levé l'éten-dard de cette incomparable vertu. Voyez combien le bon Dieu en fait d'estime : il n'a pas dédaigné de naître d'une mère pauvre, in-connue dans le monde, d'avoir pour père nourricier un père pau-vre ; mais il lui fallait une mère pure et sans tâche, un père d'une pureté telle que la sainte Vierge seule pouvait le surpasser en pu-reté. Saint Jean Damascène nous encourage grandement à avoir une tendre dévotion envers la pureté de la sainte Vierge ; il nous dit que tout ce que l'on demande au bon Dieu en l'honneur de la pureté de la sainte Vierge on l'obtient toujours. Il nous dit que cette vertu est si agréable aux anges qu'ils chantent sans cesse dans le ciel : « O Vierge des vierges, nous vous louons ; nous vous bénissons, ô Mère du bel amour. » Saint Bernard, ce grand serviteur de Marie, nous dit qu'il a converti plus d'âmes par l'Ave Maria, que par tous ses sermons. Êtes-vous tentés ? nous dit-il, appelez Marie à votre secours, et vous êtes sûrs de ne pas suc-comber à la tentation . Lorsque nous récitons l'Ave Maria, nous dit-il, tout le ciel se réjouit et tressaille de joie, et tout l'enfer fré-mit en se rappelant, que Marié a été l'instrument dont Dieu s'est servi pour l'enchaîner. C'est pour cela que ce grand saint nous re-commande tant la dévotion : à la Mère de Dieu, afin que Marie nous regarde comme ses enfants. Si vous êtes bien aimés de Ma-rie, vous êtes sûrs d'être bien aimés de son Fils. Plusieurs saints Pères nous recommandent d'avoir une grande dévotion envers Marie, et de faire de temps en temps quelques communions en son honneur, et surtout en l'honneur de sa sainte Pureté ; ce qui, lui est si agréable qu'elle ne manquera pas de nous faire sentir son intercession auprès de son divin Fils.
Pour conserver cette vertu angélique nous devons combattre les tentations et fuir les occasions, comme ont fait les saints, qui ont mieux aimé mourir que de perdre cette belle vertu. Voyez ce que fit le patriarche Joseph, lorsque la femme de Putiphar voulut le solliciter au péché, il lui laissa la moitié de son manteau entre les mains . Voyez la chaste Suzanne, qui aima mieux perdre sa réputation, celle de sa famille et sa vie même, que de perdre cette vertu qui est si agréable à Dieu . Voyez encore ce qui arriva à saint Martinien, qui s'était retiré dans un bois, pour ne penser qu'à plaire à Dieu. Une femme de mauvaise vie vint le trouver, fei-gnant de s'être égarée dans les forêts et le priant de vouloir bien avoir pitié d'elle. Le saint la reçut dans sa solitude et la laissa seule. Le lendemain étant revenu voir ce qu'elle était devenue, il la trouva bien parée. Alors elle lui dit que le bon Dieu l'avait en-voyée pour faire alliance avec lui ; qu'elle avait de grands biens dans la ville, qu'il pourrait faire beaucoup d'aumônes. Le saint voulut savoir si cela venait de Dieu ou du démon ; il lui dit d'at-tendre, parce que tous les jours il venait des gens pour se recom-mander à ses prières et qu'il ne fallait pas leur laisser faire un voyage inutile ; il allait sur la montagne pour voir s'il en arrivait quelques-uns. Lorsqu'il fut sur la montagne, il entendit une voix qui lui dit : « Martinien, Martinien, que fais-tu ? tu écoutes la voix de Satan. » Il en fut si effrayé qu'il retourna dans sa solitude, fit un grand feu et se mit dedans ; la douleur du péché qu'il était ex-posé à commettre et la douleur du feu lui firent pousser de grands cris. Cette malheureuse étant venue à ce bruit, lui demanda ce qui l'avait mis dans un tel état. « Ah ! lui répondit le saint, je ne puis pas supporter le feu de ce monde, comment pourrais-je endurer celui de l'enfer, si j'ai le malheur de pécher comme vous le dési-rez ? » Ce qui frappa tellement cette femme qu'elle resta dans la cellule du saint, fit pénitence toute sa vie, et Martinien alla plus loin pour continuer ses austérités .
Il est rapporté dans la vie de saint Thomas d'Aquin qu'on lui envoya une femme de mauvaise vie pour le porter au péché. On la fit entrer dans sa chambre pendant qu'il était absent. Lors-qu'il aperçut cette créature, il prit un tison ardent et la chassa hon-teusement. Voyez encore saint Benoît, qui, pour se délivrer de ses mauvaises pensées, se roulait dans les ronces où il se mettait tout en sang. D'autres fois, il se plongeait dans l'eau glacée jusqu'au cou pour éteindre ce feu impur . Mais je ne trouve rien dans la vie des saints qui soit comparable au récit de saint Jérôme. Du fond de son désert, il écrit à un de ses amis, et lui fait la peinture des combats qu'il éprouve et des pénitences qu'il exerce sur son corps ; on ne peut le lire sans pleurer de compassion : « Dans cette vaste solitude que les ardeurs du soleil rendent insupporta-ble, dit-il, ne me nourrissant que d'un peu de pain noir et d'herbes crues, couchant sur la terre nue, ne buvant que de l'eau, même dans mes maladies, je ne cesse de pleurer aux pieds de mon cruci-fix. Lorsque mes larmes manquent, je prends une pierre, je m'en frappe la poitrine jusqu'à ce que le sang me sorte par la bouche, et malgré cela, le démon ne me laisse point de repos ; il faut toujours avoir les armes à la main . »
Que conclure, M.F., de tout ce que nous venons de dire ? IL n'y a point de vertu qui nous rende si agréables au bon Dieu, que la vertu de pureté, et point de vice qui plaise tant au démon que le péché d'impureté. Cet ennemi ne peut souffrir qu'une personne qui est à Dieu possède cette vertu ; et c'est ce qui doit vous enga-ger à ne rien négliger pour la conserver. Pour cela, veillez avec soin sur vos regards, vos pensées et tous les mouvements de votre cœur ; ayez fréquemment recours à la prière ; fuyez les mauvaises compagnies, les danses, les jeux ; pratiquez la mortification ; re-courez à la très sainte Vierge ; fréquentez souvent les sacrements. Quel bonheur ! si nous sommes assez heureux pour ne pas laisser souiller notre cœur par ce maudit péché, puisque Jésus-Christ nous dit qu'il n'y aura que à ceux qui ont le cœur pur qui verront Dieu ! » Demandons, M.F., chaque matin au bon Dieu de purifier nos yeux, nos mains et généralement tous nos sens ; afin que nous puissions paraître avec confiance devant Jésus-Christ, qui est le partage des âmes pures ; c'est tout le bonheur que je vous souhaite.

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 19:56
Saint Thomas d'Aquin

Celui qui aime véritablement le bon Dieu, M.F., et qui a à cœur le salut de son âme, prend toutes les précautions possibles pour éviter l'occasion du péché.
Il ne se contente pas d'éviter les grosses fautes ; mais il est attentif à détruire les moindres fautes qu'il aperçoit en lui. Il regarde toujours comme un grand mal tout ce qui peut déplaire tant soit peu à Dieu ; ou pour mieux dire, tout ce qui déplaît à Dieu lui déplaît. Il se regarde comme au pied d'une échelle au haut de laquelle il doit monter ; il voit que pour l'atteindre il n'a point de temps à perdre ; aussi va-t-il tous les jours de vertus en vertus, jusqu'au jour de l'éternité. C'est un aigle qui fend les airs ; ou plutôt c'est un éclair qui ne perd rien de sa rapidité, de l'instant où il paraît à celui où il disparaît. Oui, M.F., voilà ce que fait une âme qui travaille pour Dieu et qui désire de le voir. Comme l'éclair, elle ne trouve ni bornes ni retard, avant d'être ensevelie dans le sein de son Créateur. Pourquoi notre esprit se transporte-t-il avec tant de rapidité d'un bout du monde à l'au-tre ? C'est pour nous montrer avec quelle rapidité nous devons nous porter à Dieu par nos pensées et nos désirs. Mais tel n'est pas l'amour de Dieu dans une âme tiède. L'on ne voit pas en elle ces désirs ardents et ces flammes brûlantes, qui font surmonter tous les obstacles qui s'opposent au salut. Si je voulais, M.F., vous peindre exactement l'état d'une âme qui vit dans la tiédeur, je vous dirais qu'elle est semblable à une tortue ou à un escargot. Elle ne marche qu'en se traînant sur la terre, et à peine la voit-on changer de place. L'amour de Dieu, qu'elle ressent dans son cœur, est semblable à une petite étincelle de feu cachée sous un tas de cen-dres ; cet amour est enveloppé de tant de pensées et de désirs ter-restres, que s'ils ne l'étouffent pas, ils en empêchent le progrès et l'éteignent peu à peu. L'âme tiède en vient à ce point d'être tout à fait indifférente à sa perte. Elle n'a plus qu'un amour sans ten-dresse, sans activité et sans force, qui la soutient à peine dans tout ce qui est essentiellement nécessaire pour être sauvée ; mais pour tout le reste, elle le regarde comme rien ou comme peu de chose. Hélas ! M.F., cette pauvre âme est dans sa tiédeur, comme une personne entre deux sommeils. Elle voudrait agir ; mais sa volon-té est tellement molle qu'elle n'a ni la force, ni le courage d'ac-complir ses désirs .
Il est vrai qu'un chrétien qui vit dans la tiédeur remplit en-core assez régulièrement ses devoirs, du moins, en apparence. Il fera bien tous les malins sa prière, à genoux ; il fréquentera bien les sacrements, tous les ans, à Pâques, et même plusieurs fois l'année ; mais en tout cela, il y a tant de dégoût, tant de lâcheté et tant d'indifférence, si peu de préparation, si peu de changement dans sa manière de vivre, que l'on voit clairement qu'il ne s'ac-quitte de ses devoirs que par habitude et par routine ; parce que c'est une fête, et qu'il a l'habitude de les remplir en ce temps-là. Ses confessions et ses communions ne sont pas sacrilèges, si vous le voulez ; mais ce sont des confessions et des communions sans fruit, qui, bien loin de le rendre plus parfait et plus agréable à Dieu, ne le rendent que plus coupable. Pour ses prières, Dieu seul sait comment elles sont faites : hélas ! sans préparation. Le matin, ce n'est pas du bon Dieu qu'il s'occupe, ni du salut de sa pauvre âme ; mais il ne pense qu'à bien travailler. Son esprit est tellement enveloppé des choses de la terre, que la pensée de Dieu n'y a point de place. Il pense à ce qu'il fera pendant la journée, où il en-verra ses enfants et ses domestiques ; de quelle manière il s'y prendra pour activer son ouvrage. Pour faire sa prière, il se met à genoux, il est vrai ; mais il ne sait ni ce qu'il veut demander au bon Dieu, ni ce qui lui est nécessaire, ni même devant qui il se trouve ; ses manières, si peu respectueuses, l'annoncent bien. C'est un pauvre qui, quoique bien misérable, ne veut rien et aime sa pauvreté. C'est un malade presque désespéré, qui méprise les médecins et les remèdes, et aime ses infirmités. Vous voyez cette âme tiède ne faire aucune difficulté de parler, sous le moindre prétexte, dans le cours de ses prières ; un rien les lui fait abandon-ner, en partie, du moins, pensant qu'elle les fera à un autre mo-ment. Veut-elle offrir sa journée à Dieu, dire son benedicite et ses grâces ? Elle fait tout cela, il est vrai ; mais souvent sans penser, à qui elle parle. Elle ne quittera même pas son travail. Est-ce un homme ? Il tournera son bonnet ou son chapeau entre ses mains, comme pour examiner s'il est bon ou mauvais, comme s'il avait dessein de le vendre. Est-ce une femme ? Elle les récitera en cou-pant le pain de sa soupe, ou en poussant son bois au feu, ou bien en criant après ses enfants ou ses domestiques. Les distractions dans la prière ne sont pas bien volontaires, si vous le voulez, on aimerait mieux ne pas les avoir ; mais, parce qu'il faut se faire quelque violence pour les chasser, on les laisse aller et venir à leur gré.
Une âme tiède ne travaille peut-être pas, le saint jour du di-manche, à des ouvrages qui paraissent défendus aux personnes qui ont un peu de religion ; mais faire quelques points d'aiguille, arranger quelque chose dans le ménage, envoyer ses bergers au champ, durant les offices, sous prétexte qu'ils n'ont pas bien de quoi donner à leurs bêtes ; ils ne s'en font pas de scrupule, et ainsi aiment mieux laisser périr leur âme et celles de leurs ouvriers que laisser périr leurs bêtes. Un homme arrangera ses outils, ses char-rettes pour le lendemain ; il ira visiter ses terres, il bouchera un trou, il coupera quelques cordes, il apportera des seillons et les arrangera. Qu'en pensez-vous, M.F. ? n'est-ce pas, hélas ! la vérité toute pure ?...
Une âme tiède se confessera encore tous les mois, et même bien plus souvent. Mais, hélas ! quelles confessions ? Point de préparation, point de désirs de se corriger ; du moins ils sont si faibles et si petits, que le premier coup de vent les renverse. Tou-tes ses confessions ne sont qu'une répétition des anciennes, bien-heureux encore s'ils n'ont rien à y ajouter. Il y a vingt ans qu'ils accusaient ce qu'ils accusent aujourd'hui ; dans vingt ans s'ils se confessent encore, ce sera la même répétition. Une âme tiède ne commettra pas, si vous voulez, de gros péchés ; mais une petite médisance, un mensonge, un sentiment de haine, d'aversion, de jalousie, une petite dissimulation ne lui coûtent guère. Si vous ne lui portez pas tout le respect qu'elle croit mériter, elle vous le fera bien apercevoir, sous prétexte que l'on offense le bon Dieu ; elle devrait plutôt dire, parce qu'on l'offense elle-même ; il est vrai qu'elle ne laissera pas de fréquenter les sacrements, mais ses dis-positions sont dignes de com-passion. Le jour où elle veut re-cevoir son Dieu, elle passera une partie de la matinée à penser à ses affaires temporelles. Si c'est un homme, il pensera à ses mar-chés ou à ses ventes ; si c'est une femme, elle pensera à son ménage et à ses enfants ; si c'est une fille, à la manière dont elle va s'habiller ; si c'est un garçon, il rêvera à quelques plaisirs frivoles, et le reste. Elle renferme son Dieu comme dans une prison obscure et malpropre, Elle ne lui donne pas la mort, mais il est dans ce cœur sans joie et sans consolation ; toutes ses disposi-tions annoncent que sa pauvre âme n'a plus qu'un souffle de vie. Après avoir reçu la sainte communion, cette personne pense guère plus au bon Dieu que les autres jours. Sa manière de vivre nous annonce qu'elle n'a pas connu la grandeur de son bonheur.
Une personne tiède réfléchit peu sur l'état de sa pauvre âme, et ne revient presque jamais sur le passé ; si elle pense cependant à mieux faire, elle croit qu'ayant confessé ses péchés, elle doit être parfaitement tranquille. Elle assiste à la sainte Messe, à peu près comme à une action ordinaire ; elle y pense peu sérieusement, et ne fait point de difficulté de causer de différentes choses en y al-lant ; elle ne pensera pas même peut-être une seule fois qu'elle va participer au plus grand de tous les dons que le bon Dieu puisse nous faire, tout Dieu qu'il est. Pour les besoins de son âme, elle y pense, il est vrai, mais bien faiblement ; souvent même elle se présente devant le bon Dieu sans savoir ce qu'elle va lui deman-der. Elle se fait peu de scrupules de retrancher, sous le moindre prétexte, la Passion, la procession et l'eau bénite. Pendant les saints offices, elle ne veut pas dormir, il est vrai, et elle a même peur qu'on l'aperçoive ; mais elle ne se fait pas la moindre vio-lence. Quant aux distractions pendant la prière ou la sainte Messe, elle ne voudrait pas les avoir ; mais comme il faudrait un peu combattre, elle les souffre avec patience, cependant sans les ai-mer. Les jours de jeûne se réduisent presque à rien, soit parce qu'on avance l'heure du repas, soit parce qu'on collationne abon-damment, ce qui revient à un souper, sous le prétexte, que le ciel ne se prend pas par famine. Quand elle fait quelques bonnes ac-tions, souvent son intention n'est pas bien purifiée : tantôt c'est pour faire plaisir à quelqu'un, tantôt c'est par compassion, et quel-quefois pour plaire au monde. Avec eux, tout ce qui n'est pas un gros péché est assez bien. Ils aiment à faire le bien, mais ils vou-draient qu'il ne leur coûtât rien, ou du moins, bien peu. Ils aime-raient encore à voir les malades, mais il faudrait que les malades vinssent les voir eux-mêmes. Ils ont de quoi faire l'aumône, ils savent bien que telle personne en a besoin ; mais ils attendent qu'elle vienne le leur demander, au lieu de la prévenir, ce qui ren-drait leur bonne œuvre bien plus méritoire. Disons mieux, M.F., une personne qui mène une vie tiède, ne laisse pas que de faire beaucoup de bonnes œuvres, de fréquenter les sacrements, d'assis-ter régulièrement à tous les saints offices ; mais en tout cela, vous ne voyez qu'une foi faible, languissante, une espérance que la moindre épreuve renverse, un amour pour Dieu et pour le pro-chain qui est sans ardeur, sans plaisir ; tout ce qu'elle fait n'est pas tout à fait perdu, mais peu s'en faut.
Voyez devant le bon Dieu, M.F., de quel côté vous êtes : du côté des pécheurs, qui ont tout abandonné, qui ne pensent nulle-ment au salut de leur pauvre âme, qui se plongent dans le péché, sans remords ? Du côté des âmes justes qui ne voient et ne cher-chent que Dieu seul, qui sont toujours portées à penser mal d'el-les-mêmes, et sont convaincues dès qu'on leur fait apercevoir leurs défauts ; qui pensent toujours qu'elles sont mille fois plus misérables qu'on ne le croit, et qui comptent pour rien tout ce qu'elles ont fait jusqu'à présent ? Ou bien êtes-vous du nombre de ces âmes lâches, tièdes et indifférentes, telles que nous venons de les dépeindre ? Dans quel chemin marchons-nous ? Qui pourra s'assurer qu'il n'est ni grand pécheur, ni tiède ; mais qu'il est élu ! Hélas ! M.F., combien semblent être de bons chrétiens aux yeux du monde, qui sont des âmes tièdes aux yeux de Dieu, qui connaît notre intérieure.

II. - Mais, me direz-vous, de quels moyens faut-il donc se servir pour sortir de cet état si malheureux. ? - M.F., si vous dési-rez le savoir, écoutez-le bien. Néanmoins laissez-moi vous dire encore que celui qui vit dans la tiédeur est dans un sens plus en danger que celui qui vit dans le péché mortel, et que les suites de cet état sont peut-être même plus funestes. En voici la preuve. Un pécheur qui ne fait point de Pâques ; ou qui a des habitudes mau-vaises et criminelles, gémit de temps en temps sur son état dans lequel il est résolu de ne pas mourir ; il désire même en sortir, et il le fera un jour. Mais une âme qui vit dans la tiédeur, ne pense nul-lement à en sortir, parce qu'elle croit qu'elle est bien avec le bon Dieu.
Que conclure de tout cela ? Le voici, M.F. Cette âme tiède devient un objet insipide, fade et dégoûtant aux yeux de Dieu, qui finit par la vomir de sa bouche ; c'est-à-dire, qu'il la maudit et la réprouve. O mon Dieu, que cet état perd des âmes ! Veut-on faire sortir une âme tiède de son état, elle répond qu'elle ne veut pas être une sainte ; que pourvu qu'elle aille au ciel, c'est assez. Vous ne voulez pas être une sainte, dites-vous ; mais il n'y a que les saints qui vont au ciel. Ou être un saint, ou être un réprouvé : il n'y a point de milieu.
Voulez-vous sortir de la tiédeur, M.F., transportez vous de temps en temps à la porte des abîmes, où l'on entend les cris et les hurlements des réprouvé, et vous vous formerez une idée des tourments qu'ils endurent pour avoir vécu avec tiédeur et négli-gence dans l'affaire de leur salut. Portez votre pensée dans le ciel, et voyez quelle est la gloire des saints pour avoir combattu et s'être fait violence pendant qu'ils étaient sur la terre. Transportez-vous, M.F., dans le fond des forêts et vous y trouverez ces multi-tudes de saints qui ont passé cinquante, soixante-dix ans, à pleurer leurs péchés dans toutes les rigueurs de la pénitence. Voyez, M.F. Ce qu'ils ont-fait pour mériter le ciel. Voyez quel respect ils avaient de la présence de Dieu ; quelle dévotion dans leurs priè-res, qui duraient toute leur vie. Ils avaient abandonné leurs biens, leurs parents et leurs amis pour ne plus penser qu'à Dieu seul. Voyez leur courage à combattre les tentations du démon. Voyez le zèle et l'empressement de ceux qui étaient renfermés dans les monastères à se rendre dignes de s'approcher souvent des sacre-ments. Voyez leur plaisir à pardonner et à faire du bien à tous ceux qui les persécutaient, qui leur voulaient et leur disaient du mal. Voyez leur humilité, leur mépris d'eux-mêmes et leur bon-heur à se voir mépriser, et combien ils craignaient d'être loués et estimés du monde. Voyez avec quelle attention ils évitaient les plus petits péchés, et que de larmes ils ont versées sur leurs pé-chés passés. Voyez leur pureté d'intention dans toutes leurs bon-nes œuvres : ils n'avaient en vue que Dieu seul, ils désiraient ne plaire qu'à Dieu seul. Que vous dirai-je encore ? Voyez ces foules de martyrs qui ne peuvent se rassasier de souffrances, qui montent sur les échafauds avec plus de joie que les rois sur leurs trônes. Concluons, M.F. Il n'y a point d'état plus à craindre que celui d'une personne qui vit dans la tiédeur, parce qu'un grand pécheur se convertira plutôt qu'une personne tiède. Demandons au bon Dieu de tout notre cœur, si nous sommes dans cet état, de nous faire la grâce d'en sortir, pour prendre la route que tous les saints ont prise, afin d'arriver au bonheur dont ils jouissent. C'est ce que je vous souhaite...

18ème DIMANCHE APRÈS LA PENTE-CÔTE
Sur l'Envie

Ut quid cogitatis mala in cordibus vestris
Pourquoi avez-vous de mauvaises pensées dans vos cœurs ?
(S. Matth., IX, 4.)

Non, M.F., il n'y a rien de si saint ni de si parfait que les méchants ne blâment et ne condamnent ; ils corrompent, par la malignité de leur envie, les plus belles vertus des hommes, et ré-pandent le poison de leurs médisances et de leurs jugements témé-raires sur les meilleures actions du prochain. Ils sont semblables aux serpents qui ne se nourrissent des fleurs que pour en faire la matière de leur venin. Ce qu'ils haïssent dans leurs frères, nous dit saint Grégoire le Grand, ce sont les plus belles qualités ; et par là, ils semblent reprocher au bon Dieu le bien qu'il leur fait. Pourquoi les Juifs ont-ils si fort déclamé contre Jésus-Christ, ce tendre et aimable Sauveur, qui ne venait au milieu d'eux que pour les sau-ver ? Pourquoi se sont-ils si souvent assemblés, tantôt pour le pré-cipiter du haut de la montagne , tantôt pour le lapider , et d'autres fois pour le faire mourir ? N'est-ce pas parce que sa vie sainte et exem-plaire condamna leur vie orgueilleuse et criminelle, et qu'elle était comme un bourreau secret qui les torturait ? N'est-ce pas encore parce que ses miracles attiraient le peuple à sa suite, et parce que celui-ci semblait laisser de côté ces impies ? Etant dévorés par une rage intérieure ; ne pouvant plus y tenir : Qu'avons-nous à délibérer, s'écriaient-ils, qu'attendons-nous ? Il faut, à quel prix que ce soit, nous en défaire. Ne voyez-vous pas qu'il étonne le monde par la grandeur de ses prodiges Ne faites-vous pas attention que tous courent après lui et nous abandonnent ? Faisons-le mourir : il n'y a pas d'autre moyen de nous en délivrer . Hélas ! M.F., quelle passion est comparable à celle de l'envie ? Toutes les belles qualités et tous les beaux traits de bonté que ces Juifs voyaient briller dans la conduite de Jésus-Christ auraient dû les réjouir et les consoler ; mais non, l'envie qui les dévore est cause qu'ils en sont affligés ; ce qui devrait les convertir devient la matière de leur envie et de leur jalousie. On présente à Jésus-Christ un paralytique couché dans son lit . Ce tendre Sauveur le regarde et le guérit, en lui disant avec bonté : « Mon fils, ayez confiance, vos péchés vous sont remis. Allez, prenez votre lit, marchez. » Tout autre que les pharisiens aurait été pénétré de reconnaissance, et se serait empressé d'aller publier partout la grandeur de ce miracle ; mais non, ils étaient si endurcis qu'ils en prirent occasion de le décrier, de le traiter de blasphémateur. C'est ainsi, M.F., que l'envie empoisonne les meilleures actions. Ah ! si du moins ce maudit péché était mort avec les pharisiens ! mais, au contraire, il a poussé des racines si profondes qu'on le trouve dans tous les états et dans tous les âges. Pour vous donner une idée de la bassesse de celui qui se livre à ce péché, je vais vous montrer : 1? que rien n'est plus odieux, et cependant rien n'est plus commun que ce péché ; 2? qu'il n'y a rien de dangereux pour le salut comme l'envie, et que, pourtant, il n'est point de péché dont on se corrige moins.

I. - Avant de vous montrer, M.F., combien ce péché avilit et dégrade celui qui le commet, et combien le bon Dieu l'a en hor-reur, je veux vous faire comprendre, autant que je le pourrai, ce qu'est le péché d'envie. Ce maudit péché, saint Thomas l'appelle un chagrin et une tristesse mortels, que nous ressentons dans notre cœur, au sujet des bienfaits que Dieu daigne répandre sur notre prochain. C'est encore, nous dit-il, un malin plaisir que nous éprouvons quand notre prochain essuie quelque perte ou quelque disgrâce . Je suis sûr, M.F., que ce simple exposé commence déjà à vous faire sentir combien ce péché est odieux, non seulement à Dieu, mais encore à toute personne qui n'en est pas dévorée.
Peut-on trouver une passion plus aveugle que celle qui consiste à s'affliger du bonheur de ses frères, et à se réjouir de leur malheur ? Voilà précisément ce qu'on appelle péché d'envie, péché si odieux qu'il renfermé tout à la fois une lâcheté, une cruauté et une secrète perfidie. Pourriez-vous, M.F., vous en for-mer une idée ? vous le représenter tel qu'il est ? Non, vous ne le pourrez jamais. Cela est surtout impossible à ceux qui le commet-tent, tant il les aveugle. Dites-moi, pourquoi êtes-vous fâché de ce que votre voisin réussit mieux que vous dans ses affaires ? IL ne vous empêche pas de faire ce que vous pouvez pour réussir aussi bien et même mieux que lui. Vous vous affligez de ce qu'il a plus de talent et plus d'esprit que vous ; mais il ne vous ôte pas ce que vous avez. Vous voyez avec peine qu'il augmente ses biens ; mais cette augmentation ne diminue pas les vôtres. Vous vous chagri-nez de ce qu'il est aimé et estimé ; mais il ne vous prend pas l'amour ni l'estime que l'on a pour vous Vous êtes fatigué de voir une personne plus sage ; eh ! qui vous empêche de l'être encore plus qu'elle, si vous voulez ? Le bon Dieu ne vous donnera-t-il pas sa grâce autant qu'il vous est nécessaire ? D'autres fois, au contraire, vous vous réjouissez quand votre prochain éprouve quelque perte de biens, ou que l'on flétrit un peu sa réputation ; mais ses disgrâces et ses misères ne vous donnent rien. Voyez-vous, M.F., combien cette passion aveugle celui qui s'y aban-donne.
Il n'en est pas de ce péché comme des autres : un voleur, par exemple, en prenant, éprouve un certain plaisir à posséder ce qu'il a pris ; un impudique qui se livre à ses turpitudes goûte une jouis-sance d'un moment, quoique les remords suivent de bien près ; un ivrogne éprouve une satisfaction dans le moment où le vin passe du verre dans son estomac ; un vindicatif croit éprouver une joie dans l'instant où il se venge ; mais un envieux ou un jaloux n'a rien qui le dédommage. Son péché est semblable à une vipère, qui engendre dans son sein les petits qui la feront périr. Ah ! maudit péché, quelle guerre cruelle et intestine ne fais-tu pas à celui qui a le malheur de t'avoir engendré !
Mais, me direz-vous peut-être, en quel lieu ce péché a-t-il été commis pour la première fois ? - Hélas ! il a commencé dans le ciel. Les anges, qui étaient les plus belles créatures de Dieu, devinrent jaloux et envieux de la gloire de leur Créateur, et voulu-rent, s'attribuer à eux mêmes ce qui n'était dû qu'à Dieu seul ; et ce péché d'envie fut la cause que le Seigneur creusa un enfer, pour y précipiter cette multitude infinie d'anges qui sont maintenant les démons. De là, le péché d'envie descendit sur la terre, et alla prendre racine dans le paradis, terrestre ; c'est donc véritablement par l'envie que le péché est entré dans le monde. Le démon qui, par son envie, avait déjà perdu le ciel, ne pouvant souffrir que l'homme, qui lui était très inférieur par sa création, fit si heureux dans le paradis terrestre, voulut essayer de l'entraîner dans son malheur. Hélas ! il ne réussit que, trop bien. S'adressant à la femme comme à la plus faible, il fit briller à ses yeux les grandes connaissances qu'elle aurait de plus, si elle mangeait le fruit que le Seigneur lui avait défendu de manger . Elle se laissa tenter et tromper, et porta son mari à faire de même. Cette faute leur coûta bien cher ; dès cet instant, ils furent condamnés à la mort : ce qui est la punition la plus humiliante, l'homme étant créé pour ne mourir jamais.
Depuis, ce péché a fait dans le monde les plus effroyables ravages. Le premier meurtre qui se commit eut l'envie pour cause. Pourquoi, nous dit saint Jean , Caïn tua-t-il son frère Abel ? C'est parce que les actions de Caïn étaient mauvaises, et il s'attirait la haine de Dieu et des hommes ; tandis que son frère étant bon, était aimé de Dieu et des hommes, et ses bonnes actions devenaient pour Caïn un reproche continuel. Mais l'envie dont il était dévoré ne se renferma pas seulement dans son âme. Elle se manifesta sur son visage par la grande tristesse qu'il faisait paraître. Aussi le Seigneur, nous dit la sainte Écriture, ne regarda ni Caïn ni son offrande . Alors il se dit en lui-même : Mon frère est aimé de tout le monde ; il est cause que je suis méprisé. Il faut que je me venge de ce mépris, il faut que je le tue de mes propres mains, et que j'ôte de devant mes yeux un objet qui m'est insupportable. - « Allons, mon frère, lui dit ce malheureux envieux, allons nous promener dans les champs. » Le pauvre innocent le suit, sans savoir qu'il va être son bourreau. Dès qu'ils sont dans les champs, Caïn le frappe, le blesse et le tue. Abel tombe à ses pieds baigné dans son sang. Bien loin d'être saisi d'horreur d'un tel crime, Caïn au contraire s'en réjouit, au moins pour le moment ; car son péché ne tardera pas à devenir son bourreau.
Voyez encore Esaü, que l'envie dévore. Comme Caïn, il veut aussi tuer son frère Jacob, à cause de la bénédiction que celui-ci a reçue de son père. Il se dit en lui-même : « Le temps de la mort de mon père viendra bien ; alors je me vengerai, je le tuerai . » Le pauvre Jacob est obligé, pour éviter la mort, de fuir chez son on-cle Laban, où il resta longtemps sans revenir, dans la crainte d'être encore exposé à l'envie de son propre frère. Ce fut aussi l'envie qui anima les frères de Joseph contre lui, jusqu'à vouloir lui ôter la vie . Mon-Dieu ! que cette passion est aveugle ! Joseph rapporta à ses frères un songé qu'il avait eu, et qui semblait l'élever au-dessus d'eux. Ils résolurent dès lors de le tuer : car sa vie innocente et agréable à Dieu condamnait leur vie criminelle. De même, Saül dévoré d'envie contre David, auquel on donnait plus d'éloges qu'à lui-même, lui tendit toute sorte de pièges pour le faire périr, et ne put point avoir de repos jusqu'à la mort .
Ah ! M.F., que nous devons prendre garde de ne point lais-ser naître cette passion dans nos cœurs ; car une fois qu'elle a pris racine, il est difficile de la détruire ! En voici un exemple bien frappant, rapporté dans l'histoire de l'abbé Paphnuce . Ses vertus étaient si éclatantes, qu'il était un objet d'admiration pour tous ceux qui avaient le bonheur de le connaître : Dans le même mo-nastère vivait un autre religieux, tellement jaloux d'une si grande réputation, qu'il prit la résolution de faire tout ce qu'il pourrait pour le décrier. Un dimanche, cet envieux entra secrètement dans la cellule de saint Paphnuce, qui assistait en ce moment à la sainte Messe, et ayant caché son livre sous un petit tas de bois, s'en alla avec les autres à l'église. Il vint porter ses plaintes au supérieur, et assurer, devant tout le monde ; qu'on lui avait volé son livre. Le supérieur ordonna, qu'aucun des religieux ne sortit de l'église ; après quoi, il envoya trois anciens, qui parcoururent toutes les cel-lules, et trouvèrent ce livre dans la cellule de saint Paphnuce. A leur retour, ils le montrèrent à tout le monde, disant qu'ils l'avaient trouvé dans la cellule de Paphnuce. Celui-ci, quoique sa cons-cience fût en sûreté, ne chercha nullement à se justifier ; de peur que, s'il le niait, on ne le crût coupable de mensonge. Personne, en effet, ne pouvait croire autre chose en cela, que ce qu'il avait vu de ses yeux. Ce pauvre jeune homme se contenta d'offrir ses lar-mes au bon Dieu, et s'humilia profondément devant tout le monde, comme s'il eût été véritablement coupable. Il passa pres-que deux semaines à jeûner, pour demander au bon Dieu la grâce de bien souffrir cette épreuve pour son amour. Témoin de la joie de son serviteur, Dieu ne tarda pas à faire connaître la vérité. Afin de révéler l'innocence de son disciple, qui soutenait avec tant de calme la noire calomnie que l'envie lui avait attirée, il permit, par un terrible jugement, que l'auteur, d'un si grand crime fût possédé du démon, et forcé d'avouer ce crime d'envie en présence de tous les religieux. Cet esprit impur l'attaqua si violemment, et le tour-menta avec tant d'opiniâtreté, qu'aucun saint du désert ne fut ca-pable de le chasser. Ce malheureux envieux fut enfin forcé d'avouer son imposture, et de proclamer que Paphnuce était un saint et pouvait seul le délivrer ; il ajouta que le démon ne l'avait possédé qu'en punition de ce qu'il avait voulu faire passer ce saint pour un hypocrite. Il lui demanda bien pardon, le conjurant d'avoir pitié de lui. Comme tous les saints, Paphnuce, sans fiel et sans ressentiment, s'approcha du coupable, et commanda au dé-mon de le quitter ; ce qu'il fit sur le champ.
Hélas ! dit saint Ambroise, qu'ils sont-nombreux dans le monde les envieux qui sont fâchés de ce que le bon Dieu bénit leurs frères ! Selon le saint homme Job, la colère fait mourir l'in-sensé, et l'envie fait mourir les petits esprits . En effet, M.F., n'est-ce pas avoir un bien petit esprit d'être fâché de ce qu'un voisin, et peut-être même un frère ou une sœur, est heureux, de ce qu'il fait bien ses affaires, de ce qu'il est aimé et de ce qu'il est béni du bon Dieu ? Oui, mes enfants, nous dit saint Grégoire le Grand, il faut avoir un esprit bien faible pour se laisser tyranniser par une passion si déshonorante et si éloignée de la charité. Un chrétien ne doit-il pas se réjouir de voir son prochain heureux ? Dites-moi, M.F., peut-on concevoir quelque chose de plus odieux que d'être fâché du bonheur de son voisin, et se réjouir de ses peines ? Aussi voyons-nous que celui qui est atteint d'une passion si basse et si indigne d'une créature raisonnable, a bien soin de la cacher autant qu'il le peut. Il tâche de l'envelopper de mille prétextes, afin de faire croire qu'il n'agit que pour le bien. Quelle criminelle lâcheté ! Être dévoré de chagrin de ce que le bon Dieu comble de biens ceux qui le méritent beaucoup mieux que nous !...
Un envieux n'a pas un moment de repos. Sur qui l'envieux répand-il son écume venimeuse ? C'est, ou sur son ennemi, ou sur son ami, ou enfin sur une personne qui lui est indifférente. 1° Si c'est sur un ennemi, l'envieux sait bien que non seulement il ne doit pas lui souhaiter de mal ; mais que Jésus-Christ lui com-mande de l'aimer comme lui-même, de lui faire du bien et de prier pour lui ; afin que le bon Dieu le bénisse dans ses biens spirituels ou temporels. Mais, dites-vous, c'est que l'on m'a fait du mal, c'est que l'on m'a dit quelque chose qui ne m'a pas convenu. Soit, mais par là même vous montrez une lâcheté affreuse ; vous n'avez pas le courage de faire ce que tant de saints ont fait avec la grâce divine. 2? S'il s'agit d'un ami, vous lui faites bon semblant quand vous le voyez, vous lui parlez comme si vous lui souhaitiez toutes sortes de biens, et dans votre cœur vous voudriez qu'il fût malheureux, que le bon Dieu l'abandonnât, le réduisît à la misère, ou bien qu'il devînt un objet de mépris aux yeux du monde : quelle perfidie, quelle cruauté ! Il vous ouvre son cœur, tandis que vous vomissez sur lui le venin de votre envie. Que penseriez-vous d'une personne qui se comporterait de cette manière à votre égard ? Si vous voyiez le fond de son cœur, vous en seriez indigné, vous diriez en vous-même : voilà un lâche, un perfide, un méchant, qui, en me parlant, me fait bonne grâce, et semble me souhaiter toutes sortes de biens ; tandis que, dans son cœur, il voudrait me voir le plus malheureux des hommes. Est-il une passion plus méchante que celle-là ? 3? Mais il s'agit d'une personne indifférente. Que vous a-t-elle fait pour s'attirer le venin de votre fiel ? Pourquoi vous affliger de ce qu'elle est heureuse, ou vous réjouir de ce qu'il lui arrive quelque disgrâce ? Que cette passion de l'envie est cruelle, M.F., et qu'elle est aveugle ! Comme hommes, vous le savez, M.F., nous devons avoir de l'humanité les uns pour les autres ; mais un envieux au contraire voudrait, s'il le pouvait, détruire ce qu'il aperçoit de bien dans son prochain. Comme chrétiens, vous le savez aussi, nous devons avoir une charité sans bornes pour nos frères. Nous avons vu des saints, qui, non contents de donner tout ce qu'ils avaient pour racheter leurs frères, se sont encore donnés eux-mêmes. Moïse consentait à se laisser effacer du livre de vie pour sauver son peuple, c'est-à-dire pour obtenir son pardon du Seigneur . Saint Paul nous dit qu'il donnerait mille fois sa vie pour sauver l'âme de ses frères . Mais un envieux est bien éloigné de toutes ces vertus, qui font le plus bel ornement d'un chrétien. Il voudrait voir son frère se ruiner. Chaque trait de la bonté de Dieu envers son prochain est un coup de lance qui lui perce le cœur et le fait mourir secrètement. Puisque « nous sommes tous un même corps » dont Jésus-Christ est le chef , nous devons faire paraître en tout l'union, la charité, l'amour et le zèle. Pour nous rendre heureux les uns les autres, nous devons nous réjouir, comme nous dit saint Paul, du bonheur de nos frères, et nous affliger, avec eux quand ils ont quelques peines . Loin d'avoir ces sentiments, l'envieux ne cesse de lancer des médisances et des calomnies contre son voisin. Il semble par là se soulager, et adoucir un peu son chagrin.
Hélas ! nous n'avons pas dit assez encore. C'est ce vice re-doutable qui renverse les rois et les empereurs de leur trône. Pourquoi, M.F., parmi ces rois, ces empereurs, ces hommes qui occupent les premières places, les uns sont-ils chassés, les autres empoisonnés, d'autres poignardés. Ce n'est que pour régner à leur place. Ce n'est pas le pain, ni le vin, ni le logement qui manquent aux auteurs de ces crimes. Non, sans doute ; mais c'est l'envie qui les dévore. D'autre part, voyez un marchand, il voudrait avoir tou-tes les pratiques, et les autres point. Si quelqu'un le quitte pour aller ailleurs, il tâchera de dire autant de mal qu'il pourra soit de la personne du marchand, soit de la marchandise. Il prendra tous les moyens possibles pour lui faire perdre sa réputation, en disant que sa marchandise n'est pas si bonne que la sienne, ou qu'il ne fait pas bon poids. Voyez encore la ruse diabolique de cet envieux : il ne faut pas le dire à d'autres, ajoute-t-il, dans la crainte de lui por-ter perte ; j'en serais bien fâché, je vous le dis seulement afin que vous ne vous laissiez point tromper. Voyez un ouvrier, si un autre va travailler dans la maison où il a la coutume d'aller, cela le fâ-che ; il fera tout ce qu'il pourra pour décrier cette personne afin qu'on ne la reçoive pas. Voyez un père de famille, comme il est fâché si son voisin fait mieux ses affaires que lui, si ses terres produisent plus que les siennes. Voyez une mère, elle voudrait que l'on ne parlât avantageusement que de ses enfants ; si on loue d'autres enfants devant elle et qu'on ne loue pas les siens, elle ré-pondra : Ils ne sont pas parfaits ; et elle devient triste. Que vous êtes bonne ; pauvre mère ! les louanges que l'on donne aux autres n'ôtent rien aux vôtres. Voyez la jalousie d'un mari à l'égard de sa femme et d'une femme pour son mari ; voyez comment ils s'exa-minent dans tout ce qu'ils font, dans tout ce qu'ils disent ; comme ils remarquent toutes les personnes à qui ils parlent, toutes les maisons dans lesquelles ils vont. Si l'un s'aperçoit que l'autre parle à quelqu'un, il n'y a sorte d'injures dont il ne l'accable, quoique souvent il soit bien innocent. N'est-ce pas ce maudit péché qui di-vise les frères et les sœurs ? Un père ou une mère donnent-ils quelque chose de plus aux uns qu'aux autres, vous voyez aussitôt naître cette haine jalouse contre celui ou contre celle qui a été fa-vorisé ; haine qui dure des années entières et quelquefois toute la vie. Ces enfants ne sont-ils pas toujours à surveiller leur mère ou leur père, pour voir s'il ne donne pas quelque chose, ou fait bonne grâce à l'un d'eux ? Alors, il n'y a sorte de mal qu'ils ne disent.
Nous voyons même que ce péché semble naître avec les en-fants. Voyez, en effet, parmi eux, cette petite jalousie qu'ils conçoivent les uns contre les autres, s'ils aperçoivent quelque pré-férence de la part des parents. Voyez un jeune homme, il voudrait être le seul à avoir de l'esprit, du savoir, une bonne conduite ; il est affligé si les autres font mieux, ou sont plus estimés que lui. Voyez une jeune fille, elle voudrait être la seule aimée, la seule bien parée, la seule recherchée. Si d'autres lui sont préférées, vous la voyez se chagriner et se tourmenter, peut-être même pleurer, au lieu de remercier le bon Dieu d'être méprisée des créatures pour ne s'attacher qu'à lui seul. Quelle aveugle passion, M.F. ! qui pourrait bien la comprendre ?
Hélas ! M.F. ; ce vice se trouve même parmi ceux dans les-quels on ne devrait pas le rencontrer ; je veux dire parmi les per-sonnes qui font profession de religion.
Elles examineront combien de temps une telle reste à se confesser, la manière dont elle se tient pour prier le bon Dieu ; el-les en parlent et elles les blâment. Elles pensent que toutes ces prières, ces bonnes œuvres ne sont que pour se faire voir, ou, si vous le voulez, ne sont que grimaces. On a beau leur dire que les actions du prochain le concernent seul ; elles s'irritent et prennent ombrage de ce que les autres agissent mieux qu'elles-mêmes. Voyez même parmi les pauvres, si l'on fait plus de bien à l'un d'eux, ils en disent du mal à celui qui a fait l'aumône, afin de le détourner pour une autre fois. Mon Dieu ! quelle détestable pas-sion ! Elle s'attaque à tout, aux biens spirituels comme aux tempo-rels.
Nous avons dit que cette passion montre un petit esprit. Cela est si vrai que personne ne croit l'avoir, du moins ne veut croire en être atteint. On tâchera de la couvrir de mille prétextes pour la cacher aux autres. Si, en notre présence, on dit du bien de notre prochain, nous gardons le silence ; cela nous afflige le cœur. Si nous sommes obligés de parler, nous le faisons d'une manière froide. Non, M.F., il n'y a point de charité dans un envieux. Saint Paul nous dit que nous devons nous réjouir du bien qui arrive à notre prochain . C'est, M.F., ce que la charité chrétienne doit nous inspirer les uns pour les autres. Mais les sentiments d'un envieux sont bien différents. Non, je ne crois pas qu'il y ait un péché plus mauvais et plus à craindre que celui d'envie, parce que c'est un péché caché, et souvent couvert d'une belle robe de vertu ou d'amitié. Disons mieux : c'est un lion que l'on fait semblant de museler, ou un serpent couvert d'une poignée de feuilles, qui vous mordra sans que vous vous en aperceviez ; c'est une peste publi-que qui n'épargne personne. Ce n'est ordinairement que ce maudit péché qui jette les divisions et le trouble dans les familles.
Je dis, M.F., que ce péché est un péché de malice voici un exemple qui va vous le prouver clairement. Saint Vincent Ferrier rapporte qu'un prince ayant appris qu'il y avait dans sa ville capi-tale deux hommes dont l'un était très avare et l'autre très envieux, les fit venir auprès de lui. Il leur promit de leur accorder tout ce qu'ils demanderaient, avec cette condition néanmoins, que celui qui demanderait le premier recevrait la moitié moins que son compagnon. Cette condition les troubla beaucoup. L'avare brillait du désir d'avoir de l'argent, mais se disait en lui-même : Si je de-mande le premier, je ne vais avoir que la moitié de ce que l'autre aura.
L'envieux était pressé de demander, mais il était jaloux de ce que l'autre aurait eu la moitié plus que lui. Le temps se passait ainsi en disputes, sans que ni l'un ni l'autre ne voulût commencer : l'un était retenu par l'avarice, l'autre par l'envie. Pour terminer en-fin cette contestation, le prince ordonna que l'envieux demandât le premier. Dans son désespoir, voyez ce que fit celui-ci. Saisi d'un accès de fureur incompréhensible, il s'écria : « Puisque vous nous avez promis d'accorder tout ce que nous demanderions, je veux qu'on m'arrache un œil »
Savez-vous, M.F., pourquoi il fit cette demande ? C'est que, vous vous le rappelez, le prince avait promis le double à celui qui demanderait le dernier. L'envieux se disait : J'aurai encore un œil pour jouir du plaisir de voir arracher les deux yeux à mon cama-rade, et lui n'aura pas plus que moi. Je ne crois pas, nous dit saint Vincent Ferrier, en déplorant le malheur de ceux qui sont atteints de ce vice, je ne crois pas que jamais une autre passion ait porté un homme à une telle méchanceté.
N'est-ce pas encore l'envie qui fit jeter le pauvre Daniel dans la fosse aux lions ? Que ce péché est donc commun ! Il s'étend partout, à toutes les conditions, à tous les âges. Qu'il est détestable ! Mais ce qu'il y a de plus déplorable, M.F., c'est qu'il est peu connu, et il y en a très peu qui veuillent s'en croire coupa-bles, et il y en a moins encore qui travaillent à s'en corriger.

