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Blog Parousie de Patrick ROBLES (Puget-Théniers, Alpes-Maritimes - FRANCE)

Sermons du Saint Curé d'Ars 16

Saint-Maxime

4ème DIMANCHE DE CARÊME
Sur la mort du pécheur
(INACHEVÉ)

Quæretis me, et in peccato vestro moriemini.
Vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché.
(S. Jean, VIII, 21.)

Terrible menace, M.F., et d'autant plus terrible qu'elle doit être suivie de son effet. C'est aux Juifs, M.F., que Jésus-Christ parle, à ce peuple chéri, comblé de tant de grâces. Ah ! peuple ingrat, que n'ai-je pas fait pour vous ? Mais un jour viendra que vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas, et je m'enfuirai de vous, et vous mourrez dans votre péché comme vous aurez vécu. Triste, mais juste punition. Quoi ! un chrétien comblé de tant de grâces pendant sa vie, un chrétien se raidit contre les remords de sa conscience pour pécher ! un chrétien, qui est très persuadé que chaque péché qu'il commet lui mérite l'enfer ! un chrétien qui sait très bien que, s'il veut revenir à Dieu, Dieu lui-même lui en fournit tous les moyens ! Un chrétien, dis-je, qui a tout à sa disposition : les ministres du Seigneur qui le pressent, qui le conjurent de ne pas rester dans cet état, qui prient pour lui, qui lui offrent tous les remèdes nécessaires et très efficaces pour guérir les plaies que le péché a fait à sa pauvre âme ; et qui, malgré tout cela, persévère, croupit dans son péché et se plonge à chaque instant dans de nouveaux crimes ! Un chrétien qui s'en fait un jeu, qui va même jusqu'à mépriser les ministres charitables qui voudraient l'aider à tirer sa pauvre âme du péché et de l'enfer ! Ah ! n'est-il pas de la justice que ce pécheur périsse dans son péché, et que le bon Dieu l'abandonne ; lui qui l'a attendu si longtemps, avec tant de bonté et de patience, lui présentant à tous les instants les mérites de sa passion ? Oui, il est juste que ce malheureux périsse dans son péché ; et, quand il voudra revenir à Dieu, il est juste que Jésus-Christ, qu'il a tant méprisé, le fuie et l'abandonne à son désespoir et à la puissance du démon. « Va, malheureux, lui dit le prophète Amos, va, malheureux, tu périras dans ton péché, puisque tu ne veux pas en sortir, quand le Seigneur t'appelle... » Oh ! que la mort du pécheur est donc affreuse ! Et cependant que le nombre en est grand ! Pour vous la faire craindre et éviter, je vais vous montrer combien les derniers moments d'un pécheur qui n'a pas voulu se convertir, sont désespérants, tant par la pensée de ses péchés, que par celle des grâces qu'il a méprisées et des tourments qui lui sont préparés pour l'éternité.

I.- Si vous me demandez ce que l'on entend par une mauvaise mort, je vous répondrai : quand une personne meurt à la fleur de l'âge, étant mariée, jouissant d'une bonne santé, ayant des biens en abondance, et qu'elle laisse des enfants et une femme désolés, il n'est pas douteux que cette mort ne soit très cruelle. Le roi Ézéchias disait : « Quoi, mon Dieu ! faut-il que je meure au milieu de mes années, à la fleur de mon âge . » Et le Roi-Prophète demandait à Dieu de ne pas le faire mourir au milieu de ses années. D'autres disent que mourir de la main des bourreaux, sur une potence, c'est une mauvaise mort. D'autres, que mourir d'une mort subite est une mauvaise mort : comme d'être écrasé par un coup de foudre, d'être suffoqué dans l'eau, de tomber du haut d'une maison et rester sur place. Enfin, d'autres disent que c'est mourir d'une maladie fâcheuse, comme de mourir de la peste ou d'autres maladies contagieuses.
Eh bien ! moi, M.F., je vous dirai que toutes ces morts ne sont point mauvaises, : pourvu qu'une personne ait bien vécu, qu'elle meure à la fleur de son âge, sa mort ne laissera pas d'être précieuse aux yeux du Seigneur. Nous avons tant de saints qui sont morts à la fleur de leur âge. Ce n'est pas non plus une mauvaise mort, que de mourir de la main des bourreaux : tous les martyrs sont morts de la main des bourreaux. Mourir d'une mort subite n'est pas encore une mauvaise mort, pourvu que l'on soit prêt ; nous avons tant de saints qui sont morts de la sorte. Saint Siméon fut tué par un coup de foudre sur sa colonne ; saint François de Sales mourut d'apoplexie. Enfin mourir de la peste n'est pas encore une mort funeste : saint Roch, saint François Xavier en sont morts. Mais ce qui rend la mort du pécheur malheureuse, c'est le péché. Ah ! c'est ce maudit péché qui le déchire et le dévore dans ce moment épouvantable. Hélas ! de quelque côté que ce pauvre malheureux tourne ses regards, il ne voit que péché, il ne voit que grâces méprisées. Et, hélas ! s'il lève les yeux au ciel, il ne voit qu'un Dieu en colère, armé de toute la fureur de sa justice qui est prête à lui fondre dessus. S'il tourne ses regards en bas, hélas ! il n'aperçoit que l'enfer et ses fureurs, qui ouvre déjà la gueule pour le recevoir. Hélas ! ce pauvre pécheur n'a pas voulu reconnaître la justice de Dieu pendant sa vie ; dans ce moment, non seulement il la voit, mais il la sent déjà s'appesantir sur lui. Pendant sa vie, il a toujours tâché de cacher ses péchés, ou du moins, de les diminuer ; mais dans ce moment, tout lui est représenté au grand jour. Hélas ! il voit ce qu'il aurait dû voir, ce qu'il n'a pas voulu voir ; il voudrait pleurer ses péchés, mais il n'est plus temps. Il a méprisé le bon Dieu pendant sa vie, Dieu à son tour le méprise et l'abandonne à son désespoir.
