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  • : In hoc signo vinces. Parousie by ROBLES Patrick
  • : Blog Parousie de Patrick ROBLES (Montbéliard, Franche-Comté, France)
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  • Patrick ROBLES
  • Dominus pascit me, et nihil mihi deerit. Le Seigneur est mon berger : je ne manquerai de rien. The Lord is my shepherd; I shall not want. El Señor es mi pastor, nada me falta. L'Eterno è il mio pastore, nulla mi mancherà. O Senhor é o meu pastor; de nada terei falta. Der Herr ist mein Hirte; mir wird nichts mangeln. Господь - Пастырь мой; я ни в чем не буду нуждаться. اللهُ راعِيَّ، فلَنْ يَنقُصَنِي شَيءٌ (Ps 23,1)
  • Dominus pascit me, et nihil mihi deerit. Le Seigneur est mon berger : je ne manquerai de rien. The Lord is my shepherd; I shall not want. El Señor es mi pastor, nada me falta. L'Eterno è il mio pastore, nulla mi mancherà. O Senhor é o meu pastor; de nada terei falta. Der Herr ist mein Hirte; mir wird nichts mangeln. Господь - Пастырь мой; я ни в чем не буду нуждаться. اللهُ راعِيَّ، فلَنْ يَنقُصَنِي شَيءٌ (Ps 23,1)

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 09:09
Voulez-vous, M.F., que je vous montre combien Dieu nous aime, quoique pécheurs ? Écoutez l'Esprit-Saint qui nous dit que Dieu se comporte envers nous comme David se comporta envers son fils Absalon, qui leva une armée de scélérats pour détrôner et ôter la vie à un si bon père, afin de pouvoir régner à sa place. David est forcé de fuir et de quitter son palais pour mettre sa vie en sûreté, étant poursuivi par son fils dénaturé. Et malgré que ce crime dût être bien odieux à David, cependant l'Esprit-Saint nous dit que son amour pour ce fils ingrat était sans borne, et qu'il semblait même qu'à mesure que ce méchant fils armait sa fureur, ce bon père sentait un nouvel amour pour lui. Se voyant forcé de marcher à la tête d'une armée pour arrêter ce malheureux fils, son premier soin fut, avant d'engager le combat, de recommander à ses officiers et à ses soldats de sauver son fils. Ce fils criminel et barbare veut lui ôter la vie, et c'est pour lui que ce père prie. Il périt par une permission visible d'en haut ; et David, bien loin de se réjouir de la défaite de ce rebelle et de se voir en sûreté, au contraire, lorsqu'il apprend la défaite, il semble oublier sa vie et son royaume, pour ne penser qu'à pleurer la mort de celui qui ne cherchait qu'à le perdre. Sa douleur fut si grande, et ses larmes si abondantes, qu'il se couvrit le visage pour ne plus voir le jour ; il se retira dans l'obscurité de son palais, et là se livra à toute l'amertume de son cœur. Ses cris étaient si perçants et ses larmes si amères et si abondantes, qu'il jeta la consternation jusqu'au milieu de ses troupes, se reprochant à lui-même de ce qu'il n'avait pas eu le bonheur de mourir pour sauver la vie de son fils. A tout instant on l'entendait s'écrier : « Ah ! mon cher enfant, Absalon, ah ! que ne suis-je mort à ta place ! ah ! qui m'ôtera la vie pour te la rendre ? - Ah ! plût à Dieu que je fusse mort à ta place ! » Il ne voulut plus recevoir de consolation ; sa douleur et ses larmes l'accompagnèrent jusqu'au tombeau.
Dites-moi, M.F., auriez-vous jamais pu penser que voire perte causât tant de larmes et de douleurs à notre divin Sauveur ? Ah ! qui ne serait pas touché ?... Un Dieu qui pleure la perte d'une âme avec tant de larmes, qui ne cesse de lui crier : Mon ami, où vas-tu perdre ton âme et ton Dieu ? Arrête ! arrête ! Ah ! regarde mes larmes, mon sang qui coule encore : faut-il que je meure une seconde fois pour te sauver ? Me voici. Oh ! anges du ciel, descendez sur la terre, venez pleurer avec moi la perte de cette âme ! Oh ! qu'un chrétien est malheureux, s'il persévère encore à courir vers les abîmes, malgré la voix que son Dieu lui fait entendre continuellement !
Mais, me direz-vous, personne ne nous tient ce langage. - Oh ! mon ami, si vous ne vouliez pas boucher vos oreilles, vous entendriez sans cesse la voix de votre Dieu qui vous poursuit. Dites-moi, mon ami, que sont donc ces remords de conscience, lorsque vous êtes tombé dans le péché ? Pourquoi donc ces troubles, ces tempêtes qui vous agitent ? Pourquoi donc cette crainte et cette frayeur où vous êtes, où vous vous croyez sans cesse près d'être écrasé par les foudres du ciel ? Combien de fois n'avez-vous pas ressenti, même en péchant, une main invisible qui semblait vous repousser en vous disant : Malheureux, où vas-tu ? Ah ! mon fils, pourquoi veux-tu te damner ?... Ne conviendrez-vous pas avec moi qu'un chrétien qui méprise tant de grâces, mérite d'être abandonné et réprouvé, parce qu'il n'a pas écouté la voix de Dieu, ni profité de ses grâces ? Mais non, M.F., c'est Dieu seul que cette âme ingrate méprise et à qui elle semble vouloir ôter la vie ; et toutes les créatures demandent vengeance ; et c'est précisément Dieu seul qui veut la sauver, et s'oppose à tout ce qui pourrait lui nuire, en veillant à sa conservation, comme si elle était seule dans le monde, et que son bonheur dépendît du sien. Tandis que le pécheur lui plante le poignard dans le sein, Dieu lui tend une main, pour lui dire qu'il veut lui pardonner. Les tonnerres et les foudres du ciel semblent se jeter au pied du trône de Dieu, pour le prier en grâce de leur permettre de l'écraser. Ah ! non, non, leur dit ce divin Sauveur, cette âme m'a coûté trop cher, je l'aime encore, quoique pécheresse. Mais, Seigneur, reprennent ces foudres, elle ne dit que pour vous outrager ? N'importe, je veux la conserver, parce que je sais qu'un jour elle m'aimera : c'est pour cela que je veux veiller à sa conservation.
Ah ! M.F., seriez-vous si durs que de n'être pas touchés de tant de bonté de la part de notre Dieu ? Eh bien ! M.F., allons plus loin. Vous allez voir un autre spectacle de l'amour de Dieu pour ses créatures et surtout pour un pécheur converti. Le Seigneur nous parle par la bouche du prophète Isaïe. Il va même jusqu'à vouloir encore cacher nos péchés, en nous disant que Dieu traite le pécheur qui l'outrage, comme une mère traite un enfant dépourvu de la raison. Vous voyez, nous dit-il, cet enfant privé de raison, tantôt il est de mauvaise humeur, tantôt il s'impatiente, il crie, il s'irrite, il va jusqu'à frapper de ses petites mains le sein de sa mère qui le porte ; il s'efforce de satisfaire sa faible colère. Eh bien ! nous dit-il, quelle vengeance croyez-vous que cette mère tirera de la témérité de cet enfant ? La voici : elle le serrera et le pressera encore plus tendrement sur son cœur : elle redouble ses caresses ; elle le flatte, elle lui présente sa mamelle et son lait, pour tâcher d'apaiser sa petite humeur : voilà toute sa vengeance. Eh bien ! nous dit ce prophète, si cet enfant avait la connaissance de ce qu'il fait, que devrait-il penser en voyant tant de douceur de la part de cette mère ? Donnons-lui pour un moment le langage de la raison que la nature lui a refusé. Que pensera-t-il et que jugera-t-il de tout cela, lorsqu'il sera revenu de sa colère ? Il est vrai qu'il sera tout étonné de la témérité qu'il a eue de s'irri-ter contre celle qui le tenait entre ses bras, qui n'avait qu'à ouvrir la main pour le laisser tomber par terre et l'écraser. Mais en même temps, craindra-t-il que cette bonne mère refuse de pardonner ses petites fureurs ? Ne verra-t-il pas au contraire qu'elles sont déjà pardonnées, puisqu'elle le caresse plus tendrement et qu'elle pouvait si bien se venger ? Oui, nous dit ce saint prophète, voilà la manière dont Dieu traite le pécheur au milieu même de ses plus grands désordres. Oui, nous dit-il encore, le Seigneur vous aime tant, quoique pécheurs, qu'il vous porte entre ses mains jusque dans votre vieillesse. Non, non, dit-il, quand une mère aurait le courage d'abandonner son enfant , pour moi je ne pourrais jamais abandonner une de mes créatures.
Hélas ! M.F., rien de plus facile à concevoir. Dieu ne semble-t-il pas fermer les yeux sur nos péchés ? Ne voit-on pas, tous les jours, des pécheurs qui ne semblent vivre que pour l'outrager, et qui font tous leurs efforts pour perdre les autres, soit par leurs mauvais exemples, soit par leurs railleries, soit par leurs paroles déshonnêtes ? Ne semblerait-il pas que l'enfer les a envoyés pour arracher ces âmes d'entre les mains de Dieu même, pour les jeter en enfer ? Vous en convenez tous avec moi. Eh bien ! Dieu n'a-t-il pas soin de ces malheureux qui ne vivent que pour le faire souffrir et lui ravir des âmes ? Ne fait-il pas pour eux tout ce qu'il fait pour les plus justes ? Ne commande-t-il pas au soleil de les éclairer, à la terre de les nourrir ? Aux animaux, les uns, de les nourrir, les autres, de les vêtir, ou de les soulager dans leurs travaux ? Ne commande-t-il pas à tous les hommes de les aimer comme eux-mêmes ? Oui, M.F., il semble que Dieu, de son côté, s'épuise à nous faire du bien pour gagner notre amour, et d'un autre côté, il semble que le pécheur emploie tout ce qui est en lui pour faire la guerre à Dieu et le mépriser ! Ô mon Dieu ! que l'homme est aveugle ! qu'il connaît peu ce qu'il fait en péchant, en se révoltant contre un si bon père, un ami si charitable !
En déplorant notre aveuglement, que devons-nous conclure de tout cela, chrétiens ? C'est que, si Dieu est si bon que de nous donner l'espérance d'une nouvelle année, nous devons faire tout ce que nous pourrons pour la passer saintement, et que, pendant cette année, nous pouvons encore gagner l'amitié de notre Dieu, réparer le mal que nous avons fait, non seulement cette année qui vient de passer, mais dans toute notre vie, et nous assurer une éternité de bonheur, de joie et de gloire. Oh ! si l'année prochaine nous avions le bonheur de pouvoir dire que cette année a été toute pour le bon Dieu ! Quel trésor nous aurions amassé ! C'est ce que je .....

ÉPIPHANIE

Sur les Rois Mages

Vidimus stellam ejus, et venimus adorare eum.
Nous avons vu son étoile, et nous sommes venus l'adorer.
(S.Matth., II, 2.)

Jour heureux pour nous, M.F., jour à jamais mémorable, où la miséricorde du Sauveur nous a tirés des ténèbres de l'idolâtrie pour nous appeler à la connaissance de la foi, dans la personne des Mages, qui viennent de l'Orient adorer et reconnaître le Messie pour leur Dieu et leur Sauveur en notre nom. Oui, M.F., ils sont nos pères et nos modèles dans la foi. Heureux si nous sommes fidèles à les imiter et à les suivre ! Oh ! s'écriait avec des transports d'amour et de reconnaissance saint Léon, pape : « Anges de la cité céleste, prêtez-nous vos flammes d'amour pour remercier le Dieu des miséricordes de notre vocation au christianisme et au salut éternel. » Célébrons, M.F., nous dit ce grand saint, avec allégresse, les commencements de nos heureuses espérances. Mais, à l'exemple des Mages, soyons fidèles à notre vocation, sans quoi, tremblons que Dieu ne nous fasse subir le même châtiment qu'aux Juifs qui étaient son peuple choisi. Depuis Abraham jusqu'à sa venue, il les avait conduits comme par la main , et partout, s'était montré leur protecteur et leur libérateur ; et ensuite il les rejeta et les repoussa à cause du mépris qu'ils avaient fait de ses grâces. Oui, M.F., cette précieuse foi nous sera enlevée et sera transportée dans d'autres pays, si nous n'en pratiquons pas les œuvres. Eh bien ! M.F., voulons-nous conserver parmi nous ce précieux dépôt ? Suivons fidèlement les traces de nos pères dans la foi.
Pour nous donner une faible idée de la grandeur du bienfait de notre vocation au christianisme, nous n'avons qu'à considérer ce qu'étaient nos ancêtres avant la venue du Messie, leur Dieu, leur Sauveur, leur lumière et leur espérance. Ils étaient livrés à toutes sortes de crimes et de désordres, ennemis de Dieu même, esclaves du démon, victimes vouées aux vengeances éternelles. Pouvons-nous bien, M.F., ah ! pouvons-nous bien réfléchir sur un état si déplorable, sans remercier ce Dieu de bonté de toute la plénitude de notre cœur, de nous avoir bien voulu appeler à la connaissance de la vraie religion, et d'avoir fait tout ce qu'il a fait pour nous sauver ? O faveur, ô grâce inestimable, si précieuse et si peu connue dans le malheureux siècle où nous vivons, où la plupart ne sont chrétiens que de nom ! Eh bien ! M.F., qu'avons-nous fait à Dieu pour avoir été préférés à tant d'autres qui ont péri, et qui périssent encore tous les jours, dans l'ignorance et le péché ? Hélas ! que dis-je ? Nous sommes encore peut-être plus indignes de ce bonheur que ce peuple infortuné des Juifs. Si nous sommes nés dans le sein de l'Église catholique, pendant que tant d'autres périssent en dehors, c'est par un effet de la bonté de Dieu pour nous. Parlons donc de la vocation à la foi. Considérant la foi dans les Mages, nous verrons qu'ils en pratiquaient les œuvres et que leur fidélité à la grâce fut prompte, généreuse et persévérante. Ensuite nous comparerons notre foi si faible à celle des Mages qui était si vive. Enfin nous parlerons de la reconnaissance que nous devons à Dieu pour le don de la foi qu'il nous a accordé. Pourrions-nous jamais assez remercier le Seigneur d'un tel bonheur ?
I. - 1° Nous disons d'abord que la fidélité des Mages à la grâce fut prompte. En effet, à peine ont-ils aperçu l'étoile miraculeuse, que, sans rien examiner, ils partent pour aller chercher leur Sauveur, si pressés, si brûlants du désir d'arriver au terme où la grâce figurée par l'étoile les appelle, que rien ne peut les retenir. Hélas ! M.F., que nous sommes éloignés de les imiter ! Depuis combien d'années Dieu nous appelle-t-il par sa grâce, en nous donnant la pensée de quitter le péché, de nous réconcilier avec lui ? Mais toujours nous sommes insensibles et rebelles. Oh ! quand arrivera ce jour heureux où nous ferons comme les Mages, qui quittèrent et abandonnèrent tout pour se donner à Dieu !
2° En deuxième lieu, M. .F., nous disons que leur fidélité à leur vocation fut généreuse, puisqu'ils surmontèrent toutes les difficultés et tous les obstacles qui s'y opposaient, pour suivre l'étoile. Hélas ! que de sacrifices n'ont-ils pas à faire ? Il faut abandonner leur pays, leur maison, leur famille, leur royaume, ou pour mieux dire, il faut s'éloigner de tout ce qu'ils ont de plus cher au monde, il faut s'attendre à supporter les fatigues de longs et pénibles voyages, et cela, dans la plus rigoureuse saison de l'année : tout semblait s'opposer à leur dessein. Combien de railleries n'eurent-ils pas à essuyer de la part de leurs égaux, ainsi même que du peuple ! Mais non ! rien n'est capable de les arrêter dans une démarche si importante. Et voilà précisément, M.F., en quoi consiste le mérite de la foi, de renoncer à tout, et de sacrifier ce que l'on a de plus cher pour obéir à la voix de la grâce qui nous appelle.
Hélas ! M.F., s'il nous fallait faire, pour gagner le ciel, des sacrifices comme ceux des Mages, que le nombre des élus serait petit ! Mais non, M.F., faisons seulement autant que nous faisons pour les affaires temporelles, et nous sommes sûrs de gagner le ciel. Voyez : un avare travaillera nuit et jour pour ramasser ou gagner de l'argent. Voyez un ivrogne : il s'épuisera et souffrira la semaine entière pour avoir quelque argent afin de boire le dimanche. Voyez ces jeunes gens aux plaisirs ! Ils feront deux ou trois lieues dans le dessein de trouver quelque plaisir fade et bien mêlé d'amertume. Ils viendront la nuit, au mauvais temps. Arrivés chez eux, au lieu d'être plaints, ils seront grondés, du moins si les parents n'ont pas encore perdu le souvenir que Dieu leur demandera un jour compte de leur âme. Et vous voyez vous-mêmes que dans tout cela, il y a bien des sacrifices à faire ; et cependant rien ne rebute, et l'on vient à bout de tout ;. les uns par fraude, les autres par ruse, tout se fait. Mais hélas, M.F., quand c'est pour ce qui regarde notre salut, que faisons-nous ? Presque tout nous paraît impraticable. Avouons, M.F., que notre aveuglement est bien déplorable, de faire tout ce que nous faisons pour ce misérable monde et de ne rien vouloir faire pour assurer notre bonheur éternel.
Voyons encore, M.F., jusqu'à quel point les Mages portent leur générosité. Arrivés à Jérusalem, l'étoile qui les avait conduits dans leur voyage disparut de devant eux. Ils se croyaient, sans doute, dans le lieu où était né le Sauveur qu'ils venaient` adorer, et pensaient que tout Jérusalem était au comble de la plus grande joie, de la naissance de son libérateur. Quel étonnement ! quelle surprise pour eux, M.F. ! non seulement Jérusalem ne donne aucun signe de joie, elle ignore même que son libérateur est né. Les Juifs sont aussi surpris de voir venir les Mages adorer le Messie que les Mages sont étonnés qu'un tel événement leur soit annoncé. Quelle épreuve pour leur foi ! En fallait-il davantage pour les faire renoncer à leur démarche et retourner le plus secrètement possible dans leur pays, de crainte de servir de fable à tout Jérusalem ? Hélas ! M.F., voilà ce que plusieurs d'entre nous auraient fait, si leur foi avait été mise à une semblable épreuve. Ce ne fut pas sans mystère que l'étoile disparut : c'était pour réveiller la foi des Juifs qui fermaient les yeux sur un tel événement ; il fallait que des étrangers vinssent pour leur reprocher leur aveuglement.
Mais tout cela, bien loin d'ébranler les Mages, ne fait, au contraire, que les affermir dans leur résolution. Abandonnés en apparence de cette lumière, se rebuteront-ils nos saints rois ? Vont-ils tout laisser ? Oh ! non, M.F. : si c'était nous, oui ; sans doute qu'il en faudrait même bien moins. Ils se retournent d'un autre côté, ils vont consulter les docteurs qu'ils savaient avoir entre les mains les prophéties qui leur désignaient le lieu et le moment où le Messie naîtrait, et ils leur demandent dans quel lieu le nouveau Roi des Juifs doit naître. Foulant aux pieds tout respect humain, ils pénètrent jusque dans le palais d'Hérode, et lui demandent où est ce roi nouvellement né, lui déclarant, sans nulle crainte, qu'ils sont venus pour l'adorer. Que le roi s'offense de ce langage, rien n'est capable de les arrêter dans une démarche si importante : ils veulent trouver leur Dieu à quelque prix que ce soit. Quel courage, M.F., quelle fermeté ! Oh ! M.F., où en sommes-nous, nous qui craignons une petite raillerie ? Un qu'en dira-t-on nous empêche de remplir nos devoirs de religion et de fré-quenter les sacrements. Combien de fois n'avons-nous pas rougi de faire le signe de la croix avant et après nos repas ? Combien de fois le respect humain ne nous a-t-il pas fait transgresser les lois de l'abstinence et du jeûne, dans la crainte d'être remarqué et de passer pour un bon chrétien ? Où en sommes-nous, M.F. ? Oh ! quelle honte lorsque, au jour du jugement,- le Sauveur confrontera notre conduite avec celle des Mages, nos pères dans la foi, qui ont tout quitté et tout sacrifié plutôt que de résister à la voix de la grâce qui les appelait.
3° Voyez encore combien fut grande leur persévérance. Les docteurs de la loi leur disent que toutes les prophéties annonçaient que le Messie devait naître dans Bethléem et que le temps était arrivé. A peine ont-ils reçu la réponse, qu'ils partent pour cette ville. Ne devaient-ils pas s'attendre qu'il leur allait arriver ce qui arriva à la sainte Vierge et à saint Joseph ? Que le concours serait si grand qu'ils ne trouveraient point de place ? Pouvaient-ils même douter que les Juifs qui, depuis quatre mille ans, attendaient le Messie ne courussent en foule se jeter aux pieds de cette crèche, pour le reconnaître pour leur Dieu et leur libérateur ? Mais non, M.F., personne ne se donne le moindre mouvement : les Juifs sont dans les ténèbres, et ils y restent. Belle image du pécheur, qui ne cesse d'entendre la voix de Dieu qui lui crie, par la voix de ses pasteurs, de quitter son péché pour se donner à lui, et n'en demeure que plus coupable et plus endurci .
Mais revenons aux saints rois Mages, M.F. Ils partent seuls de Jérusalem ; comme ils sont exacts ! Oh ! quelle foi ! Dieu les laissera-t-il sans récompense ? Non, sans doute. A peine sont-ils sortis de la ville, que ce flambeau, c'est-à-dire cette étoile miraculeuse, reparaît devant eux, semble les prendre par la main pour les faire arriver dans ce pauvre réduit de misère et de pauvreté. Elle s'arrête et semble leur dire : Voilà celui que je suis allé vous annoncer. Voilà celui qui est attendu. Oui, entrez : vous le verrez. Il est celui qui est engendré de toute éternité, et qui vient de naître, c'est-à-dire, qui vient de prendre un corps humain qu'il doit sacrifier pour sauver son peuple. Que cet appareil de misère ne vous rebute point. II est lié avec des bandelettes : mais c'est lui-même qui lance la foudre du plus haut des cieux. Sa vue fait frémir l'enfer, parce que l'enfer y voit son vainqueur. Ces saints rois sentent, dans ce moment, leurs cœurs si brûlants d'amour qu'ils se jettent aux pieds de leur Sauveur et arrosent cette paille de leurs larmes.
Quel spectacle, que des rois reconnaissent pour leur Dieu et Sauveur un enfant couché dans une crèche entre deux vils animaux ! Oh ! que la foi est quelque chose de précieux ! Non seulement cet état de pauvreté ne les rebute pas ; mais ils n'en sont encore que plus touchés et édifiés. Leurs yeux semblaient ne plus pouvoir se rassasier de considérer le Sauveur du monde, le Roi du ciel et de la terre, le Maître de tout l'univers, dans cet état. Les délices dont leurs cœurs furent inondés furent tellement abondantes, qu'ils donnèrent à leur Dieu tout ce qu'ils avaient, et tout ce qu'ils pouvaient lui donner. Dès ce moment, ils consacrent à Dieu leurs personnes, ne voulant pas être maîtres, même de leurs personnes. Non contents de cette offrande, ils offrent encore tout leur royaume. Suivant la coutume des Orientaux, qui n'approchaient jamais les grands princes sans faire des présents, ils offrent à Jésus les plus riches productions de leur pays, c'est-à-dire : de l'or, de l'encens et de la myrrhe ; et, par ces présents, ils exprimaient parfaitement les idées qu'ils avaient conçues du Sauveur, reconnaissant sa divinité, sa souveraineté et son humanité. Sa divinité, par l'encens qui n'est dû qu'à Dieu seul ; son humanité, par la myrrhe qui sert à embaumer les corps ; sa souveraineté, par l'or qui est le tribut ordinaire dont on se sert pour payer les souverains. Mais cette offrande exprimait bien mieux encore les sentiments de leur cœur : leur ardente charité était manifestée par l'or qui en est le symbole ; leur tendre dévotion état figurée par l'encens ; les sacrifices qu'ils faisaient à Dieu d'un cœur mortifié, étaient représentés par la myrrhe.
Quelle vertu, M.F., dans ces trois Orientaux ! Dieu, en voyant la disposition de leurs cœurs, ne devait-il pas dire dès lors ce qu'il dit dans la suite des temps : qu'il n'avait point vu de " foi plus vive en tout Israël ! " En effet, les Juifs avaient le Messie au milieu d'eux, et ils n'y faisaient point attention ; les Mages, quoique fort éloignés ; venaient le chercher et le reconnaître pour leur Dieu. Les Juifs, dans la suite, le traitent comme le plus criminel que la terre eût jamais porté, et finissent par le crucifier dans le temps même qu'il donnait des preuves si évidentes de sa divinité ; tandis que les Mages le voient couché sur la paille, réduit à la plus vile condition, se jettent à ses pieds pour l'adorer, et le reconnaissent pour leur Dieu, leur Sauveur et leur libérateur. Oh ! que la foi est quelque chose de précieux ! Si nous avions le bonheur de bien le comprendre, quel soin n'aurions-nous pas de la conserver en nous !

II. - Lesquels imitons-nous, M.F., des Juifs ou des Mages ? Que voit-on dans la plupart des chrétiens ! Hélas ! une foi faible et languissante ; et combien qui n'ont pas même la foi des démons " qui croient qu'il y a un Dieu
et qui tremblent en sa présence ? " Il est bien facile de s'en convaincre. Voyez, M.F., si nous croyons que Dieu réside dans nos églises lorsque nous y causons, que nous tournons la tête de côté et d'autre, et que nous ne nous mettons pas seulement à genoux pendant qu'il nous montre l'excès de son amour, c'est-à-dire pendant la communion ou même la bénédiction. Croyons-nous qu'il y a un Dieu ? Oh ! non, M.F., ou, si nous le croyons, ce n'est que pour l'outrager. Quel usage, M.F., faisons-nous du don précieux de la foi et des moyens de salut que nous trouvons dans le sein de l'Église catholique ? Quelle ressemblance entre notre vie et la sainteté de notre religion ? Pouvons-nous dire, M.F., que notre profession est conforme aux maximes de l'Évangile, aux exemples que Jésus-Christ nous a donnés ? Estimons-nous, pratiquons-nous tout ce que Jésus-Christ estime et pratique ? C'est-à-dire, aimons-nous la pauvreté, les humiliations et les mépris ? Préférons-nous la qualité de chrétiens à tous les honneurs et à tout ce que nous pouvons posséder et désirer sur la terre ? Avons-nous pour les sacrements ce respect, ce désir et cet empressement à profiter des grâces que le Seigneur nous y prodigue ? Voilà, M.F., sur quoi chacun de nous doit s'examiner.
Hélas ! combien ne sont-ils pas grands et amers, les reproches que nous avons à nous faire sur ces différents points ? A la vue de tant d'infidélités et d'ingratitudes, ne devons-nous pas trembler que Jésus-Christ nous ôte comme aux Juifs ce don précieux de la foi, pour le transporter en d'autres royaumes ou on en ferait meilleur usage ? Pourquoi les Juifs ont-ils cessé d'être le peuple de Dieu ? N'est-ce pas à cause du mépris qu'ils ont fait de ses grâces ? Prenez garde, nous dit saint Paul , si vous ne demeurez pas fermes dans la foi, vous serez comme les Juifs, rejetés et repoussés.
Hélas ! M.F., qui ne tremblerait que ce malheur ne nous arrive, en considérant combien il y a peu de foi sur la terre ? En effet, M.F., quelle foi aperçoit-on parmi les jeunes gens qui devraient consacrer le printemps de leurs jours au Seigneur, pour le remercier de les avoir enrichis de ce dépôt précieux ? Ne les voit-on pas occupés, au contraire, les uns à satisfaire leur vanité, les autres à se contenter dans les plaisirs ? Ne sont-ils pas forcés d'avouer qu'il faudrait leur apprendre qu'ils ont une âme ? Il semble que Dieu ne la leur ait donnée que pour la perdre. - Quelle foi trouverons-nous parmi ceux qui ont atteint l'âge mûr, qui commencent à être désabusés des folies de la jeunesse ? Mais ne sont-ils pas tout occupés, nuit et jour, à augmenter leur fortune ? Pensent-ils à sauver leur pauvre âme, dont la foi leur dit que s'ils la perdent, tout est perdu pour eux ? Non, M.F., non, peu leur importe qu'elle soit perdue ou sauvée, pourvu qu'ils augmentent leurs richesses ! - Enfin, quelle foi aperçoit-on parmi les vieillards qui, dans quelques minutes, vont être cités à paraître devant Dieu pour rendre compte de leur vie, laquelle, peut-être, n'a été qu'un tissu de péchés ? Pensent-ils à profiter du peu de temps que Dieu, dans sa miséricorde, veut bien encore leur accorder, et qui ne devrait être consacré qu'à pleurer leurs fautes ? Ne les voit-on pas ; ne les entendra-t-on pas, autant de fois qu'ils en trouveront l'occasion, faire avec joie bruit des plaisirs qu'ils ont goûtés dans les folies de leur jeunesse ? Hélas ! M.F., nous serons donc forcés d'avouer que la foi est presque éteinte, ou plutôt, c'est ce que disent tous ceux qui n'ont pas encore abandonné leur âme à la tyrannie du démon. En effet, M.F., quelle foi peut-on espérer trouver dans un chrétien qui restera trois, quatre et six mois sans fréquenter les sacrements ? Hélas ! et combien qui restent une année entière, et bien d'autres, trois ou quatre ans ! Craignons, M.F., craignons d'éprouver les mêmes châtiments que Dieu a fait sentir à tant d'autres nations qui, peut-être bien, les avaient moins mérités que nous, ou en avaient fait meilleur usage que nous qui avions été mis à la place des Juifs, et d'où cependant la foi a été transportée ailleurs.
Et que devons-nous faire, M.F., pour avoir le bonheur de n'en être jamais privés ? Il faudra faire comme les Mages qui travaillèrent continuellement à rendre leur foi plus vive. Voyez, M.F., combien les Mages sont attachés à Dieu par la foi ! Lorsqu'ils sont aux pieds de la crèche, ils ne pensent plus à quitter leur Dieu. Ils font comme un enfant qui va se séparer d'un bon père, qui toujours retarde et hésite pour chercher des prétextes, afin de prolonger son bonheur. A mesure que le temps approche, les larmes coulent, le cœur se brise. De même les saints Rois. Quand il fallut quitter la crèche, ils pleuraient à chaudes larmes, ils semblaient être liés par des chaînes. D'un côté, ils étaient pressés par la charité d'aller annoncer ce bonheur à tout leur royaume ; de l'autre, ils étaient obligés de se séparer de celui qu'ils étaient venus chercher de si loin, et qu'ils avaient trouvé après tant de difficultés. Ils se regardaient les uns les autres pour voir celui qui partirait le premier. Mais l'ange leur dit qu'il fallait partir, aller annoncer cette heureuse nouvelle aux peuples de leurs royaumes, mais de ne pas retourner chez Hérode : - que, si Hérode leur avait dit de prendre tant de précautions, de si bien s'informer pour lui désigner le lieu de sa naissance, ce n'était que pour le faire mourir ; mais qu'il fallait passer par un autre chemin. Belle figure d'un pécheur converti qui a quitté le péché pour se donner à Dieu ; il ne doit plus reparaître dans le lieu où il allait auparavant. Ces paroles de l'ange les saisirent de la plus vive douleur. Dans la crainte d'avoir le malheur d'être la cause de sa mort, après avoir pris congé de Jésus, de Marie et de Joseph, ils partent le plus secrètement possible, ne suivent point le grand chemin, de peur de donner quelques soupçons. Au lieu d'aller coucher dans les auberges, ils passent les nuits au pied des arbres, au coin des rochers, et font à peu près trente lieues de cette manière.
A peine sont-ils arrivés dans leur pays qu'ils annoncent à toutes leurs principautés leur dessein de quitter et d'abandonner tout ce qu'ils possédaient, ne pouvant se résoudre à posséder quelque chose, après avoir vu leur Dieu dans une si grande pauvreté ; et ils s'estiment infiniment heureux de pouvoir l'imiter au moins en cela. Les nuits sont employées à la prière, et les jours à courir les maisons de ville en ville, pour faire part à tous du bonheur qu'ils avaient, de tout ce qu'ils avaient vu dans cette étable, des larmes que ce Dieu naissant avait déjà répandues pour pleurer leurs péchés. Ils exerçaient des pénitences rigoureuses sur leurs corps ; ils ressemblaient à trois anges qui parcouraient les provinces de leur pays .pour préparer les voies du Seigneur ; ils ne pouvaient parler du doux Sauveur sans verser des larmes continuelles, et chaque fois qu'ils s'entretenaient ensemble de ce moment heureux où ils étaient dans cette étable, il leur semblait mourir d'amour. Oh ! ne pouvaient-ils pas, M.F., se dire comme les disciples d'Emmaüs : « Nos cœurs ne nous semblaient-ils pas tout brûlants d'amour », lorsque nous étions prosternés à ses pieds dans ce pauvre réduit de misère ? Ah ! s'ils avaient eu le bonheur que nous avons maintenant, de l'emporter dans leur cœur, ne se seraient-ils pas écriés avec les mêmes transports d'amour que dans la suite saint François : « Oh ! Seigneur, diminuez votre amour, ou .bien augmentez mes forces, je ne puis plus y tenir ? » Oh ! avec quel grand soin ne l'auraient-ils pas conservé ? S'il leur avait dit qu'un seul péché le leur ferait perdre, n'auraient-ils pas cent fois préféré de mourir que de s'attirer un tel malheur ? Oh ! que leurs vies furent pures et édifiantes pendant les quatre-vingt-quatorze ans qu'ils survécurent à la naissance du Sauveur !
Saint Thomas, nous dit-on, après l'Ascension du Sauveur, alla annoncer l'Évangile dans leur pays. Il les trouva tous les trois. Depuis qu'ils étaient sortis de l'étable, ils n'avaient cessé d'étendre la foi dans leur pays. Saint Thomas, ravi de les voir si remplis de l'esprit de Dieu et déjà élevés à une si haute sainteté, trouva tous les cœurs déjà disposés à recevoir la grâce du salut, par les soins qu'avaient pris les saints Rois. Il leur raconta tout ce que le Sauveur avait fait et enduré depuis qu'ils avaient eu le bonheur de le voir dans la crèche, qu'il avait vécu jusqu'à l'âge de trente ans, travaillé dans l'obscurité, qu'il était soumis à la sainte Vierge et à saint Joseph, qu'ils avaient vécu à côté de lui, et que saint Joseph était mort longtemps avant lui ; mais que la sainte Vierge vivait encore, que c'était un des disciples de Jésus qui en avait soin. Il leur raconta que le Sauveur avait souffert pendant les trois dernières années de sa vie tout ce que l'on aurait pu faire souffrir au plus grand criminel du monde : que quand il allait annoncer qu'il était venu pour les sauver, qu'il était le Messie attendu depuis tant de siècles, qu'il leur apprenait ce qu'il fallait faire pour profiter des grâces qu'il leur apportait, on le chassait des assemblées, à coups de pierres. Il avait parcouru beaucoup de pays en guérissant les malades qu'on lui apportait, ressuscitant les morts et délivrant les personnes possédées du démon. La cause de sa mort fut un de ceux qu'il avait choisis pour annoncer l'Évangile, qui, étant dominé par l'avarice, le vendit trente deniers. On l'avait lié comme un criminel, attaché à une colonne, où il avait été frappé d'une manière si cruelle, qu'il n'était plus reconnaissable. Il avait été traîné par les rues de Jérusalem, chargé d'une croix qui le faisait tomber à chaque pas ; son sang arrosait les pierres où il passait, et, à mesure qu'il tombait, les bourreaux le relevaient à coups de pieds et de bâtons ; qu'ils avaient fini par le crucifier, et que, bien loin de se venger de tant d'outrages, il n'avait cessé de prier pour eux ; qu'il avait expiré sur cette croix, où les passants et les Juifs le chargeaient de malédictions. Puis, trois jours après, il était ressuscité ainsi qu'il l'avait prédit lui-même ; et quarante jours après, il était monté au ciel. Thomas en avait été témoin, ainsi que les Apôtres qui avaient suivi Jésus dans sa mission.
Au récit de tout ce que le Sauveur avait souffert, les saints Rois semblaient ne plus pouvoir vivre. On l'a fait mourir, ce tendre Sauveur, disaient-ils ! Ah ! a-t-on bien pu être aussi cruel ? Et il les a encore pardonnés ! Oh ! qu'il est bon ! oh ! qu'il est miséricordieux ! Et ils ne pouvaient retenir ni leurs larmes, ni leurs sanglots, tant ils, étaient pénétrés de douleur. Saint Thomas les baptisa, les ordonna prêtres, et les consacra évêques, afin qu'ils eussent plus de pouvoir pour étendre la foi après leur consécration. Ils étaient si animés de l'amour de Dieu, qu'ils criaient à tous ceux qu'ils rencontraient : Venez, M.F., venez, nous vous dirons ce qu'a souffert ce Messie que nous avons vu autrefois dans cette crèche.

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 09:07
Saint-Pierre et Saint-Paul, El Greco

Nous pouvons convenir que cet état du Sauveur doit être bien consolant pour les pauvres, puisqu'ils ont un Dieu pour leur père, leur modèle et leur ami. Mais les pauvres doivent, s'ils veulent recevoir la récompense promise aux pauvres, qui est le royaume des cieux, ils doivent imiter leur Sauveur, endurer, supporter leur pauvreté en esprit de pénitence, ne point murmurer, ne point porter envie aux riches, mais au contraire, les plaindre, parce qu'ils sont beaucoup en danger pour leur salut ; ils ne doivent pas médire contre eux, mais suivre l'exemple de Jésus-Christ qui s'est réduit à la dernière misère bien volontairement. Il ne se plaint pas, au contraire, il verse des larmes sur le malheur des riches ; par là, M.F., il a guéri les deux plaies que le péché nous a faites.
3? « Il va plus loin, il veut encore guérir la troisième plaie que le péché nous a faite, qui est la sensualité. La sensualité consiste dans l'amour déréglé des plaisirs que nous goûtons par les sens. C'est de cette funeste passion que naissent l'excès dans le boire et le manger, l'amour de ses aises, des commodités, de la vie molle, et l'impureté ; en un mot, tout ce que la loi de Dieu nous a défendu. Que fait notre Sauveur pour nous guérir de cette dangereuse maladie et de ce vice ? Il naît, M.F., dans les souffrances, les larmes et les mortifications ; il nait, durant la nuit, dans la saison la plus rigoureuse de l'année ; à peine est-il né, qu'il est couché sur une poignée de paille et dans une pauvre étable toute ouverte. Ah ! homme sensuel, gourmand, impudique, entrez dans ce réduit de misère, et vous verrez ce que fait un Dieu pour vous guérir ! Croyez-vous, M.F., que c'est là votre Dieu, votre Sauveur, votre tendre Rédempteur ? - Oui, me direz-vous. - Mais, si vous le croyez, vous devez l'imiter. Hélas ! que notre vie est éloignée de la sienne ! Hélas ! vous le voyez, M.F., il souffre, et vous ne voulez rien souffrir ; il se sacrifie pour votre salut, et vous ne voulez rien faire pour le gagner. Hélas ! comment vous comportez-vous dans son service ? Tout vous rebute ; tout vous incommode ; à peine vous voit-on faire vos Pâques ; vos prières sont ou manquées, ou mal faites ; à peine vous voit-on assister aux saints offices ; encore, M.F., comment vous y comportez-vous ? Ah ! que les larmes, que les souffrances de ce divin Enfant vous sont de terribles menaces ! Malheur à vous !
Ah ! malheur à vous qui riez maintenant, parce qu'un jour viendra où vous verserez des larmes ; et ces larmes seront d'autant plus cuisantes, qu'elles ne tariront jamais ! « Le royaume des cieux, nous dit-il, souffre violence ; il n'est que pour ceux qui se la font continuellement . » « Heureux, nous dit ce tendre Sauveur, heureux ceux qui pleurent en ce monde, parce qu'un jour ils seront consolés ! » Que celui qui prend Jésus-Christ pour modèle depuis son berceau jusqu'à la croix, est heureux ! Qu'il a de quoi s'encourager ! qu'il a de quoi imiter ! que d'armes puissantes pour repousser le démon ! Disons mieux : la vie d'imitation de Jésus-Christ est une vie de saint.
L'histoire nous en fournit un bel exemple : nous y voyons qu'une veuve qui avait peu de biens, mais qui avait de la vertu et du zèle pour le salut de ses enfants, avait une fille âgée de dix ans, nommée Dorothée. Cette petite fille était vive, portée à la dissipation ; la mère craignait que cette enfant ne se perdît avec ses petites compagnes ; elle la mit en pension chez une maîtresse bien vertueuse, pour la former à la vertu. Elle y fit des progrès admirables dans la piété, et retint dans son cœur tous les bons avis que sa bonne maîtresse lui avait donnés ; mais surtout celui de se proposer Jésus-Christ pour modèle dans toutes ses actions. Lorsqu'elle fut rendue à sa mère, elle fut l'exemple et la consolation de toute sa famille. Elle ne se plaignait jamais de rien ; elle était patiente, douce, obéissante, toujours contente, d'une humeur égale dans ses travaux et dans les croix qui lui arrivaient, chaste, ennemie de toute vanité, respectant tout le monde, ne parlant mal de personne, aimant à rendre service, toujours unie à Dieu. Une telle conduite la rendit bientôt un objet d'estime à toute la paroisse ; mais, comme d'ordinaire, les faux sages, qui sont aveugles et orgueilleux, en furent fâchés, parce que, sans le savoir, ils ne sont vertueux et sages que parce, que tous les estiment ; ils ne peuvent en souffrir d'autres, par crainte qu'on ne fasse plus attention à eux, et que l'on ne tourne toute l'estime du côté des autres.
C'est ce qui arriva à cette jeune fille. Quelques compagnes envieuses entreprirent de noircir sa réputation, la traitèrent d'hypocrite et de fausse dévote. Mais Dorothée recevait cela sans se plaindre ; elle le souffrait pour l'amour de Jésus-Christ et ne laissait pas de toujours bien aimer celles qui la calomniaient. Plus tard, son innocence fut connue, et tout le monde en eut encore plus d'estime.
Le curé de la paroisse, admirant en elle les heureux effets de la grâce et le fruit que faisait cette jeune fille parmi celles qui la fréquentaient, lui dit un jour : « Dorothée, je vous prie de me dire en confiance comment vous vivez, comment vous vous comportez avec vos compagnes. » - « Monsieur, lui répondit-elle, il me semble que je fais peu de chose, en comparaison de ce que je devrais faire. Je me suis toujours souvenue d'un avis que ma maîtresse m'a donné, lorsque je n'avais encore que douze ans. Elle me répétait souvent de me proposer Jésus-Christ pour modèle dans toutes mes actions et dans toutes mes peines. C'est ce que j'ai tâché de faire. Voici comment je le fais : Lorsque je m'éveille et que je me lève, je me représente l'enfant Jésus qui, à son réveil, s'offrait à Dieu son Père en sacrifice ; pour l'imiter, je m'offre en sacrifice à Dieu, en lui consacrant ma journée, et tous mes travaux, et toutes mes pensées. Lorsque je prie, je me représente Jésus priant son Père au jardin des Olives la face contre terre, et, dans mon cœur, je m'unis à cette divine disposition. Lorsque je travaille, je pense que Jésus-Christ, aussi fatigué, travaille pour mon salut ; et, loin de me plaindre, j'unis avec amour et avec résignation mes travaux aux siens. Quand on me commande quelque chose, je me représente Jésus-Christ qui était soumis, obéissant à la sainte Vierge et à saint Joseph, et, dans ce moment, j'unis mon obéissance à la sienne. Si l'on me commande quelque chose de dur et de pénible, je pense aussitôt que Jésus-Christ s'est soumis à la mort de la croix pour nous sauver ; ensuite, j'accepte de bon cœur tout ce qu'on me commande, quelque difficile que ce soit. Si l'on parle de moi, si l'on me dit des duretés et des injures, je ne réponds rien, je souffre en patience, me souvenant que Jésus-Christ a souffert en silence et sans se plaindre les humiliations, les calomnies, les tourments et les opprobres les plus cruels ; je pense alors que Jésus était innocent et ne méritait pas ce qu'on lui faisait souffrir, au lieu que moi, je suis une pécheresse et j'en mérite bien plus que l'on ne peut m'en faire souffrir. Lorsque je prends mes repas, je me représente Jésus prenant les siens avec modestie et frugalité pour travailler ensuite à la gloire de son Père. Si je mange quelque chose de dégoûtant, je pense aussitôt au fiel que Jésus-Christ a goûté sur la croix, et je lui fais le sacrifice de ma sensualité. Quand j'ai faim, ou que je n'ai pas de quoi me rassasier, je ne laisse pas que d'être contente, en me souvenant que Jésus-Christ a passé quarante jours et quarante nuits sans manger, et qu'il a souffert une faim cruelle pour mon amour et pour expier les intempérances des hommes. Lorsque je prends quelques moments de récréation, que je suis à causer avec quelqu'un, je me représente combien Jésus-Christ était doux, affable avec tous. Si j'entends de mauvais discours, ou que je vois faire quelque péché, j'en demande aussitôt pardon à Dieu, en me représentant combien Jésus-Christ avait le cœur percé de douleur, quand il voyait son Père offensé. Lorsque je pense aux péchés sans nombre que l'on commet dans le monde, combien Dieu est outragé sur la terre, j'en gémis en soupirant ; je m'unis aux dispositions de Jésus-Christ, qui disait à son Père en parlant de l'homme : « Ah ! mon Père, le monde ne vous connaît pas . » Lorsque je vais me confesser, je me représente Jésus qui pleure mes péchés au jardin des Oliviers et sur la Croix. Si j'assiste à la sainte Messe, j'unis aussitôt mon esprit et mon cœur aux saintes intentions de Jésus, qui se sacrifie sur l'autel pour la gloire de son Père, pour l'expiation des péchés des hommes et pour le salut de tous. Lorsque j'entends chanter quelque cantique et que j'entends chanter les louanges de Dieu, je me réjouis en Dieu, je me représente ce glorieux cantique et cette heureuse soirée que Jésus-Christ passa avec ses apôtres, après l'institution du sacrement adorable. Lorsque je vais prendre mon repos, je me représente Jésus-Christ qui ne prenait le sien qu'afin de retrouver de nouvelles forces pour la gloire de son Père, ou bien je me représente que mon lit est bien différent de la croix sur laquelle Jésus-Christ se coucha comme un agneau, en offrant à Dieu son esprit et sa vie ; ensuite je m'endors en disant ces paroles de Jésus-Christ sur la Croix : « Mon Père, je remets mon esprit entre vos mains . » Le curé, ne pouvant se lasser d'admirer tant de lumière dans une jeune villageoise, lui dit : « Ô Dorothée, que vous êtes heureuse ! que de consolations n'avez-vous pas dans votre état ! » - « Il est vrai que j'ai des consolations dans le service de Dieu ; mais je vous avoue que j'ai bien des combats à soutenir : il me faut faire de grandes violences, pour supporter les railleries de ceux qui se moquent de moi, et pour surmonter mes passions qui sont très vives. Si le bon Dieu me fait des grâces, il permet aussi que j'aie bien des tentations ; tantôt je suis dans le chagrin ; tantôt le dégoût pour la prière m'accable. » - « Que faites-vous, lui dit le curé, pour surmonter vos répugnances et vos tentations ? » - « Lorsque je suis, lui dit-elle, dans les tortures de l'esprit, je me représente le Sauveur au jardin des Olives, abattu, torturé et affligé jusqu'à la mort ; ou bien je me le représente délaissé et sans consolation sur la croix ; et, m'unissant à lui, je dis aussitôt ces paroles, qu'il prononça lui-même dans le jardin des Olives : « Mon Dieu, que votre volonté soit faite . » Quant à mes tentations, lorsque je sens quelque attrait d'aller dans certaines compagnies, dans les veillées, dans les danses et les divertissements dangereux, ou bien lorsque j'ai de violentes tentations de consentir à quelque péché, je me représente Jésus-Christ qui me dit ces paroles : Eh ! quoi, ma fille, veux-tu donc me quitter, pour te livrer au monde et à ses plaisirs ? Veux-tu me reprendre ton cœur, pour le donner à la vanité et au démon ? N'y a-t-il pas déjà assez de personnes qui m'offensent ? Veux-tu te mettre de leur parti et abandonner mon service ? Aussitôt je lui réponds du fond du cœur : Non, mon Dieu, jamais je ne vous abandonnerai ; je vous serai fidèle jusqu'à la mort ! « Où irais-je, Seigneur, en vous quittant, puisque vous avez les paroles de la vie éternelle . » Ces paroles me remplissent, dans le moment, de force et de courage. » - « Dans les conversations que vous avez avec vos compagnes, lui dit le curé, de quoi vous entretenez-vous ? » - « Je les entretiens des mêmes choses dont j'ai pris la liberté de vous entretenir ; je leur dis de se proposer Jésus-Christ pour modèle dans toutes leurs actions, de se souvenir, dans leurs prières, dans leurs repas, dans le travail, dans les conversations, dans les peines de la vie, comme Jésus-Christ se comporterait lui-même dans ces occasions, et de toujours s'unir à ses divines intentions ; je leur dis que je me sers de cette sainte pratique et que je m'en trouve bien, qu'il n'y a rien de plus grand et de plus noble que de vouloir suivre et imiter Jésus-Christ, et qu'il n'y a rien de plus doux que de servir un si bon Maître. »
Oh ! heureuse, M.F., l'âme qui a pris Jésus-Christ pour son guide, son modèle et son bien-aimé ! Que de grâces, que de consolations qui ne se trouvent jamais dans le service du monde ! Voilà, M.F., les consolations que vous auriez, si vous vouliez vous donner la peine de bien élever vos enfants, et leur inspirer, non pas la vanité et l'amour des plaisirs du monde, mais la résolution de prendre Jésus-Christ pour modèle dans tout ce qu'ils font. Oh ! les enfants heureux ! Oh ! les parents chéris de Dieu !

II. - Oui, M.F., ce n'est pas seulement pour nous racheter que Jésus-Christ est venu, mais encore pour nous servir d'exemple. Il nous dit : « Je suis venu chercher et sauver ce qui était perdu ; » et dans un autre endroit, il nous dit : « Je vous ai donné l'exemple, afin que vous fassiez ce que vous voyez que j'ai fait . » Lorsque saint Jean baptisait Jésus-Christ au Jourdain, il entendit le Père éternel qui dit : « Voici mon Fils bien-aimé, écoutez-le . » Il veut que nous écoutions ses paroles, et que nous imitions ses vertus. Il ne les a pratiquées que pour nous montrer ce que nous devions faire. Puisque les chrétiens sont les enfants de Dieu, ils doivent marcher sur les traces de leur maître qui est Jésus-Christ lui-même. Saint Augustin nous dit qu'un chrétien qui ne veut pas imiter Jésus-Christ, ne mérite pas de porter le nom de chrétien. Il nous dit dans un autre endroit : L'homme est créé pour imiter Jésus-Christ, qui s'est fait homme afin de se rendre visible et pour que nous puissions l'imiter. Au jour du jugement, nous serons examinés pour voir si notre vie a été conforme à celle de Jésus-Christ, depuis sa naissance jusqu'à sa mort. Tous les saints qui sont entrés dans le ciel, n'y sont entrés que parce qu'ils ont imité Jésus-Christ.
En premier lieu, un bon chrétien doit imiter sa charité, qui est une vertu qui nous porte à aimer Dieu de tout notre cœur et le prochain comme nous-même. Jésus-Christ aime son Père depuis l'instant de sa conception jusqu'à sa mort, en disant : « Je fais toujours le bon plaisir de mon Père . » Il ne s'est pas contenté de le dire, mais il a donné sa vie pour réparer les outrages que le péché lui avait faits. Il aime son prochain, non seulement comme lui-même, mais plus que lui-même, puisqu'il a donné son sang et sa vie pour nous tirer de l'enfer. Nous devons, à l'exemple de Jésus-Christ, aimer le bon Dieu de tout notre cœur, le préférer à tout, ne rien aimer que par rapport à lui. Nous devons aimer notre prochain comme nous-même, c'est-à-dire lui souhaiter tout ce que nous voudrions que l'on nous souhaitât à nous-même, faire tout ce qui dépend de nous pour l'aider à sauver sa pauvre âme.
En deuxième lieu, il nous faut imiter sa pauvreté et son détachement des choses de la vie. Vous voyez, M.F., qu'il naît pauvre, qu'il a vécu pauvre, et qu'il est mort pauvre, puisqu'avant de mourir, il a permis qu'on lui arrachât tous ses habits. Pendant toute sa vie, il n'a jamais rien eu à lui en particulier. Ah ! bel exemple du mépris des choses de la terre !
En troisième lieu, nous devons imiter sa douceur. Il nous dit : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur . » Saint Bernard nous dit qu'il a la douceur dans son nom, qui est celui de Jésus . Lorsque les apôtres voulaient faire descendre le feu du ciel sur une ville de Samarie, qui n'avait pas voulu recevoir le Sauveur :
« Voulez-vous, lui dirent ses disciples, que nous disions au feu du ciel de descendre sur cette ville ? » Notre-Seigneur leur répondit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez ; le Fils de l'homme n'est pas venu sur la terre pour perdre les âmes, mais pour les sauver . » Imitons sa douceur envers Dieu, en recevant avec douceur tout ce qui nous viendra de sa part, peines, chagrins et autres maux. Soyons bons envers notre prochain, sachons ne point nous laisser aller à la colère contre lui, mais le traiter avec bonté, avec charité. Soyons aussi doux à l'égard de nous-même ; veillons à ne jamais agir par caprice, par colère ; si nous tombons dans quelque faute, il ne faut pas nous emporter contre nous-même, mais nous humilier profondément devant Dieu, et, sans trop nous tourmenter, continuer nos pratiques de religion. « Bienheureux, nous dit Jésus-Christ, ceux qui ont le cœur doux, parce qu'ils posséderont la terre », c'est-à-dire le cœur des hommes !
En quatrième lieu, nous devons imiter son humilité. Il nous dit lui-même : « Apprenez de moi que je suis humble de cœur. » Son humilité a été si grande, que, quoiqu'il fût roi de tout le monde, il voulut passer pour « le dernier de tous les hommes ! » Voyez combien il pratique l'humilité, en naissant dans une étable, abandonné de tout le monde. Il a voulu être circoncis, c'est-à-dire passer pour un pécheur, lui qui était la sainteté même, incapable de jamais pécher ; il a souffert qu'on l'appelât sorcier, magicien, séducteur ; il a toujours caché ce qui pouvait le faire estimer aux yeux des hommes. Il a voulu laver les pieds à ses apôtres, et même au traître Judas, quoiqu'il sût bien qu'il le devait trahir ; enfin, il a voulu être vendu comme un vil esclave, traîné la corde au cou par les rues de Jérusalem, comme s'il avait été le plus criminel du monde. Tâchez, M.F., d'imiter sa grande humilité en cachant le bien que vous faites, en souffrant avec patience les injures et les mépris, et toutes les persécutions que l'on pourra faire contre vous, à l'exemple de Jésus-Christ.
Nous devons encore imiter sa patience. Qu'il a été patient, de rester neuf mois renfermé dans le sein de sa mère, lui que le ciel et la terre ne peuvent contenir ! Quelle patience, de converser parmi les hommes, dont la plupart étaient endurcis et chargés de crimes ! Quelle patience pendant toute sa passion ! On le prend, on le lie, on le couvre de pierres, on le flagelle, on l'attache à la croix, on le fait mourir, sans qu'il ait dit une seule parole pour se plaindre. Imitons, M.F., cette patience lorsqu'on nous méprise et qu'on nous persécute à tort. Imitons encore sa prière. Il a prié en versant des larmes de sang.
Ah ! M.F., quel bonheur pour nous que la naissance, de ce divin Sauveur ! Nous n'avons qu'à marcher sur ses traces ; nous n'avons plus qu'à faire ce qu'il a fait lui-même. Quelle gloire pour des chrétiens, d'avoir en Jésus-Christ un modèle de toutes les vertus que nous devons pratiquer pour lui plaire et sauver notre âme ! Pères et mères, formez vos enfants sur ce beau modèle, proposez-leur souvent les vertus de Jésus-Christ pour exemple .
Heureuse nouvelle que, du ciel, l'ange nous annonce dans la personne des bergers, puisque avec elle nous avons tout : le ciel, le salut de notre âme, et notre Dieu ! Ce que je...

1er DIMANCHE DE L'ANNÉE

Sur la Sanctification du Chrétien

Domine, dimitte illam et hoc anno.
Seigneur, laissez-le encore une année sur la terre.
(S.Luc, XIII, 8.)

Un homme, nous dit le Sauveur du monde, avait un figuier planté dans sa vigne, et, venant pour y chercher du fruit, il n'en trouva point. Alors, il s'adressa au vigneron et lui dit : « Voilà déjà trois ans que je viens chercher du fruit à ce figuier sans en trouver ; coupez-le donc ; pourquoi occupe-t-il encore la terre ? » Le vigneron lui répondit : « Seigneur, laissez-le encore cette année, je labourerai autour, j'y mettrai du fumier ; peut-être portera-t-il du fruit ; sinon, vous le couperez et le jetterez au feu. »
Non, M.F., non, cette parabole n'a pas besoin d'explication. C'est précisément nous qui sommes ce figuier que Dieu a planté dans le sein de son Église, et de qui il avait droit d'attendre de bonnes œuvres ; mais jusqu'ici nous avons trompé son espérance. Indigné de notre conduite, il voulait nous ôter de ce monde et nous punir ; mais Jésus-Christ, qui est notre véritable vigneron, qui cultive nos âmes avec tant de soin, et qui est déjà notre médiateur, a demandé en grâce à son Père, de nous laisser encore cette année sur la terre, promettant à son Père qu'il redoublerait ses soins et qu'il ferait tout ce qu'il pourrait pour nous convertir. Mon Père, lui dit ce tendre Sauveur, encore cette année, ne les punissez pas si tôt ; je les poursuivrai continuellement, tantôt par les remords de la conscience qui les dévoreront, tantôt par des bons exemples, tantôt par de bonnes inspirations. Je chargerai mes ministres de leur annoncer que je suis toujours prêt à les recevoir, que ma miséricorde est infinie. Mais si, malgré tout cela, ils ne veulent pas vous aimer, bien loin de les défendre contre votre justice, moi-même je me tournerai contre eux, en vous priant de les ôter de ce monde et de les punir. Prévenons, M.F., un si grand malheur, et profitons de cette miséricorde qui est infinie. M.F., passons saintement l'année que nous allons commencer : et, pour cela, évitons tous ces désordres qui ont rendu nos années passées si criminelles aux yeux de Dieu. C'est ce que je vais vous montrer d'une manière simple et familière, afin que, le comprenant bien, vous puissiez en profiter.

I. - Pourquoi, M.F., notre vie est-elle remplie de tant de misères ? Si nous considérons bien la vie de l'homme, ce n'est autre chose qu'une chaîne de maux : les maladies, les chagrins, les persécutions, ou enfin les pertes de biens nous tombent sans cesse dessus ; de sorte que, de quelque côté que l'homme terrestre se tourne ou se considère, il ne trouve que croix et afflictions. Allez, interrogez depuis le plus petit jusqu'au plus grand, tous vous tiendront le même langage. Enfin, M.F., l'homme, sur la terre, à moins qu'il ne se tourne du côté de Dieu, ne peut être que malheureux. Savez-vous pourquoi, M.F. ? - Non, me direz-vous. - Eh bien ! mon ami, en voici la véritable raison : C'est que Dieu, ne nous ayant mis en ce monde que comme dans un lieu d'exil et de bannissement, il veut nous forcer par tant de maux à ne pas y attacher notre cœur et à soupirer après des biens plus grands, plus purs et plus durables que ceux que l'on peut trouver en cette vie. Pour mieux nous faire sentir la nécessité de porter nos vues vers les biens éternels, Dieu a donné à notre cœur des désirs si vastes et si étendus, que plus rien de créé n'est capable de le contenter : c'est à ce point que, s'il espère trouver quelque plaisir en s'attachant à des objets créés, à peine possède-t-il ce qu'il désirait avec tant d'ardeur, à peine l'a-t-il goûté, qu'il se tourne d'un autre côté, espérant, trouver quelque chose de mieux. Il est donc contraint et forcé d'avouer, par sa propre expérience, que c'est inutilement qu'il veut mettre son bonheur ici-bas dans les choses périssables. S'il espère avoir quelque consolation dans ce monde, ce ne sera qu'en méprisant les choses qui sont si passagères et de si peu de durée, et en tendant vers la fin noble et heureuse pour laquelle Dieu l'a créé. Voulez-vous être heureux, mon ami ? Regardez le ciel : c'est là où votre cœur trouvera de quoi se rassasier pleinement.
Pour vous prouver cela, M.F., je n'aurais qu'à interroger un enfant et à lui demander pour quelle raison Dieu l'a créé et mis au monde ; il me répondrait : Pour le connaître, l'aimer, le servir, et par ce moyen gagner la vie éternelle. - Mais ces biens, ces plaisirs, ces honneurs, qu'en devez-vous donc faire ? - Il me dirait encore : Tout cela n'existe que pour être méprisé, et tout chrétien qui est fidèle aux engagements qu'il a contractés avec Dieu sur les fonts sacrés du baptême, le méprise et le foule sous les pieds. - Mais, me direz-vous encore, que devons-nous donc faire ? De quelle manière devons-nous nous conduire, au milieu de tant de misères, pour arriver à la fin heureuse pour laquelle nous sommes créés ? - Eh ! mes amis, rien de plus facile ; tous les maux que vous éprouvez sont les véritables moyens pour vous y conduire : je vais vous le montrer d'une manière claire comme le jour dans son midi. D'abord, je vous dirai que Jésus-Christ, par ses souffrances et sa mort, a rendu tous nos actes méritoires, de sorte que, pour un bon chrétien, il n'y a pas un mouvement de notre cœur et de notre corps qui ne soit récompensé, si nous le faisons pour lui. - Peut-être pensez-vous encore : cela n'est pas assez clair ? - Eh bien ! si cela ne suffit pas, commençons la matière. Suivez-moi un instant, et vous allez savoir la manière de rendre toutes vos actions méritoires pour la vie éternelle, sans rien changer à votre manière d'agir. Il faut seulement tout faire en vue de plaire à Dieu, et j'ajouterai qu'au lieu de rendre vos actions plus pénibles en les faisant pour Dieu, au contraire elles n'en seront que plus douces et plus légères. Le matin, en vous éveillant, pensez aussitôt à Dieu, et faites vite le signe de la croix, en lui disant : Mon Dieu, je vous donne mon cœur, et puisque vous êtes si bon que de me donner encore un jour, faites-moi la grâce que tout ce que je ferai ne soit que pour votre gloire et le salut de mon âme. Hélas ! devons-nous dire en nous-mêmes, combien, depuis hier, sont tombés en enfer, qui peut-être étaient moins coupables que moi ! il faut donc, que je fasse mieux que je n'ai fait jusqu'à présent.
Dès ce moment, il faut offrir à Dieu toutes vos actions de la journée en lui disant : Recevez, ô mon Dieu, toutes les pensées, toutes les actions que je ferai en union avec ce que vous avez enduré pendant votre vie mortelle pour l'amour de moi. C'est ce que vous ne devez jamais oublier ; car, afin que nos actions soient méritoires pour le ciel, il faut que nous les ayons offertes au bon Dieu, sans quoi elles seront sans récompense. Quand l'heure de vous lever sera venue, levez-vous promptement : prenez bien garde de ne pas écouter le démon, qui vous tentera de rester encore quelque temps au lit, afin de vous faire manquer votre prière, ou de vous la faire faire avec distraction, par la pensée que l'on vous attend ; ou que votre ouvrage presse. Lorsque vous vous habillez, faites-le avec modestie ; pensez que Dieu a les yeux fixés sur vous, et que votre bon ange gardien est à côté de vous, comme vous ne pouvez pas en douter. Mettez-vous de suite à genoux, n'écoutez pas le démon qui vous dit encore de remettre votre prière à un autre moment, afin de vous faire offenser Dieu dès le matin ; au contraire, faites votre prière avec autant de respect et de modestie que vous le pourrez. Après votre prière, prévoyez les occasions que vous pourriez avoir d'offenser Dieu pendant la journée, afin d'éviter ce malheur. Prenez ensuite quelque résolution que vous vous efforcerez d'exécuter dès le premier moment, comme, par exemple, de faire votre travail en esprit de pénitence, d'éviter les impatiences, les murmures, les jurements, de retenir votre langue. Le soir, vous examinerez si vous y avez été fidèle ; si vous y avez manqué, il faut vous imposer quelque pénitence pour vous punir de vos infidélités, et vous êtes sûr que, si vous vous servez de cette pratique, vous serez bientôt venu à bout de vous corriger de tous vos défauts.
Lorsque vous allez travailler, au lieu de vous occuper de la conduite de l'un et de l'autre, occupez-vous de quelques bonnes pensées, comme de la mort, en pensant que bientôt vous allez sortir de ce monde ; vous examinerez quel bien vous y faites depuis que vous y êtes ; vous gémirez surtout des jours perdus pour le ciel, ce qui vous portera à redoubler vos bonnes œuvres, vos pénitences, vos larmes ; - ou bien, du jugement : que, peut-être avant que la journée finisse, vous allez rendre compte de toute votre vie, et que ce moment décidera de votre sort, ou éternellement malheureux, ou éternellement bienheureux ; - ou pensez au feu de l'enfer, dans lequel brûlent ceux qui ont vécu dans le péché ; ou au bonheur du paradis, qui est la récompense de ceux qui ont été fidèles à servir Dieu ; - ou bien, si vous voulez, entretenez-vous de la laideur du péché, qui nous sépare de Dieu, qui nous rend les esclaves du démon en nous jettant dans un abîme de maux éternels.
Mais, me direz-vous, nous ne pouvons pas faire toutes ces méditations. - Eh bien ! voyez la bonté de Dieu : vous ne savez pas méditer ces grandes vérités ? Eh bien ! faites quelques prières, dites votre chapelet. Si vous êtes père ou mère de famille, dites-le pour vos enfants, afin que le bon Dieu leur fasse la grâce d'être de bons chrétiens, qui feront votre consolation en ce monde et votre gloire en l'autre. Et les enfants doivent le dire pour leurs pères et mères, afin que Dieu les conserve et qu'ils les élèvent bien chrétiennement. Ou bien priez pour la conversion des pécheurs, afin qu'ils aient le bonheur de revenir à Dieu. Et par là, vous éviterez un nombre infini de paroles inutiles, ou peut-être même des propos qui souvent ne sont pas des plus innocents. Il faut, M.F., vous accoutumer de bonne heure à employer saintement le temps. Souvenez-vous que nous ne pouvons pas nous sauver sans y penser, et que, s'il y a une affaire qui mérite qu'on y pense, c'est bien l'affaire de notre salut, puisque Dieu ne nous a mis sur la terre que pour cela.
Il faut, M.F., avant de commencer votre travail, ne jamais manquer de faire le signe de la croix, et ne pas imiter ces gens sans religion qui n'osent pas se signer à cause qu'ils sont en compagnie. Offrez tout simplement vos peines au bon Dieu, et renouvelez de temps en temps cette offrande ; par là, vous aurez le bonheur d'attirer la bénédiction du Ciel sur vous et sur tout ce que vous ferez. Voyez, M.F., combien d'actes de vertu vous pouvez pratiquer en vous comportant de cette manière, sans rien changer à ce que vous faites. Si vous travaillez en vue de plaire à Dieu, d'obéir à ses commandements qui vous ordonnent de gagner votre pain à la sueur de votre front, voilà un acte d'obéissance ; si c'est pour expier vos péchés, vous faites un acte de pénitence ; si c'est afin d'obtenir quelque grâce pour vous ou pour d'autres, voilà un acte de confiance et de charité. Ô combien, M.F., nous pouvons mériter chaque jour le ciel en ne faisant que ce que nous faisons, mais en le faisant pour Dieu et le salut de notre âme ! Qui vous empêche, lorsque vous entendez sonner les heures, de penser à la brièveté du temps et de dire en vous-même : les heures passent et la mort s'avance, je cours vers l'éternité ; suis-je bien prêt à paraître devant le tribunal de Dieu ? Ne suis-je pas en état de péché ? Et, M.F., si vous aviez ce malheur, faites vite un acte de contrition pour témoigner à Dieu votre regret, et ensuite prenez vite la résolution d'aller vous confesser, pour deux raisons : la première, c'est que, si vous veniez à mourir dans cet état, vous seriez damné tout net ; et la seconde, c'est que toutes les bonnes œuvres que vous auriez faites seraient perdues pour le ciel. D'ailleurs, M.F., auriez-vous bien le courage de rester dans un état qui vous rend l'ennemi de votre Dieu, qui vous aime tant ? Lorsque vous vous reposez de vos fatigues, jetez les yeux vers ce beau ciel, qui vous est préparé, si vous avez le bonheur de servir Dieu comme vous le devez, en vous disant à vous-même : Ô beau ciel, quand aurai-je le bonheur de vous posséder !
Cependant, M.F., il est vrai de dire que le démon ne laisse pas de faire tout ce qu'il peut pour nous porter au péché ; puisque saint Pierre nous dit : « qu'il rôde sans cesse autour de nous comme un lion pour nous dévorer . » Il faut donc vous attendre, M.F., à ce que, tant que vous serez sur la terre, vous aurez des tentations. Mais, que devez-vous faire, lorsque vous sentez que le démon voudrait vous porter au mal ? Le voici : Vite avoir recours à Dieu en lui disant : « Mon Dieu, venez à mon secours ! Vierge sainte, aidez-moi, s'il vous plaît ! » ou bien : « Mon saint ange gardien, combattez pour moi l'ennemi de mon salut ! » Faites vite ces réflexions : A l'heure de la mort, voudrais-je avoir fait cela ? non, sans doute : eh bien ! il faut donc résister à cette tentation. Je pourrais bien maintenant me cacher aux yeux du monde ; mais Dieu me voit. Lorsqu'il me jugera, que vais-je lui répondre, si j'ai eu le malheur de commettre ce péché ? Il s'agit ici du paradis ou de l'enfer, lequel des deux veux-je choisir ? Croyez-moi, M.F., faites ces petites réflexions toutes les fois que vous serez tentés, et vous verrez que la tentation diminuera à mesure que vous lui résisterez, et vous en sortirez victorieux. Ensuite, vous éprouverez vous-mêmes que, s'il en coûte pour résister, l'on est ensuite bien dédommagé par la joie et les consolations que l'on éprouve après avoir chassé le démon. Je suis sûr que plusieurs d'entre vous se disent en eux-mêmes que cela est bien vrai.
Les pères et mères doivent accoutumer leurs enfants de bonne heure à résister à la tentation ; car l'on peut dire à tant de pères et de mères qu'il y a des enfants qui ont quinze et seize ans, et qui ne savent pas ce que c'est que de résister à une tentation, qui se laissent prendre aux pièges du démon comme des oiseaux dans les filets ! D'où vient cela, sinon de l'ignorance ou de la négligence des parents ? - Mais, peut-être me direz-vous : Comment voulez-vous que nous apprenions cela à nos enfants, quand nous ne le savons pas nous-mêmes ? - Mais, si vous n'êtes pas assez instruits, pourquoi êtes-vous donc entrés dans l'état du mariage, où vous saviez, ou du moins vous deviez savoir que, si le bon Dieu vous donnait des enfants, vous étiez obligés, sous peine de damnation, de les instruire de la manière dont ils devaient se conduire pour aller au ciel ? Mon ami, n'était-ce pas assez que votre ignorance vous perdît, sans en perdre d'autres avec vous ? Si du moins vous êtes parfaitement convaincu que vous n'avez pas assez de lumières, pourquoi ne vous faites-vous pas instruire de vos devoirs par ceux qui en sont chargés ? - Mais, me direz-vous, comment oser dire à mon pasteur que je suis peu instruit ? il se moquera de moi. - Il se moquera de vous ? M.F., vous vous trompez ; il se fera un plaisir de vous apprendre ce que vous devez savoir, et ce que vous devez enseigner à vos enfants.
Vous devez encore leur apprendre à sanctifier leur travail, c'est-à-dire, à le faire, ni pour devenir riches, ni pour se faire estimer du monde, mais pour plaire à Dieu, qui nous le commande pour expier nos péchés ; par là, vous aurez la consolation de les voir devenir des enfants sages et obéissants, qui feront votre consolation en ce monde et votre gloire dans l'autre : vous aurez le bonheur de les voir craignant Dieu et maîtres de leurs passions. Non, M.F., mon dessein n'est pas aujourd'hui de montrer aux pères et mères la grandeur de leurs obligations : elles sont si grandes et si terribles, qu'elles méritent bien une instruction tout entière. Je leur dirai seulement en passant qu'ils doivent tous bien faire leurs efforts pour leur inspirer la crainte et l'amour de Dieu ; que leurs âmes sont un dépôt que Dieu leur a confié, dont un jour il faudra rendre un compte bien rigoureux.
Enfin, l'on doit terminer la journée par sa prière du soir, que l'on doit faire en commun, autant qu'il est possible : car, M.F., rien n'est plus avantageux, que cette pratique de piété, parce que Jésus-Christ nous dit lui-même : « Si deux ou trois personnes s'unissent ensemble « pour prier en mon nom, je serai au milieu . » D'un autre côté, quoi de plus consolant, pour un père de famille, de voir chaque jour toute sa maison prosternée aux pieds de Dieu pour l'adorer et le remercier des bienfaits reçus pendant la journée, et, en même temps, pour gémir sur ses fautes passées ? N'a-t-il pas lieu d'espérer que tous passeront saintement la nuit ? Celui qui fait la prière ne doit pas aller trop vite, afin que les autres puissent le suivre, ni trop lentement, ce qui donnerait des distractions aux autres, mais tenir un juste milieu. A cette prière du soir, l'on doit ajouter un examen en commun, c'est-à-dire, s'arrêter un instant pour se remettre ses péchés devant les yeux. Voilà l'avantage de cet examen : il nous porte à la douleur de nos péchés ; il nous inspire la résolution de n'y plus retomber ; et, lorsque nous allons nous confesser, nous avons beaucoup plus de facilité à nous les rappeler : enfin, si la mort nous frappait, nous paraîtrions avec plus de confiance devant le tribunal de Dieu ; puisque saint Paul nous dit que, « si nous nous jugeons nous-mêmes, Dieu nous épargnera dans ses jugements . » II serait encore à souhaiter, qu'avant d'aller vous coucher, vous fissiez une petite lecture de piété, du moins pendant l'hiver : cela vous donnerait quelques bonnes pensées, qui vous occuperaient en vous couchant et en vous levant, et, par là, vous graveriez plus parfaitement les vérités de votre salut dans votre cœur. Dans les maisons où l'on ne sait pas lire, eh bien ! l'on peut dire le chapelet, ce qui attirerait la protection de la sainte Vierge. Oui, M.F., quand on a passé ainsi la journée, l'on peut prendre son repos en paix et s'endormir dans le Seigneur. Si pendant la nuit on s'éveille, on profite de ce moment pour louer et adorer Dieu. Voilà, M.F., le plan de vie que vous devez suivre, et le bon ordre que vous devez établir dans vos familles.

II. - Voyons maintenant les désordres les plus communs et les plus dangereux qu'il faut éviter, et ensuite les obligations de chaque état en particulier. Je dis d'abord que les péchés, les désordres les plus communs sont les veilles, les jurements, les paroles et les chansons déshonnêtes. Je dis d'abord les veilles : oui, M.F., oui, ces assemblées nocturnes sont ordinairement l'école où les jeunes gens perdent toutes les vertus de leur âge, et apprennent toutes sortes de vices. En effet, M.F., quelles sont les vertus de la jeunesse ? N'est-ce pas l'amour de la prière, la fréquentation des sacrements, la soumission à leurs parents, l'assiduité à leur travail, une admirable pureté de conscience, une vive horreur du péché honteux ? Telles sont, M.F., les vertus que les jeunes gens doivent s'efforcer d'acquérir. Eh bien ! M.F., moi, je vous dirai, que, quelque affermi que soit un jeune homme ou une jeune fille dans ces vertus, s'ils ont le malheur de fréquenter certaines veillées, ou certaines compagnies, ils les auront bientôt toutes perdues. Dites-moi, M.F., vous qui en êtes témoins, qu'y entend-on, sinon les paroles les plus sales et les plus honteuses ? Qu'y voit-on, si ce n'est des familiarités entre les jeunes personnes, qui font rougir la pudeur ? et j'ose dire que quand ce seraient des infidèles, ils n'en feraient pas davantage. Et des pères, et des mères en sont témoins, et n'en disent rien, et des maîtres et des maîtresses gardent le silence ! Un faux respect humain leur ferme la bouche ! Et vous êtes chrétiens, vous avez de la religion, et vous espérez d'aller un jour au ciel ! Ô mon Dieu, quel aveuglement ! Peut-on bien le concevoir ? Oui, pauvres aveugles, vous irez, mais ce sera en enfer : voilà où vous serez jetés.
Comment, vous vous plaignez de ce que vos bêtes périssent ? Vous avez sans doute oublié tous ces crimes qui se sont commis pendant cinq ou six mois de l'hiver dans vos écuries ? Vous avez oublié ce que dit l'Esprit-Saint : « que partout où le péché se commettra, la malédiction du Seigneur tombera . » Hélas ! combien de jeunes gens qui auraient encore leur innocence s'ils n'avaient pas été à certaines veillées et qui, peut-être, ne reviendront jamais à Dieu ! N'est-ce pas encore au sortir de là, que les jeunes gens s'en vont courir et former des liaisons, qui, le plus souvent, finissent par le scandale et la perte de la réputation d'une jeune fille ? N'est-ce pas là que ces jeunes libertins, après avoir vendu leur âme au démon, vont encore perdre celle des autres ? Oui, M.F., les maux qui en résultent sont incalculables. Si vous êtes chrétiens, et que vous désiriez sauver vos âmes et celles de vos enfants et de vos domestiques, vous ne devez jamais tenir de veillées chez vous, à moins que vous n'y soyez, vous, un des chefs de la maison, pour empêcher que Dieu ne soit offensé. Lorsque vous êtes tous entrés, vous devez fermer la porte et n'y laisser entrer personne. Commencez votre veillée en récitant une ou deux dizaines de votre chapelet pour attirer la protection de la sainte Vierge, ce que vous pouvez faire en travaillant. Ensuite bannissez toutes ces chansons lascives ou mauvaises : elles profanent votre cœur et votre bouche qui sont les temples de l'Esprit-Saint ; ainsi que tous ces contes qui ne sont que des mensonges, et qui, le plus ordinairement, sont contre des personnes consacrées à Dieu, ce qui les rend plus criminels. Et vous ne devez jamais laisser aller vos enfants dans les autres veillées. Pourquoi est-ce qu'ils vous fuient, sinon pour être plus libres ? Si vous êtes fidèles à remplir vos devoirs, Dieu sera moins offensé, et vous, moins coupables.
Il y a encore un désordre d'autant plus déplorable qu'il est plus commun, ce sont les paroles libres. Non, M.F., rien de plus abominable, de plus affreux que ces paroles. En effet, M.F., quoi de plus contraire à la sainteté de notre religion que ces paroles impures ? Elles outragent Dieu, elles scandalisent le prochain ; mais pour parler plus clairement, elles perdent tout. Il ne faut souvent qu'une parole déshonnête pour occasionner mille mauvaises pensées, mille désirs honteux, peut-être même pour faire tomber dans un nombre infini d'autres infamies, et pour apprendre aux âmes innocentes le mal qu'elles avaient le bonheur d'ignorer. Eh quoi ! M.F., un chrétien peut-il bien se laisser occuper l'esprit de telles horreurs ! un chrétien qui est le temple de l'Esprit-Saint, un chrétien qui a été sanctifié par l'attouchement du corps adorable et par le sang précieux de Jésus-Christ ! Ô mon Dieu, que nous connaissons peu ce que nous faisons en péchant ! Si Notre Seigneur nous dit que « l'on peut connaître un arbre à son fruit », jugez d'après le langage de certaines personnes quelle doit être la corruption de leur cœur. Et cependant rien de plus commun. Quelle est la conversation des jeunes gens ? N'est-ce pas ce maudit péché ? Ont-ils autre chose à la bouche ? Entrez, oserai-je dire avec saint Jean Chrysostome, entrez dans ces cabarets, c'est-à-dire, dans ces repaires d'impureté ; sur quoi roule la conversation, même parmi des personnes d'un certain âge ? Ne vont-ils pas jusqu'à se faire gloire à celui qui en dira le plus ? Leur bouche n'est-elle pas semblable à un tuyau dont l'enfer se sert pour vomir toutes les ordures de ses impuretés sur la terre, et entraîner les âmes à lui ? Que font ces mauvais chrétiens, ou plutôt ces envoyés des abîmes ? Sont-ils dans la joie ? Au lieu de chanter les louanges de Dieu, ce sont les chansons les plus honteuses, qui devraient faire mourir un chrétien d'horreur ! Ah ! grand Dieu ! qui ne frémirait pas en pensant au jugement que Dieu en portera ? Si, comme Jésus-Christ nous l'assure lui-même, une seule parole inutile ne restera pas sans punition, hélas ! quelle sera donc la punition de ces discours licencieux, de ces propos indécents, de ces horreurs infâmes qui font dresser les cheveux ?
Voulez-vous concevoir l'aveuglement de ces pauvres malheureux ? Écoutez ces paroles : « Je n'ai point de mauvaise intention, vous disent-ils ; et encore : « C'est pour rire, ce ne sont que des bagatelles et des bêtises qui ne font rien. » - Eh quoi ! M.F., un péché aussi affreux aux yeux de Dieu, un péché, dis-je, que le sacrilège seul peut surpasser ! c'est une bagatelle pour vous ! Oh ! c'est que votre cœur est gâté et pourri par ce vice odieux. Oh non ! non, l'on ne peut pas rire et badiner de ce que nous devrions fuir avec plus d'horreur qu'un monstre qui nous poursuit pour nous dévorer. D'ailleurs, M.F., quel crime d'aimer ce que Dieu veut que nous détestions souverainement ! Vous me dites que vous n'avez point de mauvaise intention : mais dites-moi aussi, pauvre et misérable victime des abîmes, ceux qui vous entendent en auront-ils moins de mauvaises pensées, et de désirs criminels ? Votre intention arrêtera-t-elle leur imagination et leur cœur ? Parlez plus clairement, en disant que vous êtes la cause de leur perte et de leur damnation éternelle. Oh ! que ce péché jette d'âmes en enfer ! L'Esprit-Saint nous dit que ce maudit péché d'impureté a couvert la surface de la terre .
Non, M.F., non, je ne vais pas plus loin en cette matière ; j'y reviendrai dans une instruction, où j'essaierai de vous le dépeindre, encore avec bien plus d'horreur. Je dis donc que les pères et mères doivent être très vigilants à l'égard de leurs enfants ou domestiques, ne jamais faire ni dire quelque chose qui puisse donner atteinte à cette belle vertu de pureté. Combien d'enfants et de domestiques qui ne se sont adonnés à ce vice que depuis que leurs pères et mères leur en ont donné l'exemple ! Ô combien d'enfants et de domestiques perdus par les mauvais exemples de leurs pères et mères, ou de leurs maîtres et maîtresses ! Ah ! il eût bien mieux valu pour eux qu'on leur plantât un poignard dans le sein !... Du moins, ils auraient eu le bonheur d'être en état de grâce, ils seraient allés au ciel, au lieu que vous les jetez en enfer.
Les maîtres doivent être très vigilants envers leurs domestiques. S'ils en ont quelques-uns qui soient libertins en paroles, la charité doit les porter à les reprendre deux ou trois fois avec bonté ; mais s'ils continuent, vous devez les chasser de chez vous, sinon vos enfants ne tarderont pas à leur ressembler. Disons même, un domestique de cette espèce est capable d'attirer toutes sortes de malédictions sur une maison.
Un autre désordre qui règne dans les ménages et entre les ouvriers, ce sont les impatiences, les murmures, les jurements. Eh bien, M.F., que gagnez-vous par vos impatiences et vos murmures ? Vos affaires en vont-elles mieux ? En souffrez-vous moins ? N'est-ce pas tout le contraire ? Vous en souffrez davantage, et ce qu'il y a `encore de plus malheureux, c'est que vous en perdez tout le mérite pour le ciel. Mais, me direz-vous peut-être, cela est bien bon pour ceux qui n'ont rien à endurer ; si vous étiez à ma place, vous feriez peut-être encore pis. Je conviens bien de tout cela, M.F., si nous n'étions pas chrétiens, si nous n'avions pas d'autre espérance que les biens et les plaisirs que nous pouvons goûter en ce monde ; si, dis-je, nous étions les premiers qui souffrions ; mais, depuis Adam jusqu'à présent, tous les saints ont eu quelque chose à souffrir, et, la plus grande partie, beaucoup plus que nous ; mais ils ont souffert avec patience, toujours soumis à la volonté de Dieu, et à présent, leurs peines sont finies, leur bonheur, qui est commencé, ne finira jamais. Ah ! M.F., regardons ce beau ciel, pensons au bonheur que Dieu nous y prépare, et nous endurerons tous les maux de la vie, en esprit de pénitence, avec l'espérance d'une récompense éternelle. Si vous aviez le bonheur, le soir, de pouvoir dire que votre journée est toute pour le bon Dieu !
Je dis que les ouvriers, s'ils veulent gagner le ciel, doivent souffrir avec patience la rigueur des saisons, la mauvaise humeur de ceux qui les font travailler ; éviter ces murmures et ces jurements si communs entre eux, et remplir fidèlement leur devoir. Les époux et les épouses doivent vivre en paix dans leur union, s'édifier mutuellement, prier l'un pour l'autre, supporter leurs défauts avec patience, s'encourager à la vertu par leurs bons exemples et suivre les règles saintes et sacrées de leur état, en pensant qu'ils sont « les enfants des saints », et que, par conséquent, ils ne doivent pas se comporter comme des païens qui n'ont pas le bonheur de connaître le vrai Dieu. Les maures doivent prendre les mêmes soins de leurs domestiques que de leurs enfants, en se rappelant ce que dit saint Paul, que « s'ils n'ont pas soin de leurs domestiques, ils sont pires que des païens , » et seront punis plus sévèrement au jour du jugement. Les domestiques sont pour vous servir et vous être fidèles, et vous devez les traiter non comme des esclaves, mais comme vos enfants et vos frères. Les domestiques doivent regarder leurs maîtres comme tenant la place de Jésus-Christ sur la terre. Leur devoir est de les servir avec joie, de leur obéir de bonne grâce, sans murmures, et soigner leur bien comme le leur propre. Les domestiques doivent éviter entre eux ces actes extrêmement familiers qui sont si dangereux et si funestes à l'innocence. Si vous avez le malheur de vous trouver dans une de ces occasions, vous devez la quitter, quoi qu'il vous en coûte : c'est précisément là où vous devez suivre le conseil que Jésus-Christ vous donne, en vous disant : « Si votre œil droit, ou votre main droite vous sont une occasion de péché, arrachez-les et les jetez loin de vous, parce qu'il vaut mieux aller au ciel avec un œil ou une main de moins, que d'être précipité en enfer avec tout votre corps ; » c'est-à-dire que, quelque avantageuse que soit la condition où vous êtes, il faut la quitter sans délai : sans quoi, jamais vous ne vous sauverez. Préférez, nous dit Jésus-Christ, votre salut, parce que c'est « la seule chose que vous devez avoir à cœur » . Hélas ! M.F., qu'ils sont rares ces chrétiens qui sont prêts à tout souffrir plutôt que d'exposer le salut de leur âme !
Oui, M.F., vous venez de voir en abrégé tout ce que vous devez faire pour vous sanctifier dans votre état : hélas ! que de péchés n'avons-nous pas à nous reprocher jusqu'à présent ! Jugeons-nous, M.F., d'après ces règles, tâchons d'y conformer désormais notre conduite. Et pourquoi, M.F., ne ferions-nous pas tout ce que nous pourrions pour plaire à notre Dieu qui nous aime tant ? Ah ! si nous prenions la peine de jeter nos regards sur la bonté de Dieu envers nous ! En effet, M.F., tous les sentiments de Dieu envers le pécheur ne sont que des sentiments de bonté et de miséricorde. Quoique pécheur, il l'aime encore. Il hait le péché, il est vrai ; mais il aime le pécheur, qui, quoique pécheur, ne laisse pas d'être son ouvrage, créé à sa ressemblance, et d'être l'objet de ses plus tendres soupirs de toute éternité. C'est pour lui qu'il a créé le ciel et la terre ; c'est pour lui qu'il a quitté les anges et les saints ; c'est pour lui que, sur la terre, il a tant souffert pendant trente-trois ans ; et c'est pour lui qu'il a établi cette belle religion si digne d'un Dieu, si capable de rendre heureux celui qui a le bonheur de la suivre !

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 09:05
Sainte-Thérèse

POUR LE JOUR DE NOËL
(PREMIER SERMON)
Sur le Mystère

Evangelizo vobis gaudium magnum : natus est vobis hodie Salvator.
Je viens vous apporter une heureuse nouvelle ; c'est qu'il vous est né aujourd'hui un Sauveur.
(S. Luc, II, 10.)

Apprendre, M.F., à un moribond qui est extrêmement attaché à la vie, qu'un habile médecin va le retirer des portes de la mort, et lui rendre une santé parfaite, pourrait-on lui donner une plus heureuse nouvelle ? Mais infiniment plus heureuse, M.F., est celle que l'ange apporte aujourd'hui à tous les hommes, dans la personne des bergers ! Oui, M.F., le démon avait fait, par le péché, les blessures les plus cruelles et les plus mortelles à nos pauvres âmes. Il y avait planté les trois passions les plus funestes, d'où découlent toutes les autres, qui sont l'orgueil, l'avarice, la sensualité. Étant devenus les esclaves de ces honteuses passions, nous étions tous comme autant de malades désespérés et ne pouvions attendre que la mort éternelle, si Jésus-Christ notre véritable médecin n'était venu à notre secours. Mais non, touché de notre malheur, il quitta le sein de son Père, il vint au monde dans l'humiliation, dans la pauvreté et dans les souffrances, afin de détruire l'ouvrage du démon et d'appliquer des remèdes efficaces aux cruelles blessures que nous avait faites cet ancien serpent. Oui, M.F., il vient, ce tendre Sauveur, pour nous guérir de tous ces maux spirituels, pour nous mériter la grâce de mener une vie humble, pauvre et mortifiée ; et, afin de mieux nous y porter, il veut lui-même nous en donner l'exemple. C'est ce que nous voyons d'une manière admirable dans sa naissance.
Nous voyons qu'il nous prépare, 1? par ses humiliations et son obéissance, un remède à notre orgueil ; 2? par son extrême pauvreté, un remède à notre amour pour les biens de ce monde, et 3? par son état de souffrance et de mortification, un remède à notre amour pour les plaisirs des sens. Par ce moyen, M.F., il nous rend la vie spirituelle que le péché d'Adam nous avait ravie ; et, si nous disons encore mieux, il vient nous ouvrir la porte du ciel que le péché nous avait fermée. D'après tout cela, M.F., je vous laisse à penser quelle doit être la joie et la reconnaissance d'un chrétien à la vue de tant de bienfaits ! En faut-il davantage, M.F., pour nous faire aimer ce tendre et doux Jésus, qui vient se charger de tous nos péchés, et qui va satisfaire à la justice de son Père pour nous tous !Ô mon Dieu ! un chrétien peut-il bien penser à tout cela sans mourir d'amour et de reconnaissance ?

I. - Je dis donc, M.F., que la première plaie que le péché a faite dans notre cœur est l'orgueil, cette passion si dangereuse, qui consiste dans un fond d'amour et d'estime de nous-mêmes, qui fait 1? que nous n'aimons à dépendre de personne, ni à obéir ; 2? que nous ne craignons rien tant que de nous voir humiliés aux yeux des hommes ; 3? que nous recherchons tout ce qui peut nous relever dans l'estime des hommes. Eh bien ! M.F., voilà ce que Jésus-Christ vient combattre dans sa naissance par l'humilité la plus profonde.
Non seulement il veut dépendre de son Père céleste et lui obéir en tout, mais il veut encore obéir aux hommes et dépendre en quelque sorte de leur volonté. En effet, l'empereur Auguste, par vanité, par caprice ou par intérêt, ordonne qu'on fasse le dénombrement de tous ses sujets, et que chaque sujet se fasse enregistrer dans l'endroit où il est né. Nous voyons qu'à peine cette ordonnance publiée, la sainte Vierge et saint Joseph se mettent en chemin, et Jésus-Christ, quoique dans le sein de sa mère, obéit avec choix et connaissance à cet ordre. Dites-moi, M.F., pouvons-nous trouver un plus grand exemple d'humilité et plus capable de nous faire pratiquer cette vertu avec amour et empressement
Quoi ! M.F., un Dieu obéit à ses créatures et veut dépendre d'elles, et nous, misérables pécheurs, qui devrions, à la vue de nos misères spirituelles, nous cacher dans la poussière, nous pourrions rechercher mille prétextes pour nous dispenser d'obéir aux commandements de Dieu et de son église, à nos supérieurs, qui tiennent en cela la place de Dieu même ! Quelle honte pour nous, M.F., si nous comparons notre conduite à celle de Jésus-Christ ! Une autre leçon d'humilité que Jésus-Christ nous donne, c'est d'avoir voulu subir le rebut du monde. Après un voyage de plus de quarante lieues , Marie et Joseph arrivèrent à Bethléem ; avec quel honneur ne devait-on pas recevoir Celui que l'on attendait depuis quatre mille ans ! Mais comme il venait pour nous guérir de notre orgueil et nous apprendre, l'humilité, il permet que tout le monde le rebute et que personne ne veuille le loger. Voilà donc, M.F., le maître de l'univers, le roi du ciel et de la terre, méprisé, rejeté des hommes, pour qui il vient donner sa vie afin de les sauver ! Il faut donc que ce tendre Sauveur soit réduit à emprunter la demeure même des animaux. Ô mon Dieu ! quelle humilité et quel anéantissement pour un Dieu ! Sans doute, M.F., rien ne nous est plus sensible que les affronts, les mépris et les rebuts : mais si nous voulons considérer ceux où Jésus-Christ a été réduit, quelque grands que soient les nôtres, pourrions-nous oser jamais nous plaindre ? Quel bonheur pour nous, M.F., d'avoir devant nos yeux un si beau modèle que nous pouvons suivre sans crainte de nous tromper !
Je dis que Jésus-Christ, bien loin de chercher ce qui pouvait le relever dans l'estime des hommes, au contraire, veut naître dans l'obscurité et dans l'oubli ; il veut que de pauvres bergers soient instruits secrètement de sa naissance par un ange, afin que les premières adorations qu'il recevrait lui fussent faites par les plus petits d'entre les hommes. Il laisse dans leur repos et leur abondance les grands et les heureux du siècle, pour envoyer ses ambassadeurs vers les pauvres, afin qu'ils soient consolés dans leur état, en voyant dans une crèche, couché sur une poignée de paille, leur Dieu et leur Sauveur. Les riches ne sont appelés que longtemps après, pour nous faire comprendre qu'ordinairement les richesses, les aises nous éloignent bien du bon Dieu. Pouvons-nous, M.F., d'après un pareil exemple, avoir de l'ambition, conserver un cœur enflé d'orgueil et rempli de vanité ? Pouvons-nous encore rechercher l'estime et les louanges des hommes, en jetant les yeux dans cette crèche ? Ne nous semble-t-il pas entendre ce tendre et aimable Jésus nous dire à tous : « Apprenez de moi combien je suis doux et humble de cœur ? » D'après cela, M.F., aimons à vivre dans l'oubli et le mépris du monde ; ne craignons rien tant, nous dit saint Augustin, que les honneurs et les richesses de ce monde, puisque, s'il était permis de les aimer, Celui qui s'est fait homme pour l'amour de nous, les aurait aimés lui-même. S'il fuit et méprise tout cela, nous devons faire de même, aimer ce qu'il a aimé et mépriser ce qu'il a méprisé : voilà, M.F., la leçon que Jésus-Christ nous donne en venant au monde, et voilà en même temps le remède qu'il applique à notre première plaie, qui est l'orgueil. Mais nous en avons une deuxième qui n'est pas moins dangereuse : c'est l'avarice.

II. - Nous disons, M.F., que la deuxième plaie que le péché a faite dans le cœur de l'homme, est l'avarice, c'est-à-dire, un amour déréglé des richesses et des biens de ce monde ! Hélas ! M.F., que cette passion fait de ravages dans ce monde ! Saint Paul a donc bien raison de nous dire qu'elle est la source de tous les maux. N'est-ce pas, en effet, de ce maudit intérêt que viennent les injustices, les envies, les haines, les parjures, les procès, les querelles, les animosités et la dureté envers les pauvres ? D'après cela, M.F., pouvons-nous nous étonner que Jésus-Christ, qui ne vient sur la terre que pour guérir les passions des hommes, veuille naître dans la plus grande pauvreté et dans la privation de toutes les commodités, même de celles qui paraissent nécessaires à la vie des hommes ? Et nous voyons pour cela qu'il commence à choisir une Mère pauvre, et il veut passer pour le fils d'un pauvre artisan ; et, comme les prophètes avaient annoncé qu'il naîtrait de la famille royale de David, afin de concilier cette noble origine avec son grand amour pour la pauvreté, il permet que, dans le temps de sa naissance, cette illustre famille soit tombée dans l'indigence. Il va même plus loin. Marie et Joseph, quoique bien pauvres, avaient encore une petite maison à Nazareth ; c'était encore trop pour lui ; il ne veut pas naître dans un lieu qui lui appartienne ; et pour cela il oblige Marie, sa sainte Mère, à faire avec Joseph le voyage de Bethléem dans le temps précis où elle devait le mettre au monde. Mais du moins dans Bethléem, qui était la patrie de leur père David, ne trouvera-t-il pas des parents pour le recevoir chez eux ? Mais non, nous dit l'Évangile, personne ne veut le recevoir ; tout le monde le renvoie sous prétexte qu'il est pauvre. Dites-moi, M.F., où ira donc ce tendre Sauveur, si personne ne veut le recevoir pour le garantir des injures du mauvais temps ? Cependant il reste encore une ressource ; c'est d'entrer dans une auberge. Joseph et Marie se présentent en effet. Mais Jésus, qui avait tout prévu, permit que le concours fût si grand, qu'ils ne trouvèrent point de place. Oh ! M.F., où va donc aller notre aimable Sauveur ? Saint Joseph et la sainte Vierge cherchent de tous côtés ; ils aperçoivent une vieille masure où les bêtes se retiraient dans les mauvais temps. Ô ciel ! soyez dans l'étonnement ! un Dieu dans une étable ! Il pouvait choisir le palais le plus magnifique ; mais celui qui aime tant la pauvreté, ne le fera pas. Une étable sera son palais, une crèche son berceau, un peu de paille composera son lit, de misérables langes seront tous ses ornements, et de pauvres bergers formeront sa cour.
Dites-moi, pouvait-il nous apprendre d'une manière plus efficace, le mépris que nous devrions faire des biens et des richesses de ce monde, et en même temps, l'estime que nous devons avoir pour la pauvreté et pour les pauvres ? Venez, misérables, nous dit saint Bernard , venez, vous tous qui attachez vos cœurs aux biens de ce monde, écoutez ce que vous diront cette étable, ce berceau et ces langes qui enveloppent votre Sauveur ! Ah ! malheur à vous qui aimez les biens de ce monde ! Ah ! qu'il est difficile que les riches se sauvent ! - Pourquoi, me direz vous ? - Pourquoi, M.F. ? le voici : 1? Parce que, ordinairement une personne qui est riche est remplie d'orgueil ; il faut que tout le monde plie devant elle ; il faut que toutes les volontés des autres soient soumises à la sienne ; 2? parce que les richesses attachent nos cœurs à la vie présente : ainsi nous voyons chaque jour qu'un riche craint grandement la mort ; 3? parce que les richesses ruinent l'amour de Dieu et qu'elles éteignent tous les sentiments de compassion pour les pauvres, ou, si nous disons mieux, les richesses sont un instrument qui fait marcher toutes les autres passions. Hélas ! M.F., si nous avions les yeux de l'âme ouverts, combien nous craindrions que notre cœur ne s'attachât aux choses de ce monde ! Ah ! si les pauvres pouvaient bien concevoir combien leur état les approche près du bon Dieu et leur ouvre le ciel, combien ils béniraient le bon Dieu de les avoir mis dans une position qui les rapproche si près de leur Sauveur !
Mais si vous me demandez, qui sont ces pauvres que Jésus-Christ chérit tant ? M.F., les voici : ce sont ceux qui souffrent leur pauvreté en esprit de pénitence, sans murmurer et sans se plaindre. Sans cela, leur pauvreté ne leur servirait qu'à les rendre encore plus coupables que les riches. - Mais les riches, me direz-vous, que doivent-ils donc faire pour imiter un Dieu si pauvre et si méprisé ? - Le voici : c'est de ne pas attacher leur cœur aux biens qu'ils possèdent, d'en faire des bonnes œuvres autant qu'ils peuvent ; de remercier le bon Dieu de leur avoir donné un moyen si facile pour racheter leurs péchés par leurs aumônes ; de ne jamais mépriser ceux qui sont pauvres ; au contraire, de bien les respecter en ce qu'ils ont une grande ressemblance avec Jésus-Christ. C'est donc, M.F., par cette grande pauvreté que Jésus-Christ nous apprend à combattre l'attachement que nous ayons pour les biens de ce monde ; c'est par là qu'il nous guérit de la deuxième plaie que le péché nous a faite. Mais ce tendre Sauveur veut encore en guérir une autre que le péché nous a faite, qui est la sensualité.

III. - Cette passion consiste dans l'amour déréglé des plaisirs que l'on goûte par les sens. Cette funeste passion prend naissance dans l'excès du boire et du manger, dans l'amour excessif du repos, des aises et des commodités de la vie, des spectacles, des assemblées profanes, en un mot, de tous les plaisirs que nous pouvons goûter par les sens. Que fait Jésus-Christ, M.F., pour nous guérir de cette dangereuse maladie ? Le voici : il naît dans les souffrances, les larmes et la mortification ; il naît, durant la nuit, dans la saison la plus rigoureuse de l'année. A peine est-il né, qu'il est couché sur une poignée de paille, dans une étable. Ô mon Dieu ! quel état pour un Dieu ! quand le Père Éternel créa Adam, il le plaça dans un jardin de délices ; quand son Fils naît, il le place sur une poignée de paille ! ô mon Dieu ! quel état, M.F. ! Celui qui embellit le ciel et la terre, Celui qui fait tout le bonheur des anges et des saints veut naître et vivre et mourir dans les souffrances. Peut-il nous montrer d'une manière plus forte le mépris que nous devons faire de notre corps, et combien nous devons le traiter durement, de crainte qu'il ne perde notre âme ? Ô mon Dieu ! quelle contradiction ! un Dieu souffre pour nous, un Dieu verse des larmes sur nos péchés, et nous ne voudrions rien souffrir, avoir toutes nos aises !...
Mais aussi, M.F., que les larmes et les souffrances de ce divin Enfant nous font de terribles menaces ! « Malheur à vous, nous dit-il, qui passez votre vie à rire, parce qu'un jour viendra où vous verserez des larmes qui ne finiront jamais . » « Le royaume des cieux, nous dit-il, souffre violence, il n'est que pour ceux qui se la font continuellement . » Oui, M.F., si nous nous approchons avec confiance du berceau de Jésus-Christ, si nous mêlons nos larmes avec celles de notre tendre Sauveur, à l'heure de la mort, nous entendrons ces heureuses paroles : » Heureux ceux qui ont pleuré, parce qu'ils seront consolés ! »
Voilà donc, M.F., cette troisième plaie que Jésus-Christ vient guérir en venant au monde, qui est la sensualité, c'est-à-dire ce maudit péché d'impureté. Avec quelle ardeur, M.F., ne devons-nous pas chérir, aimer et rechercher tout ce qui nous peut procurer ou conserver une vertu qui rend si agréable à Dieu ! Oui, M.F., avant la naissance de Jésus-Christ, il y avait trop de distance entre Dieu et nous, pour que nous pussions oser le prier. Mais le Fils de Dieu, en se faisant homme, veut nous rapprocher grandement de lui, et nous forcer à l'aimer jusqu'à la tendresse. Comment, M.F., en voyant un Dieu dans cet état d'enfant, pourrions-nous refuser de l'aimer de tout notre cœur ? II veut être lui-même notre Médiateur, c'est lui qui se charge de tout demander à son Père pour nous ; il nous appelle ses frères et ses enfants : pouvait-il prendre des noms qui nous inspirent une plus grande confiance ? Allons donc à lui avec une grande confiance toutes les fois que nous avons péché ; il demandera lui-même notre pardon, et nous obtiendra le bonheur de persévérer.
Mais, M.F., pour mériter cette grande et précieuse grâce, il faut que nous marchions sur les traces de no-tre modèle ; qu'à son exemple nous aimions la pauvreté, le mépris et la pureté ; que notre vie réponde à la grandeur de notre qualité d'enfant et de frère d'un Dieu fait homme. Non, M.F., nous ne pouvons considérer la conduite des Juifs sans être saisis d'étonnement. Ce peuple même l'attendait depuis quatre mille ans, il avait tant prié par le désir qu'il avait de le recevoir ; et lorsqu'il vient, il ne se trouve personne pour lui prêter un petit logement : il lui faut, tout puissant et tout Dieu qu'il est, emprunter à des animaux une demeure. Cependant, M.F., je trouve dans la conduite des Juifs, toute criminelle qu'elle est, non un sujet d'excuse pour ce peuple, mais un motif de condamnation pour la plupart des chrétiens. Nous voyons que les Juifs s'étaient formé de leur libérateur une idée qui ne s'accordait pas avec l'état d'humiliation où il parut ; ils semblaient ne pas pouvoir se persuader qu'il fût celui qui devait être leur libérateur : puisque saint Paul nous dit très bien que « si les Juifs l'avaient connu pour Dieu, ils ne l'auraient jamais fait mourir . » Voilà une petite excuse pour les Juifs. Mais pour nous, M.F., quelle excuse pouvons-nous avoir dans notre froideur et notre mépris pour Jésus-Christ ? Oui, sans doute, M.F., nous croyons véritablement que Jésus-Christ a paru sur la terre, qu'il a donné les preuves les plus convaincantes de sa divinité : voilà ce qui fait l'objet de notre solennité. Ce même Dieu veut prendre, par l'effusion de sa grâce, une naissance spirituelle dans nos cœurs. Voilà les motifs de notre confiance. Nous nous glorifions, et nous avons bien raison de reconnaître Jésus-Christ pour notre Dieu, notre Sauveur et notre modèle. Voilà le fondement de notre foi. Mais, dites-moi, avec tout cela, quel hommage lui rendons-nous ? Que faisons-nous de plus pour lui que si nous ne croyions pas tout cela ? Dites-moi, M.F., notre conduite répond-elle à notre croyance ? Regardons cela un peu plus de près, et nous allons voir que nous sommes encore plus coupables que les Juifs dans leur aveuglement et leur endurcissement.

IV. - D'abord, M.F., nous ne parlerons pas de ceux qui, après avoir perdu la foi, ne la professent plus extérieurement ; mais parlons, M.F., de ceux qui croient tout ce que l'Église nous enseigne, et qui cependant ne font rien ou presque rien de ce que la Religion nous commande. Faisons là, M.F., quelques réflexions particulières, propres au temps où nous vivons. Nous reprochons aux Juifs d'avoir refusé un asile à Jésus-Christ, quoiqu'ils ne le connussent pas. Eh bien ! M.F., avons-nous bien réfléchi que nous lui faisions le même affront toutes les fois que nous négligions de le recevoir dans nos cœurs par la sainte communion ? Nous reprochons aux Juifs de l'avoir crucifié, quoiqu'il ne leur eût fait que du bien ; et dites-moi, M.F., quel mal nous a-t-il fait, ou plutôt
quel bien ne nous a-t-il pas fait ? Et nous, M.F., ne lui faisons-nous pas le même outrage, toutes les fois que nous avons l'audace de nous livrer au péché ? Et nos péchés, ne sont-ils pas encore bien plus pénibles à ce bon cœur que ce que les Juifs lui firent souffrir ? Nous ne pouvons lire qu'avec horreur toutes les persécutions que les Juifs lui firent souffrir, quoiqu'ils crussent faire une chose agréable à Dieu. Mais ne faisons-nous pas nous-mêmes à la sainteté de l'Évangile une guerre mille fois plus cruelle par le dérèglement de nos mœurs ? Hélas ! M.F., nous ne tenons au christianisme que par une foi morte ; et nous ne semblons croire en Jésus-Christ que pour l'outrager davantage, et le déshonorer par une vie si misérable aux yeux de Dieu. Jugez d'après cela, M.F., ce que les Juifs doivent penser de nous, et avec eux, tous les ennemis de notre sainte religion. Lorsqu'ils examinent les mœurs de la plupart des chrétiens, ils en trouvent une foule qui vivent à peu près comme s'ils n'avaient jamais été chrétiens : je ne veux pas entrer dans le détail qui serait immense.
Je me borne à deux points essentiels, qui sont le culte extérieur de notre sainte religion, et les devoirs de la charité chrétienne. Non, M.F., rien ne nous devrait être plus humiliant et plus amer que ces reproches dont les ennemis de notre foi nous chargent à cet égard ; parce que tout cela ne tend qu'à nous montrer combien notre conduite est en contradiction avec notre croyance. Vous vous glorifiez, nous disent-ils, de posséder en corps et en âme la personne de ce même Jésus-Christ, qui a vécu autrefois sur la terre, et que vous adorez comme votre Dieu et votre Sauveur ; vous croyez qu'il descend sur vos autels, qu'il repose dans vos tabernacles, et vous croyez que sa chair est vraiment votre nourriture et son sang votre breuvage : mais si votre foi est telle, c'est donc vous qui êtes des impies, car vous paraissez dans vos églises avec moins de respect, de retenue et de décence, que vous paraîtriez dans la maison d'un honnête homme à qui vous iriez rendre visite. Les païens n'auraient certainement pas permis que l'on commît dans leurs temples et en présence de leurs idoles, pendant qu'on offrait des sacrifices, les immodesties que vous commettez en présence de Jésus-Christ, dans le moment où vous nous dites qu'il descend sur vos autels. Si vraiment vous croyiez ce que vous nous dites que vous croyez, vous devriez être saisis d'un saint tremblement.
Hélas ! M.F., ces reproches ne sont que trop mérités.
Que peut-on penser en voyant la manière, dont la plupart des chrétiens se comportent dans nos églises ? Les uns ont l'esprit à leurs affaires temporelles, les autres, à leurs plaisirs ; celui-là dort, et l'autre, le temps lui dure ; l'on tourne la tête, l'on bâille, l'on se gratte, l'on feuillette son livre, l'on regarde si les saints offices seront bientôt finis. La présence de Jésus-Christ est un martyre, tandis que l'on passera de cinq à six heures dans les pièces, dans un cabaret, à la chasse, sans qu'on trouve ce temps trop long ; et nous voyons que pendant ce temps que l'on donne au monde et à ses plaisirs, l'on ne pense ni à dormir, ni à bâiller, ni à s'ennuyer. Est-il bien possible que la présence de Jésus-Christ soit si pénible pour des chrétiens qui devraient faire consister tout leur bonheur à venir tenir un moment compagnie à un si bon père ? Dites-moi ce que doit penser de nous Jésus-Christ lui-même, qui ne s'est rendu présent dans nos tabernacles que par amour pour nous, et qui voit que sa sainte présence, qui devrait faire tout notre bonheur ou plutôt notre paradis en ce monde, semble être un supplice et un martyre pour nous ? N'a-t-on pas bien raison de croire que ces chrétiens n'iront jamais au ciel, où il faudrait rester toute l'éternité en la présence de ce même Sauveur ? le temps aurait bien de quoi leur durer !... Ah ! M.F., vous ne connaissez pas votre bonheur, quand vous êtes si heureux que de venir vous présenter devant votre Père qui vous aime plus que lui-même, et qui vous appelle au pied de ses autels, comme autrefois il appela les bergers, pour vous combler de toutes sortes de bienfaits. Si nous étions bien pénétrés de cela, avec quel amour, avec quel empressement ne nous rendrions-nous pas ici comme les Rois Mages, pour lui faire présent de tout ce que nous possédons, c'est-à-dire de nos cœurs et de nos âmes ? Les pères et mères ne viendraient-ils pas avec plus d'empressement lui offrir toute leur famille, afin qu'il la bénît et lui donnât les grâces de sanctification ? Avec quel plaisir les riches ne viendraient-ils pas lui offrir une partie de leurs biens dans la personne des pauvres ? Mon Dieu, que notre peu de foi nous fait perdre de biens pour l'éternité !
Écoutez encore les ennemis de notre sainte religion : Nous ne disons rien, nous disent-ils, de vos sacrements à l'égard desquels votre conduite est aussi éloignée de votre croyance que le ciel l'est de la terre, en suivant les principes de votre foi. Vous devenez par votre baptême comme autant de dieux, ce qui vous élève à un degré d'honneur que l'on ne peut comprendre, puisque l'on suppose qu'il n'y a que Dieu seul qui vous surpasse. Mais que peut-on penser de vous, en voyant le plus grand nombre se livrer à des crimes qui vous mettent au-dessous des bêtes brutes dépourvues de raison. Vous devenez, par le sacrement de Confirmation, comme autant de soldats de Jésus-Christ, qui s'engagent hardiment sous l'étendard de la croix, qui ne doivent jamais rougir des humiliations et des opprobres de leur Maître, qui, dans toute occasion, doivent rendre témoignage à la vérité de l'Évangile ! Mais cependant, qui oserait le dire ? l'on trouve parmi vous je ne sais combien de chrétiens que le respect humain empêche de faire publiquement leurs œuvres de piété ; qui, peut-être, n'oseraient pas avoir un crucifix dans leur chambre et de l'eau bénite à côté de leur lit ; qui auraient honte de faire le signe de la croix avant et après leurs repas ; ou qui se cachent pour le faire. Voyez-vous combien vous êtes éloignés de vivre selon que votre religion vous le commande ? Vous nous dites, touchant la confession et la communion, des choses qui sont très belles, il est vrai, et très consolantes : mais de quelle manière vous en approchez-vous ?
Comment les recevez-vous ? Dans les uns, ce n'est qu'une habitude, qu'une routine et un jeu ; dans les autres, c'est un supplice, il faut qu'on les y traîne, pour ainsi dire. Voyez-vous comment, il faut que vos ministres vous pressent et vous sollicitent, pour vous faire approcher de ce tribunal de la pénitence où, vous recevez, dites-vous, le pardon de vos péchés ; de cette table où vous croyez manger le pain des anges, qui est votre Sauveur ! Si vous croyez ce que vous nous dites, ne serait-on pas plutôt obligé de vous retenir, voyant combien est grand votre bonheur de recevoir votre Dieu, qui doit faire votre consolation dans ce monde et votre gloire dans l'autre ? Tout cela qui, selon votre foi, s'appelle une source de grâces et de sanctification, n'est, dans le fait, pour la plupart de vous, qu'une occasion d'irrévérences, de mé-pris, de profanations et de sacrilèges. Ou vous êtes des impies, ou votre religion est fausse, parce que si vous étiez bien persuadés que vôtre religion est sainte, vous ne vous conduiriez pas de cette manière dans tout ce qu'elle vous commande. Vous avez, outre le dimanche, des fêtes qui, dites-vous, sont établies, les unes pour honorer ce que vous appelez les mystères de votre reli-gion ; les autres pour célébrer la mémoire de vos apô-tres, les vertus de vos martyrs, à qui il en a tant coûté pour établir votre religion. Mais dites-nous, ces fêtes, ces dimanches, comment les célébrez-vous ? N'est-ce pas principalement tous ces jours que vous choisissez pour vous livrer à toutes sortes de désordres, de débauches et de libertinage ? Ne faites-vous pas plus de mal, dans, ces jours que vous dites être si saints, que dans tous les autres temps ? Vos offices, que vous nous dites être une réunion avec les saints qui sont dans le ciel, où vous commencez à goûter le même bonheur, voyez le cas que vous en faites : une partie n'y va presque jamais ; les autres y sont à peu près comme les criminels à la question ; que pourrait-on penser de vos mystères et de vos saints, si l'on voulait en juger par la manière dont vous célébrez leurs fêtes ? Mais laissons-là pour un moment ce culte extérieur, qui, par une bizarrerie singulière, et par une inconséquence pleine d'irréligion, confesse votre foi et en même temps la dément. Où trouve-t-on parmi vous cette charité fraternelle, qui, dans les principes de votre croyance, est fondée sur des motifs si sublimes et si divins ? Touchons cela un peu de près, et nous verrons si ces reproches ne sont pas bien fondés. Que votre religion est belle, nous disent les Juifs et même les païens, si vous faisiez ce qu'elle vous commande ! Non seulement vous êtes frères, mais, ce qu'il y a de plus beau, vous ne faites tous ensemble qu'un même corps avec Jésus-Christ, dont la chair et le sang vous servent chaque jour de nourriture ; vous êtes tous les membres les uns des autres. Il faut en convenir, cet article de votre foi est admirable, il a quelque chose de divin. Si vous agissiez selon votre croyance, vous seriez dans le cas d'attirer toutes les autres nations à votre religion, tant elle est belle, consolante, et tant elle vous promet de biens pour l'autre vie ! Mais ce qui fait croire à toutes les nations que votre religion n'est pas telle que vous le dites, c'est que votre conduite est tout à fait opposée à ce que votre religion vous commande. Si l'on interrogeait vos pasteurs, et qu'il leur fût permis de dévoiler ce qu'il y a de plus secret, ils nous montreraient les querelles, les inimitiés, la vengeance, les jalousies, les médisances, les faux rapports, les procès et tant d'autres vices qui font horreur à tous les peuples, même à ceux dont vous dites que la religion est si éloignée de la vôtre pour la sainteté. La corruption des mœurs qui règne parmi vous, retient ceux qui ne sont pas de votre religion de l'embrasser ; parce que, si vous étiez bien persuadés qu'elle est bonne et divine, vous vous comporteriez bien d'une autre manière.
Hélas ! M.F., quelle honte pour nous, que les ennemis de notre sainte religion nous tiennent un tel langage ! Et n'ont-ils pas raison de le tenir ? En examinant nous-mêmes notre conduite, nous voyons positivement que nous ne faisons rien de ce qu'elle nous commande. Au contraire, nous ne semblons appartenir à une religion si sainte que pour la déshonorer et en détourner ceux qui auraient envie de l'embrasser : une religion qui nous défend le péché que nous prenons tant de plaisir à commettre et vers lequel nous nous portons avec une telle fureur, que nous ne semblons vivre que pour le multiplier ; une religion qui expose chaque jour Jésus-Christ à nos yeux, comme un bon père qui veut nous combler de bienfaits : or nous fuyons sa sainte présence, ou, si nous y venons, ce n'est que pour le mépriser et nous rendre bien plus coupables ; une religion qui nous offre le pardon de nos péchés par le ministère de ses prêtres : bien loin de vouloir profiter de ces ressources, ou nous les profanons, ou nous les fuyons ; une religion qui nous fait apercevoir tant de biens pour l'autre vie, et qui nous montre des moyens si clairs et si faciles pour les gagner : et nous ne semblons connaître tout cela que pour en faire une espèce de mépris et de raillerie ; une religion qui nous dépeint d'une manière si affreuse les tourments de l'autre vie, afin de nous les faire éviter, et nous semblons ne jamais avoir fait assez de mal pour nous les mériter ! mon Dieu, dans quel abîme d'aveuglement sommes-nous tombés ! une religion qui ne cesse jamais de nous avertir que nous devons continuellement travailler à nous corriger de nos défauts, à réprimer nos penchants pour le mal : et, bien loin de le faire, nous semblons chercher tout ce qui peut enflammer nos passions ; une religion qui nous avertit que nous ne devons agir que pour le bon Dieu et toujours en vue de lui plaire : et nous n'avons dans ce que nous faisons que des vues humaines ; nous voulons toujours que le monde en soit témoin, nous en loue, nous en félicite. Hélas ! mon Dieu, quel aveuglement et quelle pauvreté ! Et nous pourrions ramasser tant de biens pour le ciel, si nous voulions nous conduire selon les règles que nous en donne notre sainte religion !
Mais, écoutez encore les ennemis de notre sainte et divine religion, comment ils nous accablent de reproches : Vous nous dites que votre Jésus-Christ, que vous croyez être votre Sauveur, vous assure qu'il regarderait comme fait à lui-même tout ce que vous feriez à votre frère : voilà une de vos croyances, et assurément cela est très beau ; mais si cela est tel que vous nous dites, vous ne le croyez donc que pour insulter à Jésus-Christ lui-même ? Vous ne le croyez donc que pour le déchirer et l'outrager, et enfin, pour le maltraiter de la manière la plus cruelle dans la personne de votre prochain ? Les moindres fautes contre la charité doivent être regardées, selon vos principes, comme autant d'outrages faits à Jésus-Christ. Mais, dites, chrétiens, quel nom devons-nous donner à toutes ces médisances, à ces calomnies, à ces vengeances et à ces haines dont vous vous dévorez les uns les autres ? Vous êtes donc mille fois plus coupables envers la personne de Jésus-Christ, que les Juifs eux-mêmes à qui vous reprochez sa mort ! Non, M.F., les actions des peuples les plus barbares contre l'humanité, ne sont donc rien en comparaison de ce que nous faisons tous les jours contre les principes de la charité chrétienne. Voilà, M.F., une partie des reproches que nous font les ennemis de notre sainte religion.
Je n'ai pas, M.F., la force d'aller plus loin, tant cela est triste et déshonorant pour notre sainte religion, qui est si belle, si consolante, si capable de nous rendre heureux, même dès ce monde, en nous préparant un si grand bonheur pour l'éternité. Vous conviendrez avec moi, M.. F., que si ces reproches ont déjà quelque chose de si humiliant pour un chrétien, quoiqu'ils ne soient faits que de la bouche des hommes, je vous laisse à penser ce qu'ils seront, quand nous aurons le malheur de les entendre de la bouche de Jésus-Christ lui-même, lorsque nous paraîtrons devant lui pour lui rendre compte des œuvres que notre foi aurait dû produire en nous. Misérable chrétien, nous dira Jésus-Christ, où sont les fruits de cette foi dont j'avais enrichi votre âme ? de cette foi dans laquelle vous avez vécu et dont vous récitez chaque jour le Symbole ? Vous m'avez pris pour votre Sauveur et votre modèle : voilà mes larmes et mes pénitences ; où sont les vôtres ? Quel fruit avez-vous retiré de mon sang adorable, que j'ai fait couler sur vous par mes sacrements ? De quoi vous a servi cette croix, devant laquelle vous vous êtes prosterné tant de fois ? Quelle ressemblance y a-t-il entre vous et moi ? Qu'y a-t-il de commun entre vos pénitences et les miennes ? entre votre vie et la mienne ? Ah ! misérable, rendez-moi compte de tout le bien que cette foi aurait produit en vous, si vous aviez eu le bonheur de la faire fructifier ! Venez, lâche et infidèle dépositaire, rendez-moi compte de cette foi précieuse et inestimable, qui pouvait et qui aurait dû vous faire produire des richesses éternelles. Vous l'avez indignement alliée avec une vie toute charnelle et toute païenne. Voyez, malheureux, quelle ressemblance entre vous et moi ! Voici mon Évangile, et voilà votre foi. Voici mon humilité et mon anéantissement, et voilà votre orgueil, votre ambition et votre vanité. Voilà votre avarice, avec mon détachement des choses de ce monde. Voilà votre dureté pour les- pauvres et le mépris que vous en avez fait ; voici ma charité et mon amour pour eux. Voilà toutes vos intempérances, avec-mes jeûnes et mes mortifications. Voilà toutes vos froideurs et toutes vos irrévérences dans le temple de mon Père ; voilà toutes vos profanations, tous vos sacrilèges, et tous les scandales que vous avez donnés à mes enfants ; voilà toutes les âmes que vous avez perdues, avec toutes les souffrances et tous les tourments que j'ai endurés pour les sauver ! Si vous avez été cause que mes ennemis ont blasphémé mon saint Nom, je saurai bien les punir ; mais, pour vous, je veux vous faire éprouver tout ce que ma justice pourra avoir de plus rigoureux. Oui, nous dit Jésus-Christ , les habitants de Sodome et de Gomorrhe seront traités avec moins de sévérité que ce peuple malheureux, à qui j'ai tant fait de grâces, et à qui mes lumières, mes faveurs et tous mes bienfaits ont été inutiles, et qui ne m'a payé que par la plus noire ingratitude.
Oui, M.F., les mauvais maudiront éternellement le jour où ils ont reçu le saint baptême, les pasteurs qui les ont instruits, les sacrements qui leur ont été administrés. Hélas ! que dis-je ! ce confessionnal, cette table sainte, ces fonts sacrés, cette chaire, cet autel, cette croix, cet Évangile, ou pour mieux vous le faire comprendre, tout ce qui a été l'objet de leur foi sera l'objet de leurs imprécations, de leurs malédictions, de leurs blasphèmes et de leur désespoir éternel. Ô mon Dieu ! quelle honte et quel malheur pour un chrétien, de n'avoir été chrétien que pour mieux se damner et pour mieux faire souffrir un Dieu qui ne voulait que son bonheur éternel, un Dieu qui n'a rien épargné pour cela, qui a quitté le sein de son Père, qui est venu sur la terre se revêtir de notre chair, qui a passé toute sa vie dans les souffrances et les larmes, et qui est mort sur une croix pour lui ! Il n'a cessé, dira-t-il, de me poursuivre par tant de bonnes pensées, tant d'instructions de la part de mes pasteurs, tant de remords de ma conscience. Après mon péché, il s'est donné lui-même pour me servir de modèle ; que pouvait-il faire de plus pour me procurer le ciel ? Rien, non, rien de plus ; si j'avais voulu, tout cela m'au-rait servi à gagner le ciel, que jamais je n'aurai. Reve-nons, M.F., de nos égarements, et tâchons de mieux faire que nous n'avons fait jusqu'à présent.

