Blog Parousie de Patrick ROBLES (Puget-Théniers, Alpes-Maritimes - FRANCE)
1.Qu'il faut imiter Jésus-Christ, et mépriser toutes les vanités du monde
2.Avoir d'humbles sentiments de soi-même
3.De la doctrine de la vérité
4.De la prévoyance dans les actions
5.De la lecture de l'Ecriture sainte
6.Des affections déréglées
7.Qu'il faut fuir l'orgueil et les vaines espérances
8.Eviter la trop grande familiarité
9.De l'obéissance et du renoncement à son propre sens
10.Qu'il faut éviter les entretiens inutiles
11.Des moyens d'acquérir la paix intérieure, et du soin d'avancer dans la vertu
12.De l'avantage de l'adversité
13.De la résistance aux tentations
14.Eviter les jugements téméraires, et ne se point rechercher soi-même
15.Des oeuvres de charité
16.Qu'il faut supporter les défauts d'autrui
17.De la vie religieuse
18.De l'exemple des saints
19.Des exercices d'un bon religieux
20.De l'amour de la solitude et du silence
21.De la componction du coeur
22.De la considération de la misère humaine
23.De la méditation de la mort
24.Du jugement et des peines des pécheurs
25.Qu'il faut travailler avec ferveur à l'amendement de sa vie
Livre premier - Avis utiles pour entrer dans la vie intérieure
1. Qu'il faut imiter Jésus-Christ, et mépriser toutes les vanités du
monde
1.Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, dit le Seigneur. Ce sont les paroles
de Jésus-Christ, par lesquelles il nous exhorte à imiter sa conduite et sa vie, si nous
voulons être vraiment éclairés et délivrés de tout aveuglement du coeur.
Que notre principale étude soit donc de méditer la vie de Jésus-Christ.
2.La doctrine de Jésus-Christ surpasse toute doctrine des Saints: et qui posséderait son
esprit y trouverait la manne cachée.
Mais il arrive que plusieurs, à force d'entendre l'Evangile, n'en sont que peu touchés,
parce qu'ils n'ont point l'esprit de Jésus-Christ.
Voulez-vous comprendre parfaitement et goûter les paroles de Jésus-Christ ?
Appliquez-vous à conformer toute votre vie à la sienne.
3.Que vous sert de raisonner profondément sur la Trinité, si vous n'êtes pas humble, et
que par-là vous déplaisez à la Trinité ?
Certes, les discours sublimes ne font pas l'homme juste et saint, mais une vie pure rend
cher à Dieu.
J'aime mieux sentir la componction que d'en savoir la définition.
Quand vous sauriez toute la Bible par coeur et toutes les sentences des philosophes,
que vous servirait tout cela sans la grâce et la charité ?
Vanité des vanités, tout n'est que vanité, hors aimer Dieu et le servir lui seul.
La souveraine richesse est de tendre au royaume du ciel par le mépris du monde.
4.Vanité donc, d'amasser des richesses périssables et d'espérer en elles.
Vanité, d'aspirer aux honneurs et de s'élever à ce qu'il y a de plus haut.
Vanité, de suivre les désirs de la chair et de rechercher ce dont il faudra bientôt être
rigoureusement puni.
Vanité, de souhaiter une longue vie et de ne pas se soucier de bien vivre.
Vanité, de ne penser qu'à la vie présente et de ne pas prévoir ce qui la suivra.
Vanité, de s'attacher à ce qui passe si vite et de ne pas se hâter vers la joie qui ne finit
point.
5.Rappelez-vous souvent cette parole du Sage: L'oeil n'est pas rassasié de ce qu'il voit,
ni l'oreille remplie de ce qu'elle entend.
Appliquez-vous donc à détacher votre coeur de l'amour des choses visibles, pour le
porter tout entier vers les invisibles, car ceux qui suivent l'attrait de leurs sens souillent
leur âme et perdent la grâce de Dieu.
2. Avoir d'humbles sentiments de soi-même
1.Tout homme désire naturellement de savoir; mais la science sans la crainte de Dieu,
que vaut-elle ?
Un humble paysan qui sert Dieu est certainement fort au-dessus du philosophe superbe
qui, se négligeant lui-même, considère le cours des astres.
Celui qui se connaît bien se méprise, et ne se plait point aux louanges des hommes.
Quand j'aurais toute la science du monde, si je n'ai pas la charité, à quoi cela me
servirait-il devant Dieu, qui me jugera sur mes oeuvres ?