Écoutez, pécheurs endurcis, qui vous roulez avez tant de plaisir dans le limon de vos ordures, sans avoir même la pensée d'en sortir,. qui peut-être n'y penserez que quand le bon Dieu vous aura abandonnés, comme il est arrivé à tant d'autres moins coupables que vous. Oui, nous dit le Saint-Esprit, les pécheurs, dans leurs « derniers moments, grinceront des dents, seront saisis d'une frayeur épouvantable, dans la seule pensée de leurs crimes ; » leurs iniquités se soulèveront contre eux, et les accuseront. Hélas ! s'écrieront-ils dans ce moment malheureux, hélas ! « à quoi nous ont servi cet orgueil, cette vaine ostentation, et tous ces plaisirs que nous avons goûtés dans le péché ? Tout est passé, et nous n'avons à notre suite aucune trace de vertu, et nous avons été convaincus par notre malice . »
C'est précisément ce qui arriva au malheureux Antiochus, qui, étant tombé de son chariot, se fracassa tout le corps. Il ressentait une si grande douleur d'entrailles, qu'il lui semblait qu'on les lui arrachait ; les vers le rongeaient tout en vie, son corps était puant comme une charogne. Alors il commença à ouvrir les yeux : c'est ce que font les pécheurs, mais trop tard. « Ah ! s'écriait-il, je reconnais que ce sont les maux que j'ai faits à Jérusalem qui me tourmentent et me rongent le cœur. » Son corps était dévoré par des douleurs affreuses, et son esprit par une tristesse inconcevable. Il fit venir ses amis, croyant trouver près d'eux quelques consolations, mais non, abandonné de Dieu qui fait la consolation, il n'en pouvait pas avoir d'autres. « Hélas ! mes amis, leur disait-il, je suis tombé dans une terrible affliction, le sommeil m'a quitté, je ne saurais reposer un seul instant ; mon cœur est percé de douleur. Hélas ! dans quel état de tristesse et d'angoisse suis-je réduit ! il faut donc que je meure de tristesse, et encore, dans un pays étranger ! Ah ! Seigneur, pardonnez-moi ! Je réparerai tout le mal que j'ai fait ; je rendrai tout ce que j'ai pris dans le temple de Jérusalem ; je ferai de grands présents, à ce temple ; je me ferai juif, j'observerai la loi de Moïse, j'irai partout publier la toute-puissance de Dieu. Ah ! Seigneur, faites-moi, s'il vous plaît, miséricorde ! » Mais sa maladie augmente, et le bon Dieu, qu'il a tant méprisé pendant sa vie, n'a plus d'oreilles pour l'entendre ; il faut qu'il meure, et qu'il meure dans son péché . C'était un orgueilleux, un blasphémateur ; et ; malgré ses instantes prières, il ne fut pas écouté, il lui fallut tomber en enfer.
Triste, mais juste punition des pécheurs qui, après avoir méprisé toutes les grâces que le bon Dieu leur a accordées pendant leur vie, ne trouvent plus de grâce, quand ils voudraient en profiter. Hélas ! que le nombres de ceux qui meurent de cette manière est grand aux yeux de Dieu ! Hélas ! qu'il y en a, de ces aveugles, dans le monde, qui n'ouvrent les yeux que dans le moment où il n'y a plus de remèdes à leurs maux !
Oui, M. F., oui, vie de péchés, et mort de réprouvés ; Vous êtes dans le péché, vous ne voulez pas en sortir ? - Non, me direz-vous. - Eh bien ! mon ami ; vous y périrez : vous allez le voir dans la mort de Voltaire, ce fameux impie. Écoutez bien, et vous verrez que, si l'on méprise toujours le bon Dieu, et que, si le bon Dieu nous attend pendant notre vie, souvent, par un juste jugement, il nous abandonne à la mort, lorsque nous voulons revenir à lui. Vivre dans le péché, en pensant que nous en sortirons un jour, c'est un piège du démon qui vous perdra, comme il en a tant perdu d'autres. Voltaire, se voyant malade, commença à réfléchir sur l'état d'un pécheur qui meurt avec la conscience chargée de péchés. I1 veut rentrer en lui-même, et essayer si le bon Dieu voudra bien lui pardonner tous les péchés de sa vie, qui sont en grand nombre. Il compte sur la miséricorde de Dieu qui est infinie ; et, dans ces belles pensées, il fait venir un de ces prêtres qu'il avait tant outragés et tant calomniés dans ses écrits. Déjà, par la pensée, il se met à ses genoux et lui fait l'aveu de ses fautes, et dépose entre ses mains la rétractation de ses impiétés et de ses scandales. Il se flattait déjà d'achever le grand ouvrage de sa réconciliation ; mais il se trompait grandement ; le bon Dieu l'avait abandonné : vous allez le voir. La mort devance les derniers secours. Hélas ! ce pauvre impie sent renaître en lui toutes ses frayeurs. Il s'écrie : « Hélas ! suis-je donc abandonné de Dieu et des hommes ? » Oui, malheureux, tu l'es. Déjà ton partage et ton espoir sont l'enfer. Écoutez cet impie, il s'écrie avec cette bouche souillée de tant de sacrilèges, de tant de blasphèmes contre Dieu, sa religion et ses ministres : « Ah ! s'écrie-t-il, Jésus-Christ, fils de Dieu, qui êtes mort pour tous les pécheurs sans distinction ; ayez pitié de moi ! » Mais, hélas ! presque un siècle d'impiété a lassé la patience de Dieu, qui l'a déjà réprouvé ; il n'est plus qu'une victime que la colère de Dieu engraisse pour les flammes éternelles. Les prêtres, qu'il avait tant méprisés ; mais que, dans ce moment, il désire tant, n'y sont pas. Le voilà qui entre dans les convulsions et les horreurs du désespoir : les yeux égarés, blême et tremblant d'effroi, il s'agite, il se tourmente, il semble vouloir se venger de ces anciens blasphèmes dont sa bouche avait été si souvent souillée. Ses compagnons d'impiété craignant, qu'on lui apportât les Sacrements, ce qui aurait semblé les déshonorer, l'emportent dans une maison de campagne et là, abandonné à son désespoir...

4ème DIMANCHE DE CARÊME
Délai de la Conversion

Ego vado et quæretis me, et in peccato vestro moriemini.
Je m'en vais, vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché.
(S. Jean, VIII, 21.)