POUR LE JOUR DE NOËL

(DEUXIÈME SERMON)

Sur le Mystère

Evangelizo vobis gaudium magnum : natus est vobis hodie Salvator.
Je viens vous apporter une heureuse nouvelle : c'est qu'il vous est né aujourd'hui un Sauveur.
(S. Luc, II, 11.)

Apprendre à un moribond qu'un habile médecin va le retirer des portes de la mort et lui rendre une santé parfaite, quelle heureuse nouvelle, M.F. ! Mais infiniment plus heureuse est celle que l'ange apporte à tous les hommes dans la personne des bergers. Le démon avait fait des blessures mortelles à notre âme : il y avait mis trois passions funestes, d'où découlent toutes les autres ; c'est-à-dire, l'orgueil, l'avarice et la sensualité. Oui, M.F., nous étions tous sous ces honteuses passions, comme des malades désespérés qui n'attendent que la mort éternelle, si Jésus-Christ n'était pas venu à notre secours. Mais ce tendre Sauveur vient au monde dans l'humiliation, dans la pauvreté, dans les souffrances, pour détruire cet ouvrage du démon, et pour appliquer des remèdes efficaces aux cruelles blessures que nous avait faites cet ancien serpent. Oui, M.F., c'est ce tendre Sauveur plein de charité qui vient nous guérir et nous mériter la grâce d'une vie humble, pauvre et mortifiée ; et, pour nous exciter plus efficacement à la pratique de ces vertus, il veut lui-même nous en donner l'exemple. C'est ce que nous voyons d'une manière admirable dans sa naissance. Il nous prépare, par ses humiliations et son obéissance, un remède à notre orgueil ; par son extrême pauvreté, un remède à notre amour pour les biens de ce monde ; par son état de souffrances et de mortification, un remède à notre amour pour les plaisirs des sens, et, par là, il nous rend la vie spirituelle et nous ouvre la porte du ciel. Grâce précieuse, M.F., mais peu connue de la plus grande partie des chrétiens. Ce Messie, M.F., ce tendre Sauveur vient au monde pour le sauver : cependant, nous dit l'Évangile, personne ne veut le recevoir ; il est obligé de naître dans une étable, sur une poignée de paille. Non, M.F., nous ne pouvons nous empêcher de blâmer la conduite des Juifs envers ce divin Jésus. Mais, hélas ! que la conduite que nous tenons envers lui est encore bien plus cruelle, puisque les Juifs ne le connaissaient pas pour le Messie, au lieu que nous, nous le connaissons véritablement pour notre Dieu ! Je vais donc, M.F., vous montrer : 1? les grands biens que cette naissance nous procure, 2? que Jésus est notre modèle dans tout ce que nous devons faire.

I. - Pour comprendre, M.F., la grandeur des biens que la naissance de Jésus-Christ nous a procurés, il faudrait pouvoir comprendre l'état malheureux où le péché d'Adam nous avait précipités, ce que jamais nous ne pourrons.
Je dis donc que la première plaie de notre cœur, c'est l'orgueil, cette passion, M.F., si dangereuse, qui consiste dans un fonds d'amour et d'estime de nous-mêmes, qui fait 1? que nous n'aimons à dépendre de personne, 2? que nous ne craignons rien tant que d'être humiliés aux yeux des hommes, et 3? que nous cherchons tout ce qui peut nous relever dans leur esprit. Voilà, M.F., la funeste passion que Jésus-Christ vient combattre par sa naissance dans la plus profonde humilité. Non seulement il veut dépendre de son Père et lui obéir en tout, il veut encore obéir aux hommes et dépendre en quelque sorte de leur volonté. En effet, l'empereur Auguste, soit par vanité, soit par intérêt, soit par caprice, ordonna que l'on fît le dénombrement de tous ses sujets, et que chaque famille en particulier se fit enregistrer dans l'endroit d'où elle tirait son origine. Mais l'obéissance de Jésus fut si grande, qu'à peine eût-on publié l'édit, la sainte Vierge et saint Joseph se mirent en chemin. Quelle leçon, M.F. ! Dieu obéit à ses créatures et veut dépendre d'elles ! Hélas ! que nous en sommes éloignés ! Que de vains prétextes ne cherchons-nous pas pour nous dispenser d'obéir aux commandements de Dieu, ou aux ordres de ceux qui tiennent sa place à notre égard ! Quelle honte pour nous, ou plutôt, M.F., quel orgueil de ne vouloir jamais obéir, mais toujours commander, de croire que nous avons toujours droit et jamais tort !
Mais, allons plus loin, M.F., nous verrons quelque chose de plus. Après un voyage de plus de quarante lieues Marie et Joseph arrivèrent à Bethléem. Dites-moi, lorsque cette ville reçut son Dieu, son Sauveur, devait-elle mettre des bornes aux honneurs qu'elle lui rendrait ? Ne devait-on pas dire dans ce moment, comme dans son entrée à Jérusalem : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, gloire lui soit rendue au plus haut des cieux ! » Mais non, ce tendre Sauveur ne venait que pour souffrir ; il a voulu commencer en naissant. Tout le monde les rebute ; personne ne veut les loger. Voilà donc où en est réduit le maître de l'univers, le roi du ciel et de la terre, méprisé, rejeté des hommes, réduit à emprunter aux animaux une demeure. Mon Dieu, quelle humiliation ! quel anéantissement ! Non, M.F., rien ne nous est si sensible que les affronts, les mépris et les rebuts ; mais si nous voulons considérer ceux que le Sauveur reçoit en naissant, aurons-nous bien le courage de nous plaindre, en voyant le Fils de Dieu réduit à une telle humiliation ? Apprenons, M.F., à souffrir tout ce qui pourra nous arriver, avec patience et en esprit de pénitence. Quel bonheur, pour un chrétien, de pouvoir imiter en quelque chose son Dieu et son Sauveur !
Allons plus loin, et nous verrons que Jésus-Christ, bien loin de vouloir chercher ce qui pouvait le relever aux yeux des hommes, veut, au contraire, naître dans l'obscurité, dans l'oubli. Il veut seulement que de pauvres bergers soient instruits de sa naissance par un ange qui vient leur annoncer cette heureuse nouvelle. Dites-moi, M.F., après un tel exemple, qui de nous pourrait encore conserver un cœur enflé d'orgueil et rempli de vanité, et désirer l'estime, les louanges, la considération du monde ? Voyez, M.F., et contemplez ce tendre enfant ; voyez-le qui déjà verse des larmes d'amour, qui pleure nos péchés, nos maux. Ah ! M.F., quel exemple de pauvreté, d'humilité, de détachement des biens de la vie ! Travaillons, M.F., à devenir humbles, méprisables à nos yeux, nous dit saint Augustin ; si un Dieu a tant méprisé toutes les choses créées, comment pourrions-nous les aimer ? S'il avait été permis de les aimer, Celui qui s'est fait homme pour nous l'aurait bien déclaré. Voilà, M.F., le remède que le divin Sauveur applique à notre première plaie, qui est l'orgueil. Mais nous en avons une deuxième qui n'est pas moins dangereuse : c'est l'avarice.
2? Cette deuxième plaie que le péché a faite dans le cœur de l'homme, c'est l'avarice, je veux dire, l'amour déréglé des richesses et des biens de cette vie. Hélas ! que cette passion fait de ravages dans le monde ! Saint Paul qui s'y connaissait encore bien mieux que nous, dit qu'elle est la source de toutes sortes de vices . N'est-ce pas, en effet, de ce maudit intérêt que viennent les injustices, les envies, les haines, les parjures, les procès, les querelles, les animosités et la dureté pour les pauvres ? D'après cela, M.F., pouvons-nous être étonnés que Jésus-Christ, qui vient sur la terre pour guérir les passions des hommes, naisse dans la plus grande pauvreté, dans les privations de toutes les commodités qui paraissent si nécessaires à l'homme ? D'abord nous voyons qu'il choisit une mère pauvre ; il veut passer pour « le fils d'un pauvre artisan . » Comme les prophètes avaient annoncé qu'il naîtrait de la famille royale de David, afin de concilier cette noble origine avec son amour pour la pauvreté, il permet qu'au moment de sa naissance, cette illustre famille soit tombée dans l'indigence. Il ne s'en tient pas là : Marie et Joseph, quoique bien pauvres, avaient une chétive maison à Nazareth ; c'en est trop pour lui, il ne veut pas naître dans un lieu qui leur appartient ; et pour cela il oblige sa sainte Mère de faire le voyage de Bethléem dans le temps où elle doit le mettre au monde. Cependant, dans Bethléem, qui était la patrie de David son père, il nous semble qu'il aurait dit trouver quelque ressource, surtout parmi ses parents ; mais non, personne ne veut le reconnaître, personne ne veut lui prêter un logement ; pour lui, il n'y a rien.. Dites-moi, où va-t-il aller, ce divin Sauveur, pour se mettre à l'abri des injures du temps, puisque toutes les places sont prises ? Joseph et Marie se présentent dans plusieurs auberges ; mais non ! ils sont pauvres, et pour eux il n'y a point de place ! Ah ! aimable Sauveur, dans quel état de trouble et d'abandon ne te vois-je pas réduit !
Joseph et Marie s'empressent de chercher de tous côtés. Enfin, ils aperçoivent une étable où les animaux se retirent dans les mauvais temps ; c'est dans l'hiver, c'était tout ouvert, presque autant que dans les rues. Eh quoi ! M.F., une étable pour la demeure d'un Dieu ! Oui, M.F., c'est là que Dieu veut naître. Il ne tenait qu'à lui de naître dans le palais le plus magnifique ; mais non, son amour pour la pauvreté ne serait pas satisfait ; une étable sera son palais, une crèche son berceau, un peu de paille composera tout son lit, de misérables langes seront tous ses ornements, et de pauvres bergers formeront sa cour. Dites-moi, M.F., pouvait-il nous donner une plus belle leçon du mépris que nous devons faire des biens et des richesses de ce monde ? Pouvait-il nous mieux faire comprendre l'amour que nous devons avoir pour la pauvreté et le mépris ? Venez, M.F., vous qui êtes tant attachés aux choses de la terre, écoutez la leçon que ce divin Sauveur vous donne, et si vous ne l'entendez pas encore parler, nous dit saint Bernard, écoutez cette étable, écoutez son berceau, et les langes qui l'enveloppent ! Que nous dit tout cela ? Ce que Jésus-Christ vous dira un jour lui-même : « Malheur à vous, riches du siècle » Ah ! qu'il est difficile à ceux qui atta-chent leur cœur aux biens de ce monde, de se sauver !
Mais, me direz-vous, pourquoi est-il si difficile à ceux qui sont riches de cœur, de se sauver ? C'est, M.F., que les personnes riches, si elles n'ont pas le cœur détaché de leurs biens, sont remplies d'orgueil, méprisent les pauvres, s'attachent à la vie présente, sont dénuées d'amour de Dieu : disons mieux, les richesses sont l'instrument de toutes les passions.
Ah ! malheur aux riches, puisqu'il leur est si difficile de se sauver ! Prions donc, M.F., cet enfant couché sur une poignée de paille, privé de tout ce qui est nécessaire, même à la vie de l'homme. Prenons bien garde, M.F., de ne jamais attacher nos cœurs à des choses si viles et si méprisables, puisque, si nous avons le malheur de ne pas bien savoir en user, elles seront la perte de notre pauvre âme. Que notre cœur soit pauvre, afin de pouvoir prendre part à la naissance de ce Sauveur. Vous voyez qu'il n'appelle que les pauvres, et les riches ne viennent que longtemps après, pour nous apprendre que les richesses nous éloignent de Dieu, presque sans que nous nous en apercevions.

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 09:01

Son lit, brûlé par le "grappin"


II. - Mais, maintenant, recommençons d'une autre manière. Dites-moi, mon ami, pourquoi est-ce que vous raillez ceux qui font profession de piété, ou, si vous ne comprenez pas bien, ceux qui font des prières plus longues que les vôtres, qui fréquentent plus souvent les sacrements que vous ne le faites vous-même, et qui fuient les applaudissements du monde ? De trois choses l'une, M.F. : ou vous regardez ces personnes comme des hypocrites, ou vous raillez la piété elle-même, ou enfin,, vous êtes fâchés de ce qu'ils valent mieux que vous.
1? Pour les traiter d'hypocrites, il faut que vous ayez lu dans leur cœur, et que vous soyez parfaitement convaincus que toute leur dévotion est fausse. Eh quoi ! M.F., ne parait-il pas naturel que, quand nous voyons faire quelques bonnes œuvres à quelqu'un, nous pensions que leur cœur est bon et sincère ? D'après cela, voyez combien votre langage et votre jugement sont ridicules. Vous voyez un extérieur bon dans votre voisin, et vous dites ou pensez que son intérieur ne vaut rien. Voilà, dit-on, du bon fruit ; certainement, l'arbre qui le porte est de bonne espèce, et vous en jugez bien. Et s'il s'agit déjuger des gens de bien, vous direz tout le contraire : voilà du bon fruit ; mais l'arbre qui le porte ne vaut rien ! Non, M.F., non, vous n'êtes ni si aveugles ni si insensés que de déraisonner de la sorte.
2? En deuxième lieu, nous disons que vous raillez la piété elle-même ; je me trompe : vous ne raillez pas cette personne parce qu'elle prie longtemps ou souvent et avec respect : non, ce n'est pas pour cela, car, vous aussi, vous priez (du moins si vous ne le faites pas, vous manquez à un de vos premiers devoirs.) Est-ce parce qu'elle fréquente les sacrements ? Mais vous n'êtes pas venu jusqu'à ce temps sans vous approcher des sacrements, on vous a bien vu au tribunal de la pénitence, on vous a bien vu vous asseoir à la table sainte. Vous ne méprisez donc pas cette personne parce qu'elle remplit mieux ses devoirs de religion que vous, étant parfaitement convaincus du danger où nous sommes de nous perdre, et par conséquent du besoin que nous avons d'avoir souvent recours à la prière et aux sacrements pour persévérer dans la grâce du bon Dieu, et sachant qu'après ce monde il n'y a plus de ressources : bien ou mal, il faudra y rester pendant toute l'éternité.
3? Non, M.F., ce n'est pas tout cela qui nous fatigue dans la personne de notre voisin : c'est que, n'ayant pas le courage de l'imiter, nous ne voudrions pas avoir la honte de notre lâcheté ; mais nous voudrions l'entraîner dans nos désordres ou dans notre vie indifférente. Combien de fois ne disons-nous pas : À quoi servent toutes ces grimaces, à quoi sert de tant rester à l'église, d'y aller si matin, et le reste ? Ah ! M.F., c'est que la vie des personnes, de piété qui sont sérieuses, est la condamnation de notre vie lâche et indifférente : Il est bien aisé de comprendre que leur humilité et le mépris qu'elles font d'elles-mêmes condamne notre vie orgueilleuse, qui ne veut rien souffrir, qui voudrait que tout le monde nous aime et nous loue ; il n'y a pas de doute que leur douceur et leur bonté pour tout le monde fait honte à nos emportements et à nos colères ; il est bien vrai que leur modestie, leur réserve dans toutes leurs démarches condamne notre vie mondaine et pleine de scandales. N'est-ce pas cela seul qui nous tourmente dans la personne de notre prochain ? N'est-ce pas que cela nous fâche, quand nous entendons dire du bien des autres et publier leurs bonnes actions ? Oui, sans doute que leur dévotion, leur respect à l'église nous condamne, et fait ombrage à notre vie tout évaporée et à notre indifférence pour notre salut. Comme nous sommes naturellement portés à excuser dans les autres les défauts que nous avons nous-mêmes, de même nous sommes toujours portés à désapprouver dans les autres les vertus que nous n'avons pas le courage de pratiquer : c'est ce que nous voyons tous les jours. Un libertin est content de trouver un libertin qui l'applaudira dans ses désordres ; bien loin de le détourner, il l'encourage. Un vindicatif se réjouira d'être avec un autre vindicatif pour se consulter ensemble, afin de trouver le moyen de se venger de leurs ennemis. Mais, mettez une personne sage avec un libertin, une personne qui est toujours prête à pardonner avec un vindicatif : de suite, vous voyez les méchants se déchaîner contre les bons et leur tomber dessus. Pourquoi cela, M.F., sinon parce que n'ayant pas la force de faire ce qu'ils font, ils voudraient pouvoir les entraîner de leur côté, afin que leur vie sainte ne soit pas une censure continuelle de la leur propre ? Mais, si vous voulez comprendre l'aveuglement de ceux qui se raillent des personnes qui remplissent mieux leur devoir de chrétien qu'eux, écoutez-moi un instant.
Que diriez-vous d'une personne pauvre qui porterait envie à un riche, si ce pauvre n'est pas riche parce qu'il ne le veut pas ? Ne lui diriez-vous pas : Mon ami, pourquoi dites-vous du mal de cette personne parce qu'elle est riche ? Il ne tient qu'à vous de l'être, et encore plus, si vous le voulez. De même, M.F., pourquoi sommes-nous portés à blâmer ceux qui sont plus sages ? Il ne tient qu'à nous de l'être, et encore plus, si nous voulons : Les gens qui pratiquent la religion, qui en font plus que nous, ne nous empêchent pas d'être aussi sages et plus même, si nous voulons.
Je dis donc que les gens sans religion méprisent ceux qui en font profession... ; je me trompe, ils ne les méprisent pas, il font seulement semblant de les mépriser, parce que dans le fond de leur cœur ils sont pleins d'estime pour eux. En voulez-vous une preuve ? la voici. Auprès de qui va aller une personne, même sans piété, pour trouver quelques consolations dans ses peines, ou quelque adoucissement dans ses chagrins ou ses souffrances ? Croyez-vous que ce soit auprès d'une autre personne sans religion comme elle ? Non, mon ami, non. Elle sait bien qu'une personne sans religion ne peut la consoler, ni lui donner des bons conseils. Mais elle ira trouver les personnes mêmes qu'elle a raillées dans un temps. Elle est trop bien convaincue qu'il n'y a qu'une personne sage et craignant Dieu qui peut la consoler et un peu adoucir ses peines. En effet, M.F., combien de fois nous étant trouvés abîmés dans le chagrin ou quelque autre misère, sommes-nous allés trouver quelques personnes sages, et après un quart d'heure de conversation, nous nous sommes sentis tout changés et nous nous sommes retirés en disant : Que ceux qui aiment le bon Dieu sont heureux, et aussi ceux qui sont autour d'eux ! Je me désolais, je ne faisais que pleurer, je me désespérais : pour un petit instant que j'ai été avec cette personne, je me suis senti tout consolé. C'est bien vrai, tout ce qu'elle m'a dit : que le bon Dieu n'avait permis cela que pour mon bien, et que tous les saints et saintes en avaient bien plus enduré que moi, et qu'il valait bien mieux souffrir en ce monde que dans l'autre. Nous finissons par dire : Dès que j'aurai quelque peine, vite je retournerai chez elle me consoler. Oh ! belle religion, que ceux qui vous pratiquent tout de bon sont heureux, et que les douceurs et les consolations que vous nous procurez sont grandes et précieuses !...
Eh bien ! M.F., vous voyez donc que vous raillez ceux qui ne le méritent pas ; vous devez, au contraire, infiniment remercier le bon Dieu d'avoir parmi vous quelques bonnes âmes qui sachent apaiser la colère de Dieu, sans quoi, nous serions bientôt écrasés par sa justice. Mais, tout bien considéré, une personne qui fait bien ses prières, qui ne cherche qu'à plaire au bon Dieu, qui aime à rendre service au prochain, qui sait donner jusqu'à son nécessaire pour l'aider, qui pardonne volontiers ceux qui lui font quelque injure, vous ne pouvez pas dire que celle-là fait mal, au contraire. Elle n'est que bien digne d'être louée et estimée de tout le monde. C'est cependant cette personne que vous déchirez ; n'est-ce pas que vous ne pensiez pas à ce que vous disiez ? C'est bien vrai, pensez-vous en vous-mêmes ; elle est plus heureuse que nous. Tenez, mon ami, écoutez-moi, et je vous dirai ce que vous devez faire : bien loin de les blâmer et de les railler, vous devriez faire tous vos efforts pour les imiter ; vous unir, tous les matins, à leurs prières et à toutes les actions qu'elles feront pendant la journée. - Mais, direz-vous, pour faire ce qu'elles font, il y a trop de violence à se faire et trop de sacrifices à ac-complir. Il y a bien à faire ! - Pas autant que vous dites bien : c'est si malaisé de bien faire vos prières le matin et le soir ? Est-ce bien difficile d'écouter la parole de Dieu avec respect, en demandant au bon Dieu la grâce d'en bien profiter ? Est-ce bien difficile de ne pas sortir de l'église pendant les instructions ? de ne pas travailler le saint jour du dimanche ? de ne pas manger de la viande les jours défendus et de mépriser les mondains qui veulent absolument se perdre ?
Si vous craignez que le courage vous manque, portez vos regards sur la Croix où Jésus-Christ est mort, et vous verrez que le courage ne vous manquera pas. Voyez ces foules de martyrs qui ont tant souffert que, vous ne pourrez jamais le comprendre, dans la crainte de perdre leurs âmes. Sont-ils, M.F., maintenant fâchés d'avoir méprisé le monde et ses qu'en dira-t-on ?
Concluons, M.F., en disant : Combien il y a peu de personnes qui servent véritablement le bon Dieu ! Les uns tâchent de détruire la religion, s'ils pouvaient, par la force de leurs armes, comme faisaient les rois et les empereurs païens ; les autres, par leurs cris impies, vou-draient l'avilir et la faire perdre, s'ils pouvaient ; d'autres la raillent dans ceux qui la pratiquent ; et enfin d'autres voudraient bien la pratiquer, mais ils ont peur de le faire devant le monde. Hélas ! M.F., que le nombre de ceux qui sont pour le ciel est petit, puisqu'il n'y a que ceux qui combattent continuellement et vigoureusement le démon et leurs penchants, et qui méprisent le monde avec toutes ses railleries ! Puisque, M.F., nous n'atten-dons notre récompense et notre bonheur que de Dieu seul, pourquoi aimer le monde, tandis que nous avons promis avec serment de le haïr et de le mépriser pour ne suivre que Jésus-Christ, en portant notre croix tous les jours de notre vie ? Heureux celui, M.F., qui ne cherche que Dieu seul et qui méprise tout le reste ! C'est le bonheur...

4ème DIMANCHE DE L'AVENT
Sur la Satisfaction

Facite ergo fructus dignos pœnitentiæ.
Faites donc de dignes fruits de pénitence
(S. Luc, III, 8.)

Tel est, M.F., le langage que le saint Précurseur du Sauveur tenait à tous ceux qui venaient le trouver dans son désert pour apprendre de lui ce qu'il fallait faire pour avoir la vie éternelle. Faites, leur disait-il, de dignes fruits de pénitence, afin que vos péchés vous soient remis. C'est-à-dire, M.F., quiconque de vous a péché n'a point d'autre remède que la pénitence, même ceux qui sont déjà pardonnés. En effet, nos péchés, remis dans le tribunal de la pénitence, nous laissent encore des peines à subir ou dans ce monde, qui sont les peines et toutes les misères de la vie, ou dans les flammes du purgatoire. Il y a cette différence, M.F., entre le sacrement de baptême et celui de la pénitence, que dans celui du baptême, Dieu n'écoute que sa miséricorde, c'est-à-dire qu'il nous pardonne sans rien exiger de nous, au lieu que, dans celui de la pénitence, Dieu ne nous remet nos péchés et ne nous rend la grâce qu'à condition que nous subirons une peine temporelle, ou dans ce monde, ou dans les flammes du purgatoire ; c'est afin de punir le pécheur du mépris et de l'abus de ses grâces. Si Dieu veut que nous fassions pénitence pour que nos péchés nous soient pardonnés, c'est encore pour nous préserver de retomber dans les mêmes péchés, afin que, nous rappelant ce que nous avons enduré pour ceux que nous avons déjà confessés, nous n'ayons pas le courage d'y retourner. Dieu veut que nous unissions nos pénitences aux siennes, et que nous considérions combien il a souffert pour rendre les nôtres méritoires. Hélas ! M.F., ne nous y trompons pas ; sans les souffrances de Jésus-Christ, tout ce que nous aurions pu faire n'aurait jamais pu satisfaire pour le moindre de nos péchés. Ah ! mon Dieu, que nous vous sommes redevables de ce grand acte de miséricorde envers de misérables ingrats ! Je vais donc vous montrer, M.F. 1? Que, quoique nos péchés nous soient pardonnés, nous ne sommes pas exempts de faire pénitence ; 2? Quelles sont les œuvres par lesquelles nous pouvons satisfaire à la justice de Dieu, ou, pour vous parler plus clairement, je vais vous montrer ce que c'est que la satisfaction, qui est la quatrième disposition que nous devons apporter pour recevoir dignement le sacrement de pénitence.

I. - Vous savez tous, M.F., que le sacrement de pénitence est un sacrement qui a été institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ pour remettre les péchés commis après le baptême. C'est principalement dans ce sacrement que le Sauveur du monde nous montre la grandeur de sa miséricorde, puisqu'il n'y a point de péchés que ce sacrement n'efface, quelque grand que soit leur nombre et quelque affreuse que soit leur noirceur ; de sorte que tout pécheur est sûr de son pardon et de regagner l'amitié de son Dieu, si, de son côté, il apporte les dispositions que demande ce sacrement. La première disposition, c'est de bien connaître ses péchés ; leur nombre et leurs circonstances qui peuvent ou les augmenter, ou en changer l'espèce : et, cette connaissance ne nous sera donnée qu'après l'avoir demandée au Saint-Esprit. Toute personne qui, dans son examen, ne demande pas les lumières du Saint-Esprit ne peut faire qu'une confession sacrilège . Si cela vous est arrivé, revenez sur vos pas, parce que vous êtes bien sûrs que vos confessions n'ont été que de mauvaises confessions.
La deuxième condition c'est de bien déclarer ses péchés, comme vous dit votre catéchisme, sans artifice ni déguisement, c'est-à-dire tels que vous les connaissez vous-mêmes. Cette accusation ne sera faite comme il faut, qu'autant que vous en aurez demandé la force au bon Dieu : sans cela il vous est impossible de les déclarer comme vous le devez pour en recevoir le pardon. Vous devez donc examiner devant le bon Dieu si, toutes les fois que vous avez voulu vous confesser, vous lui avez demandé cette force ; si vous y avez manqué, revenez sur vos confessions, parce que vous êtes bien surs qu'elles ne valent rien.
La troisième condition que demande ce sacrement pour que vous obteniez le pardon de vos péchés, c'est la contrition, c'est-à-dire le regret de les avoir commis, avec la résolution sincère de ne plus les commettre, et un désir véritable de fuir tout ce qui peut vous y faire retomber. Cette contrition vient du ciel et elle ne nous est donnée que par la prière et les larmes ; prions donc et pleurons en pensant que ce défaut de contrition est celui qui damne le plus de monde. L'on accuse bien ses péchés ; mais souvent le cœur n'y est pour rien. L'on conte ses péchés comme l'on conterait une histoire indifférente : nous n'avons pas cette contrition, puisque nous ne changeons pas de vie. Nous avons tous les ans, tous les six mois, tous les mois ou trois semaines, ou tous les huit jours, si vous voulez, même péché, même défaut ; nous marchons toujours dans le même chemin : point de changement dans notre manière de vivre. D'où peuvent venir tous ces malheurs qui précipitent tant d'âmes dans les enfers, sinon du défaut de contrition ? Et comment pouvoir espérer de l'avoir, puisque souvent nous ne la demandons pas seulement à Dieu, ou que nous la demandons sans presque désirer de l'avoir ? Si vous ne voyez point de changement dans votre conduite, c'est-à-dire, si vous n'êtes pas meilleurs après tant de confessions et de communions, revenez sur vos pas afin que vous reconnaissiez votre malheur avant qu'il n'y ait plus de remède. Il faut, M.F., pour nous donner l'espérance que nos confessions sont faites avec de bonnes dispositions, il faut, en nous confessant, nous convertir : sans cela, ce que nous faisons de fait que nous préparer toutes sortes de malheurs pour l'autre vie :
Mais après avoir bien connu nos péchés par la grâce du Saint-Esprit ; après les avoir bien déclarés comme il faut, après avoir bien eu la douleur de nos péchés, il nous reste encore une quatrième condition, pour que les trois autres portent les fruits que nous devons en attendre, c'est la satisfaction que nous devons à Dieu et au prochain. Je dis à Dieu, pour réparer les injures que le péché lui a faites, et au prochain, pour réparer le tort que nous lui avons fait dans son âme ou dans son corps.
D'abord, je vous dirai que depuis le commencement du monde, nous voyons partout que Dieu en pardonnant le péché a toujours voulu une satisfaction temporelle, qui est un droit que sa justice demande. Sa miséricorde nous pardonne ; mais sa justice veut être satisfaite en quelque petite chose, de sorte qu'après avoir péché, après que nous avons été pardonnés, nous devons nous venger sur nous-mêmes en faisant souffrir notre corps qui a péché. Mais dites-moi, M.F., quelles sont les pénitences que nous faisons, en comparaison de ce que nos péchés nous ont mérité, qui est une éternité de tourments ? Ô mon Dieu, que vous êtes bon de vous contenter de si peu de chose !
Si les pénitences que l'on vous donne vous semblent dures et pénibles à faire pour le grand nombre de vos péchés mortels, parcourez la vie des saints, et vous verrez les pénitences qu'ils ont faites, quoique plusieurs fussent sûrs de leur pardon. Voyez Adam, à qui le Seigneur lui--même dit que son péché lui était pardonné, et qui, mal-gré cela, fit pénitence pendant plus de neuf cents ans, pénitence qui fait trembler. Voyez David, à qui le pro-phète Nathan vient dire de la part de Dieu que son péché lui est remis, et qui fait une pénitence si rigoureuse, que ses pieds ne pouvaient plus le porter ; il faisait retentir son palais de cris et de sanglots, ému par la douleur de ses péchés. Il dit lui-même qu'il va descendre dans le tombeau en pleurant ; que la douleur ne le quittera que lorsque sa vie finira ; ses larmes coulent avec tant d'abon-dance, qu'il nous dit lui-même qu'il trempe son pain de ses larmes et qu'il arrose son lit de ses pleurs. Voyez encore saint Pierre, pour un péché que la frayeur lui a fait commettre ; le Seigneur lui pardonné et cependant il pleure son péché toute sa vie avec tant d'abondance, que ses larmes creusent son visage. Que fait sainte Made-leine après la mort du Sauveur ? Elle va s'ensevelir dans un désert, où elle pleure et fait pénitence toute sa vie : cependant, Dieu lui avait bien pardonné, puisqu'il dit au pharisien que beaucoup de péchés lui étaient remis parce qu'elle avait beaucoup aimé. Mais sans aller si loin, M.F., voyez les pénitences que l'on donnait dans les pre-miers temps de l'Église. Voyez si celles de maintenant ont quelque proportion avec celles de ce temps-là. Pour avoir juré le saint nom de Dieu, sans y penser, (hélas ! ce qui est maintenant si commun, même aux enfants qui ne savent peut-être pas une de leurs prières), on les condam-nait à jeûner sept jours au pain et à l'eau. Pour avoir consulté les devins, sept ans de pénitence. Pour avoir tra-vaillé un petit instant le dimanche, il fallait faire péni-tence trois jours. Pour avoir parlé pendant la sainte Messe, il fallait jeûner dix jours au pain et à l'eau. Si dans le carême l'on avait manqué un jour de jeûner, il fallait jeûner sept jours. Pour avoir dansé devant une église un jour de dimanche ou de fête, l'on était condamné à sept ans de pénitence. Pour avoir violé le jeûne des Quatre-Temps, il fallait jeûner quarante jours au pain et à l'eau. Pour s'être moqué d'un évêque ou de son pas-teur, en tournant leurs instructions en ridicule, il fallait faire pénitence pendant quarante jours. Pour avoir laissé mourir un enfant sans baptême, trois ans de pénitence. Pour s'être habillé en carnaval, trois ans de pénitence. Pour une jeune personne, garçon ou fille, qui aurait dansé, trois ans de pénitence, et, s'ils y retournaient, on les menaçait de les excommunier. Ceux qui faisaient des voyages le dimanche ou les fêtes sans nécessité, sept jours de pénitence. Une fille qui aurait commis un péché contre la pureté avec un homme marié, dix ans de pénitence. Eh bien ! M.F., dites-moi, que sont les pénitences que l'on nous impose, si nous les comparons à celles dont nous venons de parler ? Cependant, la justice de Dieu est la même ; nos péchés ne sont pas moins affreux aux yeux de Dieu, et ne méritent pas moins d'être punis.