2.Modérez le désir trop vif de savoir; on ne trouvera là qu'une grande dissipation et une
grande illusion.
Les savants sont bien aise de paraître et de passer pour habiles.
Il y a beaucoup de choses qu'il importe peu ou qu'il n'importe point à l'âme de
connaître; et celui-là est bien insensé qui s'occupe d'autre chose que de ce qui intéresse
son salut.
La multitude des paroles ne rassasie point l'âme; mais une vie sainte rafraîchit l'esprit et
une conscience pure donne une grande confiance près de Dieu.
3.Plus et mieux vous savez, plus vous serez sévèrement jugé, si vous n'en vivez pas plus
saintement.
Quelque art et quelque science que vous possédiez, n'en tirez donc point de vanité;
craignez plutôt à cause des lumières qui vous ont été données.
Si vous croyez beaucoup savoir, et être perspicace, souvenez-vous que c'est peu de
chose près de ce que vous ignorez.
Ne vous élevez point en vous-même, avouez plutôt votre ignorance. Comment
pouvez-vous songer à vous préférer à quelqu'un, tandis qu'il y en a tant de plus doctes
que vous, et de plus instruits en la loi de Dieu ?
Voulez-vous apprendre et savoir quelque chose qui vous serve ? Aimez à vivre
inconnu et à n'être compté pour rien.
4.La science la plus haute et la plus utile est la connaissance exacte et le mépris de
soi-même.
Ne rien s'attribuer et penser favorablement des autres, c'est une grande sagesse et une
grande perfection.
Quand vous verriez votre frère commettre ouvertement une faute, même une faute très
grave, ne pensez pas cependant être meilleur que lui; car vous ignorez combien de
temps vous persévérerez dans le bien.
Nous sommes tous fragiles, mais croyez que personne n'est plus fragile que vous.
3. De la doctrine de la vérité
1.Heureux celui que la vérité instruit elle-même, non par des figures et des paroles qui
passent, mais en se montrant telle qu'elle est.
Notre raison et nos sens voient peu, et nous trompent souvent.
A quoi servent ces disputes subtiles sur des choses cachées et obscures, qu'au jugement
de Dieu on ne vous reprochera point d'avoir ignorées ?
C'est une grande folie de négliger ce qui est utile et nécessaire pour s'appliquer au
contraire curieusement à ce qui nuit. Nous avons des yeux, et nous ne voyons point.
2.Que nous importe ce qu'on dit sur les genres et sur les espèces ?
Celui à qui parle le Verbe éternel est délivré de bien des opinions.
Tout vient de ce Verbe unique, de lui procède toute parole, il en est le principe, et c'est
lui qui parle en dedans de nous.
Sans lui nulle intelligence, sans lui nul jugement n'est droit.
Celui pour qui une seule chose est tout, qui rappelle tout à cette unique chose, et voit
tout en elle, ne sera point ébranlé, et son coeur demeurera dans la paix de Dieu.
O Vérité, qui êtes Dieu, faites que je sois un avec vous dans un amour éternel !
Souvent j'éprouve un grand ennui à force de lire et d'entendre; en vous est tout ce que
je désire, tout ce que je veux.
Que tous les docteurs se taisent, que toutes les créatures soient dans le silence devant
vous: parlez-moi vous seul.
3.Plus un homme est recueilli en lui-même, et dégagé des choses extérieures, plus son
esprit s'étend et s'élève sans aucun travail, parce qu'il reçoit d'en haut la lumière de
l'intelligence.
Une âme pure, simple, formée dans le bien, n'est jamais dissipée au milieu même des
plus nombreuses occupations, parce qu'elle fait tout pour honorer Dieu, et que,
tranquille en elle-même, elle tâche de ne se rechercher en rien.
Qu'est-ce qui vous fatigue et vous trouble, si ce n'est les affections immortifiées de
votre coeur ?
4.L'homme bon et vraiment pieux dispose d'abord au-dedans de lui tout ce qu'il doit faire
au-dehors; il ne se laisse point entraîner, dans ses actions, au désir d'une inclination
vicieuse, mais il les soumet à la règle d'une droite raison.
Qui a un plus rude combat à soutenir que celui qui travaille à se vaincre ?
C'est là ce qui devrait nous occuper uniquement: combattre contre nous-mêmes,
devenir chaque jour plus forts contre nous, chaque jour faire quelques progrès dans le
bien.
Toute perfection, dans cette vie, est mêlée de quelque imperfection: et nous ne voyons
rien qu'à travers je ne sais quelle fumée.
L'humble connaissance de vous-même est une voie plus sûre pour aller à Dieu que les
recherches profondes de la science.
Ce n'est pas qu'il faille blâmer la science, ni la simple connaissance d'aucune chose; car
elle est bonne en soi, et dans l'ordre de Dieu; seulement on doit préférer toujours une
conscience pure et une vie sainte.
Mais, parce que plusieurs s'occupent davantage de savoir que de bien vivre, ils s'égarent
souvent, et ne retirent que peu ou point de fruit de leur travail.
5.Oh ! s'ils avaient autant d'ardeur pour extirper leurs vices et pour cultiver la vertu que
pour remuer de vaines questions, on ne verrait pas tant de maux et de scandales dans le
peuple, ni tant de relâchement dans les monastères.
Certes, au jour du jugement on ne nous demandera point ce que nous avons lu, mais ce
que nous avons fait; ni si nous avons bien parlé, mais si nous avons bien vécu.
Dites-moi où sont maintenant ces maîtres et ces docteurs que vous avez connus
lorsqu'ils vivaient encore, et lorsqu'ils florissaient dans leur science ?
D'autres occupent à présent leur place, et je ne sais s'ils pensent seulement à eux. Ils
semblaient, pendant leur vie, être quelque chose, et maintenant on n'en parle plus.
6.Oh ! que la gloire du monde passe vite ! Plût à Dieu que leur vie eût répondu à leur
science ! Ils auraient lu alors et étudié avec fruit.
Qu'il y en a qui se perdent dans le siècle par une vaine science, et par l'oubli du service
de Dieu.
Et, parce qu'ils aiment mieux être grands que d'être humbles, ils s'évanouissent dans
leurs pensées.
Celui-là est vraiment grand, qui a une grande charité.
Celui-là est vraiment grand, qui est petit à ses propres yeux, et pour qui la plus grande
gloire n'est qu'un pur néant.
Celui-là est vraiment sage, qui, pour gagner Jésus-Christ, regarde comme de l'ordure,
du fumier toutes les choses de la terre.
Celui-là possède la vraie science, qui fait la volonté de Dieu et renonce à la sienne.
4. De la prévoyance dans les actions
1.Il ne faut pas croire à toute parole, ni obéir à tout mouvement intérieur, mais peser
chaque chose selon Dieu, avec prudence et avec une longue attention.
Hélas ! nous croyons et nous disons plus facilement des autres le mal que le bien, tant
nous sommes faibles.
Mais les parfaits n'ajoutent pas foi aisément à tout ce qu'ils entendent, parce qu'ils
connaissent l'infirmité de l'homme, enclin au mal et léger dans ses paroles.
2.C'est une grande sagesse que de ne point agir avec précipitation, et de ne pas s'attacher
obstinément à son propre sens.
Il est encore de la sagesse de ne pas croire indistinctement tout ce que les hommes
disent, et ce qu'on a entendu et cru, de ne point aller aussitôt le rapporter aux autres.
Prenez conseil d'un homme sage et de conscience; et laissez-vous guider par un autre
qui vaille mieux que vous, plutôt que de suivre vos propres pensées.
Une bonne vie rend l'homme sage selon Dieu, et lui donne une grande expérience.
Plus on sera humble et soumis à Dieu, plus on aura de sagesse et de paix en toutes
choses.
5. De la lecture de l'Ecriture sainte
1.Il faut chercher la vérité dans l'Ecriture sainte et non l'éloquence.
Toute l'Ecriture doit être lue dans le même esprit qui l'a dictée.
Nous devons y chercher l'utilité plutôt que la délicatesse du langage.
Nous devons lire aussi volontiers des livres simples et pieux que les livres profonds et
sublimes.
Ne vous prévenez point contre l'auteur; mais, sans vous inquiéter s'il a peu ou
beaucoup de science, que le pur amour de la vérité vous porte à le lire.
Considérez ce qu'on vous dit, sans chercher qui le dit.
2.Les hommes passent, mais la vérité du Seigneur demeure éternellement.
Dieu nous parle en diverses manières, et par des personnes très diverses.
Dans la lecture de l'Ecriture sainte, souvent notre curiosité nous nuit, voulant examiner
et comprendre lorsqu'il faudrait passer simplement.
Si vous voulez en retirer du fruit, lisez avec humilité, avec simplicité, avec foi, et ne
cherchez jamais à passer pour habile.