Oui, M.F., c'est une grande misère, une humiliation profonde pour nous, d'avoir été conçus dans le péché originel, parce que nous venons au monde enfants de malédiction ; c'est sans doute une autre plus grande misère de vivre dans le péché ; mais d'y mourir, c'est le comble de tous les malheurs. Il est vrai, M.F., que nous n'avons pas pu éviter le premier péché qui est celui d'Adam ; mais nous pouvons facilement éviter celui où nous tombons si volontairement, et après y être tombés, nous pouvons nous en retirer avec la grâce du bon Dieu. Hélas ! pouvons-nous bien rester dans un état qui nous expose à tant de malheurs pour l'éternité ! Qui de nous, M.F., ne tremblerait en entendant Jésus-Christ nous dire qu'un jour le pécheur le cherchera, mais qu'il ne le trouvera pas, et qu'il mourra dans son péché ? Je vous laisse à penser dans quels état repose une personne qui vit tranquille dans le péché, la mort étant si certaine et le moment si incertain. Le Saint-Esprit a donc bien raison de nous dire que les pécheurs se sont égarés dans toutes leurs démarches, que leurs cœurs se sont aveuglés, que leurs esprits se sont couverts de ténèbres les plus épaisses, et que leur malice a fini par les tromper et les perdre. Ils ont remis leur retour au Seigneur dans un temps qui ne leur sera point accordé, ils ont espéré faire une bonne mort, en vivant dans le péché ; mais ils se sont trompés, car leur mort sera très mauvaise aux yeux du Seigneur. Voilà précisément, M.F., la conduite de la plupart des chrétiens de nos jours, qui, en vivant dans le péché, espèrent toujours faire une bonne mort, dans la pensée qu'ils quitteront le péché, qu'ils en feront pénitence, et qu'ils répareront avant d'être jugés, les péchés qu'ils ont faits. Mais le démon les a trompés, ils ne sortiront du péché que pour être précipités en enfer.
Pour mieux vous faire comprendre, l'aveuglement du pécheur, je vais vous montrer : 1? que plus nous retardons de sortir du péché et de revenir au bon Dieu, plus nous nous mettons en danger d'y périr, parce que si vous en voulez savoir la raison, plus nos mauvaises habitudes sont difficiles à rompre ; 2? à chaque grâce que nous méprisons, le bon Dieu s'éloigne de nous, nous devenons plus faibles et le démon prend plus d'empire sur nous. De là je conclus que plus nous restons dans le péché, plus nous nous mettons en danger de ne jamais nous convertir.

I. - Moi, M.F., parler de la mort malheureuse d'un pécheur qui meurt dans le péché à des chrétiens qui ont déjà tant de fois senti le bonheur d'aimer un Dieu si bon, qui connaissent par les lumières de la foi la grandeur des biens que Jésus-Christ prépare à ceux qui conserveront leur âme exempte du péché ! Ce langage ne conviendrait qu'à des païens qui ne connaissent ni Dieu, ni les récompenses qu'il promet à ses enfants. O mon Dieu ! que l'homme est aveugle de perdre tant de biens et de s'attirer tant de maux en restant dans le péché ! Si je demandais à un enfant : « Pourquoi est-ce que le bon Dieu vous a créé et conservé jusqu'à présent ? » il me répondrait : « Pour le connaître, l'aimer, le servir et par ce moyen acquérir la vie éternelle. » Mais si je lui disais : . « Pourquoi est-ce que les chrétiens ne font pas ce qu'ils doivent pour mériter le ciel ? » « C'est, me dirait-il, parce qu'ils ont perdu de vue les biens du ciel et qu'ils croient trouver leur bonheur dans les choses créées. » Le démon les a trompés et les trompera encore ; ils vivent dans l'aveuglement et ils y périront, quoiqu'ils aient l'espérance qu'un jour ils sortiront du péché. Dites-moi, M.F., ne voyons-nous pas tous les jours des personnes qui vivent dans le péché, qui méprisent toutes les grâces que le bon Dieu leur envoie : bonnes pensées, bons désirs, remords de conscience, bons exemples, parole de Dieu ? Toujours dans l'espérance que le bon Dieu les recevra quand elles voudront revenir, ces personnes aveugles ne font pas attention que, pendant ce temps-là, le démon leur réserve une place en enfer. O aveuglement ! que tu en as jetés en enfer, et que tu en jetteras jusqu'à la fin du monde ! En deuxième lieu, je dis que cette considération doit faire trembler un pécheur qui vit dans le péché, quoique avec l'espérance d'en sortir. D'abord, M.F., vous n'êtes pas si peu instruits, pour ne pas savoir qu'un seul péché mortel, si nous venons à mourir sans nous en être confessé, sans en avoir obtenu notre pardon, fait que nous sommes perdus pour jamais.
En troisième lieu, nous savons très bien que Jésus-Christ nous dit de nous tenir toujours prêts ; qu'il nous fera sortir de ce monde dans le moment où nous y penserons le moins ; et que si nous ne quittons pas le péché avant qu'il nous quitte, il nous punira sans miséricorde. O mon Dieu ! peut-on bien vivre dans un état qui nous expose à chaque instant à tomber dans les abîmes ! Si cela, M.F., n'est pas capable de vous toucher, écoutez-moi un moment, ou plutôt ouvrez l'Évangile, et vous verrez si vous pouvez vivre tranquilles dans le péché comme vous le faites.
Oui, M.F., tout annonce que si vous ne sortez pas promptement du péché, vous périrez : les oracles, les menaces, les comparaisons, les figures, les paraboles, : les exemples, tout cela vous dit que, ou vous ne pourrez plus vous convertir, ou vous ne voudrez pas. Écoutez Jésus-Christ lui-même qui dit au pécheur : « Marchez pendant que la lumière de la foi brille devant vous , » crainte qu'en méprisant ce guide, vous ne vous égariez pour jamais. Dans un autre endroit , il nous dit : « Veillez et veillez sans cesse, » parce que l'ennemi de notre salut ne travaille qu'à votre perte. Et priez, priez sans cesse pour attirer sur vous les secours du Ciel, parce que vos ennemis sont très adroits et très puissants. Pourquoi tant avoir, dit-il, tant vivre occupés des choses temporelles et de vos plaisirs, puisque, dans quelques instants, vous aurez tout abandonné. Non, M.F., rien de plus effrayant que la menace que Jésus-Christ fait aux pécheurs en leur disant que s'ils ne veulent revenir à Lui quand il leur offre sa grâce, un jour viendra qu'ils le chercheront et qu'ils lui demanderont miséricorde ; mais, qu'à son tour il les méprisera ; et, dans la crainte de se laisser toucher par leurs prières et leurs larmes, il se bouchera les oreilles et s'enfuira d'eux. O mon Dieu ! quel malheur d'être abandonné de vous ! Oh ! M.F., pouvons-nous bien penser à cela sans mourir de douleur ! Oui., M : F., si vous êtes insensibles à cette parole, vous êtes déjà perdus. Ah ! pauvre âme, pleure d'avance les tourments qu'on te prépare pour l'autre vie !