II - Ne devrions-nous pas être couverts de confusion, de faire si peu que nous faisons, tandis que les premiers chrétiens faisaient des pénitences et si rudes et si longues ? Mais, me direz-vous, quelles sont donc les œuvres par lesquelles nous pouvons satisfaire à la justice de Dieu pour nos péchés ? Si vous désirez les accomplir, rien de si facile, comme vous allez le voir. La première est la pénitence que le confesseur vous impose, qui fait une partie du sacrement de pénitence. Si l'on n'était pas dans l'intention de l'accomplir de tout son cœur aussi bien que possible, la confession ne serait qu'un sacrilège ; la deuxième, c'est la prière ; la troisième, c'est le jeûne ; la quatrième, c'est l'aumône ; et la cinquième, les indulgences qui sont les œuvres les plus faciles à accomplir et les plus efficaces. Je dis : 1? La pénitence que le confesseur nous impose avant de nous donner l'absolution ; nous devons la recevoir avec joie et reconnaissance, et l'accomplir aussi bien qu'il nous est possible, sans quoi nous devons grandement craindre de faire une confession sacrilège. Si nous pensions donc ne pas pouvoir la faire, il faudrait représenter humblement au confesseur nos raisons : s'il les trouve bonnes, il nous la changera.
Mais, il y a des pénitences que le prêtre ne peut ni ne doit changer. Les pénitences qui vont à la correction du pécheur, comme, par exemple, interdire le cabaret à un ivrogne, la danse aux filles, ou à un garçon la compagnie d'une personne qui le porte au mal ; obliger à réparer quelque injustice que l'on a faite, à se confesser souvent parce qu'on a vécu quelque temps dans la négligence pour son salut. Vous conviendrez avec moi qu'un prêtre ne peut ni ne doit changer ces pénitences. Mais si l'on avait quelques raisons de faire changer sa pénitence, il faudrait que ce fût le même prêtre qui la changeât, à moins que ce ne soit tout à fait impossible, parce qu'un autre confesseur ne sait pas pour quelles raisons elle vous a été donnée. Vous trouverez vos pénitences longues ou difficiles, M.F. ? Mais vous n'y pensez pas ! Comparez-les donc aux peines de l'enfer que vous avez méritées par vos péchés. Ah ! avec quelle joie un pauvre damné ne recevrait-il pas, jusqu'à la fin du monde, les pénitences que l'on vous donne et encore de bien plus rigoureuses, si, à ce prix, il pouvait terminer son supplice ! Quel bonheur pour lui ! mais qui ne lui sera jamais donné.
Eh bien ! M.F., en recevant notre pénitence avec joie, avec un vrai désir de l'accomplir aussi bien que nous le pourrons, nous nous délivrons de l'enfer, comme si le bon Dieu accordait aux damnés ce que je viens de vous dire. Oh ! mon Dieu, que le pécheur connaît peu son bonheur !
Je dis : !? Que nous devons accomplir la pénitence que le confesseur nous donne, et qu'y manquer serait un gros péché. Ce n'est qu'à cette condition que Dieu rend sa grâce au pécheur et que le prêtre, en son nom, lui remet ses péchés. Dites-moi, M.F., ne serait-ce pas une impiété de ne pas faire la pénitence et d'espérer encore le pardon ? C'est aller contre la raison ; c'est vouloir la récompense sans qu'il en coûte.
Que penser, M.F., de ceux qui ne font pas leur pénitence ? Pour moi, voilà ce que j'en pense. S'ils n'ont pas encore reçu l'absolution, ce sont des personnes qui n'ont pas seulement le désir de se convertir, puisqu'elles refusent les moyens qu'il faut prendre pour cela, et lorsqu'elles reviennent se confesser, le prêtre doit leur refuser l'abso-lution une deuxième fois. Mais si le pénitent a reçu l'absolution et qu'il ait négligé sa pénitence, c'est un péché mortel, si les péchés qu'il a confessés étaient mortels et que la pénitence imposée soit en soi consi-dérable ; il doit bien craindre que sa confession n'ait été sacrilège par le défaut d'une volonté sincère de satisfaire à Dieu pour ses péchés. Mais je ne parle ici que de ceux qui auraient omis toute leur pénitence ou une partie considérable, et non de ceux qui l'auraient oubliée ou qui n'auraient pas pu la faire dans le moment prescrit.
Ensuite, je dis qu'il faut accomplir sa pénitence tout entière, dans le temps marqué, et dévotement. Je dis : entièrement. Il ne faut rien laisser de tout ce que l'on nous a donné ; au contraire, nous devons ajouter à celle que le confesseur nous a imposée. Saint Cyprien nous dit que la pénitence doit égaler la faute, que le remède ne doit pas être moindre que le mal. Mais dites-moi, M.F., quelles sont les pénitences que l'on donne ? Hélas ! quel-ques chapelets, quelques litanies, quelque aumône, de petites mortifications. Dites-moi, toutes ces choses ont--elles quelque proportion avec nos péchés, qui méritent des tourments qui ne finiront jamais ? Il y en a qui font leur pénitence en marchant ou assis, cela n'est pas à faire. Votre pénitence, vous devez la faire à genoux, à moins que le prêtre ne vous dise que vous pouvez la faire ou en marchant, ou assis. Si cela vous est arrivé, vous devez vous en confesser et ne plus y retomber.
En deuxième lieu, je dis qu'il faut la faire dans le temps marqué, sans quoi vous péchez, à moins que vous ne puissiez pas faire autrement, et alors le dire à votre confesseur lorsque vous retournez vous confesser. Si, par exemple, il vous ordonne de faire une visite au Saint-Sa-crement après les offices, parce qu'il sait que vous allez dans des compagnies qui ne vous porteront pas au bon Dieu ; s'il vous commande de vous mortifier en quelque chose dans vos repas, parce que vous êtes sujet à la gour-mandise ; de faire un acte de contrition, lorsque vous avez le malheur de retomber dans le péché que vous avez déjà confessé ; ou bien lorsque d'autres fois vous attendez, pour faire votre pénitence, le moment où vous êtes près d'aller vous confesser : vous comprenez aussi bien que moi que, dans tous ces cas-là, vous êtes coupable, et que vous ne devez pas manquer de vous en accuser et ne plus vous y retrouver.
En troisième lieu, je dis qu'il faut faire votre pénitence dévotement, c'est-à-dire avec piété, dans une disposition sincère de quitter le péché. La faire avec piété, M.F., c'est la faire avec attention du côté de l'esprit, et dévo-tion du cœur. Si vous faisiez votre pénitence avec des distractions volontaires, vous ne l'auriez pas faite, vous seriez obligé de la refaire. S'en acquitter avec piété, c'est la faire avec une grande confiance que le bon Dieu nous pardonnera nos péchés par les mérites de Jésus-Christ, qui a satisfait pour nous par ses souffrances et sa mort sur la croix. Nous devons la faire avec joie, ravis de pou-voir satisfaire à Dieu que nous avons offensé et de trou-ver des moyens si faciles de pouvoir effacer nos péchés qui mériteraient de nous faire souffrir pendant toute l'éternité. Une chose que vous ne devez jamais oublier, c'est que, toutes les fois que vous faites votre pénitence, vous devez dire à Dieu : Mon Dieu, j'unis cette légère pénitence à celle que Jésus-Christ mon Sauveur vous a offerte pour mes péchés ; voilà qui rendra votre péni-tence méritoire et agréable à Dieu.
Je dis encore que nous devons accomplir notre péni-tence avec un vrai désir de quitter le péché tout à fait, quoi qu'il nous en coûte, fallût-il souffrir la mort. Si nous n'étions pas dans ces dispositions, bien loin de satisfaire à la justice de Dieu, nous l'outragerions de nouveau, ce qui nous rendrait encore plus coupables.
J'ai dit que nous ne devons pas nous contenter de la pénitence que le confesseur nous impose, parce qu'elle n'est rien, ou presque rien, si nous la comparons à ce que méritent nos péchés. Si le confesseur nous ménage si fort, ce n'est que dans la crainte qu'il a de nous dégoûter de travailler à notre salut. Si vous avez véritablement votre salut à cœur, vous devez vous imposer des pénitences vous-même. Voici celles qui vous conviennent le mieux. Si vous avez eu le malheur de donner scandale, il faut vous faire si vigilant, que votre prochain ne puisse rien voir en vous qui ne le porte au bien ; il faut que vous montriez par votre conduite que votre vie est devenue vraiment chrétienne. Et si vous avez eu le malheur de pécher contre la sainte vertu de pureté, il faut mortifier ce misérable corps par des jeûnes, en ne lui donnant que ce qu'il lui faut pour ne pas lui ôter la vie et qu'il puisse remplir son devoir ; et le faire de temps en temps coucher sur la dure. Si vous vous trouvez d'avoir quelque chose à manger qui flatte votre gourmandise, il faut le refuser à votre corps, et le mépriser autant que vous l'avez aimé : il voulait perdre votre âme, il faut que vous le punissiez. Il faut que souvent votre cœur, qui a pensé à des choses impures, porte vos pensées dans l'enfer, qui est le lieu réservé aux impudiques. Si vous êtes attaché à la terre, il faut faire des aumônes autant que vous le pourrez pour punir votre avarice, en vous privant de tout ce qui ne vous est pas absolument nécessaire pour la vie.
Avons-nous été négligent dans le service de Dieu, imposons-nous, pour faire pénitence, d'assister à tous les exercices de piété qui se font dans notre paroisse. Je veux dire, à la Messe, aux Vêpres, au catéchisme, à la prière, au chapelet, afin que Dieu, voyant notre empressement, veuille bien nous pardonner toutes nos négligences : si nous avons quelques moments entre les offices, faisons quelque lecture de piété, ce qui nourrira notre âme, surtout lisons quelques vies de saints, où nous verrons ce qu'ils ont fait pour se sanctifier ; cela nous encouragera ; faisons quelque petite visite au Saint-Sacrement pour lui demander pardon des péchés que nous avons commis pendant la semaine. Si nous nous sentons coupable de quelque faute, allons nous en délivrer, afin que nos prières et toutes nos bonnes œuvres soient plus agréables à Dieu et plus avantageuses à notre âme. Avons-nous l'habitude de jurer, de nous emporter ? mettons-nous à genoux pour redire cette sainte prière : Mon Dieu, que votre saint nom soit béni dans tous les siècles des siècles ; mon Dieu, purifiez mon cœur, purifiez mes lèvres, afin qu'elles ne prononcent jamais des paroles qui vous outragent et me séparent de vous. Toutes les fois que vous retomberez dans ce péché, il faut, sur le champ, ou faire un acte de contrition, ou donner quelques sous aux pauvres. Avez-vous travaillé le dimanche ; avez-vous vendu ou acheté pendant ce saint jour sans nécessité, donnez aux pauvres une aumône qui surpassera le profit que vous aurez fait. Avez-vous bu ou mangé avec excès ; il faut que, dans tous vos repas, vous vous priviez de quelque chose. Voilà, M.F., des pénitences qui, non seulement peuvent satisfaire à la justice de Dieu, si elles sont unies à celles de Jésus-Christ, mais qui peuvent encore vous préserver de retomber dans vos péchés. Si vous voulez vous comporter de cette manière, vous êtes sûr de vous corriger avec la grâce du bon Dieu.
Oui, M.F., nous devons nous châtier et nous punir par où nous avons fait le mal ; ce sera le véritable moyen d'éviter les pénitences et les châtiments de l'autre vie. Il est vrai qu'il en coûte ; mais nous ne pouvons pas nous en exempter, pendant que nous sommes encore en vie et que Dieu se contente de si peu de chose. Si nous attendons après notre mort, il ne sera plus temps, M.F., tout sera fini ; il ne nous restera que le regret de ne l'avoir pas fait. Sentons-nous, M.F., quelque répugnance pour la pénitence, jetons les yeux sur notre aimable Sauveur : voyons ce qu'il a fait, ce qu'il a souffert afin de satisfaire à son Père pour nos péchés. Animons-nous par l'exemple de tant d'illustres martyrs, qui ont livré leurs corps aux bourreaux avec tant de joie. Animons-nous encore, M.F., par la pensée des flammes dévorantes du purgatoire que souffrent les pauvres âmes condamnées pour des péchés peut-être moindres que les nôtres. S'il vous en coûte, M.F., de faire pénitence, vous aurez aussi la récompense éternelle que ces pénitences vous mériteront.
2? Nous avons dit que nous pouvions satisfaire à la justice de Dieu par la prière, non seulement la prière vocale ou mentale, mais encore par l'offrande de toutes nos actions, élevant de temps en temps notre cœur au bon Dieu pendant la journée, en disant : Mon Dieu, vous savez que c'est pour vous que je travaille ; vous m'y avez condamné pour satisfaire à votre justice pour mes péchés. Mon Dieu, ayez pitié de moi qui ne suis qu'un pécheur si misérable, qui me suis tant de fois révolté contre vous, mon Sauveur et mon Dieu. Je désire que toutes mes pensées, tous mes désirs n'aient qu'un objet, et que toutes mes actions ne soient faites que dans la vue de vous plaire. Ce qui peut être agréable à Dieu, c'est de souvent penser à nos fins dernières, c'est-à-dire à la mort, au jugement, à l'enfer qui est fait pour la demeure des pécheurs.
3? Je dis que nous pouvons satisfaire à la justice de Dieu par le jeûne. L'on comprend sous le nom de jeûne , tout ce qui peut mortifier le corps et l'esprit, comme de renoncer à sa propre volonté, ce qui est si agréable à Dieu que cela nous mérite plus de trente jours de pénitence ; de souffrir pour l'amour de Dieu les répugnances, les injures, les mépris, les confusions que nous ne croyons pas mériter ; de nous priver de quelques visites, comme serait d'aller voir nos parents, nos amis, nos terres et d'autres choses semblables, qui nous donneraient quelque plaisir ; de nous tenir à genoux un peu plus longtemps, pour que le corps qui a péché souffre en quelque manière.
4? J'ai dit aussi que nous pouvons satisfaire à la justice de Dieu par l'aumône, comme dit le prophète à Nabuchodonosor : « Rachetez vos péchés par l'aumône ). » Il y a plusieurs sortes d'aumônes : celles qui regardent le corps, comme de donner à manger à ceux qui n'ont point de pain ; de vêtir ceux qui n'ont pas de quoi s'habiller ; d'aller voir les malades ; de leur donner de l'argent ; de faire leur lit ; de leur tenir compagnie ; de leur préparer leurs remèdes : voilà celles qui regardent le corps. Mais voici celles qui regardent l'âme, qui sont encore bien plus précieuses que celles qui n'ont rapport qu'au corps : on les appelle aumônes spirituelles.
- Mais, me direz-vous, comment faisons-nous l'aumône spirituelle ? - Le voici : c'est lorsque vous allez consoler une personne qui a quelque chagrin, qui vient d'éprouver quelque perte : vous la consolez par vos paroles pleines de bonté et de charité, en la faisant ressouvenir de la grande récompense que le bon Dieu a promise à ceux qui souffrent pour son amour ; que les peines de ce monde ne sont que d'un moment, tandis que la récompense sera éternelle. L'aumône spirituelle, c'est instruire les ignorants, qui sont ces pauvres personnes qui seront perdues si quelqu'un n'a pas compassion d'elles. Hélas ! combien de ces personnes qui ne savent pas ce qu'il faut pour être sauvées ; qui ignorent les principaux mystères de notre sainte religion ; qui, malgré toutes leurs peines et leurs autres bonnes œuvres, seront damnées.
Pères et mères, maîtres et maîtresses, où sont vos devoirs ? Les connaissez-vous un peu ? Non, je ne le crois pas. Si vous les connaissiez un peu, quel serait votre empressement à voir si vos enfants possèdent bien tout ce qu'il faut de la religion pour n'être pas perdus ! Combien vous chercheriez tous les moyens possibles de le leur apprendre, ce à quoi votre devoir de père et de mère vous oblige ! Mon Dieu ! que d'enfants perdus par ignorance ! et cela par là faute de leurs parents, qui, peut-être, ne pouvant pas les instruire par eux-mêmes, n'ont pas seulement eu le cœur de les confier à ceux qui pouvaient le faire, les laissant vivre dans cet état et périr pour l'éternité.
Maîtres et maîtresses, quelle aumône faites-vous à ces pauvres domestiques, dont la plupart ne savent rien de leur religion ? Mon Dieu ! que d'âmes qui se perdent, dont les maîtres et maîtresses rendront compte au grand jour ! Je lui paie ses gages, me direz-vous, c'est à lui à se faire instruire ; je ne le prends que pour travailler ; il ne gagne pas seulement ce que je lui donne. Vous, vous trompez le bon Dieu vous a confié ce pauvre enfant, non seulement pour vous aider à travailler, mais encore afin que vous lui appreniez à sauver son âme. Hélas ! un maître et une maîtresse peuvent-ils bien vivre tranquilles en voyant leurs domestiques dans un état de damnation certaine ? Mon Dieu ! que la perte d'une âme leur est peu à cœur ! Hélas ! combien de fois les maîtresses seront témoins que leurs domestiques ne font la prière ni le matin ni le soir, ne prennent peut-être pas même de l'eau bénite, et ne leur diront rien, ou se contenteront de penser : Voilà un domestique qui n'a pas grande religion ! mais sans aller plus loin : pourvu qu'ils fassent bien votre ouvrage, vous êtes contentes. Ô mon Dieu ! quel aveuglement ! qui pourra jamais le comprendre ? Je dis qu'un maître ou une maîtresse devraient avoir autant de soin et prendre autant de précautions pour instruire ou faire instruire leurs domestiques que leurs enfants, pendant tout le temps qu'ils sont à leur service. Dieu vous en demandera compte, aussi bien que de vos enfants, et rien de moins. Vous leur tenez lieu de père et de mère ; c'est à vous à qui Dieu s'en prendra. Hélas ! si tant de pauvres domestiques n'ont point de religion, ce malheur vient en grande partie de ce qu'ils ne sont pas instruits. Si vous aviez la charité de les instruire, en leur faisant connaître ce qu'ils doivent faire pour se sauver, les devoirs qu'ils ont à remplir envers Dieu, envers le prochain et envers eux-mêmes, les vérités de notre sainte religion qu'il faut absolument savoir, vous leur feriez ouvrir les yeux sur leur malheur. Oh ! que de remerciements ils vous feraient pendant toute l'éternité, en vous disant, qu'après Dieu, c'est à vous qu'ils sont redevables de leur bonheur éternel ! Mon Dieu ! peut-on laisser périr des âmes si précieuses, qui ont tant coûté à Jésus-Christ pour les racheter ! - Mais, me direz-vous, cela est bon à dire : si on veut leur parler de la religion, il y en a qui ne vous écoutent pas seulement, ou bien ils se moquent de vous. - Cela n'est que trop vrai. Il y en a quelques-uns qui sont assez malheureux pour ne pas vouloir ouvrir les yeux sur leur malheur ; mais ce n'est pas tous : il y en a aussi qui sont bien contents de se faire instruire. Il faut les prendre avec douceur, en vous rappelant que, quand vous croiriez que cela ne leur servira de rien, vous en serez tout autant récompensés que si vous en aviez fait des saints. Mais ne vous y trompez pas : tôt ou tard ils se rappelleront ce que vous leur aurez appris ; un jour viendra qu'ils en profiteront, et qu'ils prieront le bon Dieu pour vous.
Vous leur devez encore l'aumône de vos prières. Un maître ou une maîtresse qui a des domestiques, ne doit pas passer un jour sans prier le bon Dieu pour eux. Je suis persuadé qu'il y en a qui n'ont peut-être jamais prié le bon Dieu pour leurs domestiques. - Mais, me direz-vous, bien loin d'avoir prié pour eux, je n'y ai même jamais pensé ! - Ah ! M.F., je ne crois pas cela. Si vous aviez vécu dans une ignorance si grande envers vos devoirs, vous seriez bien à plaindre et dignes de la dernière compassion. Si un domestique ne doit pas manquer de prier pour ses maîtres, un maître, une maîtresse, lui doit la même chose, et encore plus, parce que le domestique n'est pas chargé de l'âme de son maître, au lieu que le maître est chargé de l'âme de ses domestiques. Mon Dieu ! que de personnes qui ne connaissent pas leurs devoirs ; qui, par conséquent, ne les remplissent pas, et qui seront perdues pendant l'éternité. Pères et mères, maîtres et maîtresses, n'oubliez pas cette aumône spirituelle que vous devez à vos enfants et à vos domestiques. Vous leur devez encore l'aumône de vos bons exemples, qui leur serviront de guide pour aller au ciel.
Voilà, M.F., ce que je crois le plus capable de satisfaire à la justice de Dieu pour vos péchés confessés et pardonnés.
Vous pouvez encore satisfaire à la justice de Dieu, en supportant avec patience toutes les misères que vous serez obligés de souffrir malgré vous, comme sont les maladies, les infirmités, les afflictions, la pauvreté, les fatigues que vous aurez en travaillant, le froid, le chaud, les accidents qui vous arrivent, la nécessité de mourir. Voyez la bonté de Dieu qui nous a fait la grâce de rendre toutes nos actions méritoires, et capables de retrancher toutes les peines de l'autre vie. Mais, malheureusement, M.F., ce n'est pas dans cet esprit que nous souffrons ces maux que Dieu nous envoie comme autant de grâces qu'il nous fait ; hélas ! étant aveuglés au dernier point sur notre bien, nous allons jusqu'à murmurer et à maudire la main d'un si bon Père, qui change les peines éternelles en d'autres qui ne sont que de quelques minutes. Est-ce à nous, M.F., d'être si aveuglés sur notre bonheur ? Mettons tout à profit : maladies, adversités, afflictions ; toutes ces choses sont des biens que nous ramassons pour le ciel, ou plutôt qui nous exempteront d'aller souffrir des tourments bien rigoureux dans l'autre vie. Unissons toutes nos peines à celles de Jésus-Christ, afin de les rendre méritoires et dignes de satisfaire à la justice de Dieu. Enfin, le grand moyen de satisfaire à la justice de Dieu, c'est de bien l'aimer, d'avoir un vif regret de nos péchés, parce que Jésus-Christ nous dit, que beaucoup de péchés sont remis à celui qui aime beaucoup, et que, à celui qui aime moins, moins de péchés lui sont remis .
5? Nous avons dit que les indulgences sont des moyens très efficaces pour satisfaire à la justice de Dieu, c'est-à-dire pour nous faire éviter les peines du purgatoire. Ces indulgences sont composées des mérites surabondants de Jésus-Christ, de la sainte Vierge et des saints, ce qui fait un trésor inépuisable dans lequel le bon Dieu nous donne le pouvoir de puiser. Pour mieux vous le faire comprendre, c'est comme si vous deviez vingt ou trente pièces à un riche qui veut être payé ; vous n'avez rien ; du moins, il vous faudra un temps infini pour vous acquitter de votre dette. Un riche nous dit :. « Vous n'avez pas de quoi satisfaire à vos dettes ; grenez dans mon coffre ce qui vous est nécessaire pour payer, ce que vous devez. » Voilà précisément ce que Dieu nous fait : nous sommes dans l'impuissance de satisfaire à sa justice, il nous ouvre le trésor des indulgences dans lequel nous pouvons prendre tout ce qu'il nous faut pour satisfaire à cette justice. Il y a des indulgences partielles, qui ne remettent qu'une partie de nos peines et non toutes, comme sont celles que l'on gagne en disant les litanies du saint Nom de Jésus, et pour lesquelles il y a 2OO jours d'indulgences ; en disant celles, de la sainte Vierge, il y a !OO jours , ainsi que tant d'autres. Il y a des indulgences quand on dit l'Ave Maria, l'Angelus, les trois actes de foi, d'espérance et de charité ; en allant voir les malades, en instruisant les igno-rants. Mais les indulgences plénières sont la remise de toutes les peines que nous devions souffrir en purgatoire ; de sorte qu'après nous être confessés d'un grand nombre de péchés, après lesquels, quoiqu'ils soient pardonnés, il nous reste encore un nombre presque infini d'années de purgatoire, si nous gagnons ces indulgences plénières dans leur entier, nous serons aussi exempts du purgatoire qu'un enfant qui meurt après son baptême, ou qu'un martyr qui vient de donner sa vie pour Dieu. Ces indulgences peuvent se gagner, si l'on est de la confrérie du saint Rosaire, tous les premiers dimanches du mois, lorsqu'on a le bonheur de se confesser et de communier, et toutes les fêtes de la sainte Vierge ; tous les troisièmes dimanches, si nous sommes de la confrérie du Saint-Sacrement. Oh ! M.F., qu'il est facile de retrancher les peines de l'autre vie, pour un chrétien qui profite des grâces que le bon Dieu lui présente ! Mais il faut bien vous dire aussi que, pour gagner tant de biens, il faut être en état de grâce, s'être confessé et avoir communié, et faire les prières que le Saint-Père prescrit ; il n'y a que le chemin de la croix pour lequel on n'a pas besoin de se confesser ni de communier. Mais il faut toujours être exempt de péché mortel, avoir un grand regret de tous ses péchés véniels, et être dans une véritable résolution de ne plus les commettre. Si vous apportez ces dispositions, vous pouvez les gagner pour vous ou pour les âmes du purgatoire. Rien, M.F., de facile comme de satisfaire à la justice de Dieu, puisque nous avons tant de moyens pour cela ; de sorte que si nous allons en purgatoire, ce sera bien par notre faute. Oh ! si un chrétien était instruit, et qu'il voulût bien profiter de tout ce que le bon Dieu présente, que de trésors il ramasserait pour le ciel ! Mon Dieu ! si nous sommes si pauvres, c'est bien parce que nous ne voulons pas nous enrichir. Mais ce n'est pas encore tout.
Après avoir satisfait à Dieu, il faut encore satisfaire à notre prochain pour le tort que nous lui avons fait, soit dans son corps, soit à son âme. Je dis qu'on lui fait tort dans son corps, c'est-à-dire en sa personne, en l'outrageant tantôt par des paroles injurieuses ou méprisantes, tantôt par de mauvais traitements. Si nous avons eu le mal-heur de l'outrager par des paroles injurieuses, il faut lui faire des excuses et nous réconcilier avec lui. Si on lui avait fait tort en frappant ses bêtes, ce qui peut arriver lorsqu'on les trouve à nous faire quelque dégât dans nos récoltes, vous êtes obligé de lui donner tout ce que vous êtes cause qu'elles ont perdu de valeur : vous pouviez vous faire payer et non maltraiter ces bêtes ; si vous avez fait quelque tort, vous êtes obligé de le réparer aussitôt que vous le pourrez, sans quoi vous êtes grandement coupable. Si vous avez négligé de le faire, vous avez péché, et vous devez vous en accuser. Si vous avez fait tort à votre prochain dans son honneur, comme serait par médisance, vous êtes obligé de dire de bons rensei-gnements autant que vous avez pu en donner de mauvais, en disant tout le bien que vous en pourrez savoir, en cachant les défauts qu'il pourrait avoir, que vous n'êtes pas obligé de dévoiler. Si vous l'avez calomnié, vous devez aller trouver les personnes auprès desquelles vous avez dit des choses fausses de votre prochain, et leur dire que tout ce que vous avez dit n'est pas vrai ; que vous en êtes bien fâché et les prier de ne pas les croire. Mais si vous lui avez fait tort dans son âme, c'est encore bien plus difficile à réparer ; cependant il faut le faire autant qu'on le peut, sans quoi jamais le bon Dieu ne nous pardonnera.
Il faut bien vous examiner si vous n'avez point donné de scandale à vos enfants ou à vos voisins. Combien de pères et de mères, de maîtres et de maîtresses qui scandalisent leurs enfants et leurs domestiques en ne faisant de prières, ni le matin ni le soir, ou qui les feront en s'habillant, ou couchés sur une chaise, qui ne feront pas même un signe de croix avant et après avoir mangé ! Combien de fois les entendent-ils jurer et peut-être même blasphémer ! Combien de fois les ont-ils vus tra-vailler le dimanche matin, même avant la sainte messe ! Il faut encore examiner si vous avez chanté de mauvaises chansons, si vous avez apporté de mauvais livres, si vous avez donné de mauvais conseils, comme en disant à quelqu'un de se venger, de se payer de ses mains ou de dire des injures au prochain. Vous devez encore vous examiner si vous n'avez pas emprunté des objets de votre voisin que vous avez négligé de rendre ; si vous avez négligé de faire quelque aumône que l'on vous avait commandée ou quelques restitutions de la part de vos pauvres parents morts. Il faut, pour avoir le bonheur que vos péchés soient pardonnés, que vous n'ayez rien du bien du prochain que vous devez et pouvez lui rendre ; que si vous avez noirci sa réputation, il faut que vous ayez fait tout ce que vous avez pu pour réparer ce tort ; il faut vous être réconcilié avec vos ennemis, leur parler comme s'ils ne vous avaient fait que du bien toute votre vie, sans rien conserver dans votre cœur que la charité qu'un bon chrétien doit avoir pour tout le monde. Il faut recevoir votre pénitence de bon cœur, avec un vrai désir de l'accomplir autant bien que vous le pourrez, et la faire à genoux avec piété et reconnais-sance, en pensant combien le bon Dieu est bon de se contenter de si peu de chose, et faire en sorte que les peines que vous éprouvez dans votre état vous servent de pénitence. Il faut gagner autant que nous le pourrons les indulgences, afin qu'après la mort nous ayons le bonheur d'avoir satisfait à Dieu pour nos péchés, et au prochain pour les torts que nous lui avons faits, et que nous puissions tous paraître avec confiance au tribunal de Dieu. C'est le bonheur que...