Aimez à interroger; écoutez en silence les paroles des saints, et ne méprisez point les
sentences des vieillards, car elles ne sont pas proférées en vain.
6. Des affections déréglées
1.Dès que l'homme commence à désirer quelque chose désordonnément, aussitôt il
devient inquiet en lui-même.
Le superbe et l'avare n'ont jamais de repos, mais le pauvre et l'humble d'esprit vivent
dans l'abondance de la paix.
L'homme qui n'est pas encore parfaitement mort à lui-même est bien vite tenté, et il
succombe dans les plus petites choses.
Celui dont l'esprit est encore infirme, appesanti par la chair et incliné vers les choses
sensibles, a grand-peine à se détacher entièrement des désirs terrestres.
C'est pourquoi, lorsqu'il se refuse à les satisfaire, souvent il éprouve de la tristesse, et il
est disposé à l'impatience quand on lui résiste.
2.Que, s'il a obtenu ce qu'il convoitait, aussitôt le remords de la conscience pèse sur lui,
parce qu'il a suivi sa passion, qui ne sert de rien pour la paix qu'il cherchait.
C'est en résistant aux passions, et non en leur cédant, qu'on trouve la véritable paix du
coeur.
Point de paix donc dans le coeur de l'homme charnel, de l'homme livré aux choses
extérieures: la paix est le partage de l'homme fervent et spirituel.
7. Qu'il faut fuir l'orgueil et les vaines espérances
1.Insensé celui qui met son espérance dans les hommes ou dans quelque créature que ce
soit.
N'ayez point de honte de servir les autres, et de paraître pauvre en ce monde pour
l'amour de Jésus-Christ.
Ne vous appuyez point sur vous-même, et ne vous reposez que sur Dieu seul.
Faites ce qui est en vous, et Dieu secondera votre bonne volonté.
Ne vous confiez point en votre science, ni dans l'habileté d'aucune créature, mais plutôt
dans la grâce de Dieu qui aide les humbles et qui humilie les présomptueux.
2.Ne vous glorifiez point dans les richesses que vous pouvez avoir, ni dans la puissance
de vos amis, mais en Dieu, qui donne tout, et qui, par-dessus tout, désire encore se
donner lui-même.
Ne vous élevez point à cause de la force ou de la beauté de votre corps, qu'une légère
infirmité abat et flétrit.
N'ayez point de complaisance en vous-même à cause de votre esprit ou de votre
habileté, de peur de déplaire à Dieu, de qui vient tout ce que vous avez reçu de bon de
la nature.
3.Ne vous estimez pas meilleur que les autres; peut-être êtes-vous pire aux yeux de Dieu,
qui sait ce qu'il y a dans l'homme.
Ne vous enorgueillissez pas de vos bonnes oeuvres, car les jugements de Dieu sont
autres que ceux des hommes, et ce qui plaît aux hommes, souvent lui déplaît.
S'il y a quelque bien en vous, croyez qu'il y en a plus dans les autres, afin de conserver
l'humilité.
Vous ne hasardez rien à vous mettre au-dessous de tous, mais il vous serait très
nuisible de vous préférer à un seul.
L'homme humble jouit d'une paix inaltérable, la colère et l'envie troublent le coeur du
superbe.
8. Eviter la trop grande familiarité
1.N'ouvrez pas votre coeur à tous indistinctement; mais confiez ce qui vous touche à
l'homme sage et craignant Dieu.
Ayez peu de commerce avec les jeunes gens et les personnes du monde.
Ne flattez point les riches, et ne désirez point de paraître devant les grands.
Recherchez les humbles, les simples, les personnes de piété et de bonnes moeurs, et ne
vous entretenez que de choses édifiantes.
N'ayez de familiarité avec aucune femme, mais recommandez à Dieu toutes celles qui
sont vertueuses.
Ne souhaitez d'être familier qu'avec Dieu et les anges, et évitez d'être connu des
hommes.
2.Il faut avoir de la charité pour tout le monde, mais la familiarité ne convient point.
Il arrive que, sans la connaître, on estime une personne sur sa bonne réputation, mais,
en se montrant, elle détruit l'opinion qu'on avait d'elle.
Nous nous imaginons quelquefois plaire aux autres par nos assiduités, et c'est plutôt
alors que nous commençons à leur déplaire par les défauts qu'ils découvrent en nous.
9. De l'obéissance et du renoncement à son propre sens
1.C'est quelque chose de bien grand que de vivre sous un supérieur, dans l'obéissance, et
de ne pas dépendre de soi-même.