Allons plus loin, M.F., écoutons Jésus-Christ lui-même et nous verrons, si nous sommes en sûreté en restant dans le péché. Oui, nous dit-il, je viendrai comme un voleur de nuit, qui tâche de surprendre le maître de la maison, dans le moment où il est le plus endormi ; de même, nous dit-il, la mort viendra trancher le fil de la vie criminelle du pécheur dans le moment même que sa conscience sera chargée de crimes, et qu'elle aura pris la plus belle résolution de les quitter sans l'avoir fait. Dans un autre endroit, il nous dit que notre vie passe « avec autant de rapidité qu'un éclair qui se lance de l'Orient à l'Occident ; » de même nous voyons aujourd'hui le pécheur plein de vie et de santé, la tête remplie de mille projets, et demain les larmes de ses gens annonceront qu'il n'est plus de ce monde, qu'il en est sorti sans savoir pourquoi il y était, ni pour quelle fin. Cet insensé a vécu aveugle, et il est mort comme il a vécu. Jésus-Christ nous dit encore que la mort est l'écho de la vie, pour nous montrer que celui qui vit dans le péché est presque sûr d'y mourir, à moins d'un miracle de la grâce. Cela est si vrai que nous lisons dans l'histoire qu'un homme avait fait de son argent son dieu ; quand il fut bien malade, il fit apporter un plein tiroir d'or pour avoir le plaisir de le compter, et quand il n'eut plus la force de le compter, il mit sa main dessous jusqu'à ce qu'il mourut. Un autre, à qui son confesseur présenta un crucifix pour le porter à la contrition de ses péchés, se mit à dire : « Si ce Christ était en or, il vaudrait bien tant... » Ah ! non, M.F., le cœur du pécheur ne quitte pas le péché si facilement qu'on le croit bien. « Vie de pécheur, mort de réprouvé. »
Que veut nous dire Jésus-Christ, M.F., par cette parabole des vierges sages et des vierges folles, dont les unes furent si bien reçues parce qu'elles entrèrent avec l'époux, tandis que les autres trouvèrent la porte fermée ? C'est qu'il voulait nous montrer la conduite des gens du monde : les vierges sages nous représentent les bons chrétiens qui se tiennent toujours prêts à paraître devant le bon Dieu, dans quelque temps qu'il les appelle ; les vierges folles sont la figure des mauvais chrétiens, qui croient qu'ils auront toujours le temps de se préparer et de se convertir, de sortir du péché et de faire de bonnes œuvres. Ainsi passent-ils leur vie, la mort arrive ; mais ils n'ont rien que de mauvais et rien de bon : La mort les frappe, Jésus-Christ les appelle à son tribunal pour leur faire rendre compte de leur vie ; ils voudraient bien mettre ordre à leur conscience, ils se tourmentent, ils voudraient bien quitter le péché ; mais, hélas ! ils n'ont ni le temps, ni la force, et peut-être même la grâce qu'il faudrait. Quand ils demandent à Dieu d'avoir pitié d'eux, de leur faire miséricorde ; il leur répond qu'il ne les connaît pas, leur ferme la porte : c'est-à-dire, les jette en enfer. Voilà, M.F., le sort d'un grand nombre de pécheurs qui vivent si tranquilles dans le péché. Ah ! pauvre âme, que tu es malheureuse d'habiter dans ce corps qui te traîne avec tant de fureur en enfer. Ah ! mon ami, pourquoi veux-tu perdre cette pauvre âme ?... Quel mal t'a-t-elle fait pour la condamner à tant de malheurs !... O mon Dieu, que l'homme est aveugle !...
En second lieu, je dis que nous trouvons dans la conduite d'Ésaü le véritable portrait d'un homme qui se perd en vendant son bien pour un plat de lentilles. Pendant quelque temps, Ésaü « vécut dans la plus grande insensibilité de sa perte , » il ne pensait qu'à se divertir et à se livrer à ses plaisirs ; cependant le moment arrive où il se rappelle la faute qu'il a faite, il rentre en lui-même ; mais, plus il réfléchit, plus il découvre la grandeur de son aveuglement. Tout désolé de son malheur, il voit aussi s'il pourra le réparer, il emploie les prières, les larmes et les sanglots pour tâcher de toucher le cœur de son père ; mais trop tard : le père a donné sa bénédiction à un autre, ses prières sont méprisées et ses sollicitations ne sont point écoutées. Il a beau se tourmenter ; il faut se rendre à rester dans sa misère et y périr. Voilà, M.F., précisément ce qui arrive tous les jours au pécheur : il vend son Dieu et son âme, et la place qu'il a dans le ciel, pour moins qu'un plat de lentilles, c'est-à-dire, pour un plaisir d'un moment, pour une pensée de haine, de vengeance, pour un regard ou attouchement déshonnête sur soi ou sur d'autres, pour une poignée de terre ou pour un verre de vin. Ah ! belle âme, que l'on te donne pour bien peu de chose ! En effet, nous voyons que ces pécheurs vivent pendant quelque temps aussi tranquilles, aussi en paix, du moins en apparence, que si, toute leur vie, ils n'avaient fait que de bonnes œuvres. Les uns pensent à leurs plaisirs, les autres aux biens de ce monde ; mais, semblables à Ésaü, le moment arrive où ils reconnaissent leur faute, ils voudraient pouvoir la réparer, mais trop tard. Ils en versent des larmes, ils en gémissent, ils conjurent le Seigneur de leur rendre les biens qu'ils ont vendus, c'est-à-dire le ciel ; mais le Seigneur leur fait comme le père d'Ésaü, il leur dit qu'il a donné leur place à un autre. Hélas ! ce pauvre pécheur a beau crier et demander miséricorde, il faut se rendre à rester dans sa misère et tomber en enfer. O mon Dieu ! que la mort du pécheur est malheureuse aux yeux du Seigneur !
Hélas ! combien en est-il qui font comme le malheureux Sisara, qu'une femme perfide endormit, en lui faisant boire un peu de lait, et pendant ce temps-là, elle lui ôta la vie, sans qu'il eût le loisir de pleurer son aveuglement de s'être confié à cette perfide . De même, combien de pécheurs que la mort enlève promptement ; sans leur donner le temps de pleurer leur aveuglement d'avoir resté dans le péché. Combien d'autres qui font comme l'impie Antiochus, qui reconnaissent leurs crimes, les pleurent et crient miséricorde sans pouvoir rien obtenir, et descendent en enfer en demandant miséricorde. Voilà cependant, M.F., la fin de bien des pécheurs. Sans doute, M.F., pas un de nous ne voudrait faire une mort malheureuse, et nous avons bien raison ; mais ce qui me désole, c'est que vous viviez dans le péché, que vous vous exposiez si grandement à y périr. Ce n'est pas seulement moi qui vous le dis, mais Jésus-Christ lui-même qui vous l'assure.