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 08:56


Je dis, M.F., que nous devons aimer le bon Dieu. Ah ! M.F., ne nous y trompons pas ; si nous n'aimons pas le bon Dieu dans ce monde, jamais nous n'aurons le bonheur de l'aimer dans l'autre. Ne vous a-t-on pas dit, lorsque vous êtes venus au catéchisme, que si vous ne sauviez pas votre âme, tout était perdu pour vous ? Que vous auriez beau pleurer pendant toute l'éternité, que vous n'avanceriez rien ? Ne vous a-t-on pas dit, en vous faisant distinguer le bien d'avec le mal, qu'un seul péché mortel pouvait vous perdre pour jamais ? Que le péché est le seul mal que vous ayez à craindre, puisqu'il n'y a que lui qui a le pouvoir de nous séparer de Dieu pour toute l'éternité, en nous jetant en enfer ? Ne vous a-t-on pas dit que nous mourrons un jour, et que chaque jour est peut-être le dernier pour nous ? Ne vous a-t-on pas fait ressouvenir qu'au moment où nous mourrons, nous serons jugés rigoureusement, et que tout ce que nous avons fait pendant notre vie de bien et de mal nous accompagnera au tribunal de Dieu ? N'avais je pas raison de vous dire que nous n'avons qu'à savoir ce que renferme notre catéchisme, et nous avons toute la science nécessaire pour nous sauver ? Lorsque vous êtes venus ici dans votre enfance, ne vous a-t-on pas dit qu'après ce temps qui finira bientôt, il en viendra un autre qui ne finira jamais, qui renfermera toutes sortes de biens ou de maux, selon que nous aurons bien ou mal fait ? Dites-moi, M.F., si toutes ces vérités étaient gravées dans nos cœurs, pourrions-nous vivre sans aimer le bon Dieu et sans faire tout ce qui dépend de nous pour éviter tous ces malheurs ?
Hélas ! M.F., que ces vérités ont fait trembler de saints, et converti de grands pécheurs, et ont poussé de pénitents à user de rigueur dans leurs pénitences et leurs macérations ! Nous lisons dans l'histoire, que saint Ambroise, écrivant à l'empereur Théodose, qui avait commis un péché plutôt par surprise que par malice, lui disait : « J'ai eu une vision où le bon Dieu m'a montré que, vous voyant venir à l'église, je devais vous en fermer la porte ; que votre péché vous avait rendu indigne d'y entrer. » Après la lecture de cette lettre, l'empereur commença à répandre des larmes en abondance ; cependant il alla selon sa coutume se présenter à la porte de l'église, dans l'espérance que l'évêque se laisserait toucher par ses larmes et son repentir. Mais l'évêque, bien loin de se laisser fléchir comme ces ministres lâches et complaisants, le voyant s'approcher de l'église, lui dit, selon l'ordre qu'il en avait reçu de Dieu, de s'arrêter, qu'il était indigne d'entrer dans la maison de Celui qu'il avait osé outrager, et de commencer à expier son péché. « Il est vrai, lui dit l'empereur, que je suis pécheur et indigne d'entrer dans le temple du Seigneur ; mais le bon Dieu voit mon repentir. David a bien péché et le Seigneur lui a bien pardonné. » - « Eh bien ! lui dit saint Ambroise, si vous avez imité David dans son péché, imitez-le dans sa pénitence. » L'empereur, sans rien répliquer à ces paroles, se retire ; les larmes coulent de ses yeux ; son cœur se brise de douleur ; il arrache ses habits royaux, en prend de pauvres et de déchirés, se jette la face contre terre, se livre à toute l'amertume de la douleur ; il fait retentir son palais des cris les plus déchirants. Ses sujets, le voyant dans une si grande désolation, n'ont le courage ni de le voir, ni de lui dire la moindre chose pour le consoler ; ils se contentent de mêler leurs larmes à celles de leur maître ; son palais est changé en un lieu de deuil, de larmes et de pénitences. Il ne se contenta pas de confesser son péché dans le tribunal de la pénitence, il l'avouait publiquement, afin que cette humiliation attirât sur lui les miséricordes de Dieu. Il était inconsolable de voir que ses sujets allaient à l'église et que lui-même en était privé. Si on lui permettait d'assister à une prière publique, il y paraissait de la manière la plus humiliante ; il n'était ni debout, ni à genoux comme les autres, mais le visage prosterné contre la terre qu'il trempait de ses larmes. Il s'arrachait les cheveux pour montrer la grandeur de sa douleur ; il prenait des pierres avec lesquelles il se meurtrissait la poitrine, en criant miséricorde. Il conserva toute sa vie le souvenir de son péché ; ses yeux versaient continuellement des larmes. Mais si vous me demandez, quelle fut la cause de tant de larmes, d'une si grande douleur et d'une pénitence si extraordinaire ? Hélas ! M.F., ce fut la seule pensée qu'un jour Dieu le citerait avec son péché, devant son tribunal où il serait jugé sans miséricorde.
Hélas ! M.F., si ces grandes vérités étaient bien gravées dans nos cœurs, pourrions-nous vivre sans travailler continuellement à apaiser la justice de Dieu que nos péchés ont irrité ? En effet, M.F., quel est celui qui, pensant qu'il n'est dans ce monde que pour sauver son âme, pourrait encore chercher à tromper, à faire tort à son prochain ? Quel est celui qui voudrait s'enrichir par des moyens injustes, s'il était bien convaincu que, tous ces biens qu'il ramasse aux dépens du salut de son âme ; dans quelque temps il va les laisser à des héritiers, peut-être à des ingrats, qui les dissiperont en débauches, sans peut-être faire la moindre prière pour le repos de son âme ? Mais quand bien même ils en feraient des bonnes œuvres si vous avez laissé votre âme dans le péché, ces bonnes œuvres ne vous tireront pas de l'enfer. Quel est celui qui pourrait encore se livrer aux amusements du monde, qui sont si courts et si funestes à notre salut, en perdant de vue la grande affaire de son éternité ? Quel est celui qui, étant bien persuadé qu'un seul péché mortel peut le damner, aurait le courage de le commettre ? ou, qui, ayant le malheur de l'avoir commis, pourrait encore rester dans un état si déplorable où la main de Dieu peut le frapper à chaque instant, et ne s'empresserait pas de vite avoir recours au sacrement de pénitence, seul remède que le bon Dieu nous offre dans sa miséricorde ? Quel est celui, M.F., qui, pensant qu'il peut mourir à tout moment, ne vivrait pas toujours en tremblant sur le bord de l'abîme ? Qui est celui qui s'attacherait si fort à la vie, pensant que peut-être demain il n'y sera plus ? Quel est celui, M.F., qui, étant très assuré qu'au moment où il ira paraître devant son Dieu, il sera jugé rigoureusement, ne craindrait pas toujours de subir un jugement si redoutable même aux plus justes ? Quel est celui, M.F., qui, étant très assuré qu'après cette vie périssable nous en aurons une autre heureuse ou malheureuse, selon que nous aurons bien ou mal vécu, ne mettrait pas tous ses soins à mériter les biens que le bon Dieu prépare à ceux qui l'ont aimé ?
Ah ! M.F., disons encore mieux, qui est-ce qui, méditant bien ces grandes vérités, ne vivrait et ne mourrait pas en saint ? Ô mon âme, s'écriait un saint pénitent, souviens-toi de tes péchés et de ces grandes vérités ; n'oublie jamais d'où tu viens, où tu vas, de qui tu as reçu l'être, à qui tu dois donner ton cœur, ce que tu as apporté en venant au monde et ce que tu emporteras en sortant de ton exil. Hélas ! M, F., nous n'aurons guère songé à tout cela jusqu'à présent ; hélas ! nous attendons, pour y penser, que nos larmes et nos pénitences soient sans fruit. Que nous serions heureux, M.F., si ces grandes vérités pouvaient dissiper les ténèbres qui nous aveuglent sur l'affaire de notre salut ! si nous avions le bonheur de bien être convaincus que nous n'avons été que pur néant et misérable ver de terre ; que nous ne sommes que pécheurs et coupables ; que nous serons un jour éternellement heureux si nous évitons le péché, et éternellement malheureux si nous suivons nos penchants ! Hélas ! M.F., pour nous préparer au terrible passage, nous n'avons peut-être que quelques instants. Rentrons dans nos cœurs, M.F., pour ne nous occuper que de ces grandes vérités, seules dignes de nous occuper, seules capables de nous convertir.
Laissons passer, M.F., ce qui passe et périt avec nous ; attachons-nous à ce qui est éternel et permanent. Disons à toutes les choses d'ici-bas, comme tous les saints : Non ! non ! vous ne m'êtes plus rien, puisque, peut-être demain, vous ou moi ne serons plus ; laissez-moi profiter du peu de temps qui me reste pour essayer si le bon Dieu voudra bien me pardonner. Ah ! non, non, je ne veux plus vivre que pour Dieu, en méprisant les biens périssables. Ah ! que ces saints ont bien compris ces grandes vérités ! et nous pouvons dire qu'ils en ont fait toute leur occupation. Nous lisons dans l'histoire de l'Église qu'un grand nombre de saints, pénétrés des vérités éternelles et du néant de ce monde, l'ont méprisé et abandonné, pour aller s'enfermer dans des monastères ou s'ensevelir dans le fond des forêts, pour avoir le moyen de méditer ces vérités avec plus de loisir. Et là, dans des antres sombres et obscurs, séparés du bruit et du tumulte du monde, ils ne s'occupaient que de ces vérités immuables ; et, pénétrés de ces grands sentiments, ils exerçaient sur leur corps toutes les rigueurs de la pénitence que leur amour pour Dieu pouvait leur inspirer. La prière, le jeûne et la discipline réduisaient leur corps à un état digne de la plus grande compassion. Une grande partie ne mangeaient que quelques racines qu'ils trouvaient en remuant la terre ; s'ils mangeaient quelques morceaux de pain, ils les détrempaient avec leurs larmes, se voyant forcés de soulager un corps qui était aussi mort que vivant. Ainsi passaient-ils leur vie qui n'était qu'un martyre continuel. Et quand après vingt, trente, quarante ou quatre-vingts ans de pénitence, ils arrivaient à la fin de leur course, encore tout effrayés, ils s'écriaient les uns aux autres en tremblant : Pensez-vous, mes amis, que Dieu aura encore pitié de nos âmes et qu'il se laissera fléchir ? Qu'il voudra encore nous accorder le pardon de nos péchés ? Pensez-vous que nous pourrons encore trouver grâce devant ce juge qui alors sera sans miséricorde ? Ah ! qui priera pour nous, pour adoucir la sévérité de notre juge ? Ah ! pouvons-nous encore espérer d'avoir un jour part au bonheur des enfants de Dieu ?
Oui, M.F., nous voyons que les saints pénitents, après avoir eu le bonheur de connaître ce que c'est que le péché, et combien le bon Dieu le punit rigoureusement dans l'autre vie, ne mettaient point de bornes à leurs pénitences. Saint Jérôme nous rapporte qu'une dame romaine, ayant quitté son mari à cause des vices auxquels il se livrait, crut qu'étant séparée par les lois, elle pouvait sans péché se remarier à un autre légitimement. Saint Jérôme nous dit que, lui ayant fait connaître son péché ; elle fut pénétrée d'une si grande douleur, couverte d'une telle confusion, qu'elle quitta sur-le-champ ses habits du monde et se revêtit d'un sac ; les cheveux épars, le visage, souillé, les mains toutes sales, la tête couverte de cendre et de poussière, les habits tout déchirés, la bouche fermée : dans ce triste état, elle va se jeter aux pieds du Saint-Père. Le Saint-Père et tous ceux qui furent témoins de ce spectacle, semblaient ne plus pouvoir vivre en voyant l'état où cette dame romaine s'était mise pour une faute d'ignorance. Rome, dit ce Père, faisait retentir son enceinte des cris les plus déchirants, et semblait vouloir partager les douleurs de cette grande pénitente. Elle avouait publiquement son péché, et toujours avec des torrents de larmes. Elle porta ses habits de pénitence toute sa vie ; sa douleur, sa pénitence la suivirent jusqu'au tombeau. Non contente de tout cela, elle vendit tous ses biens, qui étaient immenses, afin de vivre et de mourir, dans la plus grande pauvreté.
Mais, vous, vous demandez quelle fut donc la cause de tout cela ? Hélas ! la seule pensée qu'un jour elle serait sommée d'aller paraître avec son péché devant le tribunal de Jésus-Christ. Elle demandait en grâce à Dieu de prolonger sa vie de quelques jours, pour qu'elle eût le temps de faire pénitence. Hélas ! s'écriait-elle à chaque instant ; il faut que j'aille paraître devant le bon Dieu ; que vais-je devenir, si mon péché n'est pas effacé par mes larmes et ma pénitence ? Ô heureuse pénitence ! Ô larmes salutaires ! Venez à mon secours : c'est vous seules que je veux pour compagnes pendant tous les jours de ma vie.
Hélas ! M.F., nous dit le grand saint Jean Climaque , si la pensée de l'éternité a porté tant de saints à faire des pénitences si extraordinaires, quel sera donc notre sort à nous qui sommes si pécheurs et... point de pénitence ? Mon Dieu ! que votre justice sera terrible pour ces pauvres pécheurs qui n'auront rien sur quoi s'appuyer ! « Ah ! mes amis, nous dit-il, j'ai vu des pénitents dans un lieu que l'on ne peut ni voir ni même y penser sans verser des larmes ; dans un lieu, dis-je, dépourvu de tout secours humain, de toute consolation humaine : ce n'était qu'obscurité, que puanteur, que saleté ; tout y était si affreux, que l'on ne pouvait les voir sans pleurer de compassion. Ces illustres et saints pénitents ne voyaient dans ce lieu ni feu, ni vin, seulement quelques racines et quelques morceaux de pain dur et noir qu'ils arrosaient de leurs larmes. Lorsque je fus arrivé, nous dit saint Jean Climaque, dans ce lieu de pénitence que l'on nommait avec bien juste raison « le séjour de pleurs et de larmes, » je vis véritablement, si j'ose dire, ce que l'œil de celui qui néglige son salut n'a jamais vu, et ce que l'oreille de celui qui est paresseux dans ses devoirs n'a jamais entendu, et ce que le cœur de celui qui marche lâchement dans le chemin de la vertu n'a jamais pu comprendre ; car je vous assure que je vis des actions et j'entendis des paroles capables de fléchir la colère de Dieu. Les uns passaient les nuits entières, se tenant sur le bout de leurs pieds, et cela à la rigueur de l'hiver ; et, quand leur pauvre corps tombait de lassitude et de faiblesse : Ah ! maudit, se disaient-ils à eux-mêmes, puisque tu as eu le malheur de tant outrager le bon Dieu, il faut que tu souffres ou dans ce monde ou dans l'autre : choisis le parti que tu veux prendre ; les souffrances de ce monde ne sont que d'un moment, au lieu que celles de l'autre vie sont éternelles : J'en vis d'autres qui, les yeux toujours élevés vers le ciel, poussaient les cris les plus déchirants en demandant miséricorde ; d'autres, qui se faisaient lier les mains, même les doigts, pendant leur prière, comme des criminels qui se croyaient indignes de fixer le ciel, ils étaient tellement pénétrés de leur misère et de leur néant, qu'ils ne savaient par où commencer leurs prières ; ils s'offraient à Dieu comme des victimes prêtes à être immolées. L'on en voyait d'autres, revêtus d'un sac, couverts de cendre, couchés sur le carreau, se battre le front contre les pierres ; d'autres qui pleuraient avec tant de larmes, qu'ils formaient des ruisseaux. J'en vis qui étaient tellement couverts d'ulcères, qu'il en sortait une infection capable de faire mourir ceux qui étaient auprès d'eux. Ils avaient si peu soin d'eux, que leur corps ressemblait à une brassée d'os couverte d'une peau. De quelque côté que l'on se tournât, l'on n'entendait que des cris et des sanglots qui vous déchiraient les entrailles et faisaient couler vos larmes. Leurs cris les plus ordinaires étaient ceux-ci : Ah ! malheur à nous qui avons péché ! Les uns portaient leur rigueur si loin, qu'ils ne buvaient de l'eau que pour s'empêcher de mourir ; d'autres, quand ils mettaient quelque morceau de pain à leur bouche, le rejetaient aussitôt en disant qu'ils étaient indignes de manger le pain des enfants de Dieu après l'avoir tant outragé. Ils avaient toujours l'image de la mort présente à leur esprit et devant les yeux ; ils se disaient les uns aux autres : Hélas ! mes amis, qu'allons-nous devenir ? Croyez-vous que nous avançons un peu dans la route de la pénitence ? Oh ! que nos plaies sont profondes ! que nos dettes sont grandes ! que ferons-nous pour les acquitter ? Faisons, se disaient-ils, comme les Ninivites. Hélas ! que sait-on si le bon Dieu n'aura pas encore pitié de nous ? Faisons tout ce que nous pourrons pour essayer si le Seigneur voudra encore se laisser toucher ; courons dans la carrière de la pénitence, sans épargner ce corps de péché qui n'est qu'un abîme de corruption ; tuons ce maudit corps, comme il a voulu tuer nos pauvres âmes. C'était leur langage ordinaire ; il suffisait, nous dit saint Jean Climaque, de les regarder, pour pleurer amèrement : ils avaient les yeux abattus, enfoncés dans la tête, ils n'avaient plus de poils aux paupières ; leurs joues étaient tellement retirées, qu'il semblait que le feu les avait rôties, tant il leur était ordinaire de pleurer à chaudes larmes ; leur visage était si défiguré et si pâle, qu'ils ressemblaient à des morts qui seraient demeurés deux jours dans le tombeau. Il y en avait qui se meurtrissaient tellement la poitrine à coups de pierres, qu'à plusieurs, on voyait le sang leur sortir par la bouche ; plusieurs demandaient à leur supérieur de leur mettre les fers au cou et aux mains et des entraves aux pieds ; une partie les gardèrent jusqu'au tombeau. Ils étaient si humbles, ils aimaient tant le bon Dieu, ils avaient tant de douleur de leurs péchés, lorsqu'ils se voyaient sur le point d'aller paraître devant leur juge, qu'ils priaient en grâce leur supérieur de ne pas les ensevelir, mais de les jeter dans quelque rivière ou dans quelque bois pour servir de pâture aux loups et aux bêtes sauvages. Voilà, nous dit saint Jean Climaque, la manière dont vivaient ces âmes saintes et innocentes. Lorsque je fus de retour, continue le même saint, et que le supérieur vit que j'étais si défait, qu'à peine pouvait-il me reconnaître, et que je semblais ne plus pouvoir vivre : Eh bien ! mon père, me dit-il, avez-vous vu les travaux et les combats de nos généreux soldats ? Je ne pus lui répondre que par des larmes et des sanglots, tant ce genre de vie m'avait effrayé dans des corps humains.
Hélas ! M.F., où en sommes-nous ? Quels seraient notre sort et notre éternité si Dieu en demandait autant de nous ? Ah ! non, non, M.F., jamais de ciel pour nous, s'il en fallait autant ! Ah ! si du moins, sans faire ces grandes et épouvantables pénitences, nous avions seulement le bonheur de cesser de pécher et de commencer aujourd'hui à aimer le bon Dieu, nous pourrions encore espérer le même bonheur. Mon Dieu, que nous sommes aveugles sur notre bonheur éternel !- Hélas ! M.F., ces grands saints, que nous admirons sans avoir le courage de les imiter, dites-moi, avaient-ils un autre évangile à suivre ? Avaient-ils une autre religion à pratiquer ? Avaient-ils un autre Dieu à servir, une autre éternité à craindre ou à espérer ? Non, sans doute, M.F., mais ils avaient la foi que nous n'avons pas, que nous avons presque éteinte par la multitude de nos péchés : c'est qu'ils pensaient sérieusement au salut de leur pauvre âme, tandis que nous la laissons de côté, cette pauvre âme, qui est si pauvre et qui a tant coûté à Jésus-Christ, et qu'il nous est indifférent de sauver ou de damner. C'est qu'ils méditaient sans cesse sur ces grandes et terribles vérités de l'autre vie, la perte d'un Dieu, la grandeur du péché, une éternité heureuse ou malheureuse, l'incertitude de la mort, les abîmes redoutables des jugements de Dieu et les suites d'un avenir heureux ou malheureux, selon que nous aurons bien ou mal vécu ; tandis que nous, nous n'y pensons pas même : n'étant occupés que des choses de ce monde, nous laissons notre âme et le ciel de côté. En un mot, c'est qu'ils vivaient en pénitents et en saints, tandis que nous vivons en mondains, dans le péché et les plaisirs du monde, et... point de pénitence.
Ô aveuglement de l'homme, que tu es grand ! Qui pourra jamais te comprendre ? N'être dans ce monde que pour aimer le bon Dieu et sauver notre âme, et ne vivre que pour l'offenser et rendre notre âme malheureuse pendant l'éternité !... En effet, M.F., quelle a été notre vie jusqu'à présent ? A quoi avons-nous pensé depuis que nous sommes sur la terre ? A qui avons-nous donné notre cœur ? Qu'avons-nous fait pour Dieu, notre première et dernière fin ? Quel zèle, quelle ardeur, avons-nous eus pour la gloire de Dieu et le salut de notre pauvre âme, qui a tant coûté de souffrances à Jésus-Christ ? Combien, au contraire, n'avons-nous pas de reproches à nous faire ?
Hélas ! bien loin d'avoir employé toute notre vie à procurer la gloire de Dieu et à nous assurer le bonheur éternel, peut-être n'y avons-nous pas même pensé un seul jour, comme un chrétien doit le faire toute sa vie. Ah ! ingrats, est-ce pour cela que le bon Dieu nous a créés et mis sur la terre ? N'est-ce pas au contraire pour ne nous occuper que de lui et lui consacrer tous les mouvements de notre cœur ? Nous ne devrions vivre que pour lui, et peut-être n'avons-nous pas encore vécu un seul jour que nous puissions dire être tout pour lui et pour lui seul.
Hélas ! M.F., bientôt il nous faudra aller lui rendre compte de toutes nos actions. Qu'aurons-nous à lui présenter ? Qu'aurons-nous à répondre à ses interrogations lorsqu'il nous montrera, d'un côté, toutes les grâces qu'il nous a accordées pendant toute notre vie, et de l'autre, le peu de profit ou plutôt le mépris que nous en avons fait ? Est-il bien possible que, ayant entre les mains tant de grâces si précieuses, nous soyons encore si tièdes, si lâches et si languissants dans le service de Dieu ? Ah ! M.F., si des idolâtres et des païens avaient reçu autant de grâces que nous, ne seraient-ils pas devenus de grands saints ? Combien, M.F., de grands pécheurs, s'ils avaient été comblés de tant de bienfaits que nous, n'auraient-ils pas fait pénitence, comme les Ninivites, sous la cendre et le cilice ? Rappelons-nous, M.F., tout ce que le bon Dieu a fait pour nous depuis que nous sommes au monde. Combien sont morts sans avoir eu le bonheur de recevoir le saint Baptême ? Combien d'autres qui, après un seul péché mortel, ont été frappés de mort subite et sont tombés en enfer ! Oh ! combien de dangers même corporels dont Dieu, dans sa miséricorde, nous a préservés, préférablement à tant d'autres qui ont péri d'une manière extraordinaire ! Et combien de fois, après avoir eu le malheur de pécher, le bon Dieu ne nous a-t-il pas poursuivis par des remords de conscience, par de bonnes pensées ! Combien d'instructions, combien de bons exemples, qui semblaient nous reprocher notre indifférence pour notre salut !
Dites-moi, M.F., après tant de traits de la miséricorde du bon Dieu, qu'aurons-nous à lui répondre, lorsqu'il nous demandera compte du profit que nous en avons fait ? Ô triste pensée, M.F., pour un pécheur qui a tout méprisé, et qui n'a su profiter de rien ! Eh bien ! ingrats, va nous dire Jésus-Christ, est-ce que les vertus que je vous ai commandées étaient trop difficiles ? Ne pouviez-vous pas les pratiquer aussi bien que tant d'autres ? Dans quel état paraissez-vous devant moi ! Ne saviez-vous pas qu'un jour viendrait où je vous demanderais compte de tout ce que j'ai fait pour vous ? Eh bien ! misérable, rendez-moi compte de tout ce que ma miséricorde a fait pour vous ! Hélas ! M.F., qu'allons-nous répondre, ou plutôt quelle confusion pour nous !
Prévenons, M.F., ce moment si malheureux pour le pécheur, en profitant désormais des grâces que la bonté de Dieu veut bien encore nous accorder aujourd'hui. Je dis aujourd'hui, puisque peut-être demain, ou le bon Dieu nous aura abandonnés, ou nous ne serons plus dans ce monde. Savez-vous, M.F., le langage que nous allons tenir dans ce moment ? Le voici : Ah ! dirons-nous, je savais très bien que je n'étais sur la terre que pour un peu de temps, et cependant je n'ai vécu que pour le monde. En perdant la vie éternelle, je savais que quelques années finiraient ma course, et que mille ans n'auraient pas été trop longs pour me préparer à ce triste et terrible passage de ce monde à l'éternité où je pouvais entrer à chaque instant ; et, ce peu de temps, je ne l'ai employé qu'aux affaires du temps, aux amusements et à des riens. Voilà ce temps précieux que Dieu ne m'avait donné que pour m'assurer un bonheur éternel : il va disparaître à mes yeux, et l'éternité va commencer pour ne finir jamais. Sera-t-elle heureuse ou malheureuse ? Hélas ! qu'ai-je fait pour la mériter heureuse ? Ô temps perdu ! ô éternité oubliée ! ô cruelle méprise ! que tu jettes d'âmes en enfer ! ô aveuglement de l'homme, qui pourra te comprendre ? Quatre jours à passer dans ce monde, et une éternité entière dans l'autre : et ces quatre jours ont fait toute mon occupation, et, pour l'éternité, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour l'effacer de ma mémoire ! Ô mon Dieu ! où est donc notre foi ? Où est notre raison, pour vivre comme nous vivons ?
Que devons-nous conclure de tout cela, M.F. ? C'est que, malgré que nous ayons tant méprisé de grâces, si nous voulons profiter de celles que le bon Dieu veut nous accorder dans sa miséricorde, non seulement nous pouvons racheter le temps passé, mais nous pouvons encore nous procurer un bonheur infini dans l'autre vie. Si le bon Dieu nous a conservé la vie malgré tant de péchés, ce n'est que parce qu'il voulait répandre sur nous la grandeur de ses miséricordes ; plus nous sommes pécheurs, plus il désire notre salut, afin que nous soyons comme autant d'instruments pour publier pendant toute l'éternité la grandeur de ses miséricordes sur les pécheurs.
Oui, M.F., il nous attend les bras ouverts ; il nous ouvre la plaie de son divin Cœur, pour nous cacher à la sévérité de la justice de son Père ; il nous présente tous les mérites de sa mort et passion, afin de payer pour nos péchés. Si notre retour est sincère, il se charge de répondre pour nous au tribunal de son Père, quand nous serons interrogés pour rendre compte de notre vie.
Heureux celui qui obéit à la voix de son Dieu qui l'appelle ! Heureux, M.F., celui qui n'aura jamais perdu de vue que sa vie est bien courte, qu'il peut mourir à chaque instant, et qu'après cette vie il sera jugé, pour une éternité de bonheur ou de malheur, pour le ciel ou l'enfer ! Ô mon Dieu ! si nous pensions sans cesse à nos fins dernières, pourrions-nous bien vivre dans le péché, pourrions-nous bien oublier ce temps à venir qui, une fois commencé, ne finira jamais ? Dites-moi, M.F., croyez-vous à cette éternité, vous qui depuis peut-être dix ou vingt ans êtes dans la haine de Dieu ? Croyez-vous à l'éternité, M.F., vous qui avez le bien d'autrui ? Ah ! non, non, si vous y croyiez, vous ne pourriez pas vivre comme vous vivez. Dites-moi, misérable ; qui depuis tant d'années avez des péchés cachés dans vos confessions, qui êtes coupable d'autant de sacrilèges que vous avez fait de communions ; hélas ! si vous le croyiez un petit peu, ne mourriez-vous pas d'horreur de vous-même en pensant qu'à tout moment vous êtes exposé à aller rendre compte de toutes ces turpitudes devant un juge qui sera sans miséricorde ? Oui, M.F., si nous avions le bonheur de bien méditer sur ce qui nous attend après ce monde qui est si court, il nous serait impossible de ne pas travailler toute notre vie en tremblant dans la crainte de ne pas réussir à sauver notre pauvre âme. Heureux, M.F., celui qui se tiendra toujours prêt ! C'est ce que je vous souhaite...

2ème DIMANCHE DE L'AVENT

Sur le respect humain

Beatus qui non fuerit scandatizatus in me.
Bienheureux celui qui ne prendra pas de moi un sujet de scandale (S.Matth., XI, 6.)

Rien, M.F., de plus glorieux et de plus honorable pour un chrétien que de porter le nom sublime d'enfant de Dieu, de frère de Jésus-Christ. Mais aussi rien n'est plus infâme que d'avoir honte de le manifester autant de fois que l'occasion s'en présente. Nous ne sommes pas étonnés de voir des hypocrites montrer autant qu'ils peuvent un extérieur de piété pour s'attirer l'estime et les louanges des hommes, tandis que leurs pauvres cœurs sont dévorés par les péchés les plus infâmes. Ils voudraient, ces aveugles, jouir des honneurs qui sont inséparables de la vertu, sans avoir la peine de la pratiquer. Nous sommes encore moins étonnés de voir de bons chrétiens cacher, autant qu'ils le peuvent, leurs bonnes œuvres aux yeux du monde, de crainte que la vaine gloire ne se glisse dans leur cœur et que les vains applaudissements des hommes ne leur en fassent perdre le mérite et la récompense. Mais, M.F., où trouvons-nous une lâcheté plus criminelle et une abomination plus détestable que la nôtre : que, faisant profession de croire en Jésus-Christ ; que, nous étant engagés par les serments les plus sacrés à marcher sur ses traces, à soutenir ses intérêts et sa gloire, aux dépens même de notre vie, nous soyons si lâches, qu'à la première occasion nous violions les promesses que nous lui avons faites sur les fonts sacrés du Baptême. Ah ! malheureux, que faisons-nous ? Qui est Celui que nous renions ? Hélas ! nous abandonnons notre Dieu, notre Sauveur, pour nous ranger parmi les esclaves du démon qui nous trompe et qui ne cherche que notre perte et notre malheur éternel. Oh ! maudit respect humain ! que tu entraînes d'âmes dans les enfers ! Mais pour mieux vous en faire sentir la bassesse, je vous montrerai : 1? Combien le respect humain, c'est-à-dire la honte de faire le bien, outrage le bon Dieu ; 2? Combien celui qui le commet annonce un esprit faible et borné.

I. - Nous ne parlerons pas, M.F., de tous ces impies de la première classe qui emploient leur temps, leur science et leur pauvre vie à détruire notre sainte religion, s'ils le pouvaient. Ces malheureux ne semblent vivre que pour anéantir les souffrances, les mérites de la mort et passion de Jésus-Christ. Ils ont employé, les uns leurs forces, les autres leur science, pour briser cette pierre sur laquelle Jésus-Christ a bâti son Église. Mais ces insensés vont se briser contre cette pierre de l'Église, qui est notre sainte religion, laquelle subsistera toujours malgré tous leurs efforts.
En effet, M.F., à quoi aboutit toute la furie des persécuteurs de l'Église, des Néron, des Maximien, des Dioclétien, et de tant d'autres qui ont cru que, par la force de leurs armes ; ils viendraient à bout de la faire disparaître de la terre. C'est bien tout le contraire : le sang de tant de martyrs n'a servi, comme dit Tertullien, qu'à faire fleurir la religion plus que jamais, et leur sang semblait une semence qui en produisait cent pour un. Malheureux ! que vous a fait cette belle et sainte religion, pour tant la persécuter, puisqu'elle seule peut rendre l'homme heureux sur la terre ? Hélas ! que de larmes et que de cris ils poussent maintenant dans les enfers, où ils reconnaissent bien clairement que cette religion, contre laquelle ils se sont déchaînés, les aurait conduits au ciel ! Mais, regrets inutiles et superflus !
Voyez encore ces autres impies qui ont fait tout ce qu'ils ont pu pour détruire notre sainte religion par leurs écrits, tels qu'un Voltaire, un Jean-Jacques Rousseau, un Diderot, un d'Alembert, un Volney et tant d'autres, qui n'ont passé leur vie qu'à vomir par leurs écrits tout ce que le démon pouvait leur inspirer. Hélas ! ils ont bien fait du mal, il est vrai ; ils ont perdu des âmes, en ont bien entraîné avec eux aux enfers ; mais ils n'ont pas pu détruire la religion, comme ils croyaient ; ils se sont brisés contre cette pierre. Mais ils n'ont pas brisé la pierre sur laquelle Jésus-Christ a bâti son Église et qui devra durer jusqu'à la fin du monde. Où sont maintenant ces pauvres impies ? Hélas ! en enfer, où ils pleurent leur malheur et celui de tous ceux qu'ils ont entraînés avec eux. Ne disons rien encore, M.F., de ces derniers impies, qui, sans se montrer ouvertement les ennemis de la religion parce qu'ils en pratiquent encore quelques points extérieurs, en font, malgré cela, de temps en temps de petites plaisanteries, par exemple, sur la vertu ou la piété de ceux qu'ils n'ont pas le courage d'imiter. Dites-moi, mon ami, que vous a fait cette religion que vous tenez de vos ancêtres, qu'ils ont pratiquée si fidèlement devant vos yeux, dont ils vous ont tant de fois dit qu'elle seule pouvait faire le bonheur de l'homme sur la terre, et, qu'en l'abandonnant, nous ne pouvions être que malheureux ? Et où pensez-vous, mon ami, que vous conduira votre petite impiété ? Hélas ! mon ami, en enfer, pour vous y faire pleurer votre aveuglement.
Ne disons rien encore de ces chrétiens qui ne sont chrétiens que de nom ; qui font leur devoir de chrétiens d'une manière si misérable, qu'ils vous feraient mourir de compassion. Voyez-en un, pendant sa prière faite avec ennui, dissipation, sans respect. Voyez-les à l'église, sans dévotion : l'office commence toujours trop tôt, et finit toujours trop tard ; le prêtre n'est pas encore descendu de l'autel, qu'ils sont déjà dehors. Pour la fréquentation des Sacrements, il ne faut pas leur en parler : s'ils s'en approchent quelquefois, c'est avec une certaine indifférence qui annonce qu'ils ne connaissent nullement ce qu'ils font. Tout ce qui a rapport au service de Dieu est fait avec un dégoût épouvantable. Mon Dieu ! que d'âmes perdues pour l'éternité ! Ô mon Dieu ! que le nombre de ceux qui entreront dans le royaume des cieux est petit, puisqu'il y en a si peu qui font ce qu'ils doivent pour le mériter ?
Mais, me direz-vous maintenant : Qui sont donc ceux qui se rendent coupables de respect humain ? M.F., écoutez-moi un instant, et vous allez le savoir. D'abord, je vous dirai avec saint Bernard que, de quelque côté que nous considérions le respect humain, qui est la honte de remplir ses devoirs de religion à cause du monde, tout nous démontre en lui le mépris de Dieu et de ses grâces et l'aveuglement de l'âme. Je dis en premier lieu, M.F., que la honte de faire le bien, de crainte d'être méprisé ou raillé de la part de quelques malheureux impies, ou de quelques ignorants, est un mépris affreux que nous faisons de la présence du bon Dieu devant lequel nous sommes et qui pourrait à l'heure même nous jeter en enfer. Pourquoi est-ce, M.F., que ces mauvais chrétiens vous raillent et tournent en ridicule votre dévotion ? Hélas ! M.F., en voici la véritable raison : c'est que n'ayant pas la force de faire ce que vous faites, ils vous en veulent de ce que vous réveillez les remords de leur conscience ; mais, soyez bien sûrs que dans le cœur ils ne vous méprisent pas, au contraire, ils vous estiment beaucoup. S'ils ont un bon conseil à prendre, où à demander une grâce auprès du bon Dieu, ce n'est pas à ceux qui font comme eux qu'ils auront recours, mais à ceux qu'ils ont raillés, du moins en paroles. Vous avez honte, mon ami, de servir le bon Dieu, par crainte d'être méprisé ? Mais, mon ami, regardez donc Celui qui est mort sur cette croix ; demandez-lui donc s'il a eu honte d'être méprisé, et de mourir de la manière la plus honteuse sur cette croix infâme. Ah ! ingrats que nous sommes envers Dieu, qui semble trouver sa gloire à faire publier de siècle en siècle qu'il nous choisit pour ses enfants. Ô mon Dieu ! que l'homme est aveugle et méprisable de craindre un misérable qu'en-dira-t-on, et de ne pas craindre d'offenser un Dieu si bon. Je dis encore que le respect humain nous fait mépriser toutes les grâces que le bon Dieu nous a méritées par sa mort et sa passion. Oui, M.F., par le respect humain, nous anéantissons toutes les grâces que le bon Dieu nous avait destinées pour nous sauver. Oh ! maudit respect humain, que tu entraînes d'âmes en enfer !
En deuxième lieu, je dis que le respect humain renferme l'aveuglement le plus déplorable. Hélas ! nous ne faisons pas attention à ce que nous perdons. Ah ! M.F., quel malheur pour nous ! nous perdons notre Dieu, que nul ne pourra jamais remplacer. Nous perdons le ciel avec tous ses biens et ses plaisirs ! Mais un autre malheur, c'est que nous prenons le démon pour notre père, et l'enfer avec tous ses tourments pour notre héritage et notre récompense. Nous changeons nos douceurs et nos joies éternelles contre des souffrances et des larmes. Ah ! mon ami, à quoi pensez-vous ? Quels seront vos regrets pendant toute l'éternité ! Ah ! mon Dieu ! peut-on bien y penser et vivre encore esclave du monde ?
Il est vrai, me direz-vous, que celui qui craint le monde pour remplir ses devoirs de religion est bien malheureux, puisque le bon Dieu nous a dit que celui qui aura honte de le servir devant les hommes, il ne voudra pas le reconnaître devant son Père au jour du jugement.
Mais mon Dieu ! craindre le monde, pourquoi donc ? puisque nous savons qu'il faut absolument être méprisé du monde pour plaire à Dieu. Si vous craigniez le monde, il ne fallait pas vous faire chrétien. Vous saviez bien que sur les fonts sacrés du baptême, vous prêtiez serment en présence de Jésus-Christ même ; que vous renonciez au démon et au monde ; que vous vous engagiez à suivre Jésus-Christ portant sa croix, chargé d'opprobres et de mépris. Si vous craignez le monde, eh bien ! renoncez à votre baptême et donnez-vous à ce monde à qui vous craignez tant de déplaire.
Mais, me direz-vous, quand est-ce que nous agissons par respect humain ? Mon ami, écoutez-moi bien. C'est un jour que vous étiez à la foire, ou dans une auberge où l'on mangeait de la viande un jour défendu et que l'on vous pria d'en manger ; que, vous contentant de baisser les yeux et de rougir, au lieu de dire que vous étiez chrétien, que votre religion vous le défendait, vous en mangeâtes comme les autres, en disant : Si je ne fais pas comme les autres, on se moquera de moi. - On vous raillera, mon ami ? Ah ! certes, c'est bien dommage ! - Eh ! me direz-vous, je ferai bien plus de mal, en étant la cause de toutes les mauvaises raisons que l'on dira contre la religion, que j'en ferais en mangeant de la viande. - Dites-moi, mon ami, vous ferez plus de mal ? Si les martyrs avaient craint tous ces blasphèmes, tous ces jurements, alors ils auraient donc tous renoncé à leur religion ? C'est tant pis pour ceux qui font mal. Hélas ! M.F., disons mieux : ce n'est pas assez que les autres malheureux aient crucifié Jésus-Christ par leur mauvaise vie ; il faut encore vous unir à eux pour faire souffrir Jésus-Christ davantage ? Vous craignez d'être raillé ? Ah ! malheureux, regardez Jésus-Christ sur la croix, et vous verrez ce qu'il a fait pour vous.
Vous ne savez pas quand vous avez renié Jésus-Christ ? C'est un jour qu'étant avec deux ou trois personnes, il semblait que vous n'aviez point de mains, ou que vous ne saviez pas faire le signe de la croix, et que vous regardiez si l'on avait les yeux sur vous, et que vous vous êtes contenté de dire votre Benedicite ou vos grâces dans votre cœur, ou bien que vous allâtes dans un coin pour les dire. C'est lorsque, passant vers une croix, vous fîtes semblant de ne pas la voir, ou bien vous disiez que ce n'est pas pour nous que le bon Dieu est mort.
Vous ne savez pas quand vous avez eu du respect humain ? C'est un jour que vous trouvant dans une société, où l'on disait de sales paroles contre la sainte vertu de pureté, ou contre la religion, vous n'osâtes pas reprendre ces personnes, et bien plus, dans la crainte que l'on vous raille, vous en avez souri.- Mais, me direz-vous, l'on est bien forcé, sans quoi l'on serait trop souvent raillé. - Vous craignez, mon ami, d'être raillé ? Ce fut bien aussi cette crainte qui porta saint Pierre à renier son divin Maître ; mais cela n'empêcha pas qu'il commît un gros péché qu'il pleura toute sa vie.
Vous ne savez pas quand vous avez eu du respect humain ? C'est un jour que le bon Dieu vous donna la pensée d'aller vous confesser, vous sentiez que vous en aviez bien besoin, mais vous pensâtes que l'on se moquerait de vous, que l'on vous traiterait de dévot. C'est une fois que vous aviez la pensée d'aller à la sainte Messe dans la semaine, et que vous pouviez y aller ; vous avez dit en vous-même que l'on se moquerait de vous et que l'on dirait : C'est bon pour ceux qui n'ont rien à faire qui ont de quoi vivre de leurs rentes.
Combien de fois ce maudit respect humain vous a empêché d'assister au catéchisme, à la prière du soir ! Combien de fois, étant chez vous, et faisant quelques prières ou quelques lectures de piété, vous êtes-vous caché voyant venir quelqu'un ! Combien de fois le respect humain vous a fait violer la loi du jeûne ou de l'abstinence, et n'oser pas dire que vous jeûniez, ou que vous ne faisiez pas gras ! Combien de fois vous n'avez pas osé dire votre Angelus devant le monde, ou vous vous êtes contenté de le dire dans votre cœur, ou vous êtes sorti pour le dire dehors ! Combien de fois vous n'avez point fait de prières le matin ou le soir, parce que vous vous êtes trouvé avec des personnes qui n'en faisaient point ; et tout cela, de crainte que l'on ne se moquât de vous !
Allez, pauvre esclave du monde, attendez l'enfer où vous serez précipité ; vous aurez bien le temps de regretter le bien que le monde vous a empêché de faire.
Ah ! mon Dieu, quelle triste vie mène celui qui veut plaire au monde et au bon Dieu ! Non, mon ami, vous vous trompez. Outre que vous vivrez toujours malheureux, vous ne viendrez jamais à bout de plaire au monde et au bon Dieu ; cela est aussi impossible que de mettre fin à l'éternité. Voici le conseil que j'ai à vous donner, et vous serez moins malheureux : ou donnez-vous tout au bon Dieu, ou tout au monde ; ne cherchez, et ne suivez qu'un maître, et, une fois à sa suite, ne le quittez pas.
Vous ne vous rappelez donc pas ce que Jésus-Christ vous dit dans l'Évangile : Vous ne pouvez servir Dieu et le monde, c'est-à-dire que vous ne pouvez pas suivre le monde avec ses plaisirs, et Jésus-Christ avec sa croix. N'est-ce pas que vous avez bonne grâce d'être tantôt à Dieu et tantôt au monde ! Parlons plus clairement : il faudrait que votre conscience, que votre cœur vous permit d'être le matin à la table sainte et le soir à la danse ; une partie du jour à l'église et le reste dans les cabarets ou dans les jeux ; un moment parler du bon Dieu, et un autre moment dire des saletés ou bien des calomnies contre le prochain ; une fois, faire du bien à votre voisin, et un autre moment lui faire tort, c'est-à-dire, qu'avec les bons vous ferez le bien, parlerez du bon Dieu, avec les méchants vous ferez le mal.
Ah ! M.F., que la compagnie des méchants nous fait faire de mal ! Que de péchés nous éviterions, si nous avions le bonheur de fuir les gens sans religion ! Saint Augustin nous dit que plusieurs fois, s'étant trouvé avec les méchants, il avait eu honte de n'avoir pas autant de malice qu'eux, et, afin qu'on ne le blâmât pas, il disait le mal même qu'il n'avait pas fait . Pauvre aveugle ! que vous êtes à plaindre ! quelle triste vie !.... Oh ! maudit respect humain, que tu entraînes d'âmes dans les enfers ! Oh ! que de crimes dont tu es la cause ! Ah ! qu'il est coupable le mépris que nous faisons des grâces que le bon Dieu veut nous accorder pour nous sauver ! Hélas ! combien ont commencé leur réprobation par le respect humain, parce que, à mesure qu'ils ont méprisé les grâces que le bon Dieu leur voulait donner, la foi s'est éteinte en eux ; et, peu à peu, ils ont moins senti la grandeur du péché, la perte du ciel, les outrages qu'ils faisaient à Dieu par le péché. Ils ont fini par tomber en paralysie, c'est-à-dire qu'ils n'ont plus connu l'état malheureux de leur pauvre âme : ils restent dans le péché, et la plus grande partie y périssent.
Nous lisons dans l'Évangile que Jésus-Christ, dans ses missions, comblait de toute sorte de grâces les lieux où il passait. Tantôt c'était un aveugle à qui il rendait la vue ; tantôt c'étaient des sourds qu'il faisait entendre ; ici, c'est un lépreux qu'il guérit, là c'est un mort à qui il rend la vie. Cependant nous voyons qu'il y en a très peu qui publient les bienfaits qu'ils viennent de recevoir ; ils le font seulement au moment où ils sont aux pieds de Jésus-Christ. Et d'où vient cela, M.F. ? C'est qu'ils craignaient les Juifs, parce qu'il fallait être amis ou des Juifs ou de Jésus-Christ ; quand ils étaient auprès de Jésus-Christ, ils le reconnaissaient ; et quand ils étaient avec les Juifs, ils semblaient les approuver par leur silence. Voilà précisément ce que nous faisons : quand nous sommes seuls, que nous réfléchissons sur tous les bienfaits que nous avons reçus du bon Dieu, nous ne pouvons nous empêcher de lui témoigner notre reconnaissance d'être nés chrétiens, d'avoir été confirmés ; mais, quand nous sommes avec les libertins, nous semblons être de leur sentiment en applaudissant par nos sourires ou notre silence à leurs impiétés. Oh ! quelle indigne préférence, s'écrie saint Maxime ! Ah ! maudit respect humain, que d'âmes tu traînes en enfer ! Hélas ! M.F., quel tourment n'éprouvera pas une personne qui veut plaire et vivre ainsi, comme nous en avons un bel exemple dans l'Évangile. Nous y lisons que le roi Hérode s'était épris d'un amour profane pour Hérodiade. Cette barbare courtisane avait une fille qui dansa devant lui avec tant de grâce, qu'il lui promit la moitié de son royaume. Mais la malheureuse se garda bien de la lui demander, ce n'était pas assez ; étant allée trouver sa mère pour prendre conseil sur ce qu'il fallait dire au roi, la mère, plus infâme que sa fille, lui présenta un plat : « Va, lui dit-elle, demander au roi qu'il mette la tête de Jean-Baptiste dans ce plat, afin que tu me l'apportes ; » et cela, parce que saint Jean-Baptiste lui reprochait sa mauvaise vie. Le roi, à cette demande, fut saisi de frayeur ; car, d'un côté, il estimait saint Jean-Baptiste, il regrettait la mort d'un homme qui était si digne de vivre. Que fera-t-il ? Quel parti prendra-t-il ? Ah ! maudit respect humain, que vas-tu faire ? Il ne voudrait pas faire mourir saint Jean-Baptiste ; mais, d'un autre côté, il a peur qu'on se moque de lui, de ce qu'étant roi, il ne tient pas sa parole. Allez, dit ce malheureux roi à un bourreau, allez couper la tête de Jean-Baptiste ; j'aime mieux laisser crier ma conscience que si l'on se moquait de moi. Mais quelle horreur ! quand la tête parut dans la salle, les yeux et la bouche, quoique fermés, semblaient lui reprocher son crime et le menacer des châtiments les plus terribles. A ce spectacle, il frémit et pâlit. Hélas ! que celui qui se laisse conduire par le respect humain est à plaindre !
Il est vrai que le respect humain ne nous empêche pas toujours de faire de bonnes œuvres. Mais combien de bonnes œuvres dont le respect humain nous fait perdre le mérite ! Combien de bonnes œuvres que nous ne ferions pas, si nous n'espérions pas en être loués et estimés du monde ! Combien de gens ne viennent à l'église que par respect humain, en pensant que, dès qu'une personne ne pratique plus la religion, du moins à l'extérieur, l'on n'a plus confiance en elle, comme on dit : Où il n'y a point de religion, il n'y a point de conscience ! Combien de mères qui semblent avoir soin de leurs enfants seulement pour être estimées aux yeux du monde ! Combien qui se réconcilient avec leurs ennemis, parce qu'ils craignent qu'on perde la bonne estime que l'on a d'eux ! Combien de personnes qui ne seraient pas si bien, si elles ne savaient pas qu'elles y gagnent d'être louées du monde ? Combien qui sont plus réservées dans leurs paroles et plus modestes à l'église à cause du monde ! Oh ! maudit respect humain, que tu gâtes de bonnes œuvres qui conduiraient tant de chrétiens au ciel, et qui ne feront que les pousser en enfer !
Mais, me direz-vous, il y a bien à faire, pour que le monde ne se mêle de rien dans tout ce que l'on fait. Mais, M.F., nous n'attendons pas notre récompense du monde, mais de Dieu seul : si l'on me loue, je sais bien que je ne le mérite pas, étant si pécheur ; si l'on me méprise, il n'y a rien d'extraordinaire pour un pécheur comme moi qui ai tant de fois méprisé le bon Dieu par mes péchés ; j'en mérite bien davantage. D'ailleurs, Jésus-Christ ne nous a-t-il pas dit : Bienheureux ceux qui seront méprisés et persécutés ? Et qui sont ceux qui vous méprisent ? Hélas ! quelques pauvres pécheurs qui n'ont pas le courage de faire ce que vous faites, qui, pour cacher un peu leur honte, voudraient que vous fissiez comme eux ; c'est un pauvre aveugle qui, bien loin de vous mépriser, devrait passer sa vie à pleurer son malheur. Ses railleries vous montrent combien il est à plaindre et digne de compassion. Il fait comme une personne qui a perdu l'esprit, qui court les forêts, qui se roule par terre ou se jette dans les précipices en criant à tous ceux qui la voient de faire comme elle ; elle a beau crier, vous la laissez faire, et vous la plaignez, parce qu'elle ne connaît pas son malheur. De même, M.F., laissons ces pauvres malheureux crier et railler les bons chrétiens ; laissons les insensés dans leur démence ; laissons les aveugles dans leurs ténèbres ; écoutons les cris et les hurlements des réprouvés ; mais ne craignons rien, suivons notre route ; ils se font beaucoup de mal, sans point nous en faire ; plaignons-les, et marchons à notre ordinaire.
Savez-vous pourquoi les autres vous raillent ? C'est qu'ils voient que vous les craignez et qu'un rien vous fait rougir. Ce n'est pas votre piété qu'ils raillent, mais seulement votre inconstance et votre lâcheté à suivre votre chef. Voyez les gens du monde : avec quelle audace ils suivent leur chef ! Ne se font-ils pas gloire d'être libertins, ivrognes, adroits, vindicatifs ? Voyez un impudique : craint-il de vomir ses saletés devant le monde ? Pourquoi cela, M.F. ? C'est parce qu'ils sont contraints à suivre leur maître qui est le monde ; ils ne pensent et ne cherchent qu'à lui plaire ; ils ont beau souffrir, rien ne peut les arrêter. Voilà, M.F., ce que vous feriez, si vous vouliez en faire autant. Vous ne craindriez ni le monde ni le démon ; vous ne chercheriez et ne voudriez que ce qui pourrait plaire à votre Maître, qui est Dieu lui-même. Convenez avec moi que les mondains sont beaucoup plus constants à tous les sacrifices qu'ils font pour plaire à leur maître, qui est le monde, que nous, à faire ce que nous devons pour plaire à notre Maître, qui est notre Dieu.

 

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 08:53

II. - Mais, terrible et effrayante révolution ! j'entends la même trompette qui crie aux réprouvés de sortir des enfers. Venez, pécheurs, bourreaux et tyrans, dira Dieu qui voulait tous vous sauver, venez, paraissez au tribunal du Fils de l'homme ; de celui dont vous avez si souvent osé vous persuader qu'il ne vous voyait, ni ne vous entendait ! venez et paraissez, car tout ce que vous avez jamais commis sera manifesté en face de tout l'univers. Alors l'ange criera : Abîmes des enfers, ouvrez vos portes ! vomissez tous ces réprouvés ! leur juge les appelle. Ah ! terrible moment ! toutes ces malheureuses âmes réprouvées, horribles comme des démons, sortiront des abîmes, iront, comme des désespérés, chercher leurs corps. Ah ! cruel moment ! dans l'instant où l'âme entrera dans son corps, ce corps éprouvera toutes les rigueurs de l'enfer. Ah ! ce maudit corps, ces maudites âmes se donneront mille et mille malédictions. Ah ! maudit corps, dira l'âme à son corps qui l'a roulée et traînée dans la fange de ses impuretés il y a déjà plus de mille ans que je souffre et que je brûle dans les enfers. Venez, maudits yeux, qui tant de fois avez pris plaisir à faire des regards déshonnêtes sur vous ou sur d'autres, venez en enfer pour y contempler les monstres les plus horribles. Venez, maudites oreilles, qui avez pris tant de plaisir à ces paroles, à ces discours impurs, venez éternellement entendre les cris, les hurlements et les rugissements des démons. Venez, maudite langue et maudite bouche, qui tant de fois avez donné des baisers impurs et qui n'avez rien épargné pour contenter votre sensualité et votre gourmandise ; venez en enfer, où vous n'aurez que le fiel des dragons pour nourriture. Viens, maudit corps, que j'ai tant cherché à contenter ; viens, tu seras étendu, pendant l'éternité, dans un étang de feu et de soufre, allumé par la puissance et la colère de Dieu ! Ah ! qui pourra comprendre et nous raconter les malédictions que le corps et l'âme vont se vomir pendant toute l'éternité ?
Oui, M.F., voilà tous les justes et les réprouvés qui ont repris leur ancienne forme, c'est-à-dire, leurs corps tels que nous les voyons maintenant, qui attendent leur juge ; mais un juge juste et sans compassion, pour récompenser ou punir, selon le bien et le mal que nous aurons fait. Le voilà qui arrive, assis sur un trône, éclatant de gloire, environné de tous les anges, et l'étendard de sa croix marchant devant lui. Les damnés voyant leur juge ; ah ! que dis-je ? voyant celui qu'ils n'ont vu crucifié que pour leur procurer le bonheur du paradis, et qui, malgré lui se sont damnés : Montagnes, s'écrieront-ils, écrasez-nous, arrachez-nous de la face de notre juge ; rochers, tombez sur nous ; ah ! de grâce, précipitez-nous dès maintenant dans les enfers ! - Non, non, pécheur : avance et viens rendre compte de toute ta vie. Avance, malheureux ; qui as tant méprisé un Dieu si bon ! - Ah ! mon juge, mon père, mon créateur, où sont mon père, ma mère qui m'ont damné ? ah ! je veux les voir ; ah ! je veux leur demander le ciel qu'ils m'ont laissé perdre. Mon père et ma mère, c'est vous qui m'avez damné ; c'est vous qui êtes cause de mon malheur. - Non, non, avance vers le tribunal de ton Dieu, tout est perdu pour toi. - Ah ! mon juge, s'écriera cette jeune fille..., où est ce libertin qui m'a ravi le ciel ? - Non, non, avance : il n'y a plus de recours, tu es damnée ! plus d'espérance pour toi : oui, tu es perdue ; oui, tout est perdu, puisque tu as perdu ton âme et ton Dieu. Ah ! qui pourra comprendre le malheur d'un damné qui verra vis-à-vis de lui, c'est-à-dire, du côté des saints, un père ou une mère tout rayonnants de gloire et adjugés pour le ciel ; et se verra, lui, réservé pour l'enfer ! Montagnes, diront ces réprouvés, arrachez-vous ; ah ! de grâce, tombez-nous dessus ! Ah ! portes des abîmes, ouvrez-vous pour nous cacher ! - Non, pécheur, tu as toujours méprisé mes commandements ; mais c'est aujourd'hui que je veux te montrer que je suis ton maître. Parais devant moi avec tous tes crimes dont ta vie n'est qu'un tissu. Ah ! c'est alors, nous dit le prophète Ézéchiel, que le Seigneur prendra cette grande feuille miraculeuse, où sont écrits et consignés tous les crimes des hommes. Combien de péchés qui n'ont jamais paru aux yeux de l'univers et qui vont paraître ! Ah ! tremblez, vous qui, peut-être depuis quinze ou vingt ans, avez accumulé péchés sur péchés ! Ah ! malheur à vous !
Alors Jésus-Christ, le livre des consciences à la main, appellera tous les pécheurs pour les convaincre de tous les péchés qu'ils auront commis pendant toute leur vie, d'un ton de tonnerre épouvantable : Venez, impudiques, leur dira-t-il, approchez et lisez jour par jour ; voilà toutes ces pensées qui ont sali votre imagination, tous ces désirs honteux qui ont corrompu votre cœur ; lisez, et comptez vos adultères ; voilà le lieu, le moment où vous les avez commis ; voilà la personne avec laquelle vous avez péché. Lisez toutes vos mollesses et vos lubricités, lisez et comptez combien vous avez perdu d'âmes qui m'avaient coûté si cher. Il y avait plus de mille ans que votre corps était pourri et votre âme en enfer, que votre libertinage entraînait encore des âmes en enfer. Voyez cette femme que vous avez perdue ; voyez ce mari, ces enfants et ces voisins ! tous demandent vengeance, tous vous accusent que vous les avez perdus et disent que sans vous ils seraient pour le ciel. Venez, filles mondaines, instruments de Satan, venez et lisez tous ces soins et ces temps que vous avez employés à vous parer ; comptez le nombre de mauvaises pensées et de mauvais désirs que vous avez donnés à ceux qui vous ont vues. Voyez-vous toutes les âmes qui crient que c'est vous qui les avez perdues. Venez, médisants, semeurs de faux rapports, venez et lisez, voilà où sont marquées toutes vos médisances, vos railleries et vos noirceurs ; voilà toutes les divisions que vous avez occasionnées ; voilà tous les troubles que vous avez fait naître, toutes les pertes et tous les maux dont votre maudite langue a été la première cause. Allez, malheureux ; entendre en enfer les cris et les hurlements épouvantables des démons. Venez, maudits avares, lisez, et comptez cet argent et ces biens périssables auxquels vous avez attaché votre cœur, au mépris de votre Dieu, et pour lesquels vous avez sacrifié votre âme. Avez-vous oublié votre dureté pour les pauvres ? Le voilà, votre argent, et comptez-le ; voilà votre or et votre argent, demandez-leur maintenant du secours, dites-leur qu'ils vous tirent d'entre mes mains. Allez, maudits, crier famine dans les enfers. Venez, vindicatifs, lisez et voyez tout ce que vous avez fait pour nuire à vôtre prochain ; comptez toutes ces injustices, comptez toutes ces pensées de haine et de vengeance que vous avez nourries dans votre cœur ; allez, malheureux, en enfer. Vous avez été rebelles : mes ministres vous ont mille fois dit que si vous n'aimiez pas votre prochain comme vous-mêmes, il n'y avait point de pardon pour vous. Retirez-vous de moi, maudits, allez aux enfers, où vous serez les victimes de ma colère éternelle ; où vous apprendrez que la vengeance appartient à Dieu seul. Viens, viens, ivrogne, regarde : voilà jusqu'à un verre le vin, jusqu'à un morceau le pain que tu as arraché de la bouche de ta femme et de tes enfants ; voilà tous tes excès, les reconnais-tu ? Sont-ce bien les tiens, ou, ceux de ton voisin ? Voilà le nombre de nuits, de jours que tu as passés dans les cabarets, les dimanches et les fêtes, voilà, jusqu'à une seule, les paroles déshonnêtes que tu as dites dans ton ivresse ; voilà tous les jurements, toutes les imprécations que tu as vomies ; voilà tous les scandales que tu as donnés à ta femme, à tes enfants et à tes voisins. Oui, j'ai tout écrit et tout compté. Va, malheureux, t'enivrer dans les enfers du fiel de ma colère. Venez, marchands, ouvriers, de quelque état que vous soyez ; venez, rendez-moi compte jusqu'à une obole, de tout ce que vous avez acheté et vendu ; venez, examinons ensemble si vos mesures et vos comptes sont conformes aux miens ? Voilà, marchands, le jour où vous avez trompé cet enfant ;
voilà ce jour où vous avez fait payer deux fois la même chose. Venez, profanateurs des sacrements, voilà tous vos sacrilèges, toutes vos hypocrisies. Venez, pères et mères, rendez-moi compte de ces âmes que je vous ai confiées ; rendez-moi compte de tout ce qu'ont fait vos enfants, vos domestiques ; voilà toutes les fois que vous leur avez donné la permission pour aller dans des lieux et des compagnies où ils ont péché. Voilà toutes les mauvaises pensées et les mauvais désirs que votre fille a donnés ; voilà tous les embrassements et autres actions infâmes ; voilà toutes ces paroles impures que votre fils a prononcées. Mais, Seigneur, diront les pères et mères, je ne le lui ai pas commandé. N'importe, leur dira leur juge, les péchés de tes enfants sont les tiens . Où sont les vertus que tu leur as fait pratiquer ? Où sont les bons exemples que tu leur as donnés ? Où les bonnes œuvres que tu leur as fait faire ? Hélas ! que vont devenir ces pères et mères qui voient que leurs enfants, les uns s'en vont danser, les autres dans les jeux et les cabarets, et qui vivent tranquilles ? O mon Dieu, quel aveuglement ! Oh ! que de crimes dont ils vont se voir accablés dans ces terribles moments ! Oh ! que de péchés cachés qui vont être manifestés à la face de tout l'univers ! Oh ! abîmes profonds des enfers, ouvrez-vous pour engloutir ces foules de réprou-vés qui n'ont vécu que pour outrager Dieu et se damner. Alors, me direz-vous, toutes les bonnes œuvres que nous avons faites ne nous serviront donc de rien ? Ces jeûnes, ces pénitences, ces aumônes, ces communions ; ces confessions seront donc sans récompense ? Non, vous dira Jésus-Christ, toutes vos prières n'étaient que routine, vos jeûnes qu'hypocrisie, vos aumônes que vaine gloire ; votre travail n'avait point d'autre but que l'avarice et la cupidité ; vos souffrances n'étaient accompagnées que de plaintes et de murmures ; dans ce que vous faisiez, je n'étais pour rien. D'ailleurs je vous ai récompensés par des biens temporels, j'ai béni votre travail ; j'ai donné la fertilité à vos champs, enrichi vos enfants ; le peu de bien que vous avez fait, je vous en ai donné toute la récompense que vous pouviez en attendre. Mais, vous dira-t-il, vos péchés vivent encore, ils vivront éternellement devant moi ; allez, maudits, au feu éternel préparé pour tous ceux qui m'ont méprisé pendant leur vie.
Sentence terrible, mais infiniment juste. Quoi de plus juste ? Un pécheur qui, toute sa vie, n'a fait que se rouler dans le crime, malgré les grâces que le bon Dieu lui présentait sans cesse pour en sortir ! Voyez-vous ces impies qui se raillaient de leur pasteur, qui méprisaient la parole de vie, qui tournaient en ridicule ce que leur pasteur leur disait ? Voyez-vous ces pécheurs qui se faisaient gloire de n'avoir point de religion, qui raillaient ceux qui la pratiquaient ? Les voyez-vous, ces mauvais chrétiens qui avaient si souvent à la bouche ces horribles blasphèmes, qui disaient qu'ils trouvaient encore le pain bien bon et qu'ils n'avaient pas besoin de la confession ? Voyez-vous ces incrédules qui nous disaient que, quand nous étions morts, tout était fini ? Voyez-vous leur désespoir, les entendez-vous avouer leur impiété ? Les entendez-vous crier miséricorde ? Mais tout est fini, vous n'avez plus que l'enfer pour partage. Voyez-vous cet orgueilleux qui raillait et méprisait tout le monde ? Le voyez-vous abîmé dans son cœur, condamné pour une éternité sous les pieds des démons ? Voyez-vous cet incrédule qui disait qu'il n'y a ni Dieu, ni enfer ? Le voyez-vous avouer à la face de tout l'univers qu'il y a un Dieu qui le juge et un enfer où il va être précipité pour ne jamais en sortir ? Il est vrai que Dieu donnera la liberté à tous les pécheurs de donner leurs raisons et leurs excuses pour se justifier, s'ils le peuvent. Mais, hélas ! que pourra dire un criminel qui ne voit en lui-même que crime et ingratitude ? Hélas ! tout ce que pourra dire un pécheur dans ce moment malheureux ne servira qu'à montrer davantage son impiété et son ingratitude.

III. - Voici sans doute, M.F., ce qu'il y aura de plus effrayant dans ce terrible moment, ce sera quand nous verrons que Dieu n'a rien épargné pour nous sauver, qu'il nous a fait part des mérites infinis de sa mort sur la croix, qu'il nous a fait naître dans le sein de son Église, qu'il nous a donné des pasteurs pour nous montrer et nous enseigner tout ce que nous devions faire pour être heureux. Il nous a donné les sacrements pour nous faire recouvrer son amitié toutes les fois que nous l'avions perdue ; il n'a point mis de bornes au nombre des péchés, qu'il voulait nous pardonner ; si notre retour était sincère, nous étions sûrs de notre pardon. Il nous a attendus nombre d'années, quoique nous ne vivions que pour l'outrager ; il ne voulait pas nous perdre, mais plutôt il voulait absolument nous sauver ; et nous n'avons pas voulu ! C'est nous-mêmes qui le forçons par nos péchés de porter une sentence de réprobation éternelle : Allez, maudits enfants, allez trouver celui que vous avez imité : pour moi, je ne vous reconnais pas, sinon pour vous écraser de toutes les fureurs de ma colère éternelle.
Venez, nous dit le Seigneur par un de ses prophètes, venez, hommes, femmes, riches et pauvres, pécheurs, qui que vous soyez, de quelque état et condition que vous soyez, dites tous ensemble, dites vos raisons et moi je dirai les miennes. Entrons en jugement, pesons tout au poids du sanctuaire. Ah ! terrible moment pour un pécheur qui, de quelque côté qu'il considère sa vie, ne voit que péché et point de bien ! Mon Dieu ! que va-t-il, devenir ! Dans ce monde, le pécheur a toujours quelque excuse à alléguer à tous les péchés qu'il a commis ; il porte même son orgueil jusqu'au tribunal de la pénitence, où il ne devrait paraître que pour s'accuser lui-même et se condamner. Les uns prétextent l'ignorance ; les autres, les tentations trop violentes ; enfin d'autres, les occasions et les mauvais exemples : voilà tous les jours, les raisons que donnent les pécheurs pour cacher la noirceur de leurs crimes. Venez, pécheurs orgueilleux, voyons si vos excuses seront bien reçues au jour du jugement, et expliquez-vous avec celui qui, le flambeau à la main, a tout vu, tout compté, tout pesé.
Vous ne saviez pas, dites-vous, que cela était un péché ! Ah ! malheureux, vous dira Jésus-Christ, si vous étiez né parmi les nations idolâtres qui n'ont jamais entendu parler du vrai Dieu, vous pourriez encore un peu vous excuser sur votre ignorance ; mais vous, chrétien, qui avez eu le bonheur de naître dans le sein de mon Église, d'être élevé au centre de la lumière, vous à qui l'on a si souvent parlé de votre bonheur éternel ! Dès votre enfance, on vous apprenait tout ce qu'il fallait faire pour vous le procurer ; vous que jamais l'on ne cessa d'instruire, d'exhorter et de reprendre, vous osez vous excuser sur votre ignorance ! Ah ! malheureux, si vous viviez dans l'ignorance, c'était bien parce que vous n'aviez pas voulu vous instruire ; c'était bien parce que vous n'aviez pas voulu profiter des instructions ou que vous les aviez fuies. Allez, malheu-reux ! allez, vos excuses vous rendent encore plus digne de malédictions ! Allez, maudit enfant, dans les enfers, y brûler avec votre ignorance.
Mais, dira un autre, mes passions étaient bien vives, et ma faiblesse était bien grande. - Mais, leur dira le Seigneur, puisque Dieu était si bon que de vous faire connaître votre faiblesse, et que vos pasteurs vous disaient qu'il fallait continuellement veiller sur vous-même, vous mortifier, si vous vouliez dompter vos passions, pourquoi faisiez-vous donc tout le contraire ? Pourquoi preniez-vous tant de soins de contenter votre corps et de chercher vos plaisirs ? Dieu vous faisait connaître votre faiblesse, et vous tombiez à chaque instant : pourquoi n'aviez-vous donc pas recours à Dieu pour lui demander sa grâce ? Pourquoi n'écoutiez-vous pas vos pasteurs, qui ne cessaient de vous exhorter à demander les grâces et les forces dont vous aviez besoin pour vaincre le démon ? Pourquoi avez-vous eu tant d'indifférence et de mépris pour les sacrements, où vous aviez tant de grâce, tant de force, pour faire le bien et éviter le mal ? Pourquoi avez-vous donc si souvent méprisé la parole de Dieu, qui vous aurait guidé dans le chemin que vous deviez prendre pour aller à lui ? Ah ! pécheurs ingrats et aveugles, tous ces biens étaient à votre disposition, vous pouviez vous en servir comme tant d'autres. Qu'avez-vous fait pour vous empêcher de tomber dans le péché ? Si vous avez prié et n'avez pas obtenu, c'est que vous n'avez prié que par routine ou habitude. Allez, malheureux ! plus vous aviez connu votre faiblesse, plus vous deviez avoir recours à Dieu qui vous aurait soutenu et aidé à opérer votre salut. Allez, maudit, vous n'en êtes que plus criminel.
Mais, il y a tant d'occasion de pécher, dira encore un autre. - Mon ami, je connais trois sortes d'occasions qui peuvent nous porter au péché. Tous les états ont leurs dangers et offrent de ces occasions. Je dis qu'il y en a trois sortes : celles où nous sommes nécessairement exposés par les devoirs de notre état, celles que nous rencontrons sans les chercher, et celles où nous nous engageons sans nécessité. Si celles où nous nous engageons sans nécessité ne nous serviront point d'excuses, ne cherchons pas à excuser un péché par un autre péché. Vous avez entendu chanter une mauvaise chanson, dites-vous ; vous avez entendu une médisance ou une calomnie : et pourquoi êtes-vous allé dans cette maison ou cette compagnie ? Pourquoi fréquentez-vous ces personnes sans religion ? Ne savez-vous pas que celui qui s'expose au danger est coupable et y périra ? Celui qui tombe sans s'exposer se relève aussitôt, et sa chute le rend encore plus vigilant et plus sage. Mais ne voyez-vous pas que Dieu qui nous a promis son secours dans nos tentations, ne nous l'a pas promis lorsque nous avons la témérité de nous exposer de nous-mêmes ? Allez, malheureux, vous avez cherché vous-même à vous perdre ; vous méritez l'enfer qui est réservé aux pécheurs comme vous.
Mais, me direz-vous, l'on a continuellement de mauvais exemples devant les yeux. - Vous avez de mauvais exemples, quelle frivole excuse ! Si vous en avez de mauvais, n'en avez-vous pas aussi de bons ? Pourquoi n'avez-vous pas plutôt suivi les bons que les mauvais ? Lorsque vous voyiez aller cette jeune fille à l'église, à la table sainte, pourquoi ne la suiviez-vous pas plutôt que celle qui allait aux danses ? Lorsque ce jeune homme venait à l'église pour y adorer Jésus-Christ dans son saint tabernacle, pourquoi n'avez-vous pas plutôt suivi ses traces que celles de celui qui allait au cabaret ? Dites plutôt, pécheur, que vous avez mieux aimé suivre la voie large qui vous a conduit dans ce malheur où vous vous trou-vez, que le chemin que le Fils de Dieu a tracé lui-même. La vraie cause de vos chutes et de votre réprobation ne sont donc ni des mauvais exemples, ni des occasions, ni de vos faiblesses, ni des grâces qui vous manquaient ; mais seulement des mauvaises dispositions de votre cœur que vous n'avez pas voulu réprimer. Si vous avez fait le mal, c'est parce que vous l'avez bien voulu. Votre perte vient donc uniquement de vous.
Mais, me direz-vous, l'on nous avait toujours dit que Dieu était bon. - Il est vrai qu'il est bon ; mais il est juste : sa bonté et sa miséricorde sont passées pour vous ; il n'y a plus que sa justice et sa vengeance. Hélas ! M.F., nous qui avons tant de répugnance pour nous confesser, si, cinq minutes avant ce grand jour, Dieu nous donnait des prêtres, pour leur confesser nos péchés, afin qu'ils fussent effacés, ah ! avec quel empressement n'en profi-terions-nous pas ? Ce qui ne nous sera point accordé en ce moment de désespoir. Le roi Bogoris fut bien plus sage que nous : ayant été instruit par un missionnaire de la religion catholique, il était retenu encore par les faux plaisirs du monde. Par un effet de la providence de Dieu, un peintre chrétien, à qui il avait donné commission de peindre dans son palais la chasse la plus terrible aux bêtes farouches, lui peignit au contraire le jugement dernier, le monde tout en feu, Jésus-Christ au milieu des tonnerres et des éclairs, l'enfer déjà ouvert pour engloutir les damnés, avec des figures si épouvantables que le roi resta immo-bile. Revenu à lui-même, il se rappela ce que le mission-naire lui avait dit qu'il fallait faire pour éviter les horreurs de ce moment-là, où le pécheur ne peut avoir que le déses-poir pour partage ; et, renonçant de suite à tous ses plaisirs, il passa le reste de sa vie dans la pénitence et les larmes.
Hélas ! M.F., si ce prince ne s'était pas converti, il serait également mort, il aurait quitté tous ses biens et ses plaisirs, il est vrai, un peu plus tard ; mais, lui mort, depuis bien des siècles ses biens auraient passé à d'autres. Il serait en enfer, et brûlerait pour jamais, tandis qu'il est dans le ciel pour une éternité, qu'il est content en attendant le grand jour du jugement, de voir que tous ses péchés lui sont pardonnés, et qu'ils ne reparaîtront jamais, ni aux yeux de Dieu, ni aux yeux des hommes.
Ce fut cette pensée bien méditée par saint Jérôme, qui le porta à tant de rigueurs sur son corps et à tant verser de larmes. Ah ! s'écriait-il dans sa solitude, il me semble que j'entends à chaque instant cette trompette qui doit réveiller tous les morts, m'appeler au tribunal de mon Juge. Cette même pensée faisait trembler un David sur son trône, un Augustin au milieu de ses plaisirs, malgré tous les efforts qu'il faisait pour l'étouffer. Il disait de temps en temps à son ami Alipe : Ah ! cher ami, un jour viendra que nous paraîtrons tous devant le tribunal de Dieu, pour y recevoir la récompense du bien ou le châtiment du mal que nous aurons fait pendant notre vie ; quittons, mon cher ami, lui disait-il, la route du crime pour celle qu'ont suivie tous les saints. Préparons-nous à ce jour dès l'heure présente.
Saint Jean Climaque nous rapporte qu'un solitaire quitta son monastère pour passer dans un autre et y faire plus de pénitence. La première nuit, il fut cité au tribunal de Dieu qui lui montra qu'il était redevable envers sa justice de cent livres d'or. Hélas ! Seigneur, s'écria-t-il, que vais-je faire pour les acquitter ? Il demeura trois ans dans ce monastère, où Dieu permit qu'il fût méprisé et maltraité de tous les autres, au point qu'il semblait que personne ne pouvait le souffrir. Notre-Seigneur lui apparut une deuxième fois en lui disant qu'il n'avait encore acquitté qu'un quart de sa dette. Ah ! Seigneur, s'écria-il, que faut-il donc que je fasse pour me justifier ? Il contrefit le fou pendant treize ans, faisant tout ce que l'on voulait ; on le traitait durement comme une bête de somme. Le bon Dieu lui apparut une troisième fois en lui disant qu'il en avait acquitté la moitié. Ah ! Seigneur, répondit-il, puisque je l'ai voulu, je dois souffrir pour payer votre justice. Ah ! mon Dieu ! n'attendez pas, pour punir mes péchés, après le jugement.
Saint Jean Climaque nous rapporte un autre trait qui fait frémir. Il y avait, nous dit-il, un solitaire qui, depuis quarante ans, pleurait ses péchés au fond d'un bois. La veille de sa mort, tout à coup, hors de lui-même, ouvrant les yeux, regardant à droite et à gauche de son lit, comme s'il eût vu quelqu'un qui lui demandait compte de sa vie, il répondait d'une voix tremblante : Oui, j'ai commis ce péché, mais je l'ai confessé et j'en ai fait pénitence pen-dant tant d'années ; jusqu'à ce que le bon Dieu m'ait pardonné. - Tu as commis aussi ce péché, lui disait cette voix. - Non, lui répondit le solitaire, je ne l'ai pas commis. Avant de mourir on l'entendit crier : Mon Dieu, mon Dieu, ôtez, ôtez, s'il vous plaît, mes péchés de devant mes yeux, je ne peux plus y tenir. Hélas ! qu'allons-nous devenir, si le démon reproche même les péchés que nous n'avons pas commis , nous qui sommes tout couverts de péchés, et n'avons point fait de pénitence ? Hélas ! à quoi nous attendre pour ce terrible moment ? Si les saints sont à peine rassurés, qu'allons-nous devenir ?
Que devons-nous conclure, de tout cela, M.F. ? Le voici : c'est qu'il ne faut jamais perdre de vue que nous serons jugés un jour sans miséricorde, et que tous nos péchés paraîtront aux yeux de tout l'univers ; et, qu'après ce jugement, si nous nous trouvons dans ces péchés, nous irons les pleurer dans les enfers sans pouvoir ni les effacer, ni les oublier. Oh ! que nous sommes aveugles, mes frères, si nous ne profitons du peu de temps qui nous reste à vivre pour nous assurer le ciel ! Si nous sommes pécheurs, nous avons dans cette vie l'espérance du pardon ; au lieu que, si nous attendons alors, il n'y aura plus de ressources. Crions du fond de l'âme : Mon Dieu !. faites-moi la grâce de ne jamais perdre le souvenir de ce moment terrible, surtout lorsque je serai tenté, pour ne pas me laisser succomber ; afin qu'en ce jour nous entendions ces douces paroles sortir de la bouche du Sauveur : « Venez, les bénis de mon Père, posséder le royaume qui vous est préparé depuis le commencement du monde. »

1er DIMANCHE DE L'AVENT
(DEUXIÈME SERMON)
Sur les vérités éternelles

Memorare novissima tua, et in æternum non peccabis.
Souvenez-vous de vos fins dernières, et vous ne pécherez jamais.
(Eccli., VII, 40.)

Il faut donc, M.F., que ces vérités soient bien puissantes et bien salutaires, puisque l'Esprit-Saint nous assure que, si nous les méditons sérieusement, nous ne pécherons jamais. Ce n'est pas bien difficile à comprendre. En effet, M.F., qui est celui qui pourrait s'attacher aux biens de ce monde en pensant que dans peu de temps il n'y sera plus ? que depuis Adam jusqu'à présent, personne n'a rien emporté, et qu'il en fera de même ? Quel est celui qui pourrait tant s'occuper des choses terrestres, s'il était bien persuadé que le temps qu'il passe sur la terre ne lui est donné que pour travailler à gagner le ciel ? Quel est celui qui voudrait bien graver dans sa tête, encore mieux dans son cœur, que la vie d'un chrétien ne doit être qu'une vie de larmes et de pénitence, et pourrait encore, se livrer aux plaisirs et aux folles joies du monde ? Quel est celui qui, étant bien convaincu qu'il peut mourir à tout moment, ne se tiendrait pas toujours prêt ? Mais, me direz-vous, pourquoi est-ce donc que ces vérités, qui ont tant converti de pécheurs, font si peu d'impression sur nous ? Hélas ! M.F., c'est que nous ne les méditons pas sérieusement ; c'est que, notre cœur étant occupé des objets sensibles qui peuvent satisfaire ses penchants ; c'est que, notre esprit n'étant rempli que des affaires temporelles, nous perdons de vue ces grandes vérités qui seules devraient faire toute notre occupation dans ce monde.
Si vous me demandez pourquoi le Saint-Esprit nous recommande si fort de ne les jamais perdre de vue, en voici la raison : c'est qu'il n'y a rien qui soit plus capable de nous détacher de nous-mêmes et des biens de ce monde, rien de si puissant pour nous faire supporter les misères de la vie en esprit de pénitence, et, si je disais mieux, c'est que ces vérités nous font nous détacher de toutes les choses créées pour ne nous attacher qu'à Dieu seul. Ah ! M.F., n'oublions jamais ces grandes vérités, c'est à savoir : que notre vie n'est qu'un songe ; que la mort nous poursuit de bien près, et que bientôt elle nous atteindra ; que nous serons un jour jugés bien rigoureusement, et qu'après ce jugement notre sort sera fixé pour jamais.
Voyez, M.F., combien Jésus-Christ désire nous sauver : tantôt il se présente à nous comme un pauvre enfant dans sa crèche, couché sur une poignée de paille qu'il arrose de ses larmes ; tantôt comme un criminel, lié, garrotté, couronné d'épines, flagellé, tombant sous le poids de sa croix, enfin mourant dans les supplices pour l'amour de nous. Si cela n'est pas capable de nous toucher, de nous attirer à lui, il nous fait annoncer qu'il viendra un jour, revêtu de tout l'éclat de sa gloire et de la majesté de son Père, pour nous juger sans grâce et sans miséricorde ; où il dévoilera à la face de tout l'univers le bien et le mal que nous aurons fait pendant tous les instants de notre vie. Dites-moi, M.F., si nous pensions bien à tout cela, en faudrait-il davantage pour nous faire vivre et mourir en saints ?
Mais Jésus-Christ, pour nous faire comprendre ce que nous devons faire pour aller au ciel, nous dit dans l'Évangile, que les gens du monde mènent une vie entièrement opposée à celle de ceux qui sont à lui tout de bon. Les bons chrétiens, nous dit-il, font consister leur bonheur dans les larmes, la pénitence et le mépris ; mais les gens du monde font consister leur bonheur dans les plaisirs, la joie et les honneurs de la terre, et fuient tout le reste ; de sorte, nous dit Jésus-Christ, que leur vie est entièrement opposée l'une à l'autre, et que jamais ils ne seront d'accord dans leur manière d'agir et de penser. Ce qui est assez facile à comprendre.
1° Je dis qu'il y a quatre choses qui font le bonheur d'un bon chrétien, ce sont : la brièveté de la vie, la pensée de la mort, le jugement et l'éternité. Et nous voyons que ces quatre mêmes choses font le désespoir d'un mauvais chrétien, c'est-à-dire d'une personne qui oublie ses fins dernières pour ne s'occuper que des choses présentes.
Je dis donc que la brièveté de la vie console un bon chrétien en ce qu'il se représente que ses peines, ses chagrins, ses persécutions, ses tentations, sa séparation de son Dieu, ne seront pas longues. Quelle joie pour nous, M.F., quand nous pensons que nous quitterons dans peu de temps ce monde où nous sommes tant exposés à offenser le bon Dieu, qui est un Sauveur si charitable, qui a tant souffert pour nous ! Ah ! M.F., avec cette pensée, pourrions-nous bien nous attacher à la vie qui est remplie de tant de misères ?
2? La pensée de la mort. Heureuse nouvelle, s'écria saint Jérôme, quand on vint lui annoncer qu'il allait mourir, heureuse nouvelle qui va me réunir à mon Dieu pour jamais ! Et en effet, M.F., puisque la mort est l'instrument dont le bon Dieu se sert pour nous délivrer ;
3? Je dis que le jugement, bien loin de jeter le chrétien dans le désespoir, ne fait que le consoler. Il va trouver non un juge sévère, mais son père et son sauveur : Oui, son père, qui l'attend pour lui ouvrir les entrailles de sa miséricorde, afin de le recevoir dans son sein paternel ; son sauveur, qui va manifester à la face de tout l'univers toutes ses larmes, ses pénitences et toutes les bonnes œuvres qu'il a faites pendant tous les jours de sa vie ;
4? La pensée de l'éternité met le comble à sa joie. Si son bonheur est infini dans ses douceurs et ses grandeurs, l'éternité lui assure qu'il ne finira jamais. Que cette pensée, M.F., doit nous encourager à bien servir le bon Dieu et à supporter avec patience toutes les misères de la vie, puisque, une fois dans le ciel, nous n'en sortirons jamais ! Ah ! M.F., toutes les misères de ce monde passent, tout cela ne dure qu'un moment, au lieu que la récompense durera toujours. Courage ! nous dit saint Paul, tout à l'heure nous serons au bout de la route.
Mais pour un chrétien, M.F., qui a perdu de vue la pensée de ses fins dernières, ce n'est plus de même :
1? La brièveté de la vie est un chagrin et une amertume qui le trouble et le ronge jusqu'au milieu de ses plaisirs ;
2? Il fait tout ce qu'il peut pour éloigner la pensée de la mort. Tout ce qui lui en donne le souvenir l'effraie ; remèdes et médecins, tout est appelé à son secours au moindre avertissement que la mort approche. Il croit toujours qu'il pourra trouver le bonheur ici-bas. Mais non, il se trompe : ce pauvre malheureux, en quittant le bon Dieu, quitte ce qui pouvait lui procurer le bonheur ; il sera forcé d'avouer, à l'heure de la mort, qu'il a passé sa vie en cherchant un bien qu'il n'a pas pu trouver. Hors de Dieu, hélas ! beaucoup de peines, beaucoup de souffrances, point de consolation, et point de récompense ! Avant son départ, il aura beau s'écrier, comme ce roi dont nous parle l'Écriture dans l'ancien Testament, lequel, se voyant sur le point de quitter la vie et tous ses biens, disait : « Ah ! il faut donc que je meure ! que je laisse tous ces grands biens, mes parterres et mes beaux jardins, pour aller dans un pays où je ne connais personne ! » Hélas ! la mort, qui est la consolation du juste, devient son désespoir ; il faut mourir, et il n'y a pas même pensé !
3? Le jugement. Ah ! triste pensée, il faut aller rendre à Dieu compte d'une vie qui n'est qu'une chaîne de péchés, et... point de bonnes œuvres qui puissent le rassurer. Il voit clairement, dans le moment de son départ, que le bon Dieu ne l'avait mis sur la terre que pour le servir et sauver sa pauvre âme, et il n'a fait qu'outrager le bon Dieu et perdre cette belle âme. Il voit, il comprend bien, dans ce moment, que le bon Dieu ne voulait pas le perdre, mais absolument le sauver, et que ce sont ses péchés qui le forcent de le condamner ;
4? L'éternité. Il voit que, dans quelques minutes, il va être jeté en enfer. Mon Dieu, quel désespoir ! Mais si la pensée de l'éternité console tant un chrétien, en ce que son bonheur ne finira jamais, cette même pensée achève le désespoir de ce pauvre malheureux. Ah ! pensée désespérante, il faut commencer son enfer pour ne le jamais finir ! Il voit, en entrant, un malheureux Caïn qui brûle depuis le commencement du monde, et qui n'est pas plus avancé que lui qui ne fait que d'entrer. Alors, les démons mêmes qui l'ont porté au péché avec tant de fureur, lui remettront devant les yeux, afin de rendre son supplice encore plus violent, toutes les grâces que le bon Dieu lui avait méritées par sa mort et sa sainte Passion. II voit combien, même sur la terre, en se sauvant, il aurait été plus heureux. Il voit combien Jésus-Christ était bon pour ceux qui voulaient l'aimer. Mais malgré toutes ces réflexions, qui pour lui seront comme autant d'enfers, il faudra se résoudre à boire pendant toute l'éternité, à pleine bouche, le fiel de la fureur de celui qui devait être tout son bonheur, s'il avait voulu l'aimer. Ah ! triste méditation que ce chrétien fera pendant toute l'éternité, en se disant à lui-même : un temps méprisé, une âme réprouvée, un Dieu perdu, un ciel rejeté et une éternité de souffrances ! Ah ! Ciel ! quel malheur ! Voilà, M.F., ce que fait celui qui perd de vue ses fins dernières.
Mais, me direz-vous peut-être, vous dites bien qu'il y a une éternité malheureuse pour le pécheur ; mais il faudrait donc nous le montrer ? Il serait bien facile, M.F. ; mais ce serait faire affront à des chrétiens. Ce serait bien mieux pour vous, si je pouvais vous convaincre de la nécessité où vous êtes de faire tout ce que vous pouvez pour en éviter les tourments. Si vous voulez, je vous en dirai bien deux mots en passant, puisque vous êtes si ignorants ou si aveugles que d'avoir quelque doute là-dessus. Écoutez-moi bien. Voici ce que nous dit le Saint-Esprit par la bouche du prophète Daniel : Il y a deux sortes d'hommes ; il y en a qui sont justes, il y en a qui sont pécheurs ; les uns meurent dans la grâce de Dieu, les autres dans sa haine. Tous paraîtront un jour devant le bon Dieu, tous se réveilleront du sommeil de la mort ; tous seront jugés et recevront une sentence sans appel, après laquelle les uns n'auront plus rien à craindre, et les autres rien à espérer. Mais la différence qui sera trouvée entre les uns et les autres sera bien grande parce que les uns s'éveilleront pour aller jouir d'une gloire éternelle, les autres pour être couverts d'opprobres, abîmés dans toutes sortes de maux, et cela pendant toute l'éternité. Le Saint-Esprit nous dit partout quel sera le sort des pécheurs dans l'autre vie ; il nous dit : « Le Seigneur répandra sur leur chair le feu, afin qu'ils brûlent et qu'ils soient éternellement dévorés. » Le saint roi David dit que « le pécheur qui a méprisé son Dieu pendant sa vie sera jeté dans l'enfer. » Si vous voulez aller plus loin, saint Jean-Baptiste, prêchant aux Juifs le baptême de la pénitence pour les préparer à la venue du Messie, leur apprend encore quel sera le sort du pécheur dans l'autre monde, en leur disant que Jésus-Christ viendra un jour, qu'il séparera le bon grain d'avec le mauvais grain et la paille : Les bons grains qui sont les justes, le Père éternel les mettra dans son grenier qui est le ciel ; les mauvais grains et la paille qui sont les pécheurs, seront liés en bottes et on les jettera dans le feu qui est l'enfer ; là il y aura des pleurs et des grincements de dents.
Jésus-Christ nous dit dans l'Évangile que le mauvais riche meurt et que l'enfer est son sépulcre, où il souffre des maux infinis ; Lazare, lui, est transporté par les anges dans le sein d'Abraham, c'est-à-dire, dans le ciel. Dans un autre endroit il nous dit, parlant du pécheur : « Va, maudit, au feu qui a été préparé au démon et à ceux qui l'ont imité. » Saint Augustin nous dit en parlant du pécheur : « Va, maudit, tu as méprisé ton Dieu et ses grâces pendant la vie ; va, maudit, tu seras précipité dans un étang de feu et de soufre pendant toute l'éternité. » Non, M.F., non, tout ceci est inutile ; il n'est pas besoin d'aller à de si grandes preuves pour vous montrer qu'il y a une vie heureuse ou malheureuse, selon que nous aurons bien ou mal vécu. Ouvrez seulement votre catéchisme, et vous y trouverez tout ce que vous devez croire, savoir et faire. En effet, M.F., quelle est la pre-mière demande que l'on vous a faite lorsque vous êtes venus à l'Église vous faire instruire ? N'est-ce pas celle-ci : qui vous a créé et conservé jusqu'à présent ? N'avez-vous pas répondu tout simplement que c'est Dieu ? Et pourquoi ? vous a-t-on dit. - C'est, avez-vous répondu, pour le connaître, l'aimer, le servir, et par ce moyen acquérir la vie éternelle. Voilà donc toute l'occupation d'un bon chrétien et tout son bonheur. Il doit apprendre à connaître Dieu, c'est-à-dire, à savoir les moyens les plus sûrs qu'il doit employer pour plaire au bon Dieu, éviter le mal et faire le bien.