Il est beaucoup plus sûr d'obéir que de commander.
Quelques-uns obéissent plutôt par nécessité que par amour, et ceux-là, toujours
souffrants, sont portés au murmure. Jamais ils ne posséderont la liberté d'esprit, à
moins qu'ils ne se soumettent de tout leur coeur, à la cause de Dieu.
Allez où vous voudrez, vous ne trouverez de repos que dans une humble soumission à
la conduite d'un supérieur. Plusieurs s'imaginant qu'ils seraient meilleurs en d'autres
lieux, ont été trompés par cette idée de changement.
2.Il est vrai que chacun aime à suivre son propre sens, et a plus d'inclination pour ceux
qui pensent comme lui.
Mais si Dieu est au milieu de nous, il est quelquefois nécessaire de renoncer à notre
sentiment pour le bien de la paix.
Quel est l'homme si éclairé qu'il sache tout parfaitement ?
Ne vous fiez donc pas trop à votre sentiment, mais écoutez aussi volontiers celui des
autres.
Si votre sentiment est bon, et qu'à cause de Dieu vous l'abandonniez pour en suivre un
autre, vous en retirerez plus d'avantage.
3.J'ai souvent ouï dire qu'il est plus sûr d'écouter et de recevoir un conseil que de le
donner.
Car il peut arriver que le sentiment de chacun soit bon; mais ne vouloir pas céder aux
autres, lorsque l'occasion ou la raison le demande, c'est la marque d'un esprit superbe et
opiniâtre.
10. Qu'il faut éviter les entretiens inutiles
1.Evitez autant que vous pourrez le tumulte du monde, car il y a du danger à s'entretenir
des choses du siècle, même avec une intention pure.
Bientôt la vanité souille l'âme et la captive.
Je voudrais plus souvent m'être tu, et ne m'être point trouvé avec les hommes.
D'où vient que nous aimions tant à parler et à converser lorsque si rarement il arrive
que nous rentrions dans le silence avec une conscience qui ne soit point blessée ?
C'est que nous cherchons dans ces entretiens une consolation mutuelle et un
soulagement pour notre coeur fatigué de pensées contradictoires.
Nous nous plaisons à parler, à occuper notre esprit de ce que nous aimons, de ce que
nous souhaitons, de ce qui contrarie nos désirs.
2.Mais souvent, hélas ! bien vainement; car cette consolation extérieure n'est pas un
médiocre obstacle à la consolation que Dieu donne intérieurement.
Il faut donc veiller et prier, afin que le temps ne se passe pas sans fruit.
S'il est permis, s'il convient de parler, parlez de ce qui peut édifier.
La mauvaise habitude et le peu de soin de notre avancement nous empêchent d'observer
notre langue.
Cependant de pieuses conférences sur les choses spirituelles, entre des personnes unies
selon Dieu et animées d'un même esprit, servent beaucoup au progrès dans la
perfection.
11. Des moyens d'acquérir la paix intérieure, et du soin d'avancer dans
la vertu
1.Nous pourrions jouir d'une grande paix, si nous voulions ne nous point occuper de ce
que disent et de ce que font les autres et de ce dont nous ne sommes point chargés.
Comment peut-il être longtemps en paix, celui qui s'embarrasse de soins étrangers, qui
cherche à se répandre au-dehors, et ne se recueille que peu ou rarement en lui-même ?
Heureux les simples, parce qu'ils posséderont une grande paix !
2.Comment quelques saints se sont-ils élevés à un si haut degré de vertu et de
contemplation ?
C'est qu'ils se sont efforcés de mourir à tous les désirs de la terre, et qu'ils ont pu ainsi
s'unir à Dieu par le fond le plus intime de leur coeur, et s'occuper librement
d'eux-mêmes.
Pour nous, nous sommes trop à nos passions, et trop inquiets de ce qui se passe.
Rarement nous surmontons parfaitement un seul vice, nous n'avons point d'ardeur pour
faire chaque jour quelques progrès, et ainsi nous restons tièdes et froids.
3.Si nous étions tout a fait morts à nous-mêmes et moins préoccupés au-dedans de nous,
alors nous pourrions aussi goûter les choses de Dieu et acquérir quelque expérience de
la céleste contemplation.
Le plus grand, l'unique obstacle, c'est qu'asservis à nos passions et à nos convoitises,
nous ne faisons aucun effort pour entrer dans la vois parfaite des saints.