N'est-ce pas, mon ami, que vous pensez : laissons dire le prêtre, allons notre train ordinaire. - Savez-vous, mon ami, ce qu'il vous arrivera en laissant dire le prêtre ? - Et que voulez-vous qui nous arrive ? - Mon ami, le voici, c'est que vous serez damné. - Mais j'espère que non, pensez-vous ; il y a bien le temps pour tout.
Mon ami, nous pouvons bien avoir le temps de pleurer et de souffrir, mais non pas de nous convertir ; et pour vous le prouver, je vais vous citer un exemple effrayant. Il est rapporté dans l'histoire qu'un homme du monde, qui avait longtemps vécu dans le plus grand désordre, s'étant converti, il persévéra pendant quelque temps ; mais retomba et ne pensait plus à revenir au bon Dieu. Ses amis ne cessaient de prier pour lui ; mais il méprisait tout ce qu'on lui disait. Pendant ce temps-là, on annonça une retraite qui devait se donner bientôt. L'on crut la circonstance favorable pour engager ce pécheur à profiter de l'occasion que le bon Dieu lui donnait pour rentrer dans le chemin du salut. Après bien des prières et instances de la part de ses amis, et bien des résistances et des refus de la sienne, il consentit, et donna sa parole qu'il se rendrait à la retraite avec les autres. Mais, hélas ! M.F., qu'arriva-t-il ? Oh !jugements de Dieu, que vous êtes impénétrables et redoutables ! Le matin même où on l'attendait, où l'on devait commencer la retraite, l'on annonça que cet homme avait été trouvé mort dans sa maison, sans connaissance, sans secours et sans sacrements. Comprendrons-nous une fois, M.F., ce que c'est que de rester dans le péché, dans l'espérance que nous en sortirons un jour ?
Hélas, M.F., nous abusons du temps quand nous l'avons, nous méprisons les grâces quand le bon Dieu nous les offre ; mais souvent le bon Dieu, pour nous punir, nous les ôte quand nous voudrions en profiter. Si nous ne pensons pas à présent à bien faire, quand nous le voudrons, peut-être nous ne le pourrons pas. N'est-ce pas que vous pensez qu'un jour vous vous confesserez, que vous quitterez le péché et que vous ferez pénitence ? - C'est bien mon intention. - C'est votre intention, mon ami, et moi je vais vous dire ce que vous ferez, et ce que vous serez. Vous êtes maintenant dans le péché, vous ne me direz pas non : eh bien ! après votre mort, vous serez un damné. - Et qu'en savez-vous ? pensez-vous en vous-même. - Si je ne le savais pas, je ne vous le dirais pas. D'ailleurs, je vais vous prouver qu'en vivant dans le péché, quoique avec l'espérance que vous en sortirez, vous ne le ferez pas, même quand vous le voudriez de tout votre cœur, et vous comprendrez ce que c'est que de mépriser le temps et les grâces que le bon Dieu nous présente pour le moment. Il est rapporté dans l'histoire, qu'un certain étranger passant par Donzenac, (cet étranger était Lorrain et libraire de profession), il s'adressa à un prêtre pour l'entendre en confession ; mais le prêtre le refusa, je ne sais pas pourquoi. De là, il va dans une ville qu'on appelait Brives. S'étant présenté devant le procureur du roi en lui disant : « Monsieur, je vous prie de me mettre en prison, parce que je me suis donné au démon il y a quelque temps, et j'ai toujours entendu dire qu'il n'a point de pouvoir sur ceux qui sont entre les mains de la justice. » - « Mon ami, lui répondit le procureur du roi, vous ne savez pas ce que c'est que d'être entre les mains de la justice ; quand on y est une fois l'on n'en sort pas comme l'on veut. » - « Il n'importe, monsieur ; mettez-moi en prison. »
Le procureur s'imagina que c'était un fou, et qu'en le mettant en prison, il s'exposerait à la raillerie du monde ; si même il s'amusait davantage à lui parler. Il vit en même temps passer à la rue un prêtre qu'il connaissait, qui était le confesseur des Ursulines ; il l'appela et lui dit : « Monsieur, s'il vous plaît, prenez soin de l'âme de cet homme. » - « Mon ami, lui dit-il, suivez ce bon prêtre et faites tout ce qu'il vous dira. » Ce prêtre lui ayant parlé, pensa, comme le procureur du roi, qu'il avait l'esprit démonté ; il le pria d'aller ailleurs, que pour lui il ne pouvait pas se charger de sa conduite. Ce pauvre malheureux, ne sachant plus que devenir, alla dans deux communautés pour demander un prêtre qui voulût bien avoir la charité de le confesser. Dans un endroit, on lui dit que les Pères s'étaient retirés, parce qu'ils devaient se lever à minuit ; et dans l'autre, on le fait parler à un Père qui le renvoya au lendemain. Mais ce pauvre misérable se mit à pleurer, en lui disant : « Oh ! mon Père, je suis perdu, si vous n'avez pas pitié de moi ; je me suis donné au diable, et mon temps vient cette nuit. » - » Allez, mon ami, lui dit le Père, recommandez-vous à la sainte Vierge ; » il lui donna un chapelet et le renvoya. Passant par la place et en pleurant de ce qu'il n'avait pas pu trouver un confesseur parmi tant de prêtres qu'il y avait dans ces deux communautés : comme il était sur la place, voyant plusieurs bourgeois qui s'entretenaient ensemble il leur demanda si un d'entre eux aurait la bonté de le loger ? Il y eut un boucher qui lui dit qu'il pouvait le suivre. L'ayant mené en sa maison, ce pauvre malheureux lui conta combien il était malheureux de s'être donné au démon, il croyait bien avoir le temps de se confesser et de quitter le péché et faire pénitence, mais que point de prêtre n'avait voulu le confesser. Le boucher trouva bien extraordinaire que ces prêtres eussent si peu de charité. « Hélas ! monsieur, je vois bien que c'est le bon Dieu qui l'a permis pour me punir du temps et des grâces que j'ai méprisés. » - « Mon ami, lui dit le boucher, il faut bien avoir recours au bon Dieu. » - « Hélas ! monsieur, je suis perdu ; c'est cette nuit que le démon doit me tuer et emporter mon âme. » Le boucher, selon toute apparence, ne s'était pas couché pour savoir si cet homme avait perdu l'esprit ou si cela était bien vrai. En effet, sur minuit, il entendit un bruit effroyable, des cris épouvantables comme deux personnes dont l'une étrangle l'autre. Comme le boucher courait, il vit que le démon traînait ce pauvre malheureux à la cour. Le boucher s'enfuit et se ferma dans sa maison ; et le lendemain on trouva cet homme pendu comme la moitié d'un mouton à un clou de la boucherie. Le démon lui avait coupé un morceau de son manteau, dont il l'avait étranglé et pendu. Le Père Lejeune, qui rapporte cela dans un de ses sermons, dit qu'il le tient de celui qui l'a vu pendu.
