Blog Parousie de Patrick ROBLES (Puget-Théniers, Alpes-Maritimes - FRANCE)
200. 5 Enfin, les prédestinés gardent les voies de la Sainte
Vierge, leur bonne Mère, c'est-à-dire: ils l'imitent, et c'est
en cela qu'ils sont vraiment heureux et dévots, et qu'ils
portent la marque infaillible de leur prédestination, comme
leur dit cette bonne Mère: Beati qui custodiunt vias meas:
c'est-à-dire, bienheureux ceux qui pratiquent mes vertus et
qui marchent sur les traces de ma vie, avec le secours de la
divine grâce. Ils sont heureux dans ce monde, pendant leur
vie, par l'abondance des grâces et des douceurs que je leur
communique de ma plénitude, et plus abondamment qu'aux autres
qui ne m'imitent pas de si près; ils sont heureux dans leur
mort, qui est douce et tranquille, et à laquelle j'assiste
ordinairement, pour les conduire moi-même dans les joies de
l'éternité; enfin, ils seront heureux dans l'éternité, parce
que jamais aucun de mes bons serviteurs, qui a imité mes
vertus pendant sa vie, n'a été perdu.
Les réprouvés, au contraire, sont malheureux pendant leur
vie, à leur mort et dans l'éternité, parce qu'ils n'imitent
point la Très Sainte Vierge dans ses vertus, se contentant de
se mettre quelquefois de ses confréries, de réciter quelques
prières en son honneur ou de faire quelque autre dévotion
extérieure.
O Sainte Vierge, ma bonne Mère, qu'heureux sont ceux, je
le répète avec les transports de mon coeur, qu'heureux sont
ceux et celles qui, ne se laissant point séduire par une
fausse dévotion envers vous, gardent fidèlement vos voies, vos
conseils et vos ordres! Mais que malheureux et maudits sont
ceux qui, abusant de votre dévotion, ne gardent pas les
commandements de votre Fils: Maledicti omnes qui declinant a
mandatis tuis.
[Devoirs charitables que la Saine Vierge rend à ses fidèles
serviteurs]
201. Voici présentement les devoirs charitables que la Sainte
Vierge, comme la meilleure de toutes les mères, rend à ces
fidèles serviteurs, qui se sont donnés à elle de la manière
que j'ai dit, et selon la figure de Jacob.
1. Elle les aime.
Ego diligentes me diligo: J'aime ceux qui m'aiment. Elle
les aime: 1. parce qu'elle est leur Mère véritable: or, une
mère aime toujours son enfant, le fruit de ses entrailles; 2.
elle les aime par reconnaissance, parce qu'effectivement ils
l'aiment comme leur bonne Mère; 3. elle les aime parce
qu'étant prédestinés, Dieu les aime: Jacob dilexi, Esau autem
odio habui, 4. elle les aime parce qu'ils se sont tout
consacrés à elle, et qu'ils sont sa portion et son héritage:
In Israel haereditare.
202. Elle les aime tendrement, et plus tendrement que toutes
les mères ensemble. Mettez, si vous pouvez, tout l'amour
naturel que les mères de tout le monde ont pour leurs enfants,
dans un même coeur d'une mère pour un enfant unique:
certainement cette mère aimera beaucoup cet enfant; cependant,
il est vrai que Marie aime encore plus tendrement ses enfants
que cette mère n'aimerait le sien.
Elle ne les aime pas seulement avec affection, mais avec
efficace. Son amour pour eux est actif et effectif, comme
celui et plus que celui de Rébecca pour Jacob. Voici ce que
cette bonne Mère, dont Rébecca n'était que la figure, fait
pour obtenir à ses enfants la bénédiction du Père céleste:
203. 1 Elle épie, comme Rébecca, les occasions favorables de
leur faire du bien, de les agrandir et enrichir. Comme elle
voit clairement en Dieu tous les biens et tous les maux, les
bonnes et les mauvaises fortunes, elle dispose de loin les
choses pour exempter de toutes sortes de maux ses serviteurs
et les combler de toutes sortes de biens; en sorte que, s'il y
a une bonne fortune à faire en Dieu, par la fidélité d'une
créature à quelque haut emploi, il est sûr que Marie procurera
cette bonne fortune à quelqu'un de ses bons enfants et
serviteurs, et leur donnera la grâce pour en venir à bout avec
fidélité: Ipsa procurat negocia nostra, dit un saint.
204. 2 Elle leur donne de bons conseils, comme Rébecca à
Jacob: Fili mio, acquiesce consiliis meis: Mon fils, suis mes
conseils. Et, entre autres conseils, elle leur inspire de lui
apporter deux chevreaux, c'est-à-dire leur corps et leur âme,
de les lui consacrer pour en faire un ragoût qui soit agréable
à Dieu, et de faire tout ce que Jésus-Christ, son Fils, a
enseigné par ses paroles et ses exemples. Si ce n'est pas par
elle-même qu'elle leur donne ces conseils, c'est par le
ministère des anges, qui n'ont pas de plus grand honneur et
plaisir que d'obéir à quelqu'un de ses commandements pour
descendre sur terre et secourir quelqu'un de ses serviteurs.
205. 3 Quand on lui a apporté et consacré son corps et son
âme et tout ce qui en dépend, sans rien excepter, que fait
cette bonne Mère? Ce que fit autrefois Rébecca aux deux
chevreaux que lui apporta Jacob: 1. elle les tue et fait
mourir à la vie du vieil Adam; 2. elle les écorche et
dépouille de leur peau naturelle, de leurs inclinations
naturelles, de leur amour-propre et propre volonté et de toute
attache à la créature; 3. elle les purifie de leurs taches et
ordures et péchés; 4. elle les apprête au goût de Dieu et à sa
plus grande gloire. Comme il n'y a qu'elle qui sait
parfaitement ce goût divin et cette plus grande gloire du
Très-Haut, il n'y a qu'elle qui, sans se tromper, peut
accommoder et apprêter notre corps et notre âme à ce goût
infiniment relevé et à cette gloire infiniment cachée.