Et, s'il arrive que nous éprouvions quelque légère adversité, nous nous laissons
aussitôt abattre, et nous recourons aux consolations humaines.
4.Si tels que des soldats généreux, nous demeurions fermes dans le combat, nous
verrions certainement le secours de Dieu descendre sur nous du ciel.
Car il est toujours prêt à aider ceux qui résistent et qui espèrent en sa grâce, et c'est lui
qui nous donne des occasions de combattre, afin de nous rendre victorieux.
Si nous plaçons uniquement le progrès de la vie chrétienne dans les observances
extérieures, notre dévotion sera de peu de durée.
Mettons donc la cognée à la racine de l'arbre, afin que dégagés des passions, nous
possédions notre âme en paix.
5.Si nous déracinions chaque année un seul vice, bientôt nous serions parfaits.
Mais nous sentons souvent, au contraire, que nous étions meilleurs et que notre vie
était plus pure, lorsque nous quittâmes le siècle, qu'après plusieurs années de
profession.
Nous devrions croître chaque jour en ferveur et en vertu, et maintenant on compte pour
beaucoup d'avoir conservé une partie de sa ferveur.
Si nous nous faisions d'abord un peu de violence, nous pourrions tout faire ensuite
aisément et avec joie.
6.Il est dur de renoncer à ses habitudes, mais il est plus dur encore de courber sa propre
volonté.
Cependant, si vous ne savez pas vous vaincre en des choses légères, comment
remporterez-vous des victoires plus difficiles ?
Résistez dès le commencement à votre inclination, rompez sans aucun retard toute
habitude mauvaise, de peur que peu à peu elle ne vous engage dans de plus grandes
difficultés.
Oh ! si vous considériez quelle paix ce serait pour vous, quelle joie pour les autres, en
vivant comme vous le devez, vous auriez, je crois, plus d'ardeur pour votre avancement
spirituel.
12. De l'avantage de l'adversité
1.Il nous est bon d'avoir quelquefois des peines et des traverses, parce que souvent elles
rappellent l'homme à son coeur, et lui font sentir qu'il est en exil, et qu'il ne doit mettre
son espérance en aucune chose du monde.
Il nous est bon de souffrir quelquefois des contradictions, et qu'on pense mal ou peu
favorablement de nous, quelques bonnes que soient nos actions et nos intentions.
Souvent cela sert à nous prémunir contre la vaine gloire.
Car nous avons plus d'empressement à chercher Dieu, qui voit le fond du coeur, quand
les hommes au-dehors nous rabaissent et pensent mal de nous.
2.C'est pourquoi l'homme devrait s'affermir tellement en Dieu, qu'il n'eût pas besoin de
chercher tant de consolations humaines.
Lorsque, avec une volonté droite, l'homme est troublé, tenté, affligé de mauvaises
pensées, il reconnaît alors combien Dieu lui est nécessaire, et qu'il n'est capable
d'aucun bien sans lui.
Alors il s'attriste, il gémit, il prie à cause des maux qu'il souffre.
Alors il s'ennuie de vivre plus longtemps, et il souhaite que la mort arrive, afin que,
délivré de ses liens, il soit avec Jésus-Christ.
Alors aussi il comprend bien qu'une sécurité parfaite, une pleine paix, ne sont point de
ce monde.
13. De la résistance aux tentations
1.Tant que nous vivons ici-bas, nous ne pouvons être exempts de tribulations et
d'épreuves.
C'est pourquoi il est écrit au livre de Job: La tentation est la vie de l'homme sur la
terre.
Chacun devrait donc être toujours en garde contre les tentations qui l'assiègent, et
veiller et prier pour ne point laisser lieu aux surprises du démon, qui ne dort jamais, et
qui tourne de tous côtés, cherchant quelqu'un pour le dévorer.
Il n'est point d'homme si parfait et si saint qui n'ait quelquefois des tentations, et nous
ne pouvons en être entièrement affranchis.
2.Mais, quoique importunes et pénibles, elles ne laissent pas d'être souvent très utiles à
l'homme parce qu'elles l'humilient, le purifient et l'instruisent.
Tous les saints ont passé par beaucoup de tentations et de souffrances, et c'est par cette
voie qu'ils ont avancé; mais ceux qui n'ont pu soutenir ces épreuves, Dieu les a
réprouvés, et ils ont défailli dans la route du salut.
Il n'y a point d'ordre si saint, ni de lieu si secret, où l'on ne trouve des peines et des
tentations.
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