Voyez-vous, M.F., que souvent, en remettant notre conversion, nous nous exposons à ne jamais nous convertir. N'est-ce pas que quand vous étiez malade, vous avez bien fait venir un prêtre pour vous confesser, même avec une grande crainte de ne pas bien faire votre confession ? N'avez-vous pas dit vous-même, dans votre maladie, que l'on est bien aveugle d'attendre à la mort pour aimer le bon Dieu, et que, s'il vous rendait la santé, vous feriez bien mieux que vous n'aviez fait, vous seriez plus sage ? Mon ami, ou bien vous, ma sœur, si, le bon Dieu vous rend la santé..., pauvre enfant ! vous ne faites pas attention que votre repentir ne vient pas de Dieu, ni de la douleur de vos péchés, mais seulement de la crainte de l'enfer. Vous faites comme Antiochus, qui pleurait les châtiments que ses crimes lui attiraient ; son cœur n'était pas changé. Eh bien ! ma sœur, le bon Dieu vous a rendu la santé que vous lui aviez demandée avec tant d'ardeur, en lui promettant que vous feriez mieux. Dites-moi, après avoir recouvré la santé, en êtes-vous devenue plus sage ? Avez-vous moins offensé le bon Dieu ? Vous êtes-vous corrigée de quelque défaut ? Vous voit-on plus souvent fréquenter les sacrements ? Voulez-vous que je vous dise ce que vous êtes ? Le voici ; avant votre maladie vous vous confessiez encore de temps en temps ; depuis que le bon Dieu vous a rendu la santé, vous ne faites plus même vos pâques. Hélas ! combien parmi ceux qui m'écoutent sont de ce nombre ! Mais ne vous inquiétez pas, vous verrez qu'à la première maladie, le bon Dieu vous fera sortir de ce monde ; pour vous parler plus clairement, vous serez jetés en enfer. Vous voyez bien qu'en restant dans le péché, quoique avec votre belle espérance que vous en sortirez un jour, vous vous moquez du bon Dieu.
Tenez, M.F., voyez comme vous avez bonne grâce de croire que le bon Dieu vous pardonnera quand vous voudrez lui demander pardon. Je vais vous citer un exemple comme peut-être jamais exemple n'a été, plus conforme à notre sujet. Il est rapporté qu'il y avait un bourgeois qui était extrêmement bon. Il avait un domestique qui ne manquait presque point l'occasion de dire des injures à son maître ; son plaisir était de le faire quand il y avait bien du monde. Il lui vola plusieurs choses assez considérables, il finit par débaucher une de ses demoiselles ; après ce coup, il s'enfuit de la maison, crainte d'être pris par la justice. Au bout de quelque temps, il alla trouver un prêtre qu'il savait avoir un grand crédit auprès de ce monsieur. Le prêtre y va pour prier le bourgeois de vouloir bien pardonner les fautes de ce domestique. Ce gentilhomme eut tant de bonté, qu'il dit au prêtre : « Je ferai tout ce que vous voudrez ; mais je veux qu'il fasse au moins quelque satisfaction, autrement ce serait donner main-levée à tous les scélérats. » Le prêtre, plein de joie, va trouver le valet et lui, dit : « Votre maître a bien eu la charité de vous pardonner ; mais il veut quelque petite satisfaction, comme rien n'est si juste. » Le domestique lui dit : « Quelle est donc la satisfaction que mon maître veut, et dans quel temps ? » Le prêtre lui dit : « Dans sa maison, et à présent, à ses genoux et la tête nue. » « Ah ! mon maître veut bien tant d'honneur ! pour moi je ne veux que lui demander pardon ; il veut que ce soit dans sa maison, à genoux, la tête nue, et moi je veux le faire dans ma chambre et couché dans mon lit. Il le veut à présent, et moi je veux que ce ne soit que dans dix ans, lorsque je penserai et serai prêt à mourir. » Que pensez-vous, M.F., de ce valet, et qu'en dites-vous ? Quel conseil auriez-vous donné à ce gentilhomme ? Ne lui auriez-vous pas dit : « Monsieur, votre valet est un misérable, il mérite d'être jeté dans un cachot, et de n'en être tiré que pour être conduit au gibet. » Eh bien ! M.F., d'après cet exemple, voyez-vous la manière dont vous vous conduisez avec le bon Dieu ? N'est-ce pas le même langage que vous tenez au bon Dieu, quand vous dites que vous avez encore le temps, que rien ne presse, que vous n'êtes pas encore mort ? Hélas ! que de pauvres pécheurs qui sont aveuglés sur l'état de leur pauvre âme ; qui espèrent de faire ce qu'ils ne pourront plus faire quand ils croiront de le faire ! ...
Mais, allons plus loin, et nous verrons que plus vous différez de sortir du péché, plus vous vous mettez dans l'impossibilité d'en sortir. N'est-il pas vrai qu'il y a quelque temps, la parole de Dieu vous touchait, vous faisait faire quelques réflexions, et que, plusieurs fois, vous aviez résolu de quitter le péché et de vous donner au bon Dieu ? N'est-il pas vrai que la pensée du jugement de Dieu et de l'enfer vous a fait verser des larmes, et que, maintenant, tout cela ne vous touche plus, ne vous fait plus faire la moindre réflexion ? Pourquoi cela, M.F. ? Hélas ! c'est que votre cœur est endurci et que le bon Dieu vous abandonne, de sorte que plus vous restez dans le péché, plus le bon Dieu s'éloigne de vous, et plus vous devenez insensibles à votre perte. Ah ! si du moins vous étiez morts à votre première maladie, au moins vous ne seriez pas si profond en enfer ! Mais si je voulais revenir au bon Dieu à présent, le bon Dieu me recevrait bien encore ! - Mon ami, pour cela, je ne vous en dis rien. Si vous n'avez pas encore mis le comble au nombre des péchés que le bon Dieu a résolu de vous pardonner ; si vous n'avez pas encore achevé de mépriser les grâces que le bon Dieu vous avait destinées, vous le pouvez. Mais si la mesure des péchés et des grâces est pleine, tout est perdu pour vous ; vous aurez beau former toutes vos belles résolutions... D'ailleurs vous devez le voir par cet exemple épouvantable que nous venons de rapporter.
Ah ! mon Dieu, pouvons-nous bien penser à tout cela et ne pas faire tout ce que nous pouvons pour essayer si le bon Dieu voudra avoir pitié de nous. - Mais, pensez-vous en vous-mêmes, il y aurait bien de quoi jeter au désespoir ? - Ah ! mon ami, je voudrais pouvoir vous conduire à deux doigts du désespoir, afin que, frappé de l'état affreux où vous êtes, vous preniez au moins les moyens que le bon Dieu vous présente encore aujourd'hui pour en sortir. - Mais, me direz-vous, il y en a bien qui se sont convertis à l'heure de la mort : le bon Larron s'est bien converti en ce moment. - Le bon Larron, M.F., d'abord, il n'avait jamais connu le bon Dieu. Dès qu'il l'a connu, il s'est donné à lui, et encore est-il le seul que l'Écriture sainte nous fournit, pour ne pas tout à fait nous désespérer dans ce moment. - Mais il y en a bien d'autres qui se sont convertis, quoiqu'ils aient vécu longtemps dans le péché. - Mon ami, prenez bien garde, je crois que vous vous trompez : il faut me dire que plusieurs se sont repentis, mais convertis, c'est autre chose. Voilà précisément ce que vous ferez, et ce que vous avez déjà fait dans vos maladies : puisque vous avez fait venir un prêtre, parce que vous étiez fâché d'avoir le mal. Eh bien ! avec votre repentir, vous êtes-vous converti pour cela ? Sans doute vous n'en êtes devenu que plus endurci. Hélas ! M.F., tous ces repentirs ne signifient pas grand'chose. Saül s'est bien repenti, puisqu'il a pleuré ses péchés ; cependant il est damné ; Caïn s'est bien repenti, puisqu'il a poussé des cris affreux d'avoir tué son frère , néanmoins il est en enfer. Judas s'est bien repenti, puisqu'il alla rendre son argent et que sa douleur fut si grande qu'il alla se pendre . Si vous me demandez maintenant où tous ces repentirs les ont conduits ? je vous dirai..., en enfer. Je viendrai toujours à ma conclusion que si vous vivez dans le péché, et que vous y mouriez, vous serez damnés ; mais j'espère que non : vous n'en viendrez pas là.
En troisième lieu, si nous venons plus loin, je vais vous montrer que vous n'avez rien qui puisse vous rassurer dans votre manière de vivre ; au contraire, tout doit vous effrayer, comme vous allez le voir. 1? Vous savez que, de vous-mêmes, vous ne pouvez pas sortir du péché ; vous êtes parfaitement convaincus qu'il faut que le bon Dieu vous aide de sa grâce, puisque saint Paul nous dit que « nous ne sommes pas capables de former une bonne pensée sans la grâce du bon Dieu ; » 2? Vous savez bien que vous ne pouvez obtenir votre pardon que de Dieu même : Pensez bien, M.F., à ces deux réflexions et vous verrez combien vous êtes aveugles ; ou, pour vous parler plus franchement, que vous êtes perdus si vous ne sortez pas promptement du péché. Mais, dites-moi, est-ce en méprisant les grâces du bon Dieu que vous pouvez espérer avoir plus de force pour rompre vos mauvaises habitudes ? N'est-ce pas tout le contraire ? Plus vous allez, plus vous méritez que le bon Dieu se retire de vous et vous abandonne. De là je conclus que, plus vous retardez de revenir à Dieu, plus vous vous mettez en danger de ne vous convertir jamais : Nous disons que nous ne pouvons obtenir notre pardon que de Dieu seul. Eh bien ! dites-moi, est-ce en multipliant vos péchés que vous espérez que le bon Dieu vous pardonnera plus facilement ? Allez, mon ami, vous êtes un aveugle, vous vivez dans le péché pour y périr et vous serez damné. Voilà, mon ami, où votre manière de prier et de vivre vous conduira : « Vie de pécheur, mort de réprouvé. » Mais pour mieux vous le faire sentir, avançons nous jusqu'à ce moment qui est le dernier de la vie.

II. - D'abord, je sais bien que vous avez résolu de faire une bonne mort, de vous convertir et de quitter le péché. Allons, M.F., auprès d'un tel, d'un mourant, et nous y trouverons une personne étendue, qui toute sa vie a fait comme vous, a vécu dans le péché ; mais toujours dans l'espérance qu'elle en sortira avant de mourir. Examinez-la bien, considérez bien son repentir, sa douleur, sa confession et sa mort. Ensuite, voyez ce que vous êtes : vous verrez ce que vous serez un jour. Ne sortons pas, M.F., d'auprès du lit de ce mourant, avant que son sort ne soit fixé pour jamais. II s'est toujours promis, quoique vivant dans le péché et dans les plaisirs, qu'il ferait une bonne mort, et qu'il réparerait tout le mal qu'il avait fait pendant sa vie. Gravez bien cela dans votre cœur, afin que vous n'en perdiez jamais le souvenir, et que vous ayez continuellement devant les yeux quel sera votre sort.
D'abord, je vous dirai que, pendant toute sa vie, il a été retenu par des obstacles qu'il avait cru insurmontables. Le premier, qu'il pensait ne pouvoir pas quitter ses mauvaises habitudes ; l'autre, qu'il n'avait pas assez de force ni de grâce. Il comprenait très bien, quoique dans le péché, combien il en coûte, combien il est diffi-cile de faire une bonne confession et de réparer, toute une vie qui n'a été qu'une chaîne de crimes et d'horreurs. Cependant le temps arrive et même il presse ; il faut commencer à faire ce qu'il n'a jamais voulu faire, il faut descendre dans ce cœur qui n'est qu'un abîme d'horreurs, semblable au buisson hérissé d'épines si affreuses que l'on ne sait par où commencer et que l'on finit par le laisser comme il est. Mais la connaissance se perd de temps en temps ; cependant il ne veut pas mourir dans cet état. Il veut se convertir : c'est-à-dire, quitter le péché avant de mourir. Je sais bien qu'il mourra ; mais pour se convertir, je n'en crois rien : il faudrait faire maintenant ce qu'il aurait dû faire en santé. Dans l'impossibilité de le faire, les larmes dans les yeux, il fait les mêmes promesses qu'il a déjà faites toutes les fois qu'il s'est vu mourir ; mais le bon Dieu ne va plus écouter ces mensonges et ces faussetés. Il faudrait pour ça détruire le péché, qui a poussé des racines si profondes qu'il n'a plus la force de l'arracher, il lui faudrait une grâce extraordi-naire. Mais le bon Dieu, en punition du mépris qu'il a fait de toutes celles qu'il lui a accordées pendant sa vie, la lui refuse et lui tourne le dos pour ne plus le voir ; il se bouche les oreilles pour ne pas se laisser attendrir par ses cris et ses sanglots. Hélas ! il faut mourir et point de conversion, même de connaissance ; le voilà qui chan-celle, il répond une chose pour l'autre. Le prêtre se plaint, qu'il fallait le venir chercher hier, que le malade n'a pas assez de connaissance, qu'il ne peut pas se confesser. Mon ami, vous vous trompez, il a toute la connaissance qu'il doit avoir avant de mourir ; si vous étiez venu hier pour le confesser, le bon Dieu lui aurait ôté pareillement sa connaissance ; il est resté dans le péché en méprisant le temps et les grâces que le bon Dieu lui avait donnés, et, selon la justice de Dieu, il doit mourir dans le pêché. Prenez patience, vous ne tarderez pas de le voir entraîné en enfer par les démons à qui il a si bien obéi pendant sa vie ; ne sortez pas vos regards de dessus lui, et vous allez lui voir vomir sa maudite âme en enfer.