206. 4 Cette bonne Mère, ayant reçu l'offrande parfaite que
nous lui avons faite de nous-mêmes et de nos propres mérites
et satisfactions, par la dévotion dont j'ai parlé, et nous
ayant dépouillés de nos vieux habits, elle nous approprie et
nous rend dignes de paraître devant notre Père céleste. 1.
Elle nous revêt des habits propres, neufs, précieux et
parfumés d'Esaü l'aîné, c'est-à-dire de Jésus-Christ, son
Fils, qu'elle garde dans sa maison, c'est-à-dire qu'elle a
dans sa puissance, étant la trésorière et la dispensatrice
unique et éternelle des mérites et des vertus de son Fils,
Jésus-Christ, qu'elle donne et communique à qui elle veut,
quand elle veut, comme elle veut et autant qu'elle veut, comme
nous avons vu ci-devant. 2. Elle entoure le cou et les mains
de ses serviteurs des peaux de chevreaux tués et écorchés;
c'est-à-dire, elle les orne des mérites et de la valeur de
leurs propres actions. Elle tue et mortifie, à la vérité, tout
ce qu'il y a d'impur et d'imparfait en leurs personnes; mais
elle ne perd et ne dissipe pas tout le bien que la grâce y a
fait; elle le garde et l'augmente pour en faire l'ornement et
la force de leur cou et de leurs mains; c'est-à-dire pour les
fortifier à porter le joug du Seigneur, qui se porte sur le
cou, et opérer de grandes choses pour la gloire de Dieu et le
salut de leurs pauvres frères. 3. Elle donne un nouveau parfum
et une nouvelle grâce à ces habits et ornements en leur
communiquant ses propres habits; ses mérites et ses vertus,
qu'elle leur a légués en mourant, par testament, comme dit un
sainte religieuse du siècle dernier, morte en odeur de
sainteté, et qui l'a su par révélation; en sorte que tous ses
domestiques, ses fidèles serviteurs et esclaves sont
doublement vêtus, des habits de son Fils et des siens propres:
Omnes domestici ejus vestiti sunt duplicibus: c'est pourquoi
ils n'ont rien à craindre du froid de Jésus-Christ, blanc,
comme la neige, que les réprouvés tout nus et dépouillés des
mérites de Jésus-Christ et de la Sainte Vierge ne pourront
soutenir.
207. 5 Elle leur fait enfin obtenir la bénédiction du Père
céleste, quoique, n'étant que les puînés et les enfants
adoptifs, ils ne dussent pas naturellement l'avoir. Avec ces
habits tout neufs, très précieux et de très bonne odeur, et
avec leur corps et leur âme bien préparés et apprêtés, ils
s'approchent en confiance du lit de repos de leur Père
céleste. Il entend et distingue leur voix, qui est celle du
pécheur; il touche leurs mains couvertes de peaux; il sent la
bonne odeur de leurs habits; il mange avec joie de ce que
Marie, leur Mère, lui a apprêté; et reconnaissant en eux les
mérites et la bonne odeur de son Fils et de sa sainte Mère: 1.
il leur donne sa double bénédiction; bénédiction de la rosée
du ciel: De rore coelesti, c'est-à-dire de la grâce divine qui
est semence de la gloire: Benedixit nos omni benedictione
spirituali in Christo Jesu; bénédiction de la graisse de la
terre: De pinguedine terrae, c'est-à-dire que ce bon Père leur
donne leur pain quotidien et une suffisante abondance des
biens de ce monde; 2. il les rend maîtres de leurs autres
frères, les réprouvés: non pas que cette primauté paraisse
toujours dans ce monde qui passe en un instant, où souvent les
réprouvés dominent: Peccatores effabuntur et gloriabuntur.
Vidi impium superexaltatum et elevatum; mais elle est pourtant
véritable, et elle paraîtra manifestement dans l'autre monde,
à toute éternité, où les justes, comme dit le Saint-Esprit,
domineront et commanderont aux mations: Dominabuntur populis.
3. Sa Majesté, non contente de les bénir en leurs personnes et
en leurs biens, bénit encore tous ceux qui les béniront, et
maudit tout ceux qui les maudiront et persécuteront.
[Elle les entretient de tout]
208. Le second devoir de charité que la Sainte Vierge exerce
envers ses fidèles serviteurs, c'est qu'elle les entretient de
tout pour le corps et pour l'âme. Elle leur donne des habits
doublés, comme nous venons de voir; elle leur donne à manger
les mets les plus excellents de la table de Dieu; elle leur
donne à manger le pain de vie, qu'elle a formé; A
generationibus meis implemini: mes chers enfants, leur dit-
elle, sous le nom de la Sagesse, remplissez-vous de mes
générations, c'est-à-dire de Jésus, le fruit de vie, que j'ai
mis au monde pour vous. - Venite, comedite panem meum et
bibite vinum quod miscui vobis; comedite, et bibite, et
inebriamini, carissimi: Venez, leur répète-t-elle en un autre
endroit, manger mon pain, qui est Jésus, et buvez le vin de
son amour, que je vous ai mêlé avec le lait de mes mamelles.
Comme c'est elle qui est la trésorière et la dispensatrice des
dons et des grâces du Très-Haut, elle en donne une bonne
portion, et la meilleure, pour nourrir et entretenir ses
enfants et serviteurs. Ils sont engraissés du pain vivant, ils
sont enivrés du vin qui germe les vierges. Ils sont portés à
la mamelle: Ad ubera portabimini. Ils ont tant de facilité à
porter le joug de Jésus-Christ qu'ils n'en sentent pas la
pesanteur, à cause de l'huile de la dévotion dont elle le fait
pourrir: Jugum eorum putrescere faciet a facie olei.
[3. Elle les conduit et dirige]
209. Le troisième bien que la Sainte Vierge fait à ses fidèles
serviteurs, c'est qu'elle les conduit et dirige selon la
volonté de son Fils. Rébecca conduisait son petit Jacob et lui
donnait de temps en temps de bons avis, soit pour attirer sur
lui la bénédiction de son père, soit pour éviter la haine et
la persécution de son frère Esaü. Marie, qui est l'étoile de
la mer, conduit tous ses fidèles serviteurs à bon port; elle
leur montre les chemins de la vie éternelle; elle leur fait
éviter les pas dangereux; elle les conduit par la main dans
les sentiers de la justice; elle les soutient quand ils sont
prêts de tomber; elle les relève quand ils sont tombés; elle
les reprend, en mère charitable, quand ils manquent; et
quelquefois même, elle les châtie amoureusement. Un enfant
obéissant à Marie, sa mère nourrice et sa directrice
éclairée, peut-il s'égarer dans les chemins de l'éternité?