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 08:42

Saint Jean-Marie Baptiste Vianney

Saint Curé d'Ars. Saint patron des curés

Tome 1 des Sermons de Saint Jean-Marie Baptiste Vianney


TABLE DES MATIERES.


1er DIMANCHE DE L'AVENT 18
Sur le Jugement dernier 18
1er DIMANCHE DE L'AVENT 35
Sur les vérités éternelles 35
2ème DIMANCHE DE L'AVENT 52
Sur le respect humain 52
4ème DIMANCHE DE L'AVENT 66
Sur la Satisfaction 66
POUR LE JOUR DE NOËL 83
Sur le Mystère 83
POUR LE JOUR DE NOËL 99
Sur le Mystère 99
1er DIMANCHE DE L'ANNÉE 113
Sur la Sanctification du Chrétien 113
ÉPIPHANIE 131
Sur les Rois Mages 131
2ème DIMANCHE APRÈS L'ÉPIPHANIE 146
Sur le Mariage 146
3ème DIMANCHE APRÈS L'ÉPIPHANIE 162
Sur la prière d'un pécheur qui ne veut pas quitter le péché 162
3ème DIMANCHE APRÈS L'ÉPIPHANIE 179
Sur l'enfer des Chrétiens 179
4ème DIMANCHE APRÈS L'ÉPIPHANIE 196
Sur les ennemis de notre salut 196
LA SEXAGÉSIME 211
Sur la parole de Dieu 211
MERCREDI DES CENDRES 229
Sur la Pénitence 229
1er DIMANCHE DE CARÊME 249
Sur les tentations 249
1er DIMANCHE DE CARÊME 266
Sur les Indulgences. 266
2ème DIMANCHE DE CARÊME 280
Sur l'aumône 280
4ème DIMANCHE DE CARÊME 298
Sur la mort du pécheur 298
4ème DIMANCHE DE CARÊME 303
Délai de la Conversion 303
DIMANCHE DE LA PASSION 321
Sur la Contrition 321
JEUDI SAINT 340
VENDREDI SAINT 354
Le péché renouvelle la passion de Jésus-Christ 354

SERMONS DU SAINT SERVITEUR DE DIEU,

JEAN-BAPTISTE-MARIE VIANNEY CURÉ D'ARS

Publiés par les soins
DE M. LE CHANOINE ÉTIENNE DELAROCHE
Archiprêtre d'Ainay à Lyon, Docteur en théologie

ET DU

R. P. DOM MARIE-AUGUSTIN DELAROCHE Chanoine régulier de l'Immaculée Conception


NOUVELLE ÉDITION
AUGMENTÉE DE PLUSIEURS SERMONS INÉDITS

TOME PREMIER
Du Ier DIMANCHE DE L'AVENT AU VENDREDI SAINT

DELHOMME ET BRIGUET, ÉDITEURS

PARIS Rue de l'Abbaye, 13
LYON 3, Avenue de l'Archevêché

1893

IMPRIMATUR.
Lugduni, die 8 septembris 1893.
J. DÉCHELETTE,
VIC. GÉN.

APPROBATION
ARCHEVÉCHÉ de LYON
Lyon, le 26 septembre 1893.


MONSIEUR ET CHER ARCHIPRÊTRE,

Comment ne pas applaudir à votre pensée de donner une nouvelle édition des sermons du Saint Curé d'Ars ? Cette œuvre continue l'apostolat d'un prêtre dont les vertus ont jeté un vif éclat dans la seconde moitié de ce siècle et qui demeure l'honneur du diocèse de Lyon.
Je vous remercie de me procurer l'occasion de placer sous la protection de ce prêtre vénéré les prémices de ma nouvelle mission. Mon désir, en bénissant votre dessein, est de voir cet ouvrage entre les mains de tous mes prêtres ; et je demande à Notre-Seigneur d'embraser nos cœurs de l'amour et du dévouement qui animaient le Saint serviteur de Dieu.
Je vous prie d'agréer, Monsieur et cher Archiprêtre, l'expression de mes sentiments affectueux et dévoués en N.-S.
PIERRE,
Arch. de Lyon et de Vienne.

APPROBATION DE LA PREMIÈRE ÉDITION

ARCHEVÊCHÉ de LYON

Nous approuvons bien volontiers le dessein qu'ont formé des ecclésiastiques de Lyon, de livrer à l'impression le manuscrit des Sermons du Saint serviteur de Dieu, J.-B.-M. VIANNEY, curé d'Ars.
Cette publication servira à mieux faire connaître le prêtre admirable qui est une des gloires de notre diocèse, et dont la cause de béatification est soumise au jugement de la sainte Église.

Lyon, 20 août 1882.

L. M. Card. CAVEROT, Archevêque de Lyon.


LETTRES ÉPISCOPALES.

Lettre de S. Ém. le cardinal GUIBERT, archevêque de Paris.

Paris, le 4 mars 1883.

MONSIEUR L'ARCHIPRÊTRE,

Je vous remercie de la bonté que vous avez eue de m'envoyer un exemplaire des Sermons du Saint Curé d'Ars, que vous avez recueillis et fait imprimer. J'en ai lu quelques uns avec édification ; je dirai volontiers avec admiration. Nous sommes accoutumés à admirer la charité, la bonté, le zèle infatigable de ce saint pasteur, sans cesse à la recherche des brebis égarées et les ramenant au bercail. Mais on n'a jamais parlé de son éloquence. Assurément, ce n'était pas un orateur, comme Bourdaloue ou Massillon ; mais les instructions qu'il adressait à son peuple sont très solides, pleines de la doctrine chrétienne, et il est à désirer que tous les prêtres des paroisses prépa-rassent leurs instructions avec le même soin que ce saint prêtre y apportait.
Votre publication, à ce point de vue, est très utile, parce qu'elle présente au clergé un exemple à suivre dans l'exercice du ministère de la parole.
Agréez, Monsieur l'Archiprêtre, avec mes sincères remer-ciements, l'assurance de mes sentiments affectueux et dévoués.

J.-Hipp. Gard. GUIBERT,
Arch. de Paris.

Lettre de S. Ém. le cardinal LANGÉNIEUX, archevêque de Reims.

Reims, le 18 août 1883.

MONSIEUR LE CURÉ,

Nous avons lu les Sermons du Saint Monsieur Vianney, que vous avez eu la bonne pensée de publier, et nous joignons volontiers notre approbation à celle que vous avez déjà reçue de son Éminence le Cardinal-Archevêque de Lyon.
Comme vous le faites judicieusement remarquer, ce qu'il faut rechercher dans les instructions du saint prêtre, ce n'est pas ce que l'apôtre saint Paul appelle « la rhétorique de la sagesse humaine », mais l'exactitude et la solidité de la doctrine et « cette éloquence vive, ardente, passionnée que les saints savent puiser à la source intarissable du cœur de Jésus. » Instruire et édifier les âmes, c'est là, en effet, le véritable apostolat, et c'est aussi le but que le Vén. Curé d'Ars poursuivait dans la chaire chrétienne. Jusqu'à quel point il a réussi, et quel bien il a fait dans son humble paroisse et aux auditeurs étrangers qu'attirait le renom de sa sainteté, nous l'avions appris déjà par la lecture de son admirable vie ; ses écrits, que vous avez révisés avec un soin si intelligent et si scrupuleux, achèveront de nous initier aux œuvres et aux succès d'un ministère qui a opéré tant de merveilles. Aussi, Monsieur le Curé, nous estimons qu'en offrant au clergé et en particulier à tous ces vénérables prêtres qui consument silencieusement leur vie dans de pauvres cures de campagne, les exemples et les leçons pratiques d'un tel maître dans l'art de convertir et de sanctifier les âmes, vous avez rendu à l'Église un éminent service, qui mérite les bénédictions de Dieu et nos sincères félicitations.
Veuillez en agréer l'expression, Monsieur le Curé, et croyez-moi votre tout dévoué en N.-S.
BENOIT-MARIE,
Arch. de Reims.

Lettre de S. Ém. le cardinal MERMILLOD, évêque de Lausanne et Genève.

Fribourg, le 3 décembre 1883,
en la fête de saint François Xavier.

MONSIEUR L'ABBÉ,

Votre publication des Sermons du Saint Curé d'Ars a mérité les suffrages d'éminents évêques ; je suis heureux de vous offrir à leur suite mes remerciements et mes félicitations. Jusqu'ici les prêtres et les fidèles lisaient avec admiration les faits héroïques, les labeurs et les succès de cette vie épuisée au service de Notre-Seigneur ; vos volumes révèlent la puissance de parole de ce grand serviteur de Dieu et font comprendre ce que la piété, la prière et l'étude lui ont donné de force et d'onction apostoliques. Les qualités que réclamait saint Bernard y éclatent : Lucere et ardere multum est ; la doctrine sûre et substantielle, la clarté lumineuse de l'exposition, s'y allient aux flammes qu'inspire l'amour des âmes et du Sauveur. Le clergé, les jeunes prêtres surtout, trouveront là un modèle de prédication pastorale et populaire. Sans préjuger en rien les décisions du Saint-Siège sur le Saint Monsieur Vianney, nous osons dire en toute simplicité que ses sermons, où abondent le sens théologique et le feu de l'amour divin, ont leur place marquée près des écrits de saint Vincent de Paul et de saint Alphonse Liguori.
Recevez, Monsieur l'Abbé, l'assurance de mes sentiments reconnaissants et dévoués en N.-S.

GASPARD,
Évêque de Lausanne et Genève.

Lettre de Mgr BESSON, évêque de Nîmes.

Nîmes, le 8 novembre 1881.

MONSIEUR L'ABBÉ,

J'ai beaucoup tardé à vous remercier de l'envoi que vous avez bien voulu me faire des Sermons du Saint Serviteur de Dieu, J.-B. Vianney, curé d'Ars ; mais, laissez-moi vous le dire, avant de vous répondre, je tenais à me rendre compte d'un livre dont le titre et la publication ont été pour moi une surprise.
Monsieur le comte de Montalembert, faisant connaître au R. P. Chocarne son avis sur la Vie intime et religieuse du R. P. Lacordaire, lui écrivait : « Vous m'avez montré tout un côté de la vie du grand Religieux que j'ignorais ou que j'entrevoyais à peine... Vous m'avez révélé en lui un homme plus rare, plus grand, plus saint que je ne le croyais. » Je vous l'avouerai aussi, Monsieur l'Abbé, le livre que vous éditez a été pour moi une révélation ; il m'a même étonné, et je suis certain que beaucoup d'autres esprits partageront mon étonnement. Jusqu'ici, M. Vianney s'était présenté à ma vénération environné de l'auréole de la sainteté ; je savais encore, par la vie du R. P. Monnin, qu'il avait été un incomparable catéchiste ; mais je n'avais pas et n'aurais pas soupçonné en lui le prédicateur, l'auteur de tous ces sermons que vous publiez et dont cependant la collection est encore incomplète.
Je vous remercie, Monsieur l'Abbé, d'avoir ajouté ce nouveau fleuron à la couronne du saint Curé, qui n'appartient pas seulement au diocèse de Belley, mais qui a encore été la gloire la plus pure du clergé français pendant la première moitié de ce siècle. Grâce à vos travaux et à vos persévérants efforts, il est désormais avéré que le Saint à qui beaucoup de personnes avaient presque entièrement refusé les dons naturels, qui se vit même sur le point d'être éloigné du sacerdoce pour défaut d'incapacité, a su néanmoins, par le travail, faire fructifier le modeste talent que Dieu lui avait confié. Il est désormais avéré que les lumières extraordinaires et surnaturelles n'expliquent pas seules la puissance de son action et de son influence ; avant de devenir entre les mains de Dieu l'instrument des plus grandes merveilles, le bon et saint Curé avait suivi la loi ordinaire ; il avait dû se préparer, et de fait il s'est préparé par l'étude aussi bien que par la prière au rôle admirable que lui réservait la Providence.
Quel grand exemple donné au clergé de notre temps ! Comme vous le dites fort bien, Monsieur l'Abbé, le Saint Curé d'Ars n'avait à sa disposition que les ressources d'un esprit très peu cultivé ; mais ces ressources, il les développe, il les féconde par un travail opiniâtre ; il emploie avec une scrupuleuse. fidélité tous les moments libres des premières années de son ministère ; il compose ses prônes au prix de peines et de fatigues inouïes, il y consacre les jours et parfois les nuits, il écrit « sept heures de suite sans désemparer », dit son biographe, le R.-P. Monnin. Il va aussi puiser la parole de Dieu dans les sources les plus pures, la sainte Écriture, la Théologie élémentaire, la Vie des Saints, la vie des Pères du désert, l'histoire de l'Église, la Perfection chrétienne de Rodriguez, et à tous ces matériaux que lui fournit une étude consciencieuse, il ajoute ses observations personnelles sur les besoins du temps et les tendances des esprits, sur les nécessités de ses paroissiens, sur les moyens qu'il juge les plus opportuns pour combattre le mal et inculquer peu à peu dans les âmes les habitudes de la vie chrétienne. Il réfléchit, il écrit, il parle, il agit sous l'impulsion d'un zèle vraiment surnaturel qui n'a pas d'autre but que la gloire de Dieu et le salut des âmes. Voilà comment le Saint J.-B. Vianney acquiert assez de facilité pour composer ce catéchisme et ces sermons dont les fruits devaient être féconds.
Puisse l'exemple du saint Curé rencontrer beaucoup d'imitateurs ! Puisse la leçon qui se dégage de vos quatre volumes, profiter à tant de prêtres, à tant de jeunes ecclésiastiques naturellement mieux doués que notre Saint et qui, comme lui, trouveraient dans un travail constant, méthodique, inspiré par la piété et soutenu par le zèle, le secret d'un ministère béni et fructueux ! Ah ! si, depuis soixante ans, nous avions eu dans toutes les paroisses des divers diocèses de France, je ne dis pas autant de curés d'Ars (il n'est pas donné à tous de s'élever à ce degré de sainteté), mais seulement de bons catéchistes, des prédicateurs utiles et pratiques, nous n'aurions pas à gémir aujourd'hui sur les progrès toujours croissants de l'impiété, ou de l'ignorance et de l'indifférence en matière de religion.
Je vous remercie encore une fois, Monsieur l'Abbé ; en faisant sortir ces sermons de l'oubli, peut-être du feu auquel l'humilité du Saint curé d'Ars aurait voulu les condamner, vous n'avez pas seulement honoré sa mémoire, vous avez aussi rendu un important service au clergé qui y trouvera un modèle à suivre, aux fidèles qui les liront avec le plus grand fruit. Je forme donc les vœux les plus ardents pour que cet ouvrage se propage, se répande ; et, en ce qui me concerne, je ne négligerai aucune occasion de le recommander aux prêtres de mon diocèse, parce qu'ils y trouveront la bonne prédication, l'éloquence vraiment utile, la seule qu'il soit permis aux ministres sacrés de rechercher et d'ambitionner.
Recevez, Monsieur l'Abbé, l'assurance de mes sentiments les plus affectueux et religieusement dévoués en N.-S.

LOUIS,
Évêque de Nîmes.

Lettre de Mgr de CABRIÈRES, évêque de Montpellier.

Montpellier, le 16 décembre 1883.

MONSIEUR LE CURÉ,

Je vous remercie de l'envoi que vous avez bien voulu me faire des Sermons, du Saint Curé d'Ars.
En collectionnant et publiant les instructions de ce saint prêtre, dont la vie a été remplie par un apostolat d'une admirable fécondité, et dont le nom rappelle le souvenir des plus hautes vertus sacerdotales, vous avez fait une œuvre utile et pieuse.
Si les sermons que vous avez rassemblés pour l'édification de vos confrères et des âmes chrétiennes, paraissent manquer de certaines qualités de style que les délicats recherchent habituellement, on y rencontre à chaque page l'accent de la piété la plus vive, de la foi la plus profonde, et la claire exposition des hautes vérités religieuses.
Dédaignant les ressources de l'art, le zélé prédicateur n'a fait appel qu'au secours de la grâce. C'est par là qu'il a fait tant de conversions.
En lisant ses sermons apostoliques, peut-être apprendra-t-on à l'imiter.
Vous aurez ainsi contribué, Monsieur le Curé, à continuer et à perpétuer la mission bienfaisante du zélé serviteur de Dieu.
Veuillez agréer, Monsieur le Curé, et faire agréer à Monsieur votre frère, l'expression de mes sentiments tout dévoués et bien respectueux.

MARIE-ANATOLE,
Évêque de Montpellier.

Lettre de Mgr GUIOL, recteur des Facultés catholiques de Lyon.

Lyon, le 1er décembre 1882.

MON CHER AMI,

J'ai lu avec le plus vif intérêt, plusieurs sermons du saint Curé d'Ars, pris çà et là dans les quatre volumes que vous avez eu l'extrême bonté de m'offrir. Je ne veux pas tarder davantage à vous dire combien j'ai été édifié de cette lecture.
C'est le langage d'un saint. Ces pages sont pleines de piété et d'onction. Il s'y trouve même bien plus de doctrine qu'on n'aurait osé en attendre de ce Saint prêtre, auquel on avait presque fait une réputation d'ignorance, sans doute pour mieux faire ressortir l'éminence des dons surnaturels qui brillaient en lui et qui rendaient sa parole si féconde. Ses sermons écrits n'auront certainement pas le charme incomparable que leur donnait l'accent de sa voix, lorsqu'il les prêchait du haut de sa chaire ; mais, autant qu'il m'est permis d'en juger, j'estime que la lecture n'en sera pas moins très profitable à tous ceux, prêtres ou fidèles, qui la feront avec une pieuse attention.
Veuillez agréer, cher Ami, la nouvelle assurance de mon bien affectueux dévouement en N.-S.

L. GUIOL.

Lettre de M. ICARD, supérieur général de la Société de Saint-Sulpice.

Paris, le 1er novembre 1882.

MONSIEUR LE CURÉ,
Et bien cher en Notre-Seigneur.

Je vous suis très reconnaissant, ainsi qu'à Monsieur votre frère, de l'envoi que vous avez eu la bonté de me faire des Sermons du Saint Curé d'Ars. Vous avez eu une heureuse et sainte pensée, en livrant ce travail. Les prêtres employés au saint ministère n'y trouveront pas sans doute des pages de littérature, mais ils y trouveront un langage simple, pieux, très pratique, avec les accents de la foi et de l'amour des âmes. J'ai déjà lu deux de ces sermons pour la fête de tous les Saints, que nous célébrons aujourd'hui, et j'en ai été bien édifié.
Veuillez agréer, Messieurs et bien chers Confrères, l'expression de mes meilleurs sentiments d'estime et d'affectueux dévouement.

H. ICARD.

Lettre de Monsieur le chanoine TOCCANIER, curé d'Ars.

Ars, le 26 novembre 1882.

CHER CONFRÈRE,
J'ai reçu hier soir les quatre volumes des Sermons du Saint Vianney, que votre générosité m'a adressés. Veuillez agréer ma vive reconnaissance.
Vous comprenez l'intérêt tout particulier que doit m'inspirer la lecture de ces sermons, que mon saint curé a prêchés à Ars. Je m'efforcerai d'en profiter pour la gloire de Dieu, de notre saint curé et de sa paroisse.
Monseigneur s'occupe activement de la cause de béatification c'est le motif pour lequel il nous donne l'exemple d'une excessive réserve au sujet du Saint Vianney.
Daignez agréer avec ma reconnaissance mon affectueux dévouement en Notre-Seigneur.

L'abbé TOCCANIER.

PRÉFACE

L'accueil fait par le public aux Sermons du Saint Curé d'Ars, les bienveillants suffrages que leur ont accordés d'Éminents Prélats nous engagent à en donner une seconde édition. Celle-ci vient à propos, ce nous semble, au moment où, grâce au zèle de Sa Grandeur Monseigneur l'Évêque de Belley, la Sacrée Congrégation des Rites achève l'examen des écrits du Serviteur de Dieu.
D'après le témoignage d'un de ses confidents, feu Monsieur Dubois, curé de Fareins, la plupart de ces sermons furent composés pendant les premières années de son ministère, entre 1818 et 1827, avant les grands travaux suscités par la foule des pèlerins qui venaient le visiter.
Quelles furent les sources habituelles où il puisa ? Si nous en jugeons par les notes marginales écrites de la main du Saint, et par l'étude attentive de ses manuscrits, il consulta principalement l'Écriture sainte, une Théologie élémentaire, la Vie des Saints de Ribadeneyra, la Vie des Pères du désert, quelques abrégés des Saints Pères, l'Histoire de l'Église, la Perfection chrétienne de Rodriguez et les Œuvres du P. Lejeune.
« M. Vianney, dit son biographe, le R. P. Monnin, écrivit longtemps ses prônes du Dimanche, il a avoué que ce travail lui causait des peines et des fatigues inouïes. Ce fut une des plus rudes mortifications de sa vie. Il les composait tout d'une haleine, y employait les nuits, renfermé dans sa sacristie, et écrivait quelquefois sept heures de suite sans désemparer . »
Mais comme il était plus préoccupé d'instruire et d'édifier ses ouailles que de produire une œuvre littéraire, il revoyait peu ses sermons. Son humilité ne lui permettait pas de penser qu'un jour ils seraient admirés et livrés à la publicité. D'ailleurs, il n'eût jamais consenti à les faire imprimer de son vivant, sans les avoir auparavant soumis à une sévère correction, et sans les avoir déférés au jugement doctrinal de l'Église. Il l'avait déclaré avec une extrême vivacité à un prêtre de ses amis, dans un moment où l'on cherchait à lui soustraire quelques sermons, pour les répandre dans le public. Jamais non plus ils n'eussent paru au jour sans des encouragements venus de haut.
C'est donc pour répondre tout à la fois, et à ces intentions et à ces encouragements, qu'un modeste travail a été entrepris sur ces manuscrits. L'orthographe et la ponctuation ont été réformées, les idiotismes ont été conservés, ainsi que certains barbarismes dont le Saint Curé se servait familièrement, afin de rendre sa pensée avec plus d'énergie. Un grand nombre de phrases étaient incomplètes, mal construites, et, partant inintelligibles ; on a redressé la construction ou introduit quelques mots indispensables. Certains passages obscurs, douteux ou inexacts ont été éclaircis par des notes. Bref, on s'est fait scrupule de ne modifier en rien la pensée de l'auteur.
La collection n'est malheureusement pas complète ; un grand nombre ont été perdus ou détruits. S'ils nous étaient tous parvenus, deux volumes de plus augmenteraient cette publication, et permettraient d'admirer davantage le travail long et opiniâtre auquel s'était condamné sans relâche et sans dégoût le serviteur de Dieu.
Mais tels qu'ils sont présentés ici, ils attesteront suffisamment la profonde connaissance que le saint Curé avait de ses paroissiens, le soin religieux qu'il mettait à les instruire, la liberté apostolique avec laquelle il flagellait leurs désordres, cette éloquence vive, ardente, passionnée, que les saints savent puiser à la source intarissable du Cœur de Jésus.
Ils auront ainsi l'avantage de faire connaître le Saint sous un jour nouveau. Jusqu'à présent, beaucoup de gens, amateurs outrés du merveilleux, lui avaient refusé presque totalement les dons naturels, pour lui attribuer dans un degré suréminent les dons surnaturels. Sans doute, les grâces extraordinaires lui furent départies, sur la fin de sa vie, avec une souveraine abondance ; mais n'est-ce pas à cause de sa prudence à faire fructifier le modeste talent que Dieu lui avait confié ? Tout d'abord, il avait employé avec une fidélité jalouse, les temps libres des premières années de son ministère ; il avait exercé les ressources d'un esprit, qui était peu cultivé encore, mais qui ne manquait ni de pénétration, ni de mémoire, ni d'observation. Au prix d'un travail infatigable, il avait acquis la vraie science du pasteur des âmes ; Dieu l'en récompensa plus tard par des dons supérieurs, quand la foule toujours croissante des pèlerins, ne lui laissa plus le loisir d'étudier et d'écrire .
La Providence qui avait voulu rétablir le diocèse de Belley, en avait préparé de longue main les éléments fondateurs. Ce furent de savants et pieux évêques dont la mémoire est restée bénie par le clergé comme par les populations. Ce fut aussi une phalange de prêtres humbles, laborieux et zélés. Au premier rang brilla le Saint Curé d'Ars, et nul mieux que lui, ne justifia la parole de l'Écriture « Les lèvres du prêtre garderont la science du salut, et de sa bouche on recueillera les enseignements du Seigneur. »

Saint-Antoine (Isère), le 4 août 1893, 34ème anniversaire de la mort du Saint Serviteur de Dieu.


1er DIMANCHE DE L'AVENT
(PREMIER SERMON)

Sur le Jugement dernier

Tunc videbunt Filium hominis venientem cum potestate magna et majestate.
Alors ils verront venir le Fils de l'homme avec une grande puissance et une majesté terrible, environné des anges et des saints.
(S. Luc, XXI, 27.)

Ce n'est plus, mes frères, un Dieu revêtu de nos infirmités ; caché dans l'obscurité d'une pauvre étable, couché dans une crèche, rassasié d'opprobres, accablé sous le pesant fardeau de sa croix ; c'est un Dieu revêtu de tout l'éclat de sa puissance et de sa majesté, qui fait annoncer sa venue par les prodiges les plus effrayants, c'est-à-dire, par l'éclipse du soleil et de la lune, par la chute des étoiles, et par un entier bouleversement de la nature. Ce n'est plus un Sauveur qui vient avec la douceur d'un agneau, pour être jugé par les hommes et les racheter ; c'est un Juge justement irrité, qui juge les hommes dans toute la rigueur de sa justice. Ce n'est plus un Pasteur charitable qui vient chercher ses brebis égarées, et les pardonner ; c'est un Dieu vengeur qui vient séparer pour jamais les pécheurs des justes, accabler les méchants de sa plus terrible vengeance, et ensevelir les justes dans un torrent de douceurs. Moment terrible, moment épouvantable, moment malheureux, quand arriveras-tu ? Hélas ! peut-être que, dans quelques matins, nous entendrons les avant-coureurs de ce Juge si redoutable au pécheur. Ô vous, pécheurs, sortez du tombeau de vos péchés, venez au tribunal de Dieu, venez vous instruire de la manière dont le pécheur sera traité. L'impie, dans ce monde, semble vouloir méconnaître la puissance de Dieu, en voyant les pécheurs sans punition ; il va même jusqu'à dire : Non, non, il n'y a ni Dieu ni enfer ; ou bien : Dieu ne fait pas attention à ce qui se passe sur la terre. Mais, attendons le jugement, et, en ce grand jour, Dieu manifestera sa puissance et montrera à toutes les nations qu'il a tout vu et tout compté.
Quelle différence, mes frères, de ces merveilles à celles qu'il opéra en créant le monde ! Que les eaux, dit le Seigneur, arrosent, fertilisent la terre ; et, dès l'instant même, les eaux couvrirent la terre et lui donnèrent la fécondité. Mais, quand il viendra pour détruire le monde, il commandera à la mer de franchir ses bornes avec une impétuosité épouvantable, et elle engloutira tout l'univers dans sa fureur. Lorsque Dieu créa le ciel, il ordonna aux étoiles de s'attacher au firmament ; à sa voix, le soleil éclaira le jour, et la lune présida à la nuit ; mais dans ce dernier Jour, le soleil s'obscurcira, et la lune et les étoiles ne donneront plus de lumière ; tous ces astres merveilleux tomberont avec un fracard épouvantable.
Quelle différence, M.F. ! Dieu en créant le monde employa six jours ; mais pour le détruire, un clin d'œil suffira. Pour créer l'univers et tout ce qu'il renferme, Dieu n'appela aucun spectateur de tant de merveilles ; mais pour le détruire, tous les peuples seront en présence, toutes les nations confesseront qu'il y a un Dieu et qu'il est puissant. Venez, rieurs impies, venez, incrédules raffinés, venez apprendre ou reconnaître s'il y a un Dieu, s'il a vu toutes vos actions, et s'il est tout-puissant ! Ô mon Dieu ! que le pécheur changera de langage dans ce moment ! que de regrets ! Oh ! que de repentir d'avoir laissé passer un temps si précieux ! Mais ce n'est plus temps, tout est fini pour le pécheur, tout est désespéré ! Oh ! que ce moment sera terrible ! Saint Luc nous dit que les hommes sécheront de frayeur sur la plante de leurs pieds, en pensant aux malheurs qui leur sont préparés. Hélas ! M.F., l'on peut bien sécher de crainte et mourir de frayeur, dans l'attente d'un malheur infiniment moins grand que n'est celui dont le pécheur est menacé, et qui très certainement lui arrivera, s'il continue à vivre dans le péché.
Dans ce moment, M.F., que je me dispose à vous parler du jugement, où nous paraîtrons tous, pour rendre compte de tout, du bien et du mal que nous aurons fait, pour y recevoir notre sentence définitive pour le ciel ou pour l'enfer : si déjà un ange venait vous annoncer de la part de Dieu que, dans vingt-quatre heures, tout l'univers sera réduit en feu par une pluie de feu et de soufre, que vous commenciez à entendre les tonnerres gronder, les fureurs des tempêtes renverser vos maisons, les éclairs tellement multipliés que l'univers ne fût plus qu'un globe de feu, et que l'enfer vomit déjà tous ses réprouvés dont les cris et les hurlements se feraient entendre vers les coins du monde ; que le seul moyen d'éviter tous ces malheurs fût de quitter le péché et de faire pénitence ; pourriez-vous, M.F., entendre tous ces hommes sans verser des torrents de larmes et crier miséricorde ? Ne vous verrait-on pas vous jeter au pied des autels pour demander miséricorde ? Ô aveuglement, ô malheur incompréhensible de l'homme pécheur ! les maux que vous annonce votre pasteur sont encore infiniment plus épouvantables et dignes d'arracher vos larmes, de déchirer vos cœurs. Hélas ! ces vérités si terribles vont être autant de sentences qui prononceront votre condamnation éternelle. Mais le plus grand de tous les malheurs est que vous y soyez insensibles, et que vous continuiez à vivre dans le péché ; et que vous ne reconnaissiez votre folie que dans le moment où vous n'avez plus de remèdes. Encore un moment, et ce pécheur, qui vivait tranquille dans le péché, sera jugé et condamné ; encore un instant, et, il emportera ses regrets dans l'éternité. Oui, M.F., nous serons jugés, rien de si certain ; oui, nous serons jugés sans miséricorde ; oui, nous regretterons éternellement d'avoir péché.


I - Nous lisons dans l'Écriture sainte, M.F., que toutes les fois que Dieu a voulu envoyer quelque fléau au monde ou à son Église, il a toujours fait précéder quelque signe pour commencer à jeter la terreur dans les cœurs, et pour les porter à fléchir sa justice. Voulant faire périr l'univers par un déluge, l'arche de Noé, qui resta cent ans pour se bâtir, fut un signe pour porter les hommes à la pénitence, sans quoi ils devaient tous périr. L'historien Josèphe nous dit qu'avant la destruction de la ville de Jérusalem, il parut pendant longtemps une comète en forme de coutelas qui jetait la consternation dans le monde. Chacun disait : Hélas ! que veut dire ce signe ? peut-être c'est quelque grand malheur que Dieu va nous envoyer. La lune demeura huit nuits sans donner de lumière ; les gens semblaient déjà ne plus pouvoir vivre. Tout à coup, il parut un homme inconnu, qui, pendant trois ans, ne faisait autre chose que crier par les rues de Jérusalem, le jour et la nuit : Malheur à Jérusalem ! Malheur à Jérusalem !... On le prend, on le bat de verges pour l'empêcher de crier : rien ne l'arrête. Au bout de trois ans, il s'écrie : Ah ! malheur à Jérusalem ; ah ! malheur à moi ! Une pierre lancée par une machine lui tombe dessus et l'écrase à l'instant même. Alors, tous les maux dont cet inconnu avait menacé Jérusalem tombèrent sur elle. La famine fut si grande, que les mères allaient jusqu'à égorger leurs enfants pour s'en servir de nourriture. Les habitants, sans savoir pourquoi, s'égorgeaient les uns les autres ; la ville fut prise et comme anéantie ; les rues et les places étaient toutes couvertes de cadavres ; le sang coulait comme des rivières ; le peu de ceux qui sauvèrent leur vie fut vendu comme des esclaves.
Mais, comme le jour du jugement sera le jour le plus terrible et le plus effrayant qui ait jamais été, il sera précédé de signes si effrayants qu'ils jetteront la terreur jusqu'au fond des abîmes. Notre-Seigneur nous dit que, dans ce moment malheureux pour le pécheur, le soleil ne donnera plus de lumière, que la lune sera semblable à une masse de sang, et que les étoiles tomberont du ciel. L'air sera tellement rempli d'éclairs qu'il sera tout en feu, et l'on entendra les tonnerres dont le bruit sera si grand que les hommes sécheront de frayeur sur la plante de leurs pieds. Les vents seront si impétueux que rien ne pourra leur résister. Les arbres et les maisons seront entraînés dans les chaos de la mer ; la mer elle-même sera tellement agitée par les tempêtes, que ses flots s'élèveront jusqu'à quatre coudées au-dessus des plus hautes montagnes, et ils descendront si bas, que l'on verra les horreurs de l'enfer ; toutes les créatures, même inanimées, sembleront vouloir s'anéantir pour éviter la présence de leur Créateur, en voyant combien les crimes des hommes ont souillé et défiguré la terre. Les eaux des mers et des fleuves bouillonneront comme des huiles dans les brasiers ; les arbres et les plantes vomiront des torrents de sang ; les tremblements de terre seront si grands que l'on verra la terre s'ouvrir de toutes parts ; la plupart des arbres et des bêtes seront abîmés, les hommes qui resteront seront comme des insensés ; les rochers, les montagnes s'écrouleront avec une fureur épouvantable. Après toutes ces horreurs, le feu sera allumé aux quatre coins du monde, mais, un feu si violent qu'il brûlera les pierres, les rochers et la terre, comme un brin de paille qui est jeté dans une fournaise. Tout l'univers sera réduit en cendres ; il faut que cette terre, qui a été souillée par tant de crimes, soit purifiée par le feu qui sera allumé par la colère du Seigneur, par la colère d'un Dieu justement irrité.
Après, M.F., que cette terre couverte de tant de crimes aura été purifiée, Dieu enverra ses anges qui sonneront de la trompette aux quatre coins du monde, et qui diront à tous les morts : Levez-vous, morts, sortez de vos tombeaux, venez et paraissez au jugement. Alors tous les morts, bons et mauvais, justes et pécheurs, reprendront les mêmes formes qu'ils avaient autrefois, la mer vomira tous les cadavres qui sont renfermés dans ses chaos, la terre rejettera tous les corps ensevelis depuis tant de siècles dans son sein. Après cette révolution, toutes les âmes des saints descendront du ciel, toutes rayonnantes de gloire ; chaque âme s'approchera de son corps en lui donnant mille et mille bénédictions : Venez, lui dira-t-elle, venez, le compagnon de mes souffrances ; si vous avez travaillé à plaire à Dieu, si vous avez fait consister votre bonheur dans les souffrances et les combats, oh ! que de biens nous sont réservés ! Il y a plus de mille ans que je jouis de ce bonheur ; oh ! quelle joie pour moi de venir vous annoncer tant de biens qui nous sont préparés pour l'éternité ! Venez, bénis yeux, qui tant de fois vous êtes fermés à l'aspect des objets impurs, par crainte de perdre la grâce de votre Dieu, venez dans le ciel où vous ne verrez que des beautés que l'on ne verrait jamais en ce monde. Venez, mes oreilles, qui avez eu horreur des paroles et des discours impurs et calomniateurs ; venez, et vous entendrez dans le ciel cette musique céleste, qui vous jettera dans un ravissement continuel. Venez, mes pieds et mes mains, qui, tant de fois, vous êtes employés à soulager les malheureux ; allons passer notre éternité dans ce beau ciel où nous verrons notre aimable et charitable Sauveur qui nous a tant aimés. Ah ! nous y verrons Celui qui tant de fois est venu reposer dans notre cœur. Ah ! nous y verrons cette main, encore teinte du sang de notre divin Sauveur, par laquelle il nous a mérité tant de joie. Enfin, le corps et l'âme, des saints se donneront mille et mille bénédictions, et cela pendant toute l'éternité.
Après que tous les saints auront repris leurs corps tout rayonnants de gloire, tous là, selon les bonnes œuvres et les pénitences qu'ils auront faites, attendront avec plaisir le moment où Dieu va dévoiler à la face de tout l'univers toutes les larmes, toutes les pénitences, tout le bien qu'ils auront accompli pendant leur vie, sans même en laisser une seule, ni un seul, déjà tous heureux du bonheur de Dieu même. Attendez, leur dira Jésus-Christ lui-même, attendez, je veux que tout l'univers voie combien vous avez travaillé avec plaisir. Les pécheurs endurcis, les incrédules disaient que j'étais indifférent à tout ce que vous faisiez pour moi ; mais je vais leur montrer aujourd'hui que j'ai vu et compté toutes les larmes que vous versiez dans le fond des déserts ; je vais leur montrer aujourd'hui que j'étais à côté de vous sur les échafauds. Venez tous, et paraissez devant ces pécheurs qui m'ont méprisé et outragé, qui ont osé nier que j'existais, que je les voyais. Venez, mes enfants, venez, mes bien-aimés, et vous verrez combien j'ai été bon, combien mon amour a été grand pour vous.
Contemplons, M.F., un instant, ce nombre infini d'âmes justes rentrant dans leurs corps qu'elles rendent semblables à de beaux soleils. Vous verrez tous ces martyrs, la palme à la main. Voyez-vous toutes ces vierges, la couronne de la virginité sur la tête ? Voyez-vous tous ces apôtres, tous ces prêtres ? Autant ils ont sauvé d'âmes, autant de rayons de gloire dont ils sont embellis. M.F., tous diront à Marie, cette Mère-Vierge : Allons rejoindre Celui qui est dans le ciel pour donner un nouvel éclat à vos beautés.
Mais non, un moment de patience ; vous avez été méprisés, calomniés et persécutés des méchants, il est juste, avant votre entrée dans ce royaume éternel, que les pécheurs viennent vous faire amende honorable.


 

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