Mais avant ce terrible moment, considérons, M.F., les mouvements qu'il se donne, demandez-lui s'il veut bien se confesser, s'il est bien fâché d'avoir offensé le bon Dieu ; il vous fera signe que oui ; qu'il voudrait bien se confesser, mais qu'il ne le peut pas. Hélas ! il faut mourir, et point de confession ! et point de conversion, point de connaissance ! Approchez-vous, mon ami, voyez-vous ce vieux pécheur endurci, qui a tout mé-prisé, qui s'est raillé de tout, qui croyait que quand il serait mort tout serait fini pour lui. Voyez-vous ce jeune libertin, il n'y a pas même quinze jours qu'il faisait retentir les cabarets de ses chansons les plus infâmes, remplissant les jeux et les cabarets. Voyez-vous cette jeune mondaine portée sur les ailes de la vanité, qui croyait ne jamais pouvoir s'arrêter ni mourir ! O mon Dieu ! il faut mourir ! Hélas ! quel changement, il faut mourir et être damnée ! Voyez-vous ces yeux qui étincellent, qui annoncent que la mort est à la porte ; il voit tout le monde dans un mouvement extraordinaire, on le regarde en pleurant. Me connaissez--vous ? lui dit-on. Il se contente d'ouvrir des yeux affreux, qui jettent l'épouvante dans tous ceux qui l'environ-nent. On le regarde en tremblant, on baisse la tête : sortez de là, laissez-le mourir comme il a vécu.
Non, je me trompe, venez, M.F., vous, qui depuis combien d'années, remettez votre confession à un autre temps. Voyez-vous ses lèvres froides et tremblantes qui ne peuvent plus se remuer, qui lui annoncent qu'il faut mourir et être damné. Mon ami, quittez un moment ce cabaret, venez et considérez ces joues pâles et livides, ces cheveux baignés des sueurs de la mort. Voyez-vous ses cheveux se lever sur sa tête ? Hélas ! il semble qu'il éprouve déjà les horreurs de la mort. Hélas ! tout est fini pour lui, il faut mourir, et être damné. Venez, ma sœur, laissez pour un instant ce musicien et cette danse ; venez et vous verrez ce que vous serez un jour. Voyez-vous ces démons qui l'environnent, qui le jettent au désespoir ? Voyez-vous ces convulsions affreuses ? Non, non, M.F., tout est désespéré ; il faut que, cette âme sorte de ce corps. O mon Dieu ! où va aller cette pauvre âme ? Hélas l'enfer seul est sa demeure.
Non, non, M.F., un moment, il lui reste encore quatre minutes de vie pour lui montrer tout son malheur. La voilà qui approche de sa fin..., les assistants et le prêtre se mettent à genoux pour essayer si le bon Dieu voudra avoir pitié de cette pauvre âme : « Ame chrétienne, lui dit le prêtre, sortez de ce monde ! » - Et où voulez-vous qu'elle aille, puisqu'elle n'a vécu que pour le monde ? Elle n'a pensé qu'au monde. D'ailleurs, à la manière dont elle a vécu, elle croyait n'en jamais sortir. Vous lui souhaitez le ciel,, mon père, mais elle ne le connaît pas seulement : Vous vous trompez, mon ami, dites-lui plutôt : « Sortez de ce monde, âme criminelle, allez brûler, parce que vous n'avez travaillé pendant toute votre vie que pour cela. » - « Ame chrétienne, lui dit le prêtre, allez prendre votre repos dans la céleste Jérusalem. » Eh quoi ! mon ami, vous envoyez dans cette belle cité une âme toute couverte de péchés, dont le nombre est plus grand que celui des heures de sa vie ; une âme, dont toute la vie n'a été qu'une chaîne d'impuretés, vous allez la placer avec les anges, avec Jésus-Christ qui est la pureté même. Oh ! horreur ! oh ! abomination ! en enfer, en enfer, puisque sa place y est marquée ! « Mon Dieu, continue le prêtre, Créateur de toutes choses, reconnaissez cette âme comme étant l'ouvrage de vos mains. » Eh ! quoi ! mon père, vous osez présenter au bon Dieu, comme étant son ouvrage, une âme qui n'est qu'un monceau de crimes, une âme qui est toute pourrie ; quittez, mon ami, de vous adresser au ciel, tournez vos regards du côté des abîmes et écoutez les démons qu'il appelle à son secours ; jetez-leur cette maudite âme puisqu'elle n'a travaillé que pour eux. « Mon Dieu, dira peut-être encore le prêtre, recevez cette âme qui vous aime comme son Créateur et son Sauveur. » Elle aime le bon Dieu ! mon ami, où en sont les marques ? Où sont ses bonnes prières, ses bonnes confessions et ses bonnes communions ? Disons encore mieux, où sont ses pâques ? Taisez-vous, écoutez le démon qui crie qu'elle lui appartient, que depuis longtemps elle s'est donnée à lui. Ils ont changé ; il lui a donné de l'argent, les moyens de se venger, il lui a procuré les occasions de satisfaire ses désirs infâmes ; non, non, mon ami, ne lui parlez plus du ciel. D'ailleurs, elle n'en veut point, elle aime mieux aller brûler dans les abîmes étant toute couverte de crimes, que d'aller au ciel, en présence d'un Dieu si pur.

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