II. - Pour s'accuser d'un péché, s'en humilier et cesser de le commettre, il faut nécessairement le connaître. Mais un envieux, un jaloux est si aveugle qu'il ne reconnaît pas sa passion. C'est un endurci qui ne veut, ni la quitter, ni s'en accuser. De là, je conclus qu'il, est très rare qu'un envieux se convertisse. Vous me direz peut-être que tout péché aveugle bien qui le commet. Cela est vrai ; mais, il n'y en a point qui enveloppe l'âme de nuages aussi épais que le péché d'envie, et qui ôte plus la connaissance de soi-même. C'est pourquoi, le Saint-Esprit nous dit, par la bouche du Sage, de ne pas fréquenter les envieux, parce qu'ils n'ont point de part à la sagesse . Un pauvre envieux se persuade que son péché n'est rien, ou du moins bien peu de chose, parce que ce péché ne le déshonore pas aux yeux du monde comme le ferait le vol, le blasphème, l'adultère. IL regarde la passion qui le dessèche comme une chose bien pardonnable ; il ne pense pas que c'est le poison de Caïn, dont il devient l'imitateur. Ce misérable, nous dit l'Écriture sainte, ne put souffrir que Dieu préférât l'offrande de son frère Abel à la sienne . Sa passion l'aveugla à un tel point, qu'il n'eut pas de repos avant de lui avoir ôté la vie. Le Seigneur lui fit entendre sa voix du haut du ciel : « Caïn, Caïn, qu'as-tu fait ? où est ton frère ? son sang crie vengeance. » Caïn trembla et frissonna de tout son corps. Il devint lui-même son bourreau, et porta partout avec lui son supplice. Mais, nous dit saint Basile, se reconnaît-il ? se convertit-il ? Non, M.F., non, l'envie l'a tellement aveuglé qu'il périt misérablement dans son péché. Voyez encore les pharisiens. L'envie leur fait demander à grands cris la mort de Jésus-Christ, qui avait opéré tant de miracles sous leurs yeux. Se sont-ils convertis ? Non, M.F., non, ils, sont morts dans leur pé-ché.
Je dis de plus : ce péché non seulement aveugle, mais encore il endurcit. Saint Basile ajoute qu'un envieux n'est autre chose qu'un monstre de... qui rend le mal pour le bien ; son péché l'en-traîne dans une suite d'autres péchés qui toujours l'éloignent de Dieu, et toujours l'endurcissent davantage. Sa conversion devient toujours plus difficile.
Voyez ce qui arriva à la sœur de Moïse. Elle ne pouvait souffrir l'honneur que le Seigneur faisait à son frère. Est-ce que le Seigneur n'a parlé qu'à Moïse ? disait-elle. Ne nous a-t-il pas parlé aussi bien qu'à lui ? Mais le Seigneur la reprit de ce qu'elle osait porter envie à son frère, et lui dit : Vous allez bientôt subir la peine que mérite votre péché de jalousie ; et il la frappa d'une lè-pre qui lui couvrit tout le corps . Pourquoi le bon Dieu lui en-voya-t-il cette maladie plutôt qu'une autre ? C'est que cette mala-die montre la nature de son péché : comme la lèpre gâte toutes les parties du corps, de même l'envie corrompt toutes les puissances de l'âme. La lèpre est une corruption de la masse du sang et un signe de mort ; de même l'envie est une pourriture spirituelle qui s'insinue jusque dans la mœlle des os. Cela nous montre, M.F., combien il est difficile de guérir une personne qui est atteinte du péché d'envie. Voyez encore ce qui arriva à Coré, Dathan et Abi-ron. Jaloux des honneurs que l'on rendait à Moïse, ces misérables lui dirent : « Est-ce que nous ne sommes pas autant que vous ? Est-ce que nous ne pouvons pas offrir de l'encens au Seigneur aussi bien que vous ? » On eut beau leur représenter qu'ils allaient irriter le Seigneur, qu'il les punirait. Rien ne fut capable de les ar-rêter. Ils voulurent offrir de l'encens. Mais Dieu dit à Moïse et à Aaron : « Faites-les séparer, et tout ce qui leur appartient. Je vais les punir rigoureusement. » En effet, dans le moment où ils croyaient contenter leur envie, la terre s'ouvrit sous leurs pieds, et les engloutit tout vivants dans les enfers .
Ah ! M.F., que ce péché est difficile à quitter quand une fois nous en sommes atteints. Combien de personnes ont conçu cette haine contre quelqu'un, et ne peuvent plus s'en défaire ; elles la conservent durant des mois, des années entières et souvent toute leur vie. Elles ne le font pas paraître ; elles rendront service tout de même à ceux qui en sont l'objet ; mais elles aimeraient mieux ne pas les voir. Elles fuient, elles coupent court, si elles le peu-vent, à leur conversation ; elles aiment autant en entendre dire du mal que du bien ; elles cherchent mille prétextes pour éviter d'avoir à faire avec elles. Si elles éprouvent quelque peine, elles pensent que ces personnes en sont la cause, et elles disent : j'aime-rais mieux ne pas les voir, parce que cela me fatigue, leurs maniè-res me déplaisent. Vous vous trompez, mon ami, c'est votre pas-sion d'envie qui vous ronge et vous dessèche ; ôtez ce péché de votre cœur et vous les aimerez comme tout le monde.
Voulez-vous, M.F., un exemple qui vous fera connaître combien ce péché aveugle l'homme. Voyez Pharaon. Jaloux des bénédictions que le Seigneur répandait sur le peuple Juif, il l'ac-cabla de travaux . Le Seigneur, par le ministère de Moïse et d'Aa-ron, fit des miracles extraordinaires pour le forcer à laisser partir son peuple. Mais les miracles, qui auraient dû convertir ce prince, ne servirent qu'à l'endurcir de plus en plus. Cependant un dernier châtiment toucha son cœur. Dieu fit mourir tous les premiers-nés d'Égypte. Alors, le roi consentit à laisser partir les Israélites. A peine furent-ils partis, qu'il s'en repentit et les poursuivit avec toute son armée. Mais le Seigneur protégeait toujours son peu-ple... Moïse se voyant pris entre la mer et l'armée de Pharaon, frappa la mer. La mer lui ouvrit un passage, et-dès que les Israéli-tes eurent passé, elle retourna dans son lit ordinaire, engloutit Pharaon et toute son armée sans qu'il en restât un seul.
C'est encore l'envie qui anima Saül contre le pauvre David, jusqu'à chercher tous les moyens de lui ôter la vie. Et savez-vous pourquoi ? David avait tué dix mille ennemis. A son retour de la guerre, le peuple chanta : « Saül en a tué mille et David dix mille. » L'Ecriture sainte nous dit que cela irrita tellement Saül que, depuis ce jour, il n'eut point de repos . Mais le bon Dieu, pour faire connaître combien ce péché lui est odieux, donna la permission au démon d'entrer dans le corps de Saül. Son orgueil engendra l'envie parce que ces deux passions ne vont pas l'une sans l'autre. Nous pouvons dire qu'un orgueilleux est un envieux, et qu'un envieux est un orgueilleux . Nous voyons que presque tous ceux qui sont atteints de ce vice perdent même la vie par ce bourreau. Saül ne pouvant plus y tenir, s'égorgea lui-même.
Vous voyez donc, M.F., d'après ces exemples, combien ce péché est à craindre, puisque, presque jamais, un envieux ne s'est converti. Le bon Dieu, il est vrai, ne frappe pas toujours les en-vieux de ces châtiments épouvantables ; mais ils n'en sont pas moins malheureux, et ne laissent pas que d'être damnés. Nous nous conduisons en enfer sans nous en apercevoir.
Mais comment, M.F., pouvons-nous nous corriger de ce vice, puisque nous ne nous croyons pas coupables ? Je suis sûr que, de mille envieux, en bien les examinant, il n'y en aura pas un qui veuille croire qu'il est de ce nombre. Il n'y a point de péché que l'on connaisse moins que celui-là. Dans les uns, l'ignorance est si grande qu'ils ne connaissent pas même le quart. de leurs pé-chés ordinaires ; et comme le péché d'envie est beaucoup plus dif-ficile à connaître, il n'est pas étonnant que si peu s'en confessent et s'en corrigent. Parce qu'ils ne font pas ces gros péchés que commettent les gens grossiers et abrutis, ils pensent que les pé-chés d'envie ne sont que de petits défauts de charité, tandis qu'en grande partie ce sont de bien mauvais péchés mortels, qu'ils nour-rissent et entretiennent dans leur cœur, souvent sans bien les connaître. - Mais, pensez-vous en vous-même, si je les connais-sais, je tâcherais bien de me corriger. - Pour les connaître, M.F., il faut demander les lumières du Saint-Esprit : lui seulement vous fera cette grâce. On aurait beau vous le faire toucher au doigt, vous ne voudriez pas en convenir, vous trouveriez toujours quel-que chose qui vous ferait croire que vous n'avez pas tort de penser et d'agir de la manière dont vous agissez. Savez-vous encore ce qui pourra contribuer à vous faire connaître l'état de votre âme et à découvrir ce maudit péché caché dans les plis secrets de votre cœur ? C'est l'humilité : comme l'orgueil vous le cache, l'humilité vous le découvrira. Saint Augustin craignait tant ce péché d'igno-rance, que souvent il répétait cette prière : « Seigneur, mon Dieu, faites-moi connaître ce que je suis . » Hélas ! M.F., combien de personnes qui même font profession de piété, en sont atteintes et ne le croient pas.
Si maintenant je demandais à un enfant quelle est la vertu opposée à l'envie, il me répondrait : C'est l'amour du prochain et la libéralité envers les pauvres. Que le monde serait heureux, M.F., si nous avions cet amour que la religion nous commande d'avoir les uns pour les autres ; si nous savions nous réjouir avec ceux qui sont heureux et dans la joie, et nous attrister avec ceux qui sont dans la peine et les souffrances ; remercier le bon Dieu du bien qu'il accorde à nos voisins, comme nous voudrions qu'ils le fissent à notre égard ! C'est cependant, M.F., ce que tous les saints ont fait. Voyez Jésus-Christ lui-même, comme il était tou-ché de nos misères et comme, il désirait nous rendre heureux ! Il quitta son Père pour venir nous rendre le bonheur. Il sacrifia, non seulement sa réputation, mais sa vie même, en mourant, comme un infâme, sur une croix. Voyez comme il était touché de com-passion pour les malades, les infirmes ; voyez avec quel empres-sement il va lui-même les guérir et les consoler. Voyez comme ses entrailles sont émues de la même compassion pour cette foule de peuple qui le suivait dans le désert ; il fait même un miracle pour leur donner à manger. « Je crains, disait-il à ses apôtres, que ces pauvres gens ne tombent de faiblesse en chemin . » Voyez comme les apôtres ont tous sacrifié leur vie pour rendre leurs frè-res heureux ! Voyez combien les pre-miers chrétiens étaient chari-tables les uns pour les autres, et comme ce péché était éloigné d'eux ! Le Saint-Esprit nous dit « qu'ils n'avaient qu'un cœur et qu'une âme , » et nous montre ainsi qu'ils voyaient avec autant de plaisir le bien que le bon Dieu faisait à leurs frères que s'il l'eût fait à eux-mêmes. Voyez tous les saints : les uns ont donné leur vie pour sauver celle de leurs frères ; les autres se sont dépouillés, non seulement de leurs biens pour les pauvres ou les souffrants ; mais, après avoir donné tout ce qu'ils pouvaient donner, ils se sont encore donnés eux-mêmes ! Ils se sont vendus pour racheter les captifs ! Que nous serions heureux, M.F., si nous voyions parmi nous cette charité, cet amour les uns pour les autres, ce plaisir et cette joie quand notre voisin est heureux et estimé des hommes, cette compassion, cette peine et ce chagrin en le voyant affligé, et misérable ! Le monde ne serait-il pas le commencement du ciel
?

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 19:24
Je dis 1? qu'il faut veiller sur nos regards ; cela n'est pas douteux, puisque nous voyons qu'il y en a tant qui sont tombés dans ce péché par un seul regard, et qui ne se sont jamais rele-vés .... Ne vous permettez jamais aucune liberté sans une vérita-ble nécessité. Plutôt souffrir quelque incommodité que de vous exposer au péché...
2? Saint Jacques nous dit que cette vertu vient du ciel et que jamais nous ne l'aurons si nous ne là demandons pas au bon Dieu . Nous devons donc souvent demander au bon Dieu de nous donner la pureté dans nos. yeux, dans nos paroles et dans toutes nos actions.
Je dis, en troisième lieu, que si nous voulons conserver cette belle vertu, nous devons souvent et dignement fréquenter les sa-crements, sans quoi, jamais nous n'aurons ce bonheur. Jésus-Christ n'a pas seulement institué le sacrement de Pénitence pour remettre nos péchés, mais encore pour nous donner des forces pour combattre le démon ; ce qui est très facile à comprendre. Quelle est la personne qui, ayant fait une bonne confession au-jourd'hui, pourra se laisser entraîner à la tentation ? Le péché, même avec tous ses plaisirs, lui ferait horreur. Quel est celui qui, ayant communié depuis peu, pourra consentir, je ne dis pas à une action d'impureté, mais à une seule mauvaise pensée ? Ah ! le di-vin Jésus ; qui a fait sa demeure dans son cœur, lui fait trop com-prendre combien ce péché est infâme et combien il lui déplaît, et l'éloigne de lui. Oui, M.F., un chrétien qui fréquente saintement les sacrements peut bien être tenté ; mais pécher, c'est autre chose. En effet, quand nous avons le grand bonheur de recevoir le corps adorable de Jésus-Christ, ne sentons-nous pas s'éteindre ce feu impur ? Ce sang adorable qui coule dans nos veines peut-il moins faire que de purifier notre sang ? Cette chair sacrée qui se mêle avec la nôtre, ne la divinise-t-elle pas en quelque manière ? Notre corps ne semble-t-il pas retourner dans le premier état où était Adam avant son péché ? Ah ! ce sang adorable « qui a engendré tant de vierges » !... Soyons bien surs, M.F., que si nous ne fré-quentons pas les sacrements, nous tomberons à chaque instant dans le péché.
Nous devons encore, pour nous défendre du démon, fuir les personnes qui peuvent nous porter, au mal. Voyez ce que fit le chaste Joseph tenté par la femme de son maître : il lui laissa son manteau entre les mains, et s'enfuit pour sauver son âme . Les frères de saint Thomas d'Aquin ne pouvant souffrir que leur frère se consacrât à Dieu, pour l'en empêcher, l'enfermèrent dans un châ-teau et y firent venir une femme de mauvaise vie pour tâcher de le corrompre. Se voyant poussé à bout par l'effronterie de cette mauvaise créature, il prit un tison à la main et la chassa honteu-sement de sa chambre. Ayant vu le danger auquel il avait été ex-posé, il pria avec tant de larmes, que le bon Dieu lui accorda le don précieux de la continence, c'est-à-dire qu'il ne fut plus jamais tenté contre cette belle vertu .
Voyez ce que fit saint Jérôme pour avoir le bonheur de conserver la pureté ; voyez-le dans son désert, s'abandonner à tou-tes les rigueurs de la pénitence, aux larmes et à des macérations qui font frémir . Ce grand saint nous rapporte la victoire que remporta un jeune homme dans un combat peut-être unique dans l'histoire, au temps de la cruelle persécution que l'empereur Dèce déchaîna contre les chrétiens. Le tyran, après avoir soumis ce jeune homme à toutes les épreuves que le démon put lui inspirer, pensa que s'il lui faisait perdre la pureté de son âme, il l'amènerait facilement à renoncer à la vraie religion. Dans ce but, il ordonna de le mener, dans un jardin de délices, au milieu des lis et des ro-ses, près d'un ruisseau qui coulait avec un doux murmure, et sous des arbres agités par un vent agréable. Là, on le mit sur un lit de plumes ; on l'attacha avec des liens de soie, et il fut laissé seul dans cet état. Ensuite l'on fit venir une courtisane, parée aussi ri-chement et aussi indécemment que possible. Elle commença à le solliciter au mal, avec toute l'impudence et tous les attraits que la passion peut inspirer. Ce pauvre jeune homme qui aurait donné mille fois sa vie plutôt que de souiller la pureté de sa belle âme, se voyait sans défense puisqu'il avait les pieds et les mains liés. Ne sachant plus comment résister aux attaques de la volupté, poussé par l'esprit de Dieu, il se coupe la langue avec les dents et la cra-che au visage de cette femme. Ce que voyant, elle fut si couverte de confusion qu'elle s'enfuit. Ce fait nous montre que jamais le bon Dieu ne nous laissera être tentés au-dessus de nos forces.
Voyez encore ce que fit saint Martinien, qui vivait dans le IVe siècle . Après avoir passé vingt-cinq ans dans le désert, il fut exposé à une occasion très prochaine de péché. Déjà il y avait consenti par la pensée et par la parole. Mais le bon Dieu vint à son secours et lui toucha le cœur. Il conçut un si grand regret du péché qu'il allait commettre, qu'étant rentré dans sa cellule, il al-luma un grand feu et y mit les pieds. La douleur qu'il éprouvait et le regret de son péché, lui faisaient pousser des cris affreux. Zoé, cette mauvaise femme qui était venue pour le tenter, accourut à ses cris ; et elle en fut si touchée, qu'au lieu de le pervertir, elle se convertit. Elle passa toute sa vie dans les larmes et la pénitence. Mais pour saint Martinien, il resta sept mois sur le sol, sans mou-vement, parce que ses deux pieds étaient brûlés. Après sa guéri-son, il se retira dans un autre désert, où il ne fit que pleurer le reste de sa vie, au souvenir du danger qu'il avait couru de perdre son âme. Voilà, M.F., ce que faisaient les saints ; voilà les tour-ments qu'ils ont endurés plutôt que de perdre la pureté de leur âme. Cela vous étonne peut-être ; mais vous devriez bien plutôt vous étonner du peu de cas que vous faites de cette belle et in-comparable vertu. Hélas ! ce déplorable dédain vient de ce que nous n'en connaissons pas le prix !
Je dis enfin que nous devons avoir une grande dévotion à la très sainte Vierge, si nous voulons conserver cette belle vertu ; cela n'est pas douteux, puisqu'elle est la reine ; le modèle et la pa-tronne des vierges ....
Saint Ambroise appelle la sainte Vierge la maîtresse de la chasteté, saint Epiphane l'appelle la princesse de la chasteté, et saint Grégoire la reine de la chasteté...
Voici un exemple qui nous montrera le grand soin que prend la sainte Vierge, de la chasteté de ceux qui ont confiance en elle, au point qu'elle ne sait jamais rien refuser de tout ce qu'ils lui de-mandent. Un gentilhomme qui avait une grande dévotion à la sainte Vierge avait fait une petite chapelle en son honneur dans une chambre du château qu'il habitait. Personne ne connaissait l'existence de cette chapelle. Chaque nuit après quelques moments de sommeil, sans prévenir sa femme, il se levait pour se rendre auprès de la sainte. Vierge ! et y rester jusqu'au matin Cette pau-vre femme en conçut une grande peine ; elle croyait qu'il sortait pour aller trouver quelques filles de mauvaise vie. Un jour, n'y tenant plus, elle lui dit qu'elle voyait bien qu'il lui préférait une autre femme. Le mari, pensant à la sainte Vierge, lui répondit af-firmativement. Ce qui lui fut si sensible que, ne voyant aucun changement à la conduite de son mari, dans l'excès de son cha-grin, elle se poignarda. Son mari, au retour de sa chapelle, trouva sa femme baignée dans son sang. Extrêmement affligé cette vue, il ferme à clé la porte de sa chambre, va, retrouver la sainte Vierge, et tout éploré se prosterne devant son image, en, s'écriant : « Vous voyez, sainte Vierge, que ma femme s'est donné la mort parce que je venais la nuit vous tenir compagnie et vous prier. Rien ne vous est impossible, puisque votre Fils vous a pro-mis que jamais vous n'auriez de refus. Vous voyez que ma pauvre femme est damnée ; la laisserez-vous dans les flammes, puisque c'est à cause de ma dévotion pour vous qu'elle s'est tuée dans son désespoir, Vierge sainte, refuge des affligés, rendez-lui, s'il vous plaît, la vie ; montrez que vous aimez à faire du bien à tout le monde. Je ne sortirai pas d'ici sans que vous m'ayez obtenu cette grâce de votre divin Fils. » Pendant qu'il était absorbé dans ses. larmes et ses prières, une servante le cherchait et l'appelait en lui disant que sa maîtresse le réclamait. Il répondit ; « Est-il bien sûr qu'elle m'appelle ? » - « Entendez sa voix, reprit la servante. » La joie du gentilhomme était si grande qu'il ne pouvait s'éloigner de la sainte Vierge. Il se lève enfin, pleurant de joie et de reconnais-sance. Il retrouve sa femme en pleine santé ; il ne lui restait de ses blessures que les cicatrices, afin qu'elle ne perdît jamais le souve-nir d'un tel miracle opéré par la protection de la sainte Vierge. Voyant entrer son mari, elle l'embrasse en lui disant : « Ah ! mon ami, je vous remercie d'avoir eu la charité de prier pour moi. J'étais en enfer et condamnée à y brûler éternellement, parce que je m'étais donné la mort. Remercions donc bien la sainte Vierge qui m'a arrachée d'un tel abîme ! Ah ! que l'on souffre dans ce feu ! qui pourra jamais le dire et surtout le faire comprendre ! » Elle fut si reconnaissante de cette prodigieuse faveur, qu'elle pas-sa toute sa vie dans les larmes, dans la pénitence, et ne pouvait raconter la grâce que la sainte Vierge lui avait obtenue de son di-vin Fils sans pleurer à chaudes larmes. Elle aurait voulu appren-dre à tous combien la sainte Vierge est puissante pour secourir ceux qui se confient en elle.
Dites, M.F., si la sainte Vierge a le pouvoir d'arracher les âmes de l'enfer même, pourrions-nous douter qu'elle ne nous ob-tienne les grâces que nous lui demanderons, nous qui sommes sur la terre, lieu où s'exerce la miséricorde du Fils et la compassion de la Mère ?
Quand nous avons quelques grâces à demander au bon pieu, adressons-nous donc avec une grande confiance à la sainte Vierge, et nous sommes sûrs d'être exaucés.
Voulons-nous sortir du péché, M.F., allons à Marie ; elle nous prendra par la main et nous mènera à son Fils pour recevoir notre pardon. Voulons-nous persévérer dans le bien ? Adressons-nous à la Mère de Dieu ; elle nous couvrira du manteau de sa pro-tection et tout l'enfer ne nous pourra rien. En voulez-vous la preuve ? La voici : nous lisons dans la vie de sainte Justine qu'un jeune homme ayant conçu un violent amour pour elle ; et, voyant qu'il ne pouvait rien gagner par ses sollicitations, il eut recours à un certain Cyprien qui avait affaire avec le démon. Il lui promit une somme d'argent, s'il amenait Justine à consentir à ce qu'il souhaitait.
Bientôt après, la jeune fille se sentit violemment tentée contre la sainte vertu de pureté ; mais dès que le démon la sollici-tait, elle avait vite recours à la sainte Vierge. Tout aussitôt le dé-mon prenait la fuite. Le jeune homme ayant demandé pourquoi il ne pouvait gagner cette fille, Cyprien s'adressa au démon et lui reprocha son peu de pouvoir en cette circonstance, alors que, en semblable cas, il avait toujours pu accomplir ses desseins. - Le démon lui répondit : « Cela est vrai, mais elle recourt à le Mère de Dieu ; et, dès qu'elle la prie, je perds mes forces, et ne puis rien. » Cyprien, étonné qu'une personne qui avait recours à la sainte Vierge fût si terrible à tout l'enfer, se convertit et mourut en saint dans le martyre.
Je finis, en disant que si nous voulons conserver la pureté de l'âme et du corps, il nous faut mortifier notre imagination ; ne ja-mais laisser rouler dans notre esprit la pensée de ces objets qui nous conduisent au mal, et prendre garde de n'être pas un sujet de péché aux autres, soit par nos paroles, soit par notre manière de nous habiller, ce qui regarde surtout les personnes du sexe.
Si nous en apercevons quelqu'une mal arrangée, il faut bien vite nous en détourner, et non pas faire comme ceux qui ont des yeux impudiques, qui s'y arrêtent autant que le démon le veut. Il faut mortifier nos oreilles, ne jamais prendre plaisir à entendre des paroles ou chansons sales. Ah ! mon Dieu, comment se fait-il que des pères et mères, des maîtres et maîtresses qui entendent, dans les veillées, les chansons les plus infâmes, et voient commettre des actions qui feraient horreur à des païens, puissent les souffrir, sans rien dire, sous prétexte que ce sont des enfantillages. Ah ! malheureux, le bon Dieu vous attend au grand jour des vengean-ces !... Hélas ! que de péchés vos enfants et vos domestiques au-ront commis pour vous !...
« Bienheureux, nous dit Jésus-Christ, ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu. » Qu'ils sont heureux ceux qui ont le grand bonheur de posséder cette belle vertu ! Ne sont-ils pas les amis de Dieu, les bien-aimés des anges, les enfants chéris de la très sainte. Vierge ? Demandons souvent au bon Dieu, M.F., par l'intercession de cette très sainte Mère, de nous donner une âme et un cœur purs, un corps chaste ; et nous aurons le bonheur de plaire à Dieu, pendant notre vie, et d'aller le glorifier pendant toute l'éternité : ce que je vous souhaite...

18ème DIMANCHE APRÈS LA PENTE-CÔTE
Sur la Tiédeur

Sed quia tepidus es, et nec frigidus, nec calidus, incipiam te evomere ex ore meo.
Mais parce que tu es tiède, et que tu n'es ni froid, ni chaud, je vais te vomir de ma bouche.
(Apoc. III, 16.)

Pouvons-nous, M.F., entendre sans frémir une telle sentence sortir de la bouche de Dieu même, contre un évêque qui semblait parfaitement remplir tous les devoirs d'un digne ministre de l'Église ? Sa vie était réglée, son bien n'était point dépensé mal à propos. Bien loin d'autoriser le vice, il s'y opposait au contraire fortement ; il ne donnait point de mauvais exemples, et sa vie pa-raissait vraiment digne d'être imitée. Cependant, malgré tout cela, nous voyons que le Seigneur lui fait dire par saint Jean, que s'il continuait à vivre de cette manière, il allait le rejeter, c'est-à-dire le punir et le réprouver. Oui, M.F., cet exemple est d'autant plus effrayant que beaucoup suivent la même route, vivent de la même manière, et tiennent leur salut pour assuré. Hélas ! M.F., qu'est petit le nombre de ceux qui ne sont ni du côté des pécheurs déjà réprouvés aux yeux du monde, ni du nombre des élus ! Dans quel chemin marchons-nous ? Est-ce le droit chemin que nous sui-vons ?
Ce qui nous doit faire trembler, c'est que nous n'en savons rien. Incertitude effrayante !... Essayons cependant de connaître si vous êtes assez malheureux que d'être du nombre des tièdes. Je vais 1? vous montrer les marques par lesquelles vous le connaî-trez ; et 2? si vous êtes de ce nombre, je vous indiquerai les moyens d'en sortir.

I. - En vous parlant aujourd'hui, M.F., de l'état épouvantable d'une âme tiède, mon dessein n'est pas de vous faire la peinture effrayante et désespérante d'une âme qui vit dans le péché mortel, sans même avoir le désir d'en sortir ; cette pauvre malheureuse n'est qu'une victime de la colère de Dieu pour l'autre vie. Hélas ! ces pécheurs m'écoutent, ils savent bien de qui je parle en ce mo-ment...... N'allons pas plus loin, tout ce que je dirais ne servirait qu'à les endurcir davantage. En vous parlant, M.F., d'une âme tiède, je ne veux pas davantage vous parler de ceux qui ne font ni Pâques ni confessions ; ils savent très bien que, malgré toutes leurs prières et leurs autres bonnes œuvres ils seront perdus. Lais-sons-les dans leur aveuglement, puisqu'ils y veulent rester. - Mais, me direz-vous, tous ceux qui se confessent, qui font leurs Pâques et qui communient souvent, ne seront-ils pas sauvés ? - Assurément, mon ami, ils ne le seront pas tous ; car si le plus grand nombre de ceux qui fréquentent les sacrements étaient sau-vés, il faut bien en convenir, le nombre des élus ne serait pas aussi petit qu'il le sera. Mais, cependant, reconnaissons-le ; tous ceux qui, auront le grand bonheur d'aller au ciel seront choisis parmi ceux qui fréquentent les sacrements, et jamais parmi ceux qui ne font ni Pâques ni confessions. Ah ! me direz-vous, si tous ceux qui ne font ni Pâques, ni confessions sont damnés, le nombre des réprouvés sera bien grand ! - Oui, sans doute, il sera grand. Quoi-que vous puissiez en dire, si vous vivez en pécheurs, vous parta-gerez leur sort. Est-ce que cette pensée ne vous touche pas ?... Si vous n'êtes endurci au dernier degré, elle doit vous faire frémir et même désespérer. Hélas ! mon Dieu ! qu'une personne qui a per-du la foi est malheureuse ! Bien loin de profiter de ces vérités, ces pauvres aveugles, au contraire, s'en moqueront ; et cependant, malgré tout ce qu'ils peuvent en dire, cela sera tel que, je le dis : point de Pâques, ni de confessions, point de ciel, ni de bonheur éternel. O mon Dieu ! que l'aveuglement du pécheur est affreux !
Je n'entends pas encore, M.F., par une âme tiède, celui qui voudrait être au monde sans cesser d'être à Dieu : vous le verrez, un moment se prosterner devant Dieu, son Sauveur et son maître ; et, un autre moment, vous le verrez se prosterner devant le monde, son idole. Pauvre aveugle, qui tend une main au bon Dieu et l'autre au monde, qu'il appelle tous deux à son secours, en pro-mettant à chacun son cœur ! Il aime le bon Dieu ; du moins il voudrait l'aimer, mais il voudrait aussi plaire au monde. Lassé de vouloir se donner à tous les deux, il finit par ne plus se donner qu'au monde. Vie extraordinaire et qui présente un spectacle si singulier, que l'on ne peut pas se persuader que ce soit la vie d'une même personne. Je vais vous la montrer d'une manière si claire, que, peut-être, plusieurs d'entre vous en seront offensés ; mais, peu m'importe, je vous dirai toujours ce que je dois vous dire, et vous en ferez ce que vous voudrez.
Je dis, M.F., que celui qui veut être au monde sans cesser d'être à Dieu, mène une vie si extraordinaire, qu'il n'est pas possi-ble d'en concilier les différentes circonstances. Dites-moi, oseriez vous penser que cette fille, que vous voyez dans ces parties de plaisirs, dans ces assemblées mondaines où l'on ne fait que le mal et jamais le bien, se livrant à tout ce qu'un cœur gâté et perverti peut désirer, est la même que vous avez vue, il y a à peine quinze jours ou un mois, au pied du tribunal de la pénitence faire l'aveu de ses fautes, protestant à Dieu qu'elle est prête à mourir plutôt que de retomber dans le péché ? Est-ce bien là cette personne, que vous avez vue monter à la table sainte les yeux baissés, la prière sur les lèvres ? O mon Dieu ! quelle horreur ! Peut-on bien y pen-ser sans mourir de compassion ? Croiriez-vous, M.F., que cette mère qui, il y a trois semaines, envoyait sa fille se confesser, en lui recommandant avec raison de penser sérieusement à ce qu'elle allait faire, et en lui donnant un chapelet ou un livre ; aujourd'hui, lui dit de se rendre à une danse, à un mariage ou à des fiançailles. Ces mêmes mains, qui lui ont donné un livre, sont employées à lui arranger ses vanités, afin de mieux plaire au monde. Dites-moi, M.F., est-ce bien cette personne qui, ce matin, était à l'église, chantait les louanges de Dieu, et qui maintenant emploie cette même langue à chanter de mauvaises chansons et à tenir les dis-cours les plus infâmes ? Est-ce bien là ce maître ou ce père de fa-mille qui, tout à l'heure, était à la sainte Messe avec un grand res-pect, qui semblait vouloir passer si saintement le dimanche, et que vous voyez maintenant travailler et faire travailler son monde ? O mon Dieu ! quelle horreur ! comment le bon Dieu va-t-il ranger tout cela au jour du jugement ? Hélas ! que de chrétiens damnés !
Je dis plus, M.F. : celui qui veut plaire au monde et au bon Dieu, mène une vie des plus malheureuses. Vous allez le voir. Voici une personne qui fréquente les plaisirs, ou qui a contracté quelque mauvaise habitude ; quelle n'est pas sa crainte quand elle remplit ses devoirs de religion, c'est-à-dire quand elle prie le bon Dieu, quand elle se confesse, ou veut communier ? Elle ne vou-drait pas être vue de ceux avec qui elle a dansé, et passé les nuits dans les cabarets, où elle s'est livrée à toutes sortes de désordres. Est-elle venue à bout de tromper son confesseur, en cachant tout ce qu'elle a fait de pire, et a-t-elle ainsi obtenu la permission de communier, ou plutôt de faire un sacrilège ; elle voudrait commu-nier avant ou après la sainte Messe, c'est-à-dire dans le moment où il n'y a personne. Mais elle est contente d'être vue des person-nes qui sont sages, qui ignorent sa mauvaise vie, et auxquelles elle espère inspirer une bonne opinion d'elle-même. Avec les per-sonnes de piété, elle parle de la religion ; avec les gens sans reli-gion, elle ne parlera que des plaisirs du monde. Elle rougirait d'accomplir ses pratiques religieuses devant les compagnons ou devant les compagnes de ses débauches. Cela est si vrai, qu'un jour quelqu'un m'a demandé de le faire communier à la sacristie, afin que personne ne le vît. Quelle horreur ! M.F., peut-on y pen-ser et ne pas frémir d'une telle conduite !
Mais allons plus loin, vous allez voir l'embarras de ces pau-vres personnes qui veulent suivre le monde sans quitter le bon Dieu, du moins en apparence. Voilà les Pâques qui approchent. Il faut aller se confesser ; ce n'est pas qu'elles le désirent, ni qu'elles en sentent le besoin : elles voudraient bien plutôt que les Pâques n'arrivassent que tous les trente ans. Mais leurs parents tiennent encore à la pratique extérieure de la religion ; ils sont contents que leurs enfants se présentent à la sainte Table, ils les pressent même d'aller se confesser : en cela ils font très mal. Qu'ils prient pour eux, et ne les tourmentent pas pour leur faire faire des sacrilèges ; hélas ! ils en feront assez ! Pour se délivrer de l'importunité de leurs parents, pour sauver les apparences, ces personnes se ras-sembleront afin de savoir à quel confesseur il faut aller pour être absoutes la première ou la deuxième fois. « Voilà déjà plusieurs fois, dit l'une, que les parents me tourmentent de ce que je ne vais pas me confesser. Où irons-nous ? » - « Il ne faut pas aller chez notre curé, il est trop scrupuleux ; il ne nous ferait pas faire de Pâques. Il nous faut aller trouver un tel. Il a passé telles et telles qui en ont bien autant commis que nous. Nous n'avons pas fait plus de mal qu'elles. » Une autre dira : « Je t'assure, que si ce n'étaient mes parents, je ne ferais point de Pâques ; puisque notre catéchisme nous dit que pour faire une bonne confession, il faut quitter le péché et l'occasion du péché, et nous ne faisons ni l'un ni l'autre. Je te le dis sincèrement, je suis bien embarrassée toutes les fois que les Pâques arrivent. Je ne vois les heures d'être éta-blie pour ne plus courir. Alors je ferai une confession de toute ma vie pour réparer celles que je fais maintenant, sans cela je ne mourrais pas contente. » - « Eh bien ! lui dira une autre, il te fau-dra retourner à celui qui t'a confessée jusqu'à présent, il te connaî-tra bien mieux. » - « Ah ! certes non, j'irai à celui qui ne m'a pas voulu passer, parce qu'il ne voulait pas me damner. » - « Ah ! que tu es bonne ! cela ne fait rien, ils ont bien tous le même pouvoir. » - « Cela est bon à dire tant que l'on se porte bien ; mais quand on est malade on pense bien autrement. Un jour, j'allais voir une telle, qui était bien malade ; elle me dit que jamais elle ne retour-nerait se confesser à ces prêtres qui sont si faciles, et qui, en fai-sant semblant de vouloir vous sauver, vous jettent en enfer. » C'est ainsi que se conduisent beaucoup de ces pauvres aveugles. « Mon. père, disent-elles au prêtre, je viens me confesser à vous, parce que notre curé est trop scrupuleux. Il veut nous faire pro-mettre des choses que nous ne pouvons pas tenir ; il voudrait que nous fussions des saints, et cela n'est pas trop possible dans le monde. Il voudrait que nous ne missions jamais le pied à la danse, que nous ne fréquentassions jamais les cabarets ni les jeux. Si l'on a quelque mauvaise habitude, il n'accorde plus l'absolution qu'on ne l'ait quittée tout à fait. S'il fallait faire tout cela, nous ne ferions jamais de Pâques. Mes parents, qui ont bien de la religion, me sont toujours après, sur ce que je ne fais pas mes Pâques. Je ferai tout ce que je pourrai ; mais l'on ne peut pas dire que l'on ne re-tournera plus dans ces amusements, puisque l'on ne sait pas les occasions que l'on pourra rencontrer. » - « Ah ! lui dira le confes-seur trompé par ce beau langage, je vois que votre curé est un peu scrupuleux. Faites votre acte de contrition, je vais vous donner l'absolution, et tâchez d'être bien sage. » C'est-à-dire, baissez la tête ; vous allez fouler le sang adorable de Jésus-Christ, vous allez vendre votre Dieu comme Judas l'a vendu à ses bourreaux, et de-main vous communierez, ou plutôt, vous irez le crucifier. O hor-reur ! ô abomination ! Va, infâme Judas, va, à là Table sainte ; va donner la mort à ton Dieu et à ton Sauveur ! Laisse crier ta cons-cience ; tâche seulement d'en étouffer les remords, autant que tu le pourras... Mais, M.F., je vais trop loin ; laissons ces pauvres aveugles à leurs ténèbres.
Je pense, M.F., que vous désirez savoir ce que c'est que l'état d'une âme tiède. Hé bien ! le voici : Une âme tiède n'est pas en-core tout à fait morte aux yeux de Dieu, parce que la foi, l'espé-rance et la charité, qui sont sa vie spirituelle, ne sont pas tout à fait éteintes. Mais, c'est une foi sans zèle, une espérance sans fer-meté, une cha-rité sans ardeur. Je vais vous faire le portrait d'un chrétien fervent, c'est-à-dire d'un chrétien qui désire vérita-blement sauver son âme, en même temps que celui d'une personne qui mène une vie tiède dans le service de Dieu. Mettons-les à côté de l'un et de l'autre, et vous ver-rez-auquel des deux vous ressemblez. Un bon chrétien ne se contente pas de croire toutes les vérités de notre sainte religion, il les aime, il les médite, il cherche tous les moyens de les apprendre ; il aime à entendre la parole de Dieu ; plus il l'entend, plus il désire l'entendre, parce qu'il désire en profiter, c'est-à-dire éviter tout ce que Dieu lui défend et faire tout ce qu'il commande. Les instructions ne lui paraissent jamais trop longues ; au contraire, ces moments sont les plus heureux pour lui, puisqu'il apprend la manière dont il doit se conduire pour aller au ciel et sauver son âme. Non seulement, il croit que Dieu le voit dans toutes ses actions et qu'il les jugera toutes à l'heure de la mort ; mais encore il tremble toutes les fois qu'il pense qu'un jour il faudra aller rendre compte de toute sa vie devant un Dieu qui sera sans miséricorde pour le péché. Il ne se contente pas d'y penser, de trem-bler ; mais il travaille à se corriger chaque jour ; il ne cesse d'inventer tous les jours de nouveaux moyens pour faire pénitence ; il compte pour rien tout ce qu'il a fait jusque-là, et gémit d'avoir perdu beaucoup de temps, pendant lequel il aurait pu ramasser de grands trésors pour le ciel.
Qu'il est différent le chrétien qui vit dans la tiédeur ! Il ne laisse pas de croire toutes les vérités que l'Église croit et enseigne, mais c'est d'une manière si faible, que son cœur n'y est presque pour rien. Il ne doute pas, il est vrai, que le bon Dieu le voit, qu'il est toujours en sa sainte présence ; mais avec cette pensée il n'est ni plus sage, ni moins pécheur ; il tombe avec autant de facilité dans le péché que s'il ne croyait rien ; il est très persuadé que, tant qu'il vit dans cet état, il est ennemi de Dieu, mais il n'en sort pas pour cela. Il sait que Jésus-Christ a donné au sacrement de péni-tence la puissance de remettre nos péchés, et de nous faire croître en vertu. Il sait que ce sacrement nous accorde des grâces propor-tionnées aux dispositions que nous y apportons ; n'importe : même négligence, même tiédeur dans la pratique. Il sait que Jé-sus-Christ est véritablement dans le sacrement de l'Eucharistie, qu'il est une nourriture absolument nécessaire à sa pauvre âme ; cependant, vous voyez en lui peu de désirs ! Ses confessions et ses communions sont très éloignées les unes des autres ; il ne se décidera qu'à l'occasion d'une grande fête, d'un jubilé ou d'une mission ; ou bien, parce que les autres y vont, et non par le besoin de sa pauvre âme. Non seulement il ne travaille pas à mériter ce bonheur ; mais il ne porte pas même envie à ceux qui le goûtent plus souvent. Si vous lui parlez des choses du bon Dieu, il vous répond avec une indifférence qui vous montre comme son cœur est peu sensible aux biens que nous pouvons trouver dans notre sainte religion. Rien ne le touche : il écoute la parole de Dieu, il est vrai ; mais souvent il s'ennuie ; il écoute avec peine, par habi-tude, comme une personne qui pense qu'elle en sait assez, ou qu'elle en fait assez. Les prières qui sont un peu longues le dégoû-tent. Son esprit est si rempli de l'action qu'il vient de finir, ou de celle qu'il va faire ; son ennui est si grand que sa pauvre âme est comme à l'agonie : il vit encore, mais il n'est capable de rien pour le ciel.
L'espérance d'un bon chrétien est ferme ; sa confiance en Dieu est inébranlable. Il ne perd jamais de vue les biens et les maux de l'autre vie. Le souvenir des souffrances de Jésus-Christ lui est continuellement présent à l'esprit ; son cœur en est toujours occupé. Tantôt il porte sa pensée dans les enfers, pour concevoir combien est grande la punition du péché et combien est grand le malheur de celui qui le commet, ce qui le dispose à préférer la mort même au péché ; tantôt pour s'exciter à l'amour de Dieu, et pour sentir combien est heureux celui qui préfère le bon Dieu à tout ; il porte sa pensée dans le ciel. Il se représente combien est grande la récompense de celui qui quitte tout pour le bon Dieu. Alors, il ne désire que Dieu et ne veut que Dieu seul : les biens de ce monde ne lui sont rien ; il aime à les voir méprisés et à les mé-priser lui-même ; les plaisirs du monde lui font horreur. Il pense qu'étant le disciple d'un Dieu crucifié, sa vie ne doit être qu'une vie de larmes et de souffrances. La mort ne l'effraie nullement, parce qu'il sait très bien qu'elle seule peut le délivrer des maux de la vie, et le réunir à son Dieu pour toujours.
Mais une âme tiède est bien éloignée de ces sentiments. Les biens et les maux de l'autre vie ne lui sont presque rien : elle pense au ciel, il est vrai, mais sans désirer véritablement d'y aller. Elle sait que le péché lui en ferme les portes ; malgré cela, elle ne cherche pas à se corriger, du moins d'une manière efficace ; aussi se trouve-t-elle toujours la même. Le démon la trompe en lui fai-sant prendre beaucoup de résolutions de se con-vertir, de mieux faire, d'être plus mortifiée, plus retenue dans ses paroles, plus pa-tiente dans ses peines, plus charitable envers son prochain. Mais, tout cela ne change nullement sa vie : il y a vingt ans qu'elle est remplie de désirs, sans avoir modifié en rien ses habitudes. Elle ressemble à une personne qui porte envie à celui qui est sur un char de triomphe, mais ne daigne pas seulement lever le pied pour y monter. Elle ne voudrait pas cependant renoncer aux biens éter-nels pour ceux de la terre ; mais elle ne désire ni sortir de ce monde, ni aller au ciel, et si elle pouvait passer son temps sans croix et sans chagrins, elle ne demanderait jamais à sortir de ce monde. Si vous lui entendez dire que la vie est bien longue et bien misérable, c'est seulement quand tout ne va pas selon ses désirs. Si le bon Dieu, pour la forcer, en quelque sorte, à se détacher de la vie, lui envoie des croix ou des misères, la voilà qui se tour-mente, qui se chagrine, qui s'abandonne aux plaintes, aux murmu-res, et souvent à une espèce de désespoir. Elle semble ne plus vouloir reconnaître que c'est le bon Dieu qui lui envoie ces épreu-ves pour son bien ; pour la détacher de la vie et l'attirer à lui. Qu'a-t-elle pu faire pour les mériter ? pense-t-elle en elle-même ; bien d'autres plus coupables qu'elle n'en subissent pas autant.
Dans la prospérité, l'âme tiède ne va pas jusqu'à oublier le bon Dieu, mais elle ne s'oublie pas non plus elle-même. Elle sait très bien raconter tous les moyens qu'elle a employés pour réus-sir ; elle croit que bien d'autres n'auraient pas eu le même succès : elle aime à le répéter, à l'entendre répéter ; chaque fois qu'elle l'entend, c'est avec une nouvelle joie. A l'égard de ceux qui la flat-tent, elle prend un air gracieux ; mais pour ceux qui ne lui ont pas porté tout le respect qu'elle croit mériter, ou qui n'ont pas été re-connaissants de ses bienfaits, elle garde un air froid, indifférent, et semble leur dire qu'ils sont des ingrats qui ne méritaient pas de recevoir le bien qu'elle leur a fait.
Mais un bon chrétien, M.F., bien loin de se croire digne de quelque chose, et capable de faire le moindre bien, n'a que sa mi-sère devant les yeux. Il se méfie de ceux qui le flattent, comme d'autant de pièges que le démon lui tend ; ses meilleurs amis sont ceux qui lui font connaître ses défauts, parce qu'il sait qu'il faut absolument les connaître pour s'en corriger. Il fuit l'occasion du péché autant qu'il le peut ; se rappelant combien peu de chose le fait tomber, il ne compte plus sur toutes ses résolutions, ni sur ses forces, ni même sur sa vertu. Il connaît, par sa propre expérience, qu'il n'est capable que de pécher ; il met toute sa confiance et son espérance en Dieu seul : Il sait que le démon ne craint rien tant qu'une âme qui aime la prière, ce qui le porte à faire de sa vie une prière continuelle par un entretien intime avec le bon Dieu. La pensée de Dieu lui est aussi familière que la respiration ; les élé-vations de son cœur vers lui sont fréquentes : il se plaît à penser à lui comme à son père, à son ami et à son Dieu qui l'aime, et qui désire si ardemment le rendre heureux dans ce monde, et encore plus dans l'autre. Un bon chrétien, M.F., est rarement occupé des choses de la terre ; si vous lui en parlez, il montre autant d'indiffé-rence que les gens du monde en témoignent quand on leur parle des biens de l'autre vie. Enfin, il fait consister son bonheur dans les croix, les afflictions, la prière, le jeûne et la pensée de la pré-sence de Dieu. Pour une âme tiède, elle ne perd pas tout à fait, si vous le voulez, la confiance en Dieu ; mais elle ne se méfie pas assez d'elle-même. Quoiqu'elle s'expose assez souvent à l'occa-sion du péché, elle croit toujours qu'elle ne tombera pas. Si elle vient à tomber, elle attribue sa chute au prochain et elle affirme qu'une autre fois, elle sera plus ferme.

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 19:23
En voulez-vous un beau modèle ? Voyez Moïse : lorsque son frère Aaron et sa sœur Marie murmurèrent contre lui, le Sei-gneur les punit ; mais Moïse voyant sa sœur couverte d'une lèpre qui était la punition de sa révolte : O Seigneur ! lui dit-il, pour-quoi punissez-vous ma sœur ? vous savez bien que je ne vous ai jamais demandé vengeance, pardonnez-lui, s'il vous plaît. Aussi le Saint-Esprit nous dit qu'il était le plus doux des hommes qui fus-sent alors sur la terre . Voilà, M.F., un frère qui a vraiment la charité dans le cœur, puisqu'il s'afflige de voir punir sa sœur. Di-tes-moi si nous voyions punir quelqu'un qui nous aurait fait quel-que outrage, ferions-nous comme Moïse ? nous affligerions-nous, demanderions-nous au bon Dieu de ne pas le punir ?... Hélas ! qu'ils sont rares, ceux qui ont dans l'âme cette charité de Moïse ! Mais, me direz-vous, quand on nous fait des choses que nous ne méritons pas, il est bien difficile d'en aimer les auteurs. - Diffi-cile, M.F. ?... voyez saint Etienne. Pendant qu'on l'assomme à coups de pierres, il lève les mains et prie Dieu de pardonner à ces bourreaux qui lui ôtent la vie, le péché qu'ils commettent . - Mais, pensez-vous, saint Étienne était un saint. C'était un saint, M.F. ? mais si nous ne sommes des saints, c'est un grand malheur pour nous : il faut que nous le devenions ; et aussi longtemps que nous n'aurons la charité dans le cœur, nous ne deviendrons jamais des saints.
Que de péchés, M.F., l'on commet contre l'amour de Dieu et du prochain ! Désirez-vous savoir combien souvent nous péchons contre l'amour que nous devons à Dieu ?
L'aimons-nous de tout notre cœur ? Ne lui avons-nous pas souvent préféré nos parents, nos amis ? Pour aller les voir, sans qu'il y eût nécessité, n'avons-nous pas souvent manqué les offices, les vêpres, le catéchisme, la prière du soir ? Combien de fois n'avez-vous pas fait manquer la prière à vos enfants dans la crainte de leur faire perdre quelques minutes ? hélas ! pour aller paître nos troupeaux dans les champs ! ... Mon Dieu ! quelle indi-gne préférence !... Combien de fois n'avons-nous pas manqué nous-mêmes nos prières ; ou les avons-nous faites dans notre lit, en nous habillant, ou en marchant ? Avons-nous eu soin de rap-porter toutes nos actions au bon Dieu, toutes nos pensées, tous nos désirs ? Nous sommes-nous consacrés à lui dès l'âge de rai-son, et lui avons-nous bien donné tout ce que nous avions ? Saint Thomas nous dit que les pères et mères doivent avoir un grand soin de consacrer leurs enfants au bon Dieu, dès l'âge le plus ten-dre, et que, ordinairement, les enfants qui sont consacrés au bon Dieu par leurs parents, reçoivent une grâce et une bénédiction toutes particulières, qu'ils ne recevraient pas sans cela. Il nous dit que si les mères avaient bien à cœur le salut de leurs enfants, elles les donneraient au bon Dieu avant qu'ils vinssent au monde.
Nous disons que ceux qui ont la charité reçoivent avec pa-tience et résignation à la volonté de Dieu, tous les accidents qui peuvent leur arriver, les maladies, les calamités, en pensant que tout cela nous rappelle que nous sommes pécheurs, et que notre vie n'est pas éternelle ici-bas.
Nous péchons encore contre l'amour de Dieu, quand nous restons trop longtemps sans penser à Lui. Combien, hélas ! pas-sent un quart et même la moitié du jour sans faire une élévation de leur cœur vers Dieu, pour le remercier de tous ses bienfaits, surtout de les avoir faits chrétiens, de les avoir fait naître dans le sein de son Église, de les avoir préservés d'être morts dans le pé-ché. L'avons-nous remercié de tous les sacrements qu'il a établis pour notre sanctification, de notre vocation à la foi ? L'avons-nous remercié de tout ce qu'il a opéré pour notre salut, de son incarna-tion, de sa mort et passion ? N'avons-nous pas eu de l'indifférence pour le service de Dieu en négligeant soit de fréquenter les sa-crements, soit de nous corriger, soit d'avoir souvent recours à la prière ? N'avons-nous pas négligé de nous instruire de la manière de nous comporter pour plaire à Dieu ? Lorsque nous avons vu quelqu'un blasphémer le saint nom de Dieu, ou commettre d'au-tres péchés, n'avons-nous pas été indifférents, comme si cela ne nous regardait pas ? N'avons-nous pas prié sans goût, sans dessein de plaire à Dieu ; plutôt pour nous débarrasser, que pour attirer ses miséricordes sur nous, et nourrir notre pauvre âme ? N'avons-nous point passé le saint jour de dimanche en nous contentant de la messe, des vêpres ; sans faire aucune autre prière, ni visite au Saint-Sacrement, ni lecture spirituelle ? Avons-nous été affligés lorsque nous avons été obligés de manquer les offices ? Avons-nous tâché d'y suppléer par toutes les prières que nous avons pu ?... Avez-vous fait manquer les offices à vos enfants, à vos domestiques sans des raisons graves ?...
Avons-nous bien combattu toutes ces pensées de haine, de vengeance et d'impureté ?
Pour aimer le bon Dieu, M.F., il ne suffit pas de dire qu'on l'aime, il faut, pour bien s'assurer si cela est vrai, voir si nous ob-servons bien ses commandements, et si nous les faisons bien ob-server à ceux dont nous avons la responsabilité devant le bon Dieu. Écoutez Notre-Seigneur : « En vérité, je vous dis que ce n'est pas celui qui dira : Seigneur, Seigneur, qui entrera dans le royaume des cieux ; mais celui qui fera la volonté de Mon Père . » Nous aimons le bon Dieu, quand nous ne cherchons qu'à lui plaire dans tout ce que nous faisons. Il ne faut désirer ni la vie, ni la mort ; toutefois, l'on peut désirer la mort pour avoir le bonheur d'aller vers le bon Dieu . Saint Ignace avait un si grand désir de voir Dieu, que, quand il pensait à la mort, il en pleurait de joie. Cependant dans l'attente de ce grand bonheur, il disait à Dieu, qu'il resterait autant qu'il voudrait sur la terre. Il avait tant à cœur le salut des âmes, qu'un jour ne pouvant convertir un pécheur endurci, il alla se plonger, jusqu'au cou, dans un étang gla-cé afin d'obtenir de Dieu la conversion de ce malheureux. Comme il allait à Paris, un de ses écoliers lui prit en route tout l'argent qu'il avait. Cet écolier étant tombé malade à Rouen, ce bon saint fit le voyage de Paris à cette ville, à pied et sans souliers, pour demander la guérison de celui qui lui avait pris tout son argent. Dites-moi, M.F., est-ce là une charité parfaite ? Vous pensez en vous-mêmes que ce serait déjà beaucoup de pardonner. Vous feriez la même chose, si vous aviez la même charité que ce bon saint. Si nous trouvons si peu de personnes qui feraient cela, M.F., c'est qu'il en est très peu qui ont la charité dans l'âme. Qu'il est consolant que nous puissions aimer Dieu et le prochain sans être savant, ni riche ! Nous avons un cœur, il suffit pour cet amour.
Nous lisons dans l'histoire, que deux solitaires demandaient à Dieu depuis longtemps, qu'il voulût bien leur apprendre la ma-nière de l'aimer et de le servir comme il faut, puisqu'ils n'avaient quitté le monde que pour cela. Ils entendirent une voix qui leur dit d'aller dans la ville d'Alexandrie où demeuraient un homme, nommé Euchariste, et sa femme qui s'appelait Marie. Ceux-là ser-vaient le bon Dieu plus parfaitement que les solitaires, et leur ap-prendraient comment il doit être aimé. Très heureux de cette ré-ponse, les deux solitaires se rendent en toute hâte dans la ville d'Alexandrie. Étant arrivés, ils s'informent, pendant plusieurs jours, sans pouvoir trouver ces deux saints personnages. Crai-gnant que cette voix ne les ait trompés, ils prenaient le parti de retourner dans leur désert, quand ils aperçurent une femme sur la porte de sa maison. Ils lui demandèrent, si elle ne connaîtrait pas par hasard un homme nommé Euchariste. - C'est mon mari, leur dit-elle. - Vous vous appelez donc Marie, lui dirent les solitaires ? - Qui vous a appris mon nom ? - Nous l'avons appris, avec celui de votre mari, par une voix surnaturelle, et nous venons ici pour vous parler. Le mari arriva, sur le soir, conduisant un petit trou-peau de moutons. Les solitaires coururent aussitôt l'embrasser, et le prièrent de lui dire quel était son genre de vie. - Hélas ! mes pères ; je ne suis qu'un pauvre berger. - Ce n'est pas ce que nous vous demandons, lui dirent les solitaires ; dites-nous comment vous vivez et de quelle manière, vous et votre femme, servez le bon Dieu. - Mes pères, c'est bien à vous de me dire ce qu'il faut faire pour servir le bon Dieu ; je ne suis qu'un pauvre ignorant. N'importe ! nous sommes venus de la part de Dieu vous demander comment vous le servez. - Puisque vous me le commandez, je vais vous le dire. J'ai eu le bonheur d'avoir une mère craignant Dieu, qui, dès mon enfance, m'a recommandé de tout faire et de tout souffrir pour l'amour de Dieu. Je souffrais les petites correc-tions que l'on me faisait pour l'amour de Dieu ; je rapportais tout à Dieu : le matin, je me levais, je faisais mes prières et tout mon travail pour son amour. Pour son amour, je prends mon repos et mes repas ; je souffre la faim, la soif, le froid et la chaleur, les ma-ladies et toutes les autres misères. Je n'ai point d'enfants ; j'ai vécu avec ma femme comme avec ma sœur, et toujours dans une grande paix. Voilà toute ma vie et c'est aussi celle de ma femme. - Les solitaires, ravis de voir des âmes si agréables à Dieu, lui demandèrent s'il avait du bien. - J'ai peu de bien, mais ce petit troupeau de moutons que mon père m'a laissés me suffit, j'en ai de reste. Je fais trois parts de mon petit revenu : j'en donne une partie à l'église, une autre aux pauvres, et le reste nous fait vivre ma femme et moi. Je me nourris pauvrement ; mais jamais je ne me plains : je souffre tout cela pour l'amour de Dieu. - Avez-vous des ennemis, lui dirent les solitaires ? - Hélas, mes pères, quel est ce-lui qui n'en a point ? Je tâche de leur faire tout le bien que je peux, je cherche à leur faire plaisir en toute circonstance, et je m'appli-que à ne faire de mal à personne. A ces paroles, les deux solitaires furent comblés de joie d'avoir trouvé un moyen si facile de plaire à Dieu et d'arriver à la haute perfection .
Vous voyez, M.F., que pour aimer le bon Dieu et le pro-chain il n'est pas nécessaire d'être bien savant, ni bien riche ; il suffit de ne chercher qu'à plaire à Dieu, dans tout ce que nous fai-sons ; de faire du bien à tout le monde, aux mauvais comme aux bons, à ceux qui déchirent notre réputation, comme à ceux qui nous aiment, et, qui.... Prenons Jésus-Christ pour notre mo-dèle, nous verrons ce qu'il a fait pour tous les hommes et particulière-ment pour ses bourreaux. Voyez comme il demande pardon, mi-séricorde pour eux ; il les aime, il offre pour eux les mérites de sa mort et passion ; il leur promet le pardon. Si nous n'avons pas cette vertu de charité, nous n'avons rien ; nous ne sommes que des fantômes de chrétiens. Ou nous aimerons tout le monde, même nos plus grands ennemis, ou nous serons réprouvés. Ah ! M.F., puisque cette belle vertu vient du ciel, adressons-nous donc au ciel pour la demander, et nous sommes sûrs de l'obtenir. Si nous possédons la charité, tout en nous plaira au bon Dieu, et par là nous nous assurerons le paradis. C'est le bonheur que je vous sou-haite.

17ème DIMANCHE APRÈS LA PENTE-CÔTE
Sur la pureté

Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt.
Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu.
(S Matth., V, 8.)

Nous lisons dans l'Évangile, que Jésus-Christ, voulant ins-truire le peuple qui venait en foule apprendre de lui ce qu'il fallait faire pour avoir la vie éternelle, s'assit, et ouvrant la bouche, leur dit : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu. » Si nous avions un grand désir de voir Dieu, M.F., ces seu-les paroles ne devraient-elles pas nous faire comprendre combien la pureté nous rend agréables à lui, et combien elle nous est né-cessaire ; puisque, selon Jésus-Christ, sans elle nous ne le verrons jamais. « Bienheureux, nous dit Jésus-Christ, ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront le bon Dieu. » Peut-on espérer une plus grande récompense que celle que Jésus-Christ attache à cette belle et aimable vertu, à savoir, la jouissance des trois personnes de la très sainte Trinité, pendant toute l'éternité ?... Saint Paul, qui en connaissait si bien le prix, écrivant aux Corinthiens, leur dit : « Glorifiez le bon Dieu, puisque vous le portez dans vos corps ; et soyez fidèles à les conserver dans une grande pureté. Rappelez vous bien, mes enfants, que vos membres sont les membres de Jésus-Christ, et que vos cœurs sont les temples du Saint-Esprit. Prenez bien garde de ne pas les souiller par le péché, qui est l'adultère, la fornication, et tout ce qui peut déshonorer votre corps et votre cœur, aux yeux de Dieu la pureté même . » Oh ! M.F., que cette vertu est belle et précieuse, non seulement aux yeux des hommes et des anges, mais aux yeux de Dieu même. Il en fait tant de cas, qu'il ne cesse de la louer dans tous ceux qui sont assez heureux pour la conserver. Aussi, cette vertu inestima-ble fait-elle le plus bel ornement de l'église, et, par conséquent, devrait-elle être la plus chérie des chrétiens. Nous, M.F., qui, dans le saint baptême, avons été arrosés par le sang adorable de Jésus-Christ, la pureté même ; dans ce sang adorable qui a tant engendré de vierges de l'un et de l'autre sexe ; nous, à qui Jésus-Christ a fait part de sa pureté en nous rendant ses membres et son temple... Mais, hélas ! M.F., dans ce malheureux siècle de corruption où nous vivons, on ne connaît plus cette vertu, cette céleste vertu qui nous rend semblables aux anges.... Oui, M.F., la pureté est une vertu qui nous est nécessaire à tous, puisque, sans elle, personne ne verra le bon Dieu. Je voudrais vous en faire concevoir une idée digne de Dieu, et vous montrer, 1? combien elle nous rend agréa-bles à ses yeux en donnant un nouveau degré de sainteté à toutes nos actions, et 2? ce que nous devons faire pour la conserver.

I. - Il faudrait, M.F., pour bien vous faire comprendre l'es-time que nous devons avoir de cette incomparable vertu, pour vous faire le récit de sa beauté, et vous en faire apprécier la valeur auprès de Dieu, il faudrait non un homme mortel, mais un ange du ciel. En l'entendant, vous diriez avec étonnement : Comment tous les hommes ne sont-ils pas prêts à tout sacrifier plutôt que de per-dre une vertu qui nous unit d'une manière intime avec Dieu ? Es-sayons cependant d'en concevoir quelque chose en considérant que cette vertu vient du ciel, qu'elle fait descendre Jésus-Christ sur la terre, et qu'elle élève l'homme jusqu'au ciel, par la ressem-blance qu'elle lui donne avec les anges, avec Jésus-Christ lui-même. Dites-moi, M.F., d'après cela, ne mérite-t-elle pas le titre de précieuse vertu ? N'est-elle pas digne de toute notre estime et de tous les sacrifices nécessaires pour la conserver ?
Nous disons que la pureté vient du ciel, parce qu'il n'y avait que Jésus-Christ lui-même qui fût capable de nous l'apprendre et de nous en faire sentir toute la valeur. Il nous a laissé des exem-ples prodigieux de l'estime qu'il a eue de cette vertu. Ayant résolu, dans la grandeur de sa miséricorde, de racheter le monde, il prit un corps mortel comme le nôtre ; mais il voulut choisir une vierge pour mère. Quelle fut cette incomparable créature, M.F. ? Ce fut Marie, la plus pure entre toutes, et qui, par une grâce accordée à nulle autre, fut exempte du péché originel. Elle consacra sa virgi-nité au bon Dieu dès l'âge de trois ans, et en lui offrant son corps, son âme, elle lui fit le sacrifice le plus saint, le plus pur et le plus agréable que Dieu ait jamais reçu d'une créature sur la terre. Elle le soutint par une fidélité inviolable à garder sa pureté et à éviter tout ce qui pouvait tant soit peu en ternir l'éclat. Nous voyons que la sainte Vierge faisait tant de cas de cette vertu, qu'elle ne voulait pas consentir à être Mère de Dieu avant que l'ange ne lui eût assu-ré qu'elle ne la perdrait pas : Mais l'ange lui ayant dit que, en de-venant la Mère de Dieu, bien loin de perdre ou de ternir sa pureté dont elle faisait tant d'estime, elle n'en serait que plus pure et plus agréable à Dieu, elle consentit alors volontiers, afin de donner un nouvel éclat à cette pureté virginale . Nous voyons encore que Jésus-Christ choisit un père nourricier qui était pauvre, il est vrai ; mais il voulut que sa pureté fut au-dessus de celle de toutes les autres créatures, la sainte Vierge exceptée. Parmi ses disciples, il en distingua un, à qui il témoigna une amitié et une confiance sin-gulières, à qui il fit part de ses plus grands secrets ; mais il prit le plus pur de tous, et qui était consacré à Dieu dès sa jeunesse.
Saint Ambroise nous dit que la pureté nous élève jusqu'au ciel et nous fait quitter la terre, autant qu'il est possible à une créa-ture de la quitter. Elle nous élève au-dessus de la créature corrompue et, par ses sentiments et ses désirs, elle nous fait vivre de la vie même des anges. D'après saint Jean Chrysostome, la chasteté d'une âme est d'un plus grand prix aux yeux de Dieu que celle des anges, parce que les chrétiens ne peuvent acquérir cette vertu que par les combats, au lieu que les anges l'ont par nature. Les anges n'ont rien à combattre pour la conserver, tandis qu'un chrétien est obligé de se faire à lui-même une guerre continuelle. Saint Cyprien ajoute que, non seulement la chasteté nous rend semblables aux anges, mais encore nous donne un caractère de ressemblance avec Jésus-Christ lui-même. Oui, nous dit ce grand saint, une âme chaste est une image vivante de Dieu sur la terre.
Plus une âme se détache d'elle-même par la résistance à ses passions, plus elle s'attache à Dieu ; et, par un heureux retour, plus le bon Dieu s'attache à elle : il la regarde, il la considère comme son épouse et sa bien-aimée ; il en fait l'objet de ses plus chères complaisances et y fixe sa demeure pour jamais. « Heureux, nous dit le Sauveur, ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront le bon Dieu . » Selon saint Basile, si nous trouvons la chasteté dans une âme, nous y trouvons toutes les autres vertus chrétiennes ; elle les pratiquera avec une grande facilité, « parce que, nous dit-il, pour être chaste, il faut s'imposer beaucoup de sacrifices et se faire une grande violence. Mais une fois qu'elle a remporté de telles victoires sur le démon, la chair et le sang, tout le reste lui coûte fort peu ; car une âme qui commande avec empire à ce corps sensuel surmonte facilement tous les obstacles qu'elle rencontre dans le chemin de la vertu. » Aussi, voyons-nous, M.F., que les chrétiens qui sont chastes sont les plus parfaits. Nous les voyons réservés dans leurs paroles, modestes dans toutes leurs démarches, sobres dans leurs repas, res-pectueux dans le lieu saint et édifiants dans toute leur conduite. Saint Augustin compare ceux qui ont le grand bonheur de conserver leur cœur pur, aux lis qui montent droit au ciel et qui répandent autour d'eux une odeur très agréable ; leur vue seule nous fait penser à cette précieuse vertu. Ainsi la sainte Vierge inspirait la pureté à tous ceux qui la regardaient... Heureuse vertu, M.F., qui nous met au rang des anges, qui semble même nous élever au-dessus d'eux ! Tous les saints en ont fait le plus grand cas et ont mieux aimé perdre leurs biens, leur réputation et leur vie même que de ternir cette belle vertu.
Nous en avons un bel exemple dans la personne de sainte Agnès. Sa beauté et ses richesses l'avaient fait rechercher, à l'âge de douze ans, par le fils du préfet de la ville de Rome. Elle lui fait connaître qu'elle s'était consacrée au bon Dieu. Elle fut arrêtée sous le prétexte qu'elle était chrétienne, mais en réalité afin qu'elle consentît aux désirs du jeune homme. Elle était tellement unie au bon Dieu que ni les promesses, ni les menaces, ni la vue des bour-reaux et des instruments étalés devant elle pour l'effrayer, ne lui firent changer de sentiments. Ses persécuteurs ne pouvant rien gagner sur elle, ils la chargèrent de chaînes, et voulurent lui met-tre un carcan et des anneaux de fer au cou et aux mains ; ils ne pu-rent y réussir, tant étaient faibles ses pauvres petites mains inno-centes. Elle demeura ferme dans sa résolution, au milieu de ces loups enragés, et elle offrit son petit corps aux tourments avec un courage qui étonna les bourreaux. On la traîne aux pieds des ido-les ; mais elle confesse hautement qu'elle ne reconnaît pour Dieu que Jésus-Christ, et que leurs idoles ne sont que des démons. Le juge cruel et barbare, voyant qu'il ne peut rien gagner, croit qu'elle sera plus sensible à la perte de cette pureté dont elle fait tant de cas. Il la menace de la faire exposer dans un lieu infâme ; mais elle lui répond avec fermeté : « Vous pouvez bien me faire mou-rir, mais vous ne pourrez jamais me faire perdre ce trésor : Jésus-Christ lui-même en est trop jaloux. » Le juge, mourant de rage, la fait conduire dans ce lieu d'ordures infernales. Mais Jésus-Christ, qui veillait sur elle d'une manière particulière, inspire un si grand respect aux gardes, qu'ils ne la regardaient qu'avec une espèce de frayeur, et il commande à un de ses anges de la protéger. Les jeu-nes gens, qui entrent dans cette chambre, brûlants d'un feu impur, voyant un ange à côté d'elle, plus beau que le soleil, en sortent tout brûlants de l'amour divin. Mais le fils du préfet, plus méchant et plus corrompu que les autres, pénètre dans la chambre où était sainte Agnès. Sans avoir égard à toutes ces merveilles, il s'appro-che d'elle dans l'espérance de contenter ses désirs impurs ; mais l'ange qui garde la jeune martyre frappe le libertin, qui tombe mort à ses pieds. Aussitôt se répand dans Rome le bruit que le fils du préfet avait été tué par Agnès. Le père, tout en fureur, vient trouver la sainte et se livre à tout ce que son désespoir peut lui inspirer. Il l'appelle furie de l'enfer, monstre né pour la désolation de sa vie, puisqu'elle avait fait mourir son fils. Sainte Agnès lui répond tranquillement : « C'est qu'il a voulu me faire violence, alors mon ange lui a donné la mort. » Le préfet un peu adouci, lui dit : « Eh bien ! prie ton Dieu de le ressusciter, afin que l'on ne dise pas que c'est toi qui l'as fait mourir. - Sans doute, lui dit la sainte, vous ne méritez pas cette grâce ; mais afin que vous sa-chiez que les chrétiens ne se vengent jamais, qu'au contraire, ils rendent le bien pour le mal, sortez d'ici, et je vais prier le bon Dieu pour lui. ». Alors Agnès se jette à genoux, prosternée la face contre terre. Pendant qu'elle prie, son ange lui apparaît et lui dit : « Prenez courage. » Au même instant le corps inanimé reprend la vie : Le jeune homme ressuscité par les prières de la sainte, s'élance de la maison, court par les rues de Rome en criant : « Non, non, mes amis, il n'y a point d'autre Dieu que celui des chrétiens ; tous les dieux que nous adorons ne sont que des dé-mons qui nous trompent et nous traînent en enfer. » Cependant, malgré un si grand miracle, on ne laissa pas que de la condamner à mort. Alors le lieutenant du préfet commande qu'on allume un grand feu, et l'y fait jeter. Mais les flammes s'entr'ouvrant, ne lui font aucun mal et brûlent les idolâtres accourus pour être les spec-tateurs de ses combats. Le lieutenant voyant que le feu la respec-tait et ne lui faisait aucun mal ; ordonne qu'on la frappe d'un coup d'épée à la gorge, afin de lui ôter la vie ; mais le bourreau tremble comme si lui-même était condamné à la mort... Comme les pa-rents de sainte Agnès pleuraient la mort de leur fille, elle leur ap-parut en leur disant : « Ne pleurez pas ma mort, au contraire, ré-jouissez-vous de ce que j'ai acquis une si grande gloire dans le ciel . »
Vous voyez, M.F., ce que cette vierge a souffert plutôt que de perdre sa virginité. Concevez maintenant l'estime que vous de-vez avoir de la pureté, et combien le bon Dieu se plaît à faire des miracles pour s'en montrer le protecteur et le gardien. Comme cet exemple confondra un jour ces jeunes gens qui font si peu de cas de cette belle vertu ! Ils n'en n'ont jamais connu le prix. Le Saint-Esprit a donc bien raison de s'écrier : « Oh ! qu'elle est belle cette génération chaste ; sa mémoire est éternelle, et sa gloire brille de-vant les hommes et les anges ! » IL est certain, M.F., que chacun aime ses semblables ; aussi les anges, qui sont des esprits purs, aiment et protègent d'une manière particulière les âmes qui imitent leur pureté. Nous lisons dans l'Écriture sainte que l'ange Raphaël, qui accompagna le jeune Tobie, lui rendit mille offices. Il le préserva d'être dévoré par un poisson, d'être étranglé par le dé-mon. Si ce jeune homme n'avait pas été chaste, très certainement l'ange ne l'aurait pas accompagné et ne lui aurait pas rendu tant de services. De quel plaisir ne jouit pas l'ange gardien qui conduit une âme pure !
Il n'y a point de vertu pour la conservation de laquelle le bon Dieu fasse des miracles aussi nombreux que ceux qu'il prodigue en faveur d'une personne qui connaît le prix de la pureté et qui s'efforce de la sauvegarder. Voyez ce qu'il fit pour sainte Cécile. Née à Rome de parents très riches, elle était très instruite de la re-ligion chrétienne, et suivant l'inspiration de Dieu, elle lui consacra sa virginité. Ses parents, qui ne le savaient pas, la promirent en ma-riage à Valérien, fils d'un sénateur de la ville. C'était, selon le monde, un parti très considéré. Elle demanda à ses parents le temps d'y penser. Elle passa ce temps dans le jeûne, la prière et les larmes, pour obtenir de Dieu la grâce de ne pas perdre la fleur de cette vertu qu'elle estimait plus que sa vie. Le bon Dieu lui ré-pondit de ne rien craindre et d'obéir à ses parents ; car, non seu-lement elle ne perdrait pas cette vertu, mais que celui qu'elle au-rait.... Elle con-sentit donc au mariage. Le jour de ses noces, lors-que Valérien se présenta, elle lui dit : « Mon cher Valérien, j'ai un secret à vous communiquer. Celui-ci lui répondit : Quel est ce se-cret ? - J'ai consacré ma virginité à Dieu et jamais homme ne me touchera, car j'ai un ange qui veille sur ma pureté ; et si vous y at-tentiez, il vous frapperait de mort. » - Valérien fut fort surpris de ce langage, parce qu'étant païen, il ne comprenait rien à tout cela. Il répondit : « Montrez-moi cet ange qui vous garde, » La sainte répliqua : « Vous ne pouvez le voir parce que vous êtes païen. Al-lez trouver de ma part le pape Urbain, et demandez-lui le bap-tême, vous verrez ensuite mon ange. » Sur-le-champ, il part. Après avoir été baptisé par le Pape, il revient trouver son épouse. Entrant dans sa chambre, il aperçoit l'ange veillant avec sainte Cécile. Il le trouve si beau, si brillant de gloire, qu'il en est char-mé et touché. Non seulement il permit à son épouse de rester consacrée à Dieu, mais lui-même fit vœu de virginité. Ils eurent bientôt l'un et l'autre le bonheur de mourir martyrs . Voyez-vous comment le bon Dieu prend soin d'une personne qui aime cette incomparable vertu et travaille à la conserver ?
Nous lisons dans la vie de saint Edmond ,qu'étudiant à Paris il se trouva avec quelques personnes qui disaient des sottises, il les quitta de suite. Cette action fut si agréable à Dieu, qu'il lui apparut sous la forme d'un bel enfant et le salua d'un air fort gracieux, lui disant qu'il l'avait vu avec satisfaction quitter ses compagnons qui tenaient des discours licencieux ; et, pour l'en récompenser, il lui promit qu'il serait toujours avec lui. De plus, saint Edmond eut le grand bonheur de conserver son innocence jusqu'à la mort. Quand sainte Lucie alla sur le tombeau de sainte Agathe pour demander au bon Dieu, par son intercession, la guérison de sa mère, sainte Agathe lui apparut et lui dit qu'elle pouvait obtenir, par elle-même, ce qu'elle demandait, parce que, par sa pureté, elle avait préparé dans son cœur une demeure très agréable à son Créateur . Ceci nous montre que le bon Dieu ne peut rien refuser à celui qui a le bonheur de conserver purs son corps et son âme...
Écoutez le récit de ce qui arriva à sainte Potamienne qui vi-vait au temps de la persécution de Maximien . Cette jeune fille était esclave d'un maître débauché et libertin, qui ne cessait de la solliciter au mal. Elle aima mieux souffrir toutes sortes de cruau-tés et de supplices que de consentir aux sollicitations de ce maître infâme. Celui-ci, voyant qu'il ne pouvait rien gagner, dans sa fu-reur, la fit remettre comme chrétienne entre les mains du gouver-neur auquel il promit une grande récompense s'il pouvait la ga-gner. Le juge fit conduire cette vierge devant son tribunal, et voyant que toutes les menaces ne la faisaient pas changer de sen-timents, il lui fit endurer tout ce que la rage put lui inspirer. Mais le bon Dieu, qui n'abandonne jamais ceux qui se sont consacrés à lui, donna à la jeune martyre tant de force qu'elle semblait être in-sensible à tous les tourments. Ce juge inique ne pouvant vaincre sa résistance, fit placer sur un feu très ardent une chaudière rem-plie de poix, et lui dit : « Regarde ce que l'on te prépare, si tu n'obéis pas à ton maître. » La sainte fille répondit sans se trou-bler : « J'aime mieux souffrir tout ce que votre fureur pourra vous inspirer qu'obéir aux infâmes volontés de mon maître ; d'ailleurs, je n'aurais jamais cru qu'un juge fût si injuste que de vouloir me faire obéir aux desseins d'un maître débauché. » Le tyran, irrité de cette réponse, commanda qu'on la jetât dans la chaudière. « Du moins, ordonnez, lui dit-elle, que j'y sois jetée toute vêtue. Vous verrez quelle force le bon Dieu que nous adorons, donne à ceux qui souffrent pour lui. » Après trois heures de supplice, Pota-mienne rendit sa belle âme à son Créateur, et ainsi remporta la double palme du martyre et de la virginité.
Hélas ! M.F., que cette vertu est peu connue dans le monde, que nous l'estimons peu, que nous prenons peu de soin pour la conserver, que nous avons peu de zèle à la demander à Dieu, puisque nous ne pouvons l'avoir de nous-même. Non, nous ne connaissons point cette belle et aimable vertu qui gagne si facile-ment le cœur de Dieu, qui donne un si beau lustre à toutes nos au-tres bonnes œuvres, qui nous élève au-dessus de nous-même, qui nous fait vivre sur la terre comme les anges dans le ciel !...
Non, M.F., elle n'est pas connue de ces vieux infâmes impu-diques qui se traînent, se roulent et se noient dans la fange de leurs turpitudes, dont le cœur est semblable à ces...... sur le haut des montagnes......rôtis et brûlés par ces feux impurs. Hélas ! bien loin de chercher à l'éteindre, ils ne cessent de l'allumer et de l'enflammer par leurs regards, leurs pensées, leurs désirs et leurs actions. Dans quel état sera cette âme, quand elle paraîtra devant un Dieu, la pureté même ? Non, M.F., cette belle vertu n'est pas connue de cette personne, dont les lèvres ne sont qu'une bouche et qu'un tuyau dont l'enfer se sert pour vomir ses impuretés sur la terre ; et qui s'en nourrit comme d'un pain quotidien. Hélas ! leur pauvre âme n'est plus qu'un objet d'horreur au ciel et à la terre ! Non, M.F., elle n'est pas connue cette aimable vertu de pureté de ces jeunes gens dont les yeux et les mains sont souillés par des regards et .... O Dieu, combien d'âmes ce péché traîne dans les enfers !... Non, M.F., cette belle vertu n'est pas connue de ces fil-les mondaines et corrompues qui prennent tant de précautions et de soins pour attirer sur elles les yeux du monde ; qui, par leurs parures recherchées et indécentes, annoncent publiquement qu'el-les sont d'infâmes instruments dont l'enfer se sert pour perdre les âmes ; ces âmes, qui ont tant coûté de travaux, de larmes et de tourments à Jésus-Christ !... Regardez-les, ces malheureuses, et vous verrez que mille démons environnent leur tête et leur poi-trine. O mon Dieu, comment la terre peut-elle supporter de tels suppôts de l'enfer ? Chose plus étonnante encore, comment des mères les souffrent-elles dans un état indigne d'une chrétienne ! Si je ne craignais d'aller trop loin, je dirais à ces mères qu'elles ne valent pas plus que leurs filles. Hélas ! ce malheureux cœur et ces yeux impurs ne sont qu'une source empoisonnée qui donne la mort à quiconque les regarde ou les écoute. Comment de tels, monstres osent-ils se présenter devant un Dieu saint et si ennemi de l'impureté ! Hélas ! leur pauvre vie n'est autre chose qu'un monceau de graisse qu'elles amassent pour enflammer les feux de l'enfer pendant toute l'éternité. Mais, M.F., quittons une matière si dégoûtante et si révoltante pour un chrétien, dont la pureté doit imiter celle de Jésus-Christ lui-même ; et revenons à notre belle vertu de pureté qui nous élève jusqu'au ciel, qui nous ouvre le cœur adorable de Jésus-Christ, et nous attire toutes sortes de bé-nédictions spirituelles et temporelles.

II. - Nous avons dit, M.F., que cette vertu est d'un grand prix aux yeux de Dieu ; disons aussi qu'elle ne manque pas d'en-nemis qui s'efforcent de nous la faire perdre. Nous pouvons même dire que presque tout ce qui nous environne travaille à nous la ra-vir. Le démon est un de nos plus cruels ennemis ; comme il vit dans l'ordure des vices impurs, comme il sait qu'il n'y a point de péché qui outrage tant le bon Dieu et qu'il connaît combien lui est agréable une âme pure, il nous tend toutes sortes de pièges pour nous enlever cette vertu. D'un autre côté, le monde qui ne cherche que ses aises et ses plaisirs, travaille aussi à nous la faire perdre, souvent en paraissant nous témoigner de l'amitié. Mais, nous pou-vons dire que notre plus cruel et notre plus dangereux ennemi, c'est nous-mêmes, c'est-à-dire, notre chair qui, ayant été déjà gâ-tée et corrompue par le péché d'Adam, nous porte avec une sorte de fureur à la corruption. Si nous ne sommes pas continuellement sur nos gardes, elle nous a bientôt brûlés et dévorés par ses flam-mes impures. - Mais, me direz-vous, puisqu'il est si difficile de conserver cette vertu, si précieuse aux yeux de Dieu, que faut-il donc faire ? - M.F., en voici les moyens. Le premier est de bien veiller sur nos yeux, nos pensées, nos paroles et nos actions ; le second d'avoir recours à la prière ; le troisième de fréquenter les sacrements souvent et dignement ; le quatrième de fuir tout ce qui est capable de nous porter au mal ; le cinquième d'avoir une grande dévotion à la sainte Vierge. Si nous faisons cela, malgré tous nos ennemis et malgré la fragilité de cette vertu, nous som-mes cependant sûrs de la conserver.

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 19:22
Saint-Ursanne

Nous disons, M.F., que si nous aimons véritablement le bon Dieu, nous devons grandement désirer de le voir aimer par toutes les créatures. Nous en avons un bel exemple dans l'histoire, et nous y voyons un beau spectacle de l'amour divin. On vit une femme, au milieu de la ville d'Alexandrie, tenant d'une main un vase plein d'eau, et de l'autre un flambeau allumé. Ceux qui la vi-rent, tout étonnés, lui demandèrent ce qu'elle prétendait faire avec tout cet appareil. « Je voudrais, répondit-elle, avec ce flambeau, embraser tout le ciel et tous les cœurs des hommes, et, avec cette eau, éteindre tout le feu de l'enfer, afin que, désormais, l'on n'ai-mât plus le bon Dieu ni par l'espérance de la récompense, ni par crainte de la punition réservée aux pécheurs ; mais uniquement parce qu'il est bon, et qu'il mérite d'être aimé. » Beaux sentiments, M.F., dignes de la grandeur de l'âme qui connaît ce que c'est que Dieu, et combien il mérite par lui-même toutes les affections de notre cœur. L'on raconté dans l'histoire des Japonais, que, quand on leur annonçait l'Évangile, qu'on les instruisait de Dieu et de ses amabilités, surtout quand on leur apprenait les grands mystères de notre sainte religion, et tout ce que le bon Dieu avait fait pour les hommes : un Dieu naissant dans une pauvre étable, couché sur une poignée de paille dans les rigueurs de l'hiver, un Dieu souf-frant et mourant sur une croix pour nous sauver ; ils étaient si étonnés de tant de merveilles que Dieu avait faites pour notre sa-lut, qu'on les entendait s'écrier tout transportés d'amour : « Oh ! qu'il est grand ! oh ! qu'il est bon ! oh !qu'il est aimable, le Dieu des chrétiens ! » Mais quand ensuite on leur disait qu'il y avait un commandement qui leur ordonnait d'aimer le bon Dieu et qui les menaçait de châtiments s'ils ne l'aimaient pas, ils en étaient telle-ment surpris, qu'ils ne pouvaient plus revenir de leur étonnement. « Eh quoi ! disaient-ils, à des hommes raisonnable, faire un pré-cepte d'aimer un Dieu qui nous a tant aimés !... mais, n'est-ce pas le plus grand bonheur de l'aimer et le plus grand malheur de ne pas l'aimer ? Eh quoi ! disaient-ils aux missionnaires, les chrétiens ne sont-ils pas toujours au pied des autels de leur Dieu, tout péné-trés de la grandeur de ses bontés et tout embrasés de son amour ? » Et quand on venait à leur apprendre que, non seulement il y en avait qui ne l'aimaient pas, mais encore qui l'offensaient : « O peuple injuste ! Ô peuple barbare ! s'écriaient-ils avec indi-gnation, est-il bien possible que des chrétiens soient capables de tel outrage envers un Dieu si bon ? Dans quelle terre maudite ha-bitent donc ces hommes sans cœur et sans sentiments ? »
Hélas ! d'après la manière dont nous nous conduisons envers le bon Dieu, nous ne méritons que trop ces reproches ! Oui, M.F., un jour viendra où ces nations éloignées et étrangères appelleront ces témoignages, contre nous, nous accuseront et nous condamne-ront devant Dieu. Que de chrétiens passent leur vie sans aimer le bon Dieu ! Hélas ! peut-être en trouverons-nous plusieurs, au grand jour du jugement, qui n'auront pas donné un seul jour tout entier au bon Dieu ! Hélas ! quel malheur ! ...
Saint Justin nous dit que l'amour a ordinairement trois ef-fets. Quand nous aimons quelqu'un, nous pensons souvent, et vo-lontiers à lui ; nous donnons volontiers pour lui et nous souffrons volontiers pour lui : voilà, M.F., ce que nous devons faire pour le bon Dieu, si nous l'aimons véritablement. Je dis 1?, que nous de-vons souvent penser à Jésus-Christ. Rien n'est plus naturel que de penser à ceux qu'on aime. Voyez un avare : il n'est occupé que de ses biens ou du moyen de les augmenter ; seul ou en compagnie, rien n'est capable de le distraire de cette pensée. Voyez un liber-tin : la personne qui fait tout l'objet de son amour, ne le quitte guère plus que la respiration ; il y pense tellement que, souvent, son corps en est si accablé qu'il en est malade. Oh ! si nous avions le bonheur d'aimer autant Jésus-Christ qu'un avare aime son ar-gent ou ses terres, qu'un ivrogne, son vin, qu'un libertin, l'objet de sa passion, ne serions-nous pas continuellement occupés de l'amour et des grandeurs de Jésus-Christ ? Hélas ! M.F., nous nous occupons de mille choses qui, presque toutes, n'aboutissent à rien ; tandis que, pour Jésus-Christ, nous passons des heures et même des jours entiers sans nous souvenir de lui, ou d'une ma-nière si faible, que nous croyons à peine ce que nous pensons. O mon Dieu, comment ne vous aime-t-on pas ! Cependant, M.F., de tous nos amis y en a-t-il un plus généreux, plus bienfaisant ? Di-tes-moi, si nous avions bien pensé qu'en écoutant le démon qui nous portait au mal, nous avons grandement affligé Jésus-Christ, que nous l'avons fait mourir une seconde fois, aurions-nous eu ce courage ?... n'aurions-nous pas dit : Comment, mon Dieu, pour-rais-je vous offenser, vous qui nous avez tant aimés ! Oui, mon Dieu, le jour et la nuit mon esprit et mon cœur ne seront occupés que de vous.
2? Je dis que si nous aimons véritablement le bon Dieu, nous lui donnerons tout ce qu'il est en notre pouvoir de lui donner, et cela, avec un grand plaisir. Si nous avons du bien, faisons-en part aux pauvres, c'est comme si nous le donnions à Jésus-Christ lui-même ; c'est lui qui nous dit dans l'Évangile : « Tout ce que vous donnerez au moindre des miens, c'est-à-dire aux pauvres, c'est comme si vous le donniez à moi-même . » Quel bonheur, M.F., pour une créature, de pouvoir être libérale envers son créa-teur, son Dieu et son Sauveur ! Ce ne sont pas seulement les ri-ches qui peuvent donner ; mais tous les chrétiens, même les plus pauvres. Nous n'avons pas tous des biens pour les donner à Jésus-Christ dans la personne des pauvres ; mais nous avons tous un cœur, et c'est précisément de ce présent qu'il est le plus jaloux ; c'est celui-là qu'il demande avec tant d'empressement. Dites-moi, M.F., pourrions-nous lui refuser ce qu'il nous demande avec tant d'instances, lui qui ne nous a créés que pour lui ? Ah ! si nous y pensions bien, ne dirions-nous pas au divin Sauveur : « Seigneur, je ne suis qu'un pécheur, ayez pitié de moi ; me voilà tout à vous. » Que nous serions heureux si nous faisions cette offrande universelle au bon Dieu ! que notre récompense serait grande !...
3? Mais cependant la meilleure marque d'amour que nous puissions donner au bon Dieu, c'est de souffrir pour lui ; car, si nous voulions bien considérer ce qu'il a souffert pour nous, nous ne pourrions pas nous empêcher de souffrir toutes les misères de la vie, les persécutions, les maladies, les infirmités et la pauvreté : Qui ne se laisserait. pas attendrir à la vue de tout ce que Jésus-Christ a souffert pendant sa vie mortelle ? Que d'outrages ne lui font pas souffrir les hommes, par la profanation de ses sacre-ments, par le mépris de sa religion sainte, dont l'établissement lui a tant coûté ? Quel aveuglement, M.F., de ne pas aimer un Dieu si aimable et qui ne cherche, en tout, que notre bonheur ! Nous avons un bel exemple dans la personne de sainte Magdeleine, de-venue célèbre dans toute l'Église par ce grand amour qu'elle a eu pour Jésus-Christ . Une fois qu'elle fut à lui, elle ne le quitta plus ; non seulement de cœur, mais encore réellement : le suivant dans ses voyages, l'assistant de ses biens, et l'accompagnant jusqu'au calvaire : Elle fut présente à sa mort, elle prépara les par-fums pour embaumer son corps et se rendit de grand matin au sépulcre . N'y trouvant plus le corps de Jésus-Christ, elle s'en prend au ciel, à la terre ; elle supplie les anges et les hommes de lui dire où ils ont mis son Sauveur ; parce qu'elle veut le trouver à quel prix que ce soit. Son amour était si ardent que nous pouvons dire qu'il fut impossible à Jésus-Christ de se cacher à elle ; car, elle n'a pensé qu'à lui, elle n'a désiré et n'à voulu que lui ; toutes choses ne lui sont rien ; elle n'a eu ni respect humain, ni crainte d'être méprisée ou raillée ; elle a abandonné tous ses biens, elle a foulé aux pieds les parures et les plaisirs pour courir à la suite de son bien-aimé ; tout le reste ne lui est plus rien.
Écoutez encore la leçon que nous donne saint Dominique . Ce saint patriarche dont l'amour de Dieu avait rempli tous les dé-sirs, après avoir prêché toute la journée, passait les nuits entières en contemplation ; il se croyait déjà dans le ciel, et ne pouvait comprendre que l'on puisse vivre sans aimer le bon Dieu, puisque nous y trouvons tout notre bonheur. Un jour qu'il fut pris par des hérétiques, Dieu fit un miracle pour le tirer d'entre leurs mains. « Qu'auriez-vous fait, lui dit un de ses amis, s'ils avaient voulu vous faire mourir ? » - « Ah ! je les aurais conjurés de ne pas me faire mourir tout d'un coup, mais de me couper en tant petits mor-ceaux qu'ils l'auraient pu ; ensuite de m'arracher la langue et les yeux, et, après avoir roulé le reste de mon corps dans mon sang, de me trancher la tête. Je les aurais priés de ne laisser aucune par-tie de mon corps sans la faire souffrir. Ah ! c'est alors que j'aurais eu le bonheur de dire véritablement au bon Dieu que je l'aime. Oui, je voudrais être maître de tous les cœurs des hommes, afin de les faire tous brûler d'amour. » Quel beau langage part de ce cœur brûlant de l'amour divin ! Toute sa vie ce grand saint chercha le moyen de mourir martyr, pour montrer au bon Dieu que vraiment il l'aimait.
Voyez encore saint Ignace, martyr, évêque d'Antioche, qui fut condamné, par l'empereur Trajan, à être exposé aux bêtes. Il eut tant de joie d'entendre la sentence qui le condamnait à être dé-voré par les bêtes, qu'il crut mourir de bonheur. IL n'avait qu'une seule crainte, c'est que les chrétiens n'obtinssent sa grâce. Il leur écrivit en leur disant : « Mes amis, que je devienne la proie des bêtes et que je sois moulu comme un grain de froment de Dieu pour devenir le pain de Jésus-Christ. Je sais, mes amis, qu'il m'est très utile de souffrir ; il faut que les fers, les gibets, les bêtes fa-rouches déchirent mes membres et les brisent dans mon corps, et que tous les tourments viennent fondre sur moi. Tout m'est bon pourvu que j'arrive à la possession de Dieu. Je commence mainte-nant à aimer Jésus-Christ ; c'est à présent que je suis son disciple. Je n'ai plus que du dégoût pour les choses de la vie, je ne suis af-famé que du pain de mon Dieu, qui doit me rassasier pendant l'éternité ; je ne suis altéré que de la chair de Jésus-Christ, qui n'est que charité . » Dites-moi, M.F., peut-on trouver un cœur plus embrasé de l'amour de Dieu ? En effet, il fut dévoré par les lions, qui ne laissèrent que quelques parties de son corps.
Que faut-il conclure de tout cela, M.F., sinon que tout notre bonheur sur la terre est de nous attacher, à Dieu ? C'est-à-dire, il faut que, dans tout ce que nous faisons, le bon Dieu soit l'unique but ; puisque nous savons tous par notre propre expérience que rien de créé n'est capable de nous rendre heureux, que le monde entier avec tous ses biens, ses plaisirs ne saurait satisfaire notre cœur. Ne perdez jamais de vue, M.F., que tout nous quittera. Un moment viendra où tout ce que nous avons passera à d'autres mains... Au lieu que si nous avons le grand bonheur de posséder l'amour de Dieu nous l'emporterons dans le ciel, ce qui fera notre bonheur pendant l'éternité. Aimer Dieu, ne servir que lui seul et ne désirer que sa possession : voilà le bonheur que je vous sou-haite.
17ème DIMANCHE APRÈS LA PENTE-CÔTE
Sur la Charité
(FRAGMENTS)

Diliges Deum tuum in toto corde tuo
Vous aimerez le Seigneur de tout votre cœur
(S.Matth., XXII, 37.)

Pour servir le bon Dieu parfaitement, ah ! ce n'est pas assez de croire en lui. Il est vrai que la foi nous fait croire toutes les vé-rités que l'Église nous enseigne, et que, sans cette foi, toutes nos actions sont sans mérite aux yeux de Dieu. La foi nous est donc absolument nécessaire pour nous sauver. Cependant cette foi pré-cieuse qui nous découvre d'avance les beautés du ciel nous quitte-ra un jour, parce que, dans l'autre vie, il n'y aura plus de mystères. L'espérance, qui est un don du ciel, nous est aussi nécessaire pour nous faire agir avec des intentions bien droites et bien pures, dans la seule vue de plaire à Dieu, en tout ce que nous faisons, soit pour gagner le ciel, soit pour éviter l'enfer. Mais la charité nous porte à aimer Dieu parce qu'il est, infiniment bon, infiniment ai-mable et qu'il mérite d'être aimé.
Mais, me direz-vous, comment donc connaître si nous avons cette belle vertu qui est si agréable à Dieu, et qui nous fait agir avec tant de noblesse ; c'est-à-dire, qui nous porte à aimer le bon Dieu, non par la crainte des peines de l'enfer, ni par l'espérance du ciel ; mais unique-ment à cause de ses perfections infinies ? - Ce qui doit nous porter à tant désirer et à tant demander au bon Dieu cette belle vertu, c'est qu'elle doit nous accompa-gner toute l'éternité. Bien plus, c'est la charité qui doit faire tout notre bonheur ; puisque la félicité des bienheu-reux consiste à aimer. Cette vertu si belle ; si capable de nous rendre heureux, même dès ce monde, voyons, M.F., si nous l'avons, et cherchons les moyens de l'ac-quérir.

I. - Si je demandais à un enfant : Qu'est-ce que la charité ? Il me répondrait : C'est une vertu qui nous vient du ciel, par laquelle nous aimons Dieu de tout notre cœur, et le prochain comme nous-mêmes par rapport à Dieu. - Mais, me demanderez-vous mainte-nant, qu'est-ce qu'aimer le bon Dieu par-dessus toutes choses, et plus que soi-même ? - C'est le préférer à tout ce qui est créé ; c'est être dans la disposition de perdre son bien, sa réputation, ses pa-rents et ses amis, ses enfants ; son mari ou sa femme et sa vie même, plutôt que de commettre le moindre péché mortel . Saint Augustin nous dit qu'aimer Dieu parfaitement, c'est l'aimer sans mesure, quand il n'y aurait ni ciel à espérer, ni enfer à craindre ; c'est l'aimer de toute l'étendue de son cœur. Si vous m'en deman-dez la raison, c'est que Dieu est infiniment aimable et digne d'être aimé. Si nous l'aimons véritablement, ni les souffrances, ni les persécutions, ni le mépris, ni la vie, ni la mort ne pourront nous ravir cet amour que nous devons à Dieu.
Nous sentons nous-mêmes, M.F., que si nous n'aimons pas le bon Dieu nous ne pouvons être que bien malheureux, très mal-heureux. Si l'homme est créé pour aimer le bon Dieu, il ne peut trouver son bonheur qu'en Dieu seul. Quand nous serions maîtres du monde, si nous n'aimons pas le bon Dieu, nous ne pouvons être que malheureux tout le temps de notre vie. Si vous voulez mieux vous en convaincre, voyez, interrogez les gens qui vivent sans aimer le bon Dieu. Voyez ces personnes qui abandonnent la fréquentation des sacrements et la prière, voyez-les dans quelque chagrin, quelque perte, hélas ! elles se maudissent, elles se tuent, ou meurent de chagrin. Un avare n'est pas plus content quand il a beaucoup que quand il a peu. Un ivrogne est-il plus heureux, après avoir bu le coup de vin où il croyait trouver tout son plai-sir ? Il n'en est que plus malheureux, Un orgueilleux n'a jamais de repos : il craint toujours d'être méprisé. Un vindicatif, en cher-chant à se venger, ne peut dormir ni le jour ni la nuit. Voyez en-core un infâme impudique qui croit trouver son bonheur dans les plaisirs de la chair : il va jusqu'à, je ne dis pas perdre sa réputa-tion, mais son bien, sa santé et son âme, sans cependant pouvoir trouver de quoi se contenter. Et pourquoi, M.F., ne pouvons-nous pas être heureux en tout ce qui semble devoir nous contenter ? Ah ! c'est que, n'étant créés que pour Dieu, il n'y a que lui seul qui pourra nous satisfaire, c'est-à-dire nous rendre heureux autant qu'il est possible de l'être sur cette pauvre terre. Aveugles que nous sommes, nous nous attachons à la vie, à la terre et à ses biens ! hélas ! aux plaisirs, disons mieux, nous nous attachons à tout ce qui est, capable de nous rendre malheureux !
Combien les saints, M.F., ont été plus sages que nous de tout mépriser pour ne chercher que Dieu seul ! Que celui qui aime véritablement le bon Dieu fait peu de cas de tout ce qui est sur la terre ! Combien de grands du monde, combien même de princes, de rois et d'empereurs, ne voyons-nous pas, qui ont tout laissé pour aller servir le bon Dieu plus librement dans les déserts ou dans les monastères ! Combien d'autres pour montrer au bon Dieu leur amour, sont montés sur les échafauds, comme des vainqueurs sur leurs trônes ! Ah ! M.F., que celui qui a le bonheur de se déta-cher des choses du monde pour ne s'attacher qu'à Dieu seul est heureux ! Hélas ! combien en est-il parmi vous qui ont vingt ou trente ans, et n'ont jamais demandé au bon Dieu cet amour qui est un don du ciel, comme vous le dit votre catéchisme. Dès lors, il ne faut pas nous étonner, M.F., si nous sommes si terrestres et si peu spirituels ! Cette manière de nous comporter ne peut nous conduire qu'à une fin bien malheureuse : la séparation de Dieu pour l'éternité. Ah ! M.F., est-il bien possible que nous ne vou-lions pas nous tourner du côté de notre bonheur qui est Dieu seul ! Quittons ce sujet, quoique si intéressant..... La charité fait toute la joie et la félicité des saints dans le ciel. Ah ! « beauté ancienne et toujours nouvelle, » quand est-ce que nous n'aimerons que vous ?
Si maintenant je demandais à un enfant : Qu'est-ce que la charité par rapport au prochain ? Il me répondrait : La charité pour Dieu doit nous le faire aimer plus que nos biens, notre santé, notre réputation et notre vie même ; la charité que nous devons avoir pour notre prochain doit nous le faire aimer comme nous-mêmes, de sorte que, tout le bien que nous pouvons désirer pour nous nous devons le désirer pour notre prochain ; si nous voulons avoir cette charité sans laquelle il n'y a ni ciel, ni amitié de Dieu à espérer. Hélas ! que de sacrements fait profaner ce défaut de cha-rité, et que d'âmes il conduit en enfer ! Mais que doit-on entendre par ce mot notre prochain ? Rien de plus facile à comprendre. Cette vertu s'étend à tout le monde, aussi bien à ceux qui nous ont fait du mal, qui ont nui à notre réputation, nous ont calomniés et qui nous ont fait quelque tort, même quand ils auraient cherché à nous ôter la vie. Nous devons les aimer comme nous-mêmes, et leur souhaiter tout le bien que nous pouvons nous désirer. Non seulement il nous est interdit de leur vouloir aucun mal, mais il faut leur rendre service toutes les fois qu'ils en ont besoin et que nous le pouvons. Nous devons nous réjouir quand ils réussissent dans leurs affaires, nous attrister quand ils éprouvent quelque dis-grâce, quelque perte, prendre leur parti quand on en dit du mal, dire le bien que nous savons d'eux, ne point fuir leur compagnie, leur parler même de préférence à ceux qui nous ont rendu quelque service : voilà, M.F., comment le bon Dieu veut que nous aimions notre prochain. Si nous ne nous comportons pas de cette manière, nous pouvons dire que nous n'aimons ni notre prochain, ni le bon Dieu : nous ne sommes que de mauvais chrétiens, et nous serons damnés.
Voyez, M.F., la conduite que tint Joseph envers ses frères qui avaient voulu le faire mourir, qui l'avaient jeté dans une ci-terne et qui l'avaient ensuite vendu à des marchands étrangers . Dieu lui restait seul pour consolateur. Mais comme le Seigneur n'abandonne pas ceux qui l'aiment, autant Joseph avait été humi-lié ; autant il fut élevé. Lorsqu'il fut devenu presque maître du royaume de Pharaon, ses frères, réduits à la plus grande misère, vinrent le trouver sans le connaître. Joseph voit venir à lui ceux qui avaient voulu lui ôter la vie, et qui l'auraient fait mourir si l'aîné ne les en eût détournés. Il a tous les pouvoirs de Pharaon entre les mains, il pourrait les faire prendre et les faire mourir. Rien ne pouvait l'en empêcher ; au contraire, il était même juste de punir des méchants. Mais que fait Joseph ?... la charité qu'il a dans le cœur lui a fait perdre le souvenir des mauvais traitements qu'il a reçus. Il ne pense qu'à les combler... il pleure de joie, il demande vite des nouvelles de son père et de ses autres frères ; il veut, pour mieux leur faire sentir la grandeur de sa charité ; qu'ils viennent tous auprès de lui pour toujours .
Mais, me direz-vous, comment peut-on connaître si l'on a cette belle et précieuse vertu, sans laquelle notre religion n'est qu'un fantôme ? D'abord, M.F., une personne qui a la charité n'est point orgueilleuse, elle n'aime point à dominer sur les autres ; vous ne l'entendrez jamais blâmer leur conduite, elle n'aime point à parler de ce qu'ils font. Une personne qui a la charité n'examine point quelle est l'intention des autres dans leurs actions, elle ne croit jamais mieux faire qu'ils ne font ; et ne se met jamais au-dessus de son voisin ; au contraire, elle croit que les autres font toujours mieux qu'elle. Elle ne se fâche point si on lui préfère le prochain ; si on la méprise, elle n'en est pas moins contente, parce qu'elle pense qu'elle mérite plus de mépris encore.
Une personne qui a la charité évite autant qu'elle peut de faire de la peine aux autres, parce que la charité est un manteau royal qui sait bien cacher les fautes de ses frères et ne laisse ja-mais croire qu'on est meilleur qu'eux.
2? Ceux qui ont la charité reçoivent avec patience ; et rési-gnation à la volonté de Dieu, tous les accidents qui peuvent leur arriver, les maladies, les calamités, en pensant que tout cela nous rappelle que nous sommes pécheurs, et que notre vie n'est pas éternelle ici-bas.
Dans leurs chagrins, dans leurs peines, dans leurs maladies ou dans les pertes de biens, vous les voyez toujours soumis à la volonté de Dieu, et jamais ils ne désespèrent, pensant qu'ils ac-complissent cette divine volonté.
Voyez le saint homme Job sur son fumier : n'est-il pas content ? Si vous me demandez pourquoi il ne se laisse pas aller au désespoir ? c'est qu'il a la charité dans l'âme, et qu'en se sou-mettant à la volonté de Dieu, il acquiert des mérites pour le ciel. Voyez encore le saint homme Tobie qui devint aveugle en ense-velissant les morts : il ne se désespère pas, et il est tranquille. Pourquoi encore cette tranquillité ? Il sait qu'il fait la volonté de Dieu et que dans cet état il le glorifie ...
En troisième lieu, je dis que celui-ci a la charité, qui n'est point avare et ne cherche nullement à amasser les biens de ce monde. Il travaille parce que le bon Dieu le veut, mais sans s'atta-cher à son travail ni au désir de thésauriser pour l'avenir ; il se re-pose avec confiance en la Providence qui n'abandonne jamais ce-lui qui l'aimé. La charité régnant dans son cœur, toutes les choses de la terre ne lui sont plus rien ; il voit que tous ceux qui courent après les biens de ce monde sont les plus malheureux. Pour lui, il emploie autant qu'il le peut, son bien en bonnes œuvres pour ra-cheter ses péchés et pour mériter le ciel. Il est charitable envers tout le monde et n'a de préférence pour personne ; tout le bien qu'il fait, il le fait au nom de Dieu, Il assiste le pauvre qui en a be-soin, qu'il soit son ami ou son ennemi. Il imite saint François de Sales, qui, ne pouvant faire qu'une aumône, la remettait à celui dont il avait reçu quelque peine, plutôt qu'à celui dont il était l'obligé. La raison de cette conduite c'est que telle action est beau-coup plus agréable à Dieu. Si vous avez la charité, n'examinez jamais si ceux à qui vous donnez vous ont fait quelque tort, ou dit quelque injure ; s'ils sont sages on non. Ils vous demandent au nom de Dieu, donnez-leur de même. Voilà tout ce qu'il faut faire pour que vos aumônes soient rendues dignes d'être récompensées.
Nous lisons dans la vie de saint Ignace, qu'un jour, étant pressé par quelque affaire, il refusa l'aumône à un pauvre Mais il courut bientôt après ce malheureux pour lui donner, et dès lors promit au bon Dieu de ne jamais refuser l'aumône, quand on la lui demanderait en son nom. Mais, pensez-vous, si l'on donne à tous les pauvres, on sera bientôt pauvre soi-même. Écoutez ce que le saint homme Tobie dit à son fils : « Ne retenez jamais le salaire des ouvriers, payez toujours le soir après qu'il ont travaillé ; et quant aux pauvres, donnez à tous si vous le pouvez. Si vous avez beaucoup, donnez beaucoup ; si vous avez peu, donnez peu ; mais donnez toujours de bon cœur ; parce que l'aumône rachète les pé-chés et éteint les flammes du purgatoire » D'ailleurs nous pou-vons dire qu'une maison qui donne aux pauvres ne tombera ja-mais en ruine, parce que le bon Dieu ferait plutôt un miracle que de le permettre.
Voyez saint Antoine qui vend tous ses biens pour les donner aux pauvres, et qui va dans un désert où il s'abandonne entière-ment entre les mains de la Providence . Voyez un saint Paul, er-mite , un saint Alexis, qui se dépouillent absolument de biens, pour mener une vie pauvre et méprisée . Voyez un saint Sérapion, qui, non seulement vend tous ses biens et ses vêtements, mais qui se vend encore pour racheter un captif .
Combien nous sommes coupables lorsque nous ne faisons pas l'aumône, et que nous méprisons les pauvres, en les rebutant, en leur disant qu'ils sont des fainéants, qu'ils peuvent bien travail-ler !... M.F., faisons l'aumône autant que nous pouvons, parce que c'est la chose qui doit nous rassurer à l'heure de la mort, et si vous en doutez, lisez l'Évangile où Jésus-Christ nous parle du juge-ment : « J'ai eu faim, etc. » Voulez-vous laisser des enfants heu-reux et sages ? Donnez-leur l'exemple d'être aumônieux et chari-tables envers les pauvres, et vous verrez un jour que le bon Dieu les a bénis. C'est ce que comprenait sainte Blanche, disant : « Mon fils, nous serons toujours assez riches si nous aimons le bon Dieu, et si nous aimons à faire le bien à nos frères. »
Si nous avons vraiment la charité, cette vertu si agréable à Dieu, nous ne nous comporterons pas comme les païens qui font du bien à ceux qui leur en font, ou de qui ils en espèrent ; mais nous ferons du bien au prochain, dans la, seule vue de plaire à Dieu et de racheter nos péchés. Qu'on nous soit reconnaissant ou non, qu'on nous fasse du bien ou du mal, qu'on nous méprise ou qu'on nous loue : cela, ne nous doit rien faire : Il y en a qui agis-sent tout humainement. Ont-ils fait une aumône, ont-ils rendu service à quelque personne, si elles n'usent pas de réciprocité, cela les fâche, et ils se reprochent d'avoir été simples. Que vous êtes... Ou vous avez fait vos bonnes œuvres pour le bon Dieu, ou vous les avez faites pour le monde. Si vous les avez faites pour être es-timés et loués des hommes, vous avez raison de vouloir être payés de reconnaissance ; mais si vous les avez faites dans la seule vue de racheter vos péchés et de plaire à Dieu, pourquoi vous plain-dre ? C'est de Dieu seul que vous en attendez la récompense. Vous devez bien plutôt remercier le bon Dieu de ce que l'on vous paie d'ingratitude, parce que votre récompense sera bien plus grande. Ah ! que nous sommes heureux ! parce que nous aurons donné quelque petite chose, le bon Dieu nous donne le ciel en re-tour ! Nos petites aumônes et nos petits services seront donc bien récompensés. Oui, M.F., préférons toujours faire du bien à ceux qui ne pourront jamais nous le rendre, parce que s'ils nous le ren-dent nous risquons d'en perdre le mérite.
Voulez-vous savoir si vous avez la vraie charité ? En voici la marque : Voyez à qui vous préférez faire l'aumône ou rendre quelque service. Est-ce à ceux qui vous ont fait quelque peine,... ou à ceux qui vous sont unis, qui vous remercient ? Si c'est à ces derniers, vous n'avez pas la vertu de charité ; et vous n'avez point à espérer pour l'autre vie ; tout le mérite de ces bonnes actions est donc perdu . Je suis persuadé que si je voulais bien entrer dans le détail de tous les défauts dans lesquels on tombe sur ce point, je ne trouverais presque personne qui ait dans l'âme cette vertu toute pure et telle que Dieu la veut. Pour être récompensés dans tout ce que nous faisons pour le prochain, ne cherchons que Dieu, et n'agissons que pour lui seul. Que cette vertu est rare dans les chré-tiens ! Disons mieux, il est aussi rare de la trouver qu'il est rare de trouver des saints. Et quoi d'étonnant ? Où sont ceux qui la de-mandent à Dieu, qui font quelques prières ou quelques bonnes œuvres pour l'obtenir ? Combien ont vingt ans et peut-être trente, et ne l'ont jamais demandée ? La preuve en est bien convaincante. L'ont-ils demandée ceux qui n'ont que des vues humaines ? Voyez vous-même quelle répugnance vous avez à faire, de suite, du bien à celui qui vient de vous faire quelque tort ou quelque injustice. Ne conservez-vous même pas une certaine haine ou, du moins, une certaine froideur à son égard ? A peine le saluez-vous, et consentez-vous à lui parler comme à une autre personne. Hélas ! ô mon Dieu ! que de chrétiens mènent une vie toute païenne, et se croient encore de bons chrétiens : Hélas ! combien vont être dé-trompés quand le bon Dieu leur fera voir ce qu'est la charité, les qualités qu'elle devait avoir pour rendre méritoires toutes leurs actions.
4? Il n'est pas nécessaire de vous montrer qu'une personne qui a la charité est exempte du vice infâme de l'impureté, parce qu'une personne qui a le bonheur d'avoir cette précieuse vertu dans l'âme, est tellement unie au bon Dieu, et agit si bien selon sa sainte volonté, que le démon de l'impureté ne peut point entrer dans son cœur. Le feu de l'amour divin embrase tellement ce cœur, son âme et tous ses sens, qu'il la met hors des atteintes du démon de l'impureté. Oui, M.F., nous pouvons dire que la charité rend une personne pure dans tous ses sens. O bonheur infini, qui te comprendra jamais !...
5? La charité n'est point envieuse : elle ne ressent point de tristesse du bien qui arrive au prochain, soit au spirituel, soit au temporel. Vous ne verrez jamais une personne qui a la charité, être fâchée de ce qu'une autre réussit mieux qu'elle, ou de ce qu'elle est plus aimée, plus estimée. Bien loin de s'affliger du bonheur de son prochain, elle en bénit le bon Dieu. - Mais, me direz-vous, je ne suis pas fâché de ce que mon prochain fait bien ses affaires, de ce qu'il est bien riche, bien heureux. Convenez ce-pendant avec moi que vous seriez plus content que cela vous arri-vât plutôt qu'à lui. - Cela est encore vrai. - Eh bien ! si cela est, vous n'avez pas la charité telle que le bon Dieu veut que vous l'ayez, comme il vous le commande, et pour lui plaire .....
6? Celui qui a la charité n'est point sujet à la colère, car saint Paul nous dit que la charité est patiente, bonne, douce pour tout le monde . Voyez comme nous sommes loin d'avoir cette charité. Combien de fois pour un rien nous nous fâchons, nous murmu-rons, nous nous emportons, nous parlons avec hauteur, et nous restons en colère pendant plusieurs jours !... Mais, me direz-vous, c'est ma manière de parler ; je ne suis pas fâché après. - Dites donc plutôt que vous n'avez pas la charité, qui est patiente, douce, et que vous ne vous conduisez pas comme un bon chrétien. Dites-moi, si vous aviez la charité dans l'âme, est-ce que vous ne sup-porteriez pas avec patience, et même avec plaisir, une parole que l'on dira contre vous, une injure, ou si vous voulez, un petit tort que l'on vous aura fait, ? - Il attaque ma réputation. - Hélas ! mon ami, quelle bonne opinion voulez-vous qu'on ait de vous après que vous avez tant de fois mérité .... ? Ne devons-nous pas nous regarder comme trop heureux que l'on veuille bien nous souffrir parmi les créatures, après que nous avons traité si indignement le Créateur ?... Ah ! ! M.F., si nous avions cette charité, nous serions sur la terre presque comme les saints qui sont dans le ciel ! Qui donc sait d'où nous viennent tous ces chagrins que nous éprou-vons, aussi bien les uns que les autres ; et pourquoi y en a-t-il tant dans le monde qui souffrent toutes sortes de misères ? Cela vient de ce que nous n'avons pas la charité.
Oui, M.F. ; la charité est une vertu si belle, elle rend tout ce que nous faisons si agréable au bon Dieu, que les saints Pères ne savent de quels termes se servir pour nous en faire connaître toute la beauté et toute la valeur. Ils la comparent au soleil qui est le plus bel astre du firmament, et qui donne aux autres toute leur clarté et leur beauté. Comme lui, la vertu de charité communique à toutes les autres vertus leur beauté et leur pureté, et les rend mé-ritoires et infiniment plus agréables à Dieu. Ils la comparent au feu qui est le plus noble et le plus actif, de tous les éléments. La charité est la vertu la plus noble et la plus active de toutes : elle porte l'homme à mépriser tout ce qui est vil, méprisable et de peu de durée, pour ne s'attacher qu'à Dieu seul et aux biens qui ne doivent jamais périr. Ils la comparent encore à l'or qui est le plus précieux de tous les métaux, et fait l'ornement et la beauté de tout ce que nous avons de riche sur la terre. La charité fait la beauté et l'ornement de toutes les autres vertus ; la moindre action de dou-ceur ou d'humilité, faite avec la charité dans le cœur, est d'un prix qui surpasse tout ce que nous pouvons penser. Le bon Dieu nous dit dans l'Écriture sainte que son épouse lui avait blessé le cœur par un cheveu de son cou ; pour nous faire comprendre que la moindre bonne œuvre faite avec amour, avec la charité dans l'âme, lui est si agréable, qu'elle lui perce le cœur. La moindre ac-tion, quelque petite qu'elle soit, lui est toujours très agréable, puisqu'il n'y a rien de si petit que les cheveux de cou. O belle ver-tu ! que ceux qui vous possèdent sont heureux ; mais, hélas ! qu'ils sont rares !... Les saints la comparent encore à la rose qui est la plus belle de toutes les fleurs, et très odoriférante. De même, nous disent-ils, la charité est la plus belle de toutes les ver-tus ; son odeur monte jusqu'au trône de Dieu. Disons mieux, la charité nous est aussi nécessaire pour plaire à Dieu et pour rendre toutes nos actions méritoires, que notre âme est nécessaire à notre corps. Une personne qui n'a pas la charité dans le cœur est un corps sans âme. Oui, M.F., c'est la charité qui soutient la foi et qui la ranime ; sans la charité, elle est morte. L'espérance, comme la foi, n'est qu'une vertu languissante qui, sans la charité, ne durera pas longtemps.

II. - Comprenons-nous maintenant, M.F., la valeur de cette vertu et la nécessité de la posséder pour nous sauver. Ayons au moins le soin de la demander tous les jours à Dieu, puisque, sans elle, nous ne faisons rien pour notre salut. Nous pouvons dire que lorsque la charité entre dans un cœur, elle y mène avec elle toutes les autres vertus : c'est elle qui purifie et sanctifie toutes nos ac-tions ; c'est elle qui perfectionne l'âme ; c'est elle qui rend toutes nos actions dignes du ciel. Saint Augustin nous dit que toutes les vertus sont dans la charité, et que la charité est dans toutes les ver-tus. C'est la charité, nous dit-il, qui conduit toutes nos actions à leur fin, et qui leur donne accès auprès de Dieu. Saint Paul, qui a été et qui est encore la lumière du monde, en fait tant de cas et tant d'estime, qu'il nous dit qu'elle surpasse tous les dons du ciel. Écrivant aux Corinthiens, il s'écrie : « Quand même je parlerais le langage des anges, si je n'ai pas la charité, je suis semblable à une cymbale qui retentit, et ne produit qu'un son. Quand j'au-rais le don de prophétie, et tant de foi que je pourrais transporter les montagnes d'un endroit à l'autre, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien. Quand je donnerais tout mon bien aux pauvres et que je li-vrerais mon corps aux souffrances, tout cela ne servirait de rien si je n'ai pas la charité dans mon cœur, et si je n'aime pas mon pro-chain comme moi-même » Voyez-vous, M.F., la nécessité où nous sommes de demander au bon Dieu, de tout notre cœur, cette incomparable vertu, puisque toutes les vertus ne sont rien sans elle ?

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