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Blog Parousie de Patrick ROBLES (Puget-Théniers, Alpes-Maritimes - FRANCE)

Sermons du Saint Curé d'Ars 24

La Cène, Simon Ushakov, 1685

I. - Avant de vous montrer la manière d'entendre la sainte messe, il faut vous dire un mot de ce que l'on entend par le mot de saint sacrifice de la messe. Vous savez que le saint sacrifice de la messe est le même que celui de la croix, qui a été offert une fois sur le Cal-vaire, le vendredi saint. Toute la différence qu'il y a, c'est que, quand Jésus-Christ s'est offert sur le Calvaire, ce sacrifice était visible, c'est-à-dire, qu'on le voyait des yeux du corps ; que Jésus y a été offert à Dieu son Père, par les mains de ses bourreaux, et qu'il y a répandu son sang ; c'est ce que l'on appelle sacrifice sanglant : cela veut dire que le sang sortait de ses veines, et qu'on le vit couler jusqu'à terre. Mais, à la sainte messe, Jésus-Christ s'offre à son Père d'une manière invisible ; c'est-à-dire, que nous ne le voyons que des yeux de l'âme et non de ceux du corps. Voilà, M.F., en abrégé, ce que c'est que le saint sacrifice de la messe. Mais, pour vous donner une idée de la grandeur du mérite de la sainte messe, M.F., il me suffit de vous dire avec saint Jean Chrysostome, que la sainte messe réjouit toute la cour céleste, soulage toutes les pauvres âmes du pur-gatoire, attire sur la terre toutes sortes de bénédictions, et rend plus de gloire à Dieu que toutes les souffrances de tous les martyrs, que les pénitences de tous les solitaires, que toutes les larmes qu'ils ont répandues depuis le commencement du monde et que tout ce qu'ils feront jusqu'à la fin des siècles. Si vous m'en demandez la raison, c'est tout clair : toutes ces actions sont faites par des pécheurs plus ou moins coupables ; tandis que dans le saint sacrifice de la messe, c'est un Homme-Dieu égal à son Père qui lui offre le mérite de sa mort et passion. Vous voyez, d'après cela, M.F., que la sainte messe est d'un prix infini. Aussi, voyons-nous dans l'Évangile que, dans le moment de la mort de Jésus-Christ, il s'opéra beaucoup de conversions : le bon larron y reçut l'assurance du paradis, plusieurs Juifs se convertirent et des Gentils se frappaient la poitrine, en disant qu'il était vraiment le Fils de Dieu. Les morts ressuscitèrent, les rochers se fendirent et la terre trembla.
Oui, M.F., si nous avions le bonheur d'y assister avec de bien bonnes dispositions, quand nous aurions le mal-heur d'être aussi obstinés que les Juifs, plus aveugles que les Gentils, plus durs que les rochers qui se fendi-rent, nous obtiendrions très certainement notre conver-sion. En effet, saint Jean Chrysostome nous dit qu'il n'y a point de temps plus précieux pour traiter avec Dieu de notre salut que celui de la sainte Messe, où Jésus-Christ s'offre lui-même en sacrifice à Dieu son Père, pour nous obtenir toutes sortes de bénédictions et de grâces. « Som-mes-nous dans l'affliction ? dit ce grand saint, nous y trou-vons toutes sortes de consolations. Sommes-nous accablés de tentations ? allons entendre la sainte messe et nous y trouverons la manière de vaincre le démon. » Et, en pas-sant, je vais vous en citer un bel exemple. Il est rapporté par le Pape Pie II, qu'un gentilhomme de la province d'Ostie était continuellement combattu d'une tentation de désespoir qui le portait à se pendre, et il avait été plu-sieurs fois sur le point de le faire. Étant allé trouver un saint religieux pour lui découvrir l'état de son âme et lui demander conseil, le serviteur de Dieu, après l'avoir consolé et fortifié le mieux qu'il put, lui conseilla d'avoir