Ipsam sequens, non devias. En la suivant, dit saint Bernard,
vous ne vous égarez point. Ne craignez pas qu'un véritable
enfant de Marie soit trompé par le malin et tombe en quelque
hérésie formelle. Là où est la conduite de Marie, là ni le
malin esprit avec ses illusions, ni les hérétiques avec leurs
finesses ne se trouvent: Ipsa tenente, non corruis.
[4. Elle les défend et protège]
210. Le quatrième bon office que la Sainte Vierge rend à ses
enfants et fidèles serviteurs, c'est qu'elle les défend et
protège contre leurs ennemis. Rébecca, par ses soins et ses
industries, délivra Jacob de tous les dangers où il se trouva,
et particulièrement de la mort que son frère Esaü lui aurait
apparemment donnée par la haine et l'envie qu'il lui portait,
comme autrefois Caïn à son frère Abel. Marie, la bonne Mère
des prédestinés, les cache sous les ailes de sa protection,
comme une poule ses poussins; elle parle, elle s'abaisse à
eux, elle condescend à toutes leurs faiblesses; elle se met
autour d'eux et les accompagne comme une armée rangée en
bataille: ut castrorum acies ordinata. Un homme entouré d'une
armée bien rangée de cent mille hommes, peut-il craindre ses
ennemis? Un fidèle serviteur de Marie, entouré de sa
protection et de sa puissance impériale, a encore moins à
craindre. Cette bonne Mère et Princesse puissante des cieux
dépêcherait plutôt des bataillons de millions d'anges pour
secourir un de ses serviteurs qu'il ne fût jamais dit qu'un
fidèle serviteur de Marie, qui s'est confié en elle, a
succombé à la malice, au nombre et à la force de ses ennemis.
[5. Elle intercède pour eux]
211. Enfin, le cinquième et le plus grand bien que l'aimable
Marie procure à ses fidèles dévots, c'est qu'elle intercède
pour eux auprès de son Fils, et l'apaise par ses prières, et
elle les unit à lui d'un lien très intime et les y conserve.
Rébecca fit approcher Jacob du lit de son père; et le bon
homme le toucha, l'embrassa, et le baisa même avec joie, étant
content et rassasié des viandes bien apprêtées qu'il lui avait
apportées; et ayant senti avec beaucoup de contentement les
parfums exquis de ses vêtements, il s'écria: Ecce odor filii
mei sicut odor agri pleni, cui benedixit Dominus: Voici
l'odeur de mon fils, qui est comme l'odeur d'un champ plein,
que le Seigneur a béni. Ce champ plein, dont l'odeur charma le
coeur du père, n'est autre que l'odeur des vertus et des
mérites de Marie, qui est un champ plein de grâce, où Dieu le
Père a semé, come un grain de froment des élus, son Fils
unique.
Oh! qu'un enfant parfumé de la bonne odeur de Marie est
bienvenu auprès de Jésus-Christ, qui est le Père du siècle à
venir! Oh! qu'il lui est promptement et parfaitement uni! Nous
l'avons montré plus au long ci-devant. [152-168]
212. De plus, après qu'elle a comblé ses enfants et ses
fidèles serviteurs de ses faveurs, qu'elle leur a obtenu la
bénédiction du Père céleste et l'union avec Jésus-Christ, elle
les conserve en Jésus-Christ, et Jésus-Christ en eux; elle les
garde et elle les veille toujours, de peur qu'ils ne perdent
la grâce de Dieu et ne tombent dans les pièges de leurs
ennemis: In plenitudine sanctos detinet: Elle retient les
saints dans leur plénitude, et les y fait persévérer jusqu'à
la fin, comme nous avons vu. [173-182]
Voilà l'explication de cette grande et ancienne figure de
la prédestination et réprobation, si inconnue et si pleine de
mystères.
[4.] LES EFFETS MERVEILLEUX QUE CETTE DEVOTION PRODUIT DANS
UNE AME QUI Y EST FIDELE.
213. Mon cher frère, soyez persuadé que si vous vous rendez
fidèle aux pratiques intérieures, que je vous marquerai ci-
après: [226-256, 257-265]
[Connaissance et mépris de soi-même]
1 Par la lumière que le Saint-Esprit vous donnera par
Marie, sa chère Epouse, vous connaîtrez votre mauvais fonds,
votre corruption et votre incapacité à tout bien, si Dieu n'en
est le principe comme auteur de la nature ou de la grâce, et,
en suite de cette connaissance, vous vous mépriserez, vous ne
penserez à vous qu'avec horreur. Vous vous regarderez comme un
limaçon qui gâte tout de sa bave, ou comme un crapaud qui
empoisonne tout de son venin, ou comme un serpent malicieux
qui ne cherche qu'à tromper. Enfin l'humble Marie vous fera
part de sa profonde humilité, qui fera que vous vous
mépriserez, vous ne mépriserez personne et vous aimerez le
mépris.
[Participation à la foi de Marie]
214. 2 La Sainte Vierge vous donnera part à sa foi, qui a été
plus grande sur la terre que la foi de tous les patriarches,
les prophètes, les apôtres et tous les saints. Présentement
qu'elle est régnante dans les cieux, elle n'a plus cette foi,
parce qu'elle voit clairement toutes choses en Dieu, par la
lumière de la gloire; mais cependant, avec l'agrément du Très-
Haut, elle ne l'a pas perdue en entrant dans la gloire; elle
l'a gardée pour la garder dans l'Eglise militante à ses plus
fidèles seviteurs et servantes. Plus donc vous gagnerez la
bienveillance de cette auguste Princesse et Vierge fidèle,
plus vous aurez de pure foi dans toute votre conduite: une foi
pure, qui fera que vous ne vous soucierez guère du sensible et
de l'extraordinaire; une foi vive et animée par la charité,
qui fera que vous ne ferez vos actions que par le motif du pur
amour; une foi ferme et inébranlable comme un rocher, qui fera
que vous demeurerez ferme et constant au milieu des orages et
des tourmentes; une foi agissante et perçante, qui, comme un
mystérieux passe-partout, vous donnera entrée dans les
mystères de Jésus-Christ, dans les fins dernières de l'homme
et dans le coeur de Dieu même; une foi courageuse, qui vous
fera entreprendre et venir à bout de grandes choses pour Dieu
et le salut des âmes, sans hésiter; enfin, une foi qui sera
votre flambeau enflammé, votre vie divine, votre trésor caché
de la divine Sagesse, et votre arme toute-puissante dont vous
vous servirez pour éclairer ceux qui sont dans les ténèbres et
l'ombre de la mort, pour embraser ceux qui sont tièdes et qui
ont besoin de l'or embrasé de la charité, pour donner vie à
ceux qui sont morts par le péché, pour toucher et renverser,
par vos paroles douces et puissantes, les coeurs de marbre et
les cèdres du Liban, et enfin pour résister au diable et à
tous les ennemis du salut.
[Grâce du pur amour]
215. 3 Cette Mère de la belle dilection ôtera de votre coeur
tout scrupule et toute crainte servile déréglée: elle
l'ouvrira et l'élargira pour courir dans les commandements de
son Fils, avec la sainte liberté des enfants de Dieu, et pour
y introduire le pur amour, dont elle a le trésor; en sorte que
vous ne vous conduirez plus, tant que vous avez fait, par
crainte à l'égard de Dieu charité, mais par le pur amour. Vous
le regarderez comme votre bon Père, auquel vous tâcherez de
plaire incesamment, avec qui vous converserez confidemment,
comme un enfant avec son bon père. Si vous venez, par malheur,
à l'offenser, vous vous en humilierez aussitôt devant lui,
vous lui en demanderez pardon humblement, vous lui tendrez la
main simplement et vous vous en relèverez amoureusement, sans
trouble ni inquiétude, et continuerez à marcher vers lui sans
découragement.
[Grande confiance en Dieu et en Marie]
216. 4 La Sainte Vierge vous remplira d'une grande confiance
en Dieu et en elle-même: 1 parce que vous n'approcherez plus
de Jésus-Christ par vous-même, mais toujours par cette bonne
Mère; 2 parce que, lui ayant donné tous vos mérites, grâces
et satisfactions, pour en disposer à sa volonté, elle vous
communiquera ses vertus et elle vous revêtira de ses mérites,
en sorte que vous pourrez dire à Dieu avec confiance: Voici
Marie votre servante: qu'il me soit fait selon votre parole:
Ecce ancilla Domini, fiat mihi secundum verbum tuum; 3 parce
que, vous étant donné à elle tout entier, corps et âme, elle
qui est libérale avec les libéraux et plus libérale que les
libéraux mêmes, se donnera à vous par retour d'une manière
merveilleuse, mais véritalble; en sorte que vous pourrez lui
dire hardiment: Tuus sum ego, salvum me fac: Je suis à vous,
Sainte Vierge, sauvez-moi; ou comme j'ai déjà dit, avec le
Disciple bien-aimé: Accepi te in mea: Je vous ai prise, sainte
Mère, pour tous mes biens. Vous pourrez encore dire, avec
saint Bonaventure: Ecce Domina salvatrix mea, fiducialiter
agam, et non timebo, quia fortitudo mea, et laus mea in Domino
es tu...; et en un autre endroit: Tuus totus ego sum, et omnia
mea tua sunt, o Virgo gloriosa, super omnia benedicta; ponam
te ut signaculum super cor meum, quia fortis est ut mors
dilectio tua (S. Bon. In psal. min. B.V.) Ma chère Maîtresse
et salvatrice, j'agirai avec confiance et je ne craindrai
point, parce que vous êtes ma force et ma louange dans le
Seigneur... Je suis tout vôtre, et tout ce que j'ai vous
appartient; ô glorieuse Vierge, bénite par-dessus toutes
choses créées, que je vous mette comme un cachet sur mon
coeur, parce que votre dilection est forte comme la mort! Vous
pourriez dire à Dieu dans les sentiments du Prophète: Domine,
non est exaltatum cor meum, neque elati sunt oculi mei; neque
ambulavi in magnis, neque in mirabilibus super me; si non
humiliter sentiebam, sed exaltavi animam; sicut ablactatus
super matre sua, ita retributio in anima mea: Seigneur, ni mon
coeur, ni mes yeux n'ont aucun sujet de s'élever et de
s'enorgueillir, ni de rechercher les choses grandes et
merveilleuses; et, avec cela, je ne suis pas encore humble,
mais j'ai relevé et encouragé mon âme par la confiance; je
suis comme un enfant sevré des plaisirs de la terre et appuyé
sur le sein de ma mère; et c'est sur ce sein qu'on me comble
de biens. 4 Ce qui augmentera encore votre confiance en elle,
c'est que, lui ayant donné en dépôt tout ce que vous avez de
bon pour le donner ou le garder, vous aurez moins de confiance
en vous et beaucoup plus en elle, qui est votre trésor. Oh!
quelle confiance et quelle consolation pour une âme qui peut
dire que le trésor de Dieu, où il a mis tout ce qu'il a de
plus précieux, est le sien aussi! Ipsa est thesaurus Domini:
Elle est, dit un saint, le trésor du Seigneur.
[Communication de l'âme et de l'esprit de Marie]
217. 5 L'âme de la Sainte Vierge se communiquera à vous pour
glorifier le Seigneur; son esprit entrera en la place du vôtre
pour se réjouir en Dieu, son salutaire, pourvu que vous vous
rendiez fidèle aux pratiques de cette dévotion. Sit in
singulis anima Mariae ut magnificet Dominum; sit in singulis
spiritus Mariae ut exultet in Deo (S. Amb): Que l'âme de Marie
soit en chacun pour y glorifier le Seigneur; que l'eprit de
Marie soit en chacun, pour s'y réjouir en Dieu. Ah! quand
viendra cet heureux temps, dit un saint homme de nos jours qui
était tout perdu en Marie, ah! quand viendra cet heureux temps
où la divine Marie sera établie maîtresse et souveraine dans
les coeurs, pour les soumettre pleinement à l'empire de son
grand et unique Jésus. Quand est-ce que les âmes respireront
autant Marie que les corps respirent l'air? Pour lors, des
choses merveilleuses arriveront dans ces bas lieux, où le
Saint-Esprit, trouvant sa chère Epouse comme reproduite dans
les âmes, y surviendra abondamment et les remplira de ses
dons, et particulièrement du don de sa sagesse, pour opérer
des merveilles de grâces. Mon cher frère, quand viendra ce
temps heureux et ce siècle de Marie, où plusieurs âmes
choisies et obtenues du Très-Haut par Marie, se perdant elles-
mêmes dans l'abîme de son intérieur, deviendront des copies
vivantes de Marie, pour aimer et glorifier Jésus-Christ? Ce
temps ne viendra que quand on connaîtra et on pratiquera la
dévotion que j'enseigne: Ut adveniat regnum tuum, adveniat
regnum Mariae.
[Transformation des âmes en Marie à l'image de Jésus-Christ]
218. 6 Si Marie, qui est l'arbre de vie, est bien cultivée en
votre âme par la fidélité aux pratiques de cette dévotion,
elle portera son fruit en son temps; et ce fruit n'est autre
que Jésus-Christ. Je vois tant de dévots et dévotes qui
cherchent Jésus-Christ, les uns par une voie et une pratique,
les autres par l'autre; et souvent après qu'ils ont beaucoup
travaillé pendant la nuit, ils peuvent dire: Per totam noctem
laborantes, nihil cepimus: Quoique nous ayons travaillé
pendant toute la nuit, nous n'avons rien pris. Et on peut leur
dire: Laborastis multum, et intulistis parum: Vous avez
beaucoup travaillé, et vous avez peu gagné. Jésus-Christ est
encore bien faible chez vous. Mais par la voie immaculée de
Marie et cette pratique divine que j'enseigne, on travaille
pendant le jour, on travaille dans un lieu saint, on travaille
peu. Il n'y a point de nuit en Marie, puisqu'il n'y a point eu
de péché ni même la moindre ombre. Marie est un lieu saint, et
le Saint des saints, où les saints sont formés et moulés.
219. Remarquez, s'il vous plait, que je dis que les saints
sont moulés en Marie. Il y a une grande différence entre faire
une figure en relief, à coups de marteau et de ciseau, et
faire une figure en la jetant en moule: les sculpteurs et
statuaires travaillent beaucoup à faire les figures dans la
première manière, et il leur faut beaucoup de temps; mais à
les faire dans la seconnde manière, ils travaillent peu et les
font en fort peu de temps. Saint Augustin appelle la Sainte
Vierge forma Dei: le moule de Dieu: Si formam Dei te appellem,
digna existis: le moule propre à former et mouler des dieux.
Celui qui est jeté dans ce moule divin est bientôt formé en
Jésus-Christ, et Jésus-Christ en lui: à peu de frais et en peu
de temps, il deviendra dieu, puisqu'il est jeté dans le même
moule qui a formé un Dieu.
220. Il me semble que je puis fort bien comparer des
directeurs et personnes dévotes qui veulent former Jésus-
Christ en soi ou dans les autres par d'autres pratiques que
celle-ci, à des sculpteurs qui, mettant leur confiance dans
leur savoir-faire, leurs industries et leur art, donnent une
infinité de coups de marteau et de ciseau à une pierre dure,
ou une pièce de bois mal polie, pour en faire l'image de
Jésus-Christ; et quelquefois ils ne réussissent pas à exprimer
Jésus-Christ au naturel, soit faute de connaissance et
d'expérience de la personne de Jésus-Christ, soit à cause de
quelque coup mal donné, qui a gâté l'ouvrage. Mais, pour ceux
qui embrassent ce secret de la grâce que je leur présente, je
les compare avec raison à des fondeurs et mouleurs qui, ayant
trouvé le beau moule de Marie, où Jésus-Christ a été
naturellement et divinement formé, sans se fier à leur propre
industrie, mais uniquement à la bonté du moule, se jettent et
se perdent en Marie pour devenir le portrait au naturel de
Jésus-Christ.
221. O la belle et véritable comparaison! Mais qui la
comprendra? Je désire que ce soit vous, mon cher frère. Mais
souvenez-vous qu'on ne jette en moule que ce qui est fondu et
liquide: c'est-à-dire qu'il faut détruire et fondre en vous le
vieil Adam, pour devenir le nouveau en Marie.
[La plus grande gloire de Jésus-Christ]
222. 7 Par cette pratique, bien fidèlement observée, vous
donnerez à Jésus-Christ plus de gloire en un mois de temps que
par aucune autre, quoique plus difficile, en plusieurs années.
- Voici les raisons de ce que j'avance:
1 Parce que, faisant vos actions par la Sainte Vierge,
comme cette pratique enseigne, vous quittez vos propres
intentions et opérations, quoique bonnes et connues, pour vous
perdre, pour ainsi dire, dans celles de la Très Sainte Vierge,
quoiqu'elles vous soient inconnues; et, par là, vous entrez en
participation de la sublimité de ses intentions, qui ont été
si pures, qu'elle a plus donné de gloire à Dieu par la moindre
de ses actions, par exemple en filant sa quenouille, en
faisant un point d'aiguille, qu'un saint Laurent sur son gril,
par son cruel martyre, et même que tous les saints par leurs
actions les plus héroïques: ce qui fait que, pendant son
séjour ici-bas, elle a acquis un comble si ineffable de grâces
et de mérites, qu'on compterait plutôt les étoiles du
firmament, les gouttes d'eau de la mer et les sables du
rivage, que ses mérites et ses grâces, et qu'elle a donné plus
de gloire à Dieu que tous les anges et les saints ne lui ont
donné ni ne lui en donneront. O prodige de Marie! vous n'êtes
capable que de faire des prodiges de grâces dans les âmes qui
veulent bien se perdre en vous.
223. 2 Parce qu'une âme, par cette pratique, ne comptant pour
rien tout ce qu'elle pense ou fait d'elle-même, et ne mettant
son appui et sa complaisance que dans les dispositions de
Marie, pour approcher de Jésus-Christ, et même pour lui
parler, elle pratique beaucoup plus l'humilité que les âmes
qui agissent par elles-mêmes, et qui ont un appui et une
complaisance imperceptible dans leurs dispositions; et, par
conséquent, elle glorifie plus hautement Dieu, qui n'est
parfaitement glorifié que par les humbles et les petits de
coeur.
224. 3 Parce que la Sainte Vierge, voulant bien, par une
grande charité, recevoir en ses mains virginales le présent de
nos actions, elle leur donne une beauté et un éclat admirable;
elle les offre elle-même à Jésus-Christ, et sans difficulté,
que Notre-Seigneur en est plus glorifié que si nous les
offrions par nos mains criminelles. [146-149]
225. 4 Enfin, parce que vous ne pensez jamais à Marie, que
Marie, en votre place, ne pense à Dieu; vous ne louez ni
n'honorez jamais Marie, que Marie avec vous ne loue et
n'honore Dieu. Marie est toute relative à Dieu, et je
l'appellerais fort bien la relation de Dieu, qui n'est que par
rapport à Dieu, ou l'écho de Dieu, qui ne dit et ne répète que
Dieu. Si vous dites Marie, elle dit Dieu. Sainte Elisabeth
loua Marie et l'appela bienheureuse de ce qu'elle avait cru;
Marie, l'écho fidèle de Dieu, entonna: Magnificat anima mea
Dominum: Mon âme glorifie le Seigneur. Ce que Marie a fait en
cette occasion, elle le fait tous les jours; quand on la loue,
on l'aime, on l'honore ou on lui donne, Dieu est loué, Dieu
est aimé, Dieu est honoré, on donne à Dieu par Marie et en
Marie.
[5.] PRATIQUES PARTICULIERES DE CETTE DEVOTION.
Pratiques Extérieures
226. Quoique l'essentiel de cette dévotion consiste dans
l'intérieur, elle ne laisse pas d'avoir plusieurs pratiques
extérieures qu'il ne faut pas négliger: Haec oportuit facere
et illa non omittere, soit parce que les pratiques extérieures
bien faites aident les intérieures, soit parce qu'elles font
ressouvenir l'homme, qui se conduit toujours par les sens, de
ce qu'il a fait ou doit faire; soit parce qu'elles sont
propres à édifier le prochain qui les voit, ce que ne font pas
celles qui sont purement intérieures. Qu'aucun mondain donc,
ni critique, ne mette ici le nez pour dire que la vraie
dévotion est dans le coeur, qu'il faut éviter ce qui est
extérieur, qu'il peut y avoir de la vanité, qu'il faut cacher
sa dévotion, etc. Je leur réponds avec mon Maître: Que les
hommes voient vos bonnes oeuvres, afin qu'ils glorifient votre
Père qui est dans les cieux; non pas, dit saint Grégoire,
qu'on doive faire ses actions et dévotions extérieures pour
plaire aux hommes et en tirer quelque louange, ce serait
vanité; mais on les fait quelquefois devant les hommes, dans
la vue de plaire à Dieu et de le faire glorifier par là, sans
se soucier des mépris ou des louanges des hommes.
Je ne rapporterai qu'en abrégé quelques pratiques
extérieures, que je n'appelle pas extérieures parce qu'on les
fait sans intérieur, mais parce qu'elles ont quelque chose
d'extérieur, pour les distinguer de celles qui sont purement
intérieures.
[Consécration après exercices préparatoires]
227. Première pratique. - Ceux et celles qui voudront entrer
en cette dévotion particulière, qui n'est point érigée en
confrérie, quoiqu'il le fût à souhaiter, après avoir, comme
j'ai [dit] dans la première partie de cette préparation au
Règne de Jésus-Christ, employé douze jours au moins à se vider
de l'esprit du monde contraire à celui de Jésus-Christ,
emploieront trois semaines à se remplir de Jésus-Christ par la
Très Sainte Vierge. Voici l'ordre qu'ils pourront garder:
228. Pendant la première semaine, ils emploieront toutes leurs
oraisons et actions de piété à demander la connaissance d'eux-
mêmes et la contrition de leurs péchés: et ils feront tout en
esprit d'humilité. Pour cela, ils pourront, s'ils veulent,
méditer ce que j'ai dit de notre mauvais fond et ne se
regarder, les six jours de cette semaine, que comme des
escargots, limaçons, crapauds, cochons et serpents et boucs;
ou bien ces trois paroles de saint Bernard: Cogita quid
fueris, semen putridum; quid sis, vas stercorum; quid futurus
sis, esca vermium. Ils prieront Notre-Seigneur et son Saint-
Esprit de les éclairer, par ces paroles: Domine, ut videam; ou
Noverim me; ou Veni, Sancte Spiritus, et diront tous les jours
les litanies du Saint-Esprit et l'oraison qui suit, marqués
dans la première partie de cet ouvrage. Ils auront recours à
la Très Sainte Vierge, et lui demanderont cette grande grâce
qui doit être le fondement des autres, et pour cela ils diront
tous les jours, l'Ave maris stella, et ses litanies.
229. Pendant la seconde semaine, ils s'appliqueront dans
toutes leurs oraisons et oeuvres de chaque journée, à
connaître la Très Sainte Vierge. Ils demanderont cette
connaissance au Saint-Esprit. Ils pourront lire et méditer ce
que nous en avons dit. Ils réciteront, comme la première
semaine, les litanies du Saint-Esprit et l'Ave maris Stella,
et, de plus, un rosaire tous les jours, ou du moins un
chapelet, à cette intention.
230. Ils emploieront la troisième semaine à connaître Jésus-
Christ. Ils pourront lire et méditer ce que nous en avons dit,
et dire l'oraison de saint Augustin, qui est mis vers le
commencement de cette seconde partie. [VD 67] Ils pourront,
avec le même saint, dire et répéter cent et cent fois par
jour: Noverim te: Seigneur, que je vous connaisse! ou bien,
Domine, ut videam: Seigneur, que je voie qui vous êtes! Ils
réciteront, comme aux autres semaines précédentes, les
litanies du Saint-Esprit et l'Ave maris Stella, et ajouteront
tous les jours les litanies [du Saint-Nom] de Jésus.
231. Au bout de ces trois semaines, ils se confesseront et
communieront à l'intention de se donner à Jésus-Christ, en
qualité d'esclaves d'amour, par les mains de Marie. Et, après
la communion, qu'ils tâcheront de faire selon la méthode qui
est ci-après, ils réciteront la formule de leur consécration,
qu'ils trouveront aussi ci-après; il faudra qu'ils l'écrivent
ou la fassent écrire, si elle n'est imprimée, et qu'ils la
signent le même jour qu'ils l'auront faite.
232. Il sera bon que, ce jour, ils payent quelque tribut à
Jésus-Christ et à sa sainte Mère, soit pour pénitence de leur
infidélité passée aux voeux de leur baptême, soit pour
protester de leur dépendance du domaine de Jésus et de Marie.
Or, ce tribut sera selon la dévotion et la capacité d'un
chacun: comme un jeûne, une mortification, une aumône, un
cierge; quand ils ne donneraient qu'une épingle en hommage,
avec un bon coeur, c'en est assez pour Jésus, qui ne regarde
que la bonne volonté.
233. Tous les ans au moins, le même jour, ils renouvelleront
la même consécration, observant les mêmes pratiques pendant
trois semaines.
Ils pourront même, tous les mois et tous les jours,
renouveler tout ce qu'ils ont fait, par ce peu de paroles:
Tuus totus ego sum, et omnia mea tua sunt: Je suis tout à
vous, et tout ce que j'ai vous appartient, ô mon aimable
Jésus, par Marie, votre sainte Mère.
[Récitation de la petite couronne de la Sainte Vierge]
234. Deuxième pratique. - Ils réciteront tous les jours de
leur vie, sans pourtant aucune gêne, la petite couronne de la
Très Sainte Vierge, composée de trois Pater et douze Ave, en
l'honneur des douze privilèges et grandeurs de la Très Sainte
Vierge. Cette pratique est fort ancienne et elle a son
fondement dans l'Ecriture Sainte. Saint Jean vit une femme
couronnée de douze étoiles, revêtue du soleil, et tenant la
lune sous ses pieds, laquelle femme, selon les interprètes,
est la Très Sainte Vierge.
235. Il y a plusieurs manières de la bien dire qu'il serait
trop long de rapporter: le Saint-Esprit les apprendra à ceux
et celles qui seront les plus fidèles à cette dévotion.
Cependant, pour la dire tout simplement, il faut d'abord dire:
Dignare me laudare te, Virgo sacrata; da mihi virtutem contra
hostes tuos; ensuite on dira le Credo, puis un Pater, puis
quatre Ave Maria et un Gloria Patri; encore un Pater, quatre
Ave, un Gloria Patri; ainsi du reste. A la fin, on dit: Sub
tuum praesidium.
[Port de petites chaînes de fer]
236. Troisième pratique. - Il est très louable, et très
glorieux et très utile à ceux et celles qui se seront ainsi
faits les esclaves de Jésus en Marie, qu'ils portent pour
marque de leur esclavage amoureux de petites chaînes de fer
bénites d'une bénédiction propre qui est ci-après.
Ces marques extérieures, à la vérité, ne sont pas
essentielles, et une personne peut fort bien s'en passer,
quoiqu'elle ait embrassé cette dévotion; cependant, je ne puis
m'empêcher de louer beaucoup ceux et celles qui, après avoir
secoué les chaînes honteuses de l'esclavage du diable, où le
péché originel et peut-être les péchés actuels les avaient
engagés, se sont volontairement mis sous le glorieux esclavage
de Jésus-Christ, et se glorifient, avec saint Paul, d'être
dans les chaînes pour Jésus-Christ, chaînes mille fois plus
glorieuses et précieuses, quoique de fer et sans éclat, que
tous les colliers d'or des empereurs.
237. Quoique autrefois il n'y eût rien de plus infâme que la
croix, à présent ce bois ne laisse pas d'être la chose la plus
glorieuse du christianisme. Disons le même des fers de
l'esclavage. Il n'y avait rien de plus ignominieux parmi les
anciens, et même encore à présent parmi les païens; mais,
parmi les chrétiens, il n'y a rien de plus illustre que les
chaînes de Jésus-Christ, parce qu'elles nous délivrent et
préservent des liens infâmes du péché et du démon; parce
qu'elles mettent en liberté, et nous lient à Jésus-Christ et à
Marie, non pas par contrainte et par force, comme des forçats,
mais par charité et amour, comme des enfants: Traham eos in
vinculis caritatis (Osée 4,11): je les attirerai à moi, dit
Dieu par la bouche d'un prophète, par des chaînes de charité,
qui, par conséquent, sont fortes comme la mort, et, en quelque
sorte, plus fortes, en ceux qui seront fidèles à porter
jusqu'à la mort ces marques glorieuses. Car, quoique la mort
détruise leur corps en les réduisant en pourriture, elle ne
détruira point les liens de leur esclavage, qui, étant de fer,
ne se corrompent pas aisément; et peut-être qu'au jour de la
résurrection des corps, au grand jugement dernier, ces
chaînes, qui lieront encore leurs os, feront une partie de
leur gloire, et seront changées en chaînes de lumière et de
gloire. Heureux donc mille fois les esclaves illustres de
Jésus en Marie, qui porteront leurs chaînes jusqu'au tombeau!
238. Voici les raisons pourquoi on porte ces chaînettes:
Premièrement, c'est pour faire ressouvenir le chrétien
des voeux et engagements de son baptême, de la rénovation
parfaite qu'il en a faite par cette dévotion, et de l'étroite
obligation où il est de s'y rendre fidèle. Comme l'homme, qui
se conduit souvent plus par les sens que par la pure foi,
s'oublie facilement de ses obligations envers Dieu, s'il n'a
quelque chose extérieur qui les lui remette en mémoire, ces
petites chaînes servent merveilleusement au chrétien pour le
faire ressouvenir des chaînes du péché et de l'esclavage du
démon, dont le saint baptême l'a délivré, et de la dépendance
de Jésus-Christ qu'il lui a vouée dans le saint baptême, et de
la ratification qu'il en a faite par rénovation de ses voeux;
et une des raisons pourquoi si peu de chrétiens pensent à
leurs voeux du saint baptême, et vivent avec autant de
libertinage que s'ils n'avaient rien promis à Dieu, comme les
païens, c'est qu'ils ne portent aucune marque extérieure qui
les en fasse ressouvenir.
239. Secondement, c'est pour montrer qu'on ne rougit point de
l'esclavage et servitude de Jésus-Christ, et qu'on renonce à
l'esclavage funeste du monde, du péché et du démon.
Troisièmement, c'est pour se garantir et préserver des
chaînes d'iniquité. Car, ou il faut que nous portions des
chaînes d'iniquité, ou des chaînes de charité et de salut:
Vincula peccatorun; in vinculis charitatis.
240. Ah, mon cher frère, brisons les chaînes des péchés et des
pécheurs, du monde et des mondains, du diable et de ses
suppôts, et rejetons loin de nous leur joug funeste:
Dirumpamus vincula eorum et projiciamus a nobis jugum ipsorum.
Mettons nos pieds, pour me servir des termes du Saint-Esprit,
dans ses fers glorieux, et notre cou dans ses colliers: Injice
pedem tuum in compedes illius, et in torques illius collum
tuum (Eccli, 27). Soumettons nos épaules, et portons la
Sagesse, qui est Jésus-Christ, et ne nous ennuyons point de
ses chaînes: Subjice humerum tuum et porta illam, et ne
accedieris vinculis ejus (Eccli 6,25). Vous noterez que le
Saint-Esprit, avant de dire ces paroles, y prépare l'âme, afin
qu'elle ne rejette pas son conseil important. Voici ses
paroles: Audi, fili, et accipe consilium intellectus, et ne
abjicias consilium meum (Eccli 6): Ecoute mon fils, et reçois
un conseil d'entendement, et ne rejette pas mon conseil.
241. Vous voulez bien, mon très cher ami, que je m'unisse au
Saint-Esprit, pour vous donner le même conseil: Vincula illius
aligatura salutis (Eccli,6): ses chaînes sont des chaînes de
salut. Comme Jésus-Christ en croix doit attirer tout à lui,
bon gré mal gré, il attirera les réprouvés par les chaînes de
leurs péchés, pour les enchaîner comme des forçats et des
diables à son ire éternelle et à sa justice vengeresse; mais
il attirera, particulièrement en ces derniers temps, les
prédestinés par des chaînes de charité: Omnia traham ad
meipsum. Traham eos in vinculis charitatis (Osée, 4).
242. Ces esclaves amoureux de Jésus-Christ ou enchaînés de
Jésus-Christ, vincti Christi, peuvent porter leurs chaînes, ou
à leur cou, ou à leurs bras, ou autour de leurs reins, ou à
leurs pieds. Le Père Vincent Caraffa, septième général de la
Compagnie de Jésus, qui mourut en odeur de sainteté l'an 1643,
portait, pour marque de sa servitude, un cercle de fer aux
pieds, et disait que sa douleur était qu'il n'en pouvait pas
traîner publiquement la chaîne. La Mère Agnès de Jésus, dont
nous avons parlé, portait une chaîne de fer autour de ses
reins. Quelques autres l'ont portée au cou, pour pénitence des
colliers de perles qu'elles avaient portés dans le monde.
Quelques-uns l'ont portée à leur bras, pour se faire souvenir,
dans les travaux de leurs mains, qu'ils sont esclaves de
Jésus-Christ.
[Dévotion spéciale au mystère de l'Incarnation]
243. Quatrième pratique. - Ils auront une singulière dévotion
pour le grand mystère de l'Incarnation du Verbe, le 25 de
mars, qui est le propre mystère de cette dévotion, parce que
cette dévotion a été inspirée du Saint-Esprit: 1. pour honorer
et imiter la dépendance ineffable que Dieu le Fils a voulu
avoir de Marie, pour la gloire de Dieu son Père et pour notre
salut, laquelle dépendance paraît particulièrement dans ce
mystère où Jésus-Christ est captif et esclave dans le sein de
la divine Marie, et où il dépend d'elle pour toutes choses; 2.
pour remercier Dieu des grâces incomparables qu'il a faites à
Marie et particulièrement de l'avoir choisie pour sa très
digne Mère, lequel choix a été fait dans ce mystère: ce sont
là les deux principales fins de l'esclavage de Jésus en Marie.
244. Remarquez, s'il vous plait, que je dis ordinairement:
l'esclave de Jésus en Marie, l'esclavage de Jésus en Marie. On
peut, à la vérité, comme plusieurs ont fait jusqu'ici, dire
l'esclave de Marie, l'esclavage de la Sainte Vierge; mais je
crois qu'il vaut mieux qu'on se dise l'esclave de Jésus en
Marie, comme le conseilla Monsieur Tronson, supérieur général
du Séminaire de Saint-Sulpice, renommé pour sa rare prudence
et sa piété consommée, à un ecclésiastique qui le consultait
sur ce sujet: En voici les raisons:
245. 1 Comme nous sommes dans un siècle orgueilleux, où il y
a un grand nombre de savants enflés, d'esprits forts et
critiques, qui trouvent à redire dans les pratiques de piété
les mieux établies et les plus solides, pour ne pas leur
donner une occasion de critique sans nécessité, il vaut mieux
dire l'esclavage de Jésus-Christ en Marie, et se dire
l'esclave de Jésus-Christ que l'esclave de Marie; prenant la
dénomination de cette dévotion, plutôt de sa fin dernière, qui
est Jésus-Christ, que du chemin et du moyen pour arriver à
cette fin, qui est Marie; quoiqu'on puisse, dans la vérité,
faire l'un et l'autre sans scrupule, ainsi que je fais. Par
exemple, un homme qui va d'Orléans à Tours, par le chemin
d'Amboise, peut fort bien dire qu'il va à Amboise et qu'il va
à Tours; qu'il est voyageur d'Amboise et voyageur de Tours;
avec cette différence, cependant, qu'Amboise n'est que sa
route droite pour aller à Tours, et que Tours seul est sa fin
dernière et terme de son voyage.