dans sa maison un prêtre qui lui dît tous les jours la sainte Messe. Le gentilhomme lui dit qu'il le ferait volontiers. Dans le même temps, il alla se retirer dans un château qu'il avait ; et tous les jours un saint prêtre lui disait la sainte Messe, à laquelle il assistait aussi dévo-tement qu'il pouvait. Après y avoir demeuré dans une grande tranquillité d'esprit, il arriva que le prêtre le pria de lui permettre d'aller dire la sainte Messe dans le voisinage pour une fête particulière ; ce qu'il lui accorda facilement, dans l'intention d'y aller aussi entendre la sainte Messe. Mais une affaire qui survint l'arrêta insen-siblement jusqu'à midi. Alors, plein de frayeur d'avoir perdu la sainte Messe, ce qui ne lui arrivait jamais, et se sentant déjà tourmenté de son ancienne tentation, il sort de chez lui et rencontre un paysan qui lui demande où il va. « Je vais, répond le gentilhomme, entendre la sainte Messe. » - « Mais, c'est trop tard, lui dit le paysan, elles sont toutes dites. » Ce fut une nouvelle si cruelle pour lui, qu'il se mit à crier. « Hélas ! puisque j'ai perdu la sainte Messe, je suis perdu. » Le paysan, qui le voyait dans cet état et qui aimait bien l'argent, lui dit : « Si vous voulez je vous vendrai la Messe que j'ai entendue et tout le bien que j'en ai retiré. » L'autre sans réfléchir à rien, et si chagrin d'avoir manqué la sainte Messe : « Eh bien ! voilà mon manteau. » Cet homme ne pouvait certainement pas lui vendre la sainte Messe sans commettre un gros péché. S'étant séparés, il ne laisse pas cependant de continuer son chemin pour faire ses prières à l'église et comme il s'en retournait chez lui, après les avoir faites, il trouva ce pauvre paysan avare, pendu à un arbre, dans le même endroit où il avait pris le manteau. Le bon Dieu, en punition de son avarice, permit que la tentation du gentilhomme passât à cet avare. Frappé d'un tel spectacle, ce gentilhomme remer-cia Dieu toute sa vie de l'avoir délivré d'un si grand châ-timent, et ne manqua jamais d'assister à la sainte Messe pour remercier le bon Dieu. A l'heure de la mort, il avoua que depuis qu'il avait eu le bonheur d'assister tous les jours à la sainte Messe, le démon ne l'avait plus tenté de désespoir .
Eh bien ! M.F., saint Jean Chrysostome n'a-t-il pas bien raison de nous dire que si nous sommes tentés il faut entendre dévotement la sainte Messe, et nous som-mes sûrs que le bon Dieu nous délivrera ? Oui, M.F., si nous avions assez de foi, la sainte Messe serait un re-mède pour tous les maux que nous pourrions avoir pen-dant notre vie ; en effet, Jésus-Christ n'est-il pas notre médecin de l'âme et du corps ?...

II. - Nous avons dit que la sainte Messe est le sacrifice du Corps et du Sang de Jésus-Christ, qui n'est offert qu'à Dieu seul, et non aux anges et aux saints. Vous savez que le saint sacrifice de la sainte Messe a été institué le jeudi saint, lorsque Jésus-Christ prit du pain, le changea en son Corps, puis du vin, et le changea en son Sang. Dans le même moment, il donna à ses apôtres et à tous leurs successeurs ce pouvoir, qui est ce que nous appelons le sacrement de l'Ordre. La sainte Messe consiste dans les paroles de la consécration ; et vous savez que les minis-tres de la sainte Messe sont les prêtres et le peuple , qui a le bonheur d'y assister, s'il s'unit à eux ; d'où je conclus, M.F., que la meilleure manière d'entendre la sainte Messe est de s'unir au prêtre dans tout ce qu'il dit, de le suivre dans toutes ses actions, autant qu'on le peut, et de tâcher de se pénétrer des plus vifs sentiments d'amour et de reconnaissance : il faut bien conserver cette méthode.
Nous pouvons distinguer trois parties dans le saint sacrifice de la sainte Messe : la première partie, depuis le commencement jusqu'à l'Offertoire ; la deuxième, depuis l'Offertoire jusqu'à la Consécration ; la troisième, depuis la Consécration jusqu'à la fin. Il faut bien vous faire re-marquer que si nous étions distraits volontairement pen-dant une de ces parties, nous commettrions un péché mortel ; ce qui doit nous porter à bien prendre garde de ne pas laisser aller notre esprit à des choses étran-gères, c'est-à-dire, qui n'ont pas rapport au saint sacrifice de la Messe. Je dis, M.F., que, depuis le commence-ment jusqu'à l'Offertoire, nous devons nous comporter comme des pénitents qui sont pénétrés de la plus vive douleur de leurs péchés. Depuis l'Offertoire jusqu'à la consécration, nous devons nous conduire comme des ministres qui doivent offrir Jésus-Christ à Dieu son Père, et lui faire le sacrifice de tout ce que nous sommes c'est-à-dire, lui offrir nos corps, nos âmes, nos biens, notre vie, et même notre éternité. Depuis la Consécra-tion, nous devons nous regarder comme des personnes qui doivent participer au Corps adorable et au Sang pré-cieux de Jésus-Christ : et il faut, par conséquent, faire tous nos efforts pour nous rendre dignes de ce bonheur.
Pour mieux, M.F., vous le faire comprendre, je vais vous proposer trois exemples tirés de la sainte Écriture, qui vont vous montrer la manière dont vous devez en-tendre la sainte Messe : c'est-à-dire, de quoi vous devez vous occuper pendant ce moment heureux pour celui qui a le bonheur de le bien comprendre. Le premier, c'est celui du publicain, qui vous apprendra ce que vous devez faire au commencement de la sainte Messe. Le deuxième est celui du bon larron, qui vous apprendra comment vous devez vous comporter pendant la Consé-cration. Le troisième, le centenier, qui vous guidera pendant la sainte Communion.
Nous disons 1° que le publicain nous apprendra com-ment nous devons nous conduire au commencement de la sainte Messe, qui est une action si agréable à Dieu et si puissante pour nous obtenir toutes sortes de grâces. Nous ne devons donc pas attendre d'être à l'église pour nous y préparer. Non, M.F., non, un bon chrétien commence à se préparer en s'éveillant, en ne laissant occuper son esprit de rien qui n'ait rapport à ce bonheur. Nous devons nous représenter Jésus-Christ au jardin des Olives, qui, prosterné la face contre terre, se prépare au sacrifice sanglant qu'il va endurer sur le Calvaire, et de la grandeur de sa charité, qui va lui faire subir le châtiment que nous devrions subir pendant l'éternité. Il faut y venir à jeûn, autant que nous le pou-vons ; ce qui est très agréable au bon Dieu. Dans les commencements de l'Église, tous les chrétiens y allaient à jeûn . Il faut, la matinée, ne jamais vous laisser occuper l'esprit à vos affaires temporelles, vous rappe-lant qu'ayant travaillé toute la semaine pour votre corps, il est bien juste que vous donniez cette journée aux soins de votre âme, et à demander au bon Dieu par-don de vos péchés. Lorsque vous venez à l'église, ne faites point de conversation ; pensez que vous suivez Jésus-Christ portant sa croix au Calvaire et qu'il va mourir pour vous sauver. Il faut avoir toujours un moment, avant la sainte Messe, pour se recueillir un peu ; pour gémir sur ses péchés et en demander pardon au bon Dieu ; pour examiner les grâces qui nous sont les plus nécessaires, afin de les lui demander pendant la Messe ; et bien prendre garde de ne jamais manquer ni l'eau bénite, ni la Passion , ni les processions , parce que ce sont de saintes actions qui vous préparent à bien entendre la Messe.
Lorsque vous entrez dans l'église, pénétrez-vous de la grandeur de votre bonheur par un acte de la foi la plus vive, et un acte de contrition sur vos péchés, qui vous rendent indignes d'approcher d'un Dieu si saint et si grand. Pensez, en ce moment, aux dispositions du publicain, lorsqu'il entra dans le temple pour offrir à Dieu le sacrifice de sa prière. Écoutez saint Luc : « Le publicain, nous dit-il, se tenait au bas du temple, bais-sant les yeux contre terre, n'osant regarder l'autel et se frappant la poitrine en disant à Dieu : Ayez pitié de moi, Seigneur, parce que je suis un grand pécheur . » Vous voyez donc, M.F., qu'il ne faisait pas comme ces chrétiens qui entrent dans nos églises avec un air fier et arrogant, « qui semblent vouloir s'approcher de Dieu, nous dit le prophète Isaïe, comme des personnes qui n'ont rien sur la conscience qui puisse les humilier devant leur Créateur . » En effet, si vous voulez prendre la peine de voir entrer ces chrétiens, qui ont peut-être plus de péchés sur leur conscience qu'ils n'ont de cheveux sur la tête ; vous les voyez, dis-je, entrer avec un air de dédain, ou plutôt, avec une espèce de mépris de la présence de Dieu. Ils prennent de l'eau bénite à peu près comme ils prennent un bassin d'eau pour se laver les mains en venant de travailler ; ils le font, pour la plupart, sans dévotion et sans penser que l'eau bénite, prise avec bien du respect, efface les péchés vé-niels et nous dispose à bien entendre la sainte Messe. Voyez notre publicain, qui, se croyant indigne d'entrer dans le temple, va se placer dans l'endroit le moins appa-rent qu'il peut trouver ; il est tellement confus à la vue de ses péchés, qu'il n'ose pas même lever les yeux au ciel. Il est donc bien éloigné de ces chrétiens de nom, qui ne sont jamais assez bien placés, qui se mettent seulement à genoux sur une chaise, qui baissent à peine la tête pendant l'élévation, qui s'étendent sur une chaise ou se croisent les jambes. Nous ne disons rien de ces gens qui ne devraient venir à l'église que pour y pleurer leurs péchés, et qui n'y viennent que pour insulter un Dieu humilié et méprisé, par leurs vains étalages de vanité ; dans l'intention d'y attirer les yeux du monde ; et d'autres, pour y entretenir le feu de leurs passions criminelles. O mon Dieu ! avec de telles dispositions peut-on bien oser venir assister à la sainte Messe ? « Mais notre publicain, nous dit saint Augustin, frappe son cœur, pour montrer à Dieu le regret qu'il ressent de l'avoir offensé . » Hélas ! M.F., si les chrétiens avaient le bonheur d'assister à la sainte Messe avec les mêmes dispositions que le publicain, que de grâces, que de biens nous obtiendrions ! Nous sortirions aussi chargés des biens du ciel que les abeilles après avoir trouvé plus de fleurs qu'elles n'en voulaient ! Oh ! si le bon Dieu nous faisait la grâce qu'au commencement de la sainte Messe nous soyons bien pénétrés de la gran-deur de Jésus-Christ devant qui nous paraissons et du poids de nos péchés, que nous aurions bientôt obtenu le pardon de nos péchés et la grâce de persévérer !
Nous devons surtout nous tenir dans de grands sen-timents d'humilité pendant la sainte Messe ; c'est ce que le prêtre doit nous inspirer lorsqu'il descend de l'autel pour dire le Confiteor en s'inclinant profondément, lui qui, tenant la place de Jésus-Christ même, semble se charger de tous les péchés de ses paroissiens. Hélas ! si le bon Dieu nous faisait une fois bien comprendre ce que c'est que la sainte Messe, que de grâces, que de biens nous n'avons pas et que nous aurions ! Que de dangers, dont nous serions préservés si nous avions une grande dévotion à la sainte Messe ! Pour vous le prouver, M.F., je vais vous citer un bel exemple, qui vous mon-trera que le bon Dieu protège d'une manière visible ceux qui ont le bonheur d'y assister avec dévotion.
Nous lisons dans l'histoire, que sainte Élisabeth, reine de Portugal, et nièce de sainte Élisabeth, reine de Hon-grie, était si charitable envers les pauvres que, quoi-qu'elle eût ordonné à son aumônier de ne jamais rien leur refuser, elle faisait encore de continuelles aumônes de ses propres mains ou par celles de ses domestiques. Elle se servait ordinairement d'un page, dont elle avait reconnu la grande piété ; ce que voyant, un autre page en fut jaloux. II alla un jour trouver le roi, et lui dit qu'un tel page avait un commerce criminel avec la reine. Le roi, sans rien examiner, résolut de suite de se défaire de ce page le plus secrètement possible. Un moment après, s'étant trouvé de passer dans un endroit où l'on faisait cuire de la chaux, il fit appeler les gens qui avaient soin d'entretenir le feu du fourneau, et leur dit que, le lendemain au matin, il leur enverrait un page dont il était mécontent, qui leur demanderait s'ils avaient exécuté les ordres du roi ; qu'ils ne manquassent pas de le prendre et de le jeter aussitôt dans le feu. Après cela, il s'en retourna et commanda au page de la reine d'aller le lendemain, de bonne heure, faire cette commission. Mais, vous allez voir que le bon Dieu n'abandonne ja-mais ceux qui l'aiment. Le bon Dieu permit qu'il passât auprès d'une église pour aller faire sa commission, et que, dans ce moment, il entendît qu'on sonnait l'éléva-tion. Il entre pour adorer Jésus-Christ et entend le reste de la Messe. Une autre commence, il l'entend ; une troi-sième commence après la deuxième finie, il l'entend encore. Cependant le roi, impatient de savoir si l'on avait exécuté ses ordres, envoie son page pour leur demander s'ils avaient fait ce qu'il leur avait commandé. Croyant que c'était le premier, ils le prennent et le jettent dans le feu. L'autre, qui, pendant ce temps-là, avait achevé ses dévotions, va faire sa commission, en leur disant s'ils avaient fait ce que le roi leur avait ordonné. Ils lui répondirent que oui. Il retourna rendre réponse au roi, qui fut fort étonné de le voir revenir. Tout en fureur de ce qu'il en était arrivé tout au con-traire de ce qu'il espérait, le roi lui demanda où il était resté si longtemps ?... Le page lui dit que, passant près d'une église pour aller où il lui avait ordonné, il avait entendu la clochette de l'Élévation, que cela l'avait obligé d'entrer, qu'il y était demeuré jusqu'à la fin de la Messe, et, qu'une autre Messe ayant ensuite commencé avant que celle-là finît et enfin une troisième, il les avait toutes entendues ; parce que son père, avant de mourir, après lui avoir donné sa bénédiction, lui avait bien recom-mandé de ne jamais quitter une Messe commencée sans attendre qu'elle fût finie : que cela nous attirait beau-coup de grâces et nous garantissait de bien des malheurs. Alors le roi, rentrant en lui-même, comprit bien que cela n'était arrivé que par un juste jugement de Dieu ; que la reine était innocente et le page, un saint ; que l'autre n'avait fait cela que par envie. Vous voyez, M.F., que ce pauvre jeune homme aurait été brûlé sans sa dévotion, et que le bon Dieu lui inspira d'entrer dans l'église pour le garantir de la mort ; tandis que l'autre, qui n'avait pas de dévotion pour Jésus-Christ dans le sacrement adorable de l'Eucharistie, fut jeté dans le feu.
Saint Thomas nous dit qu'il vit un jour pendant la sainte Messe, Jésus-Christ, les mains pleines de trésors qu'il cherchait à distribuer, et que, si nous avions le bonheur d'assister saintement et souvent à la sainte Messe, nous aurions beaucoup plus de grâces que nous n'en avons, pour sauver nos âmes, et même pour le temporel.
2° En second lieu, nous avons dit que le bon larron nous instruirait de la manière de nous conduire pendant le temps de la Consécration et de l'Élévation de la sainte Hostie, qui est le temps où nous devons nous offrir à Dieu avec Jésus-Christ, comme étant ceux qui doivent participer à cet auguste mystère. Voyez, M.F., com-ment cet heureux pénitent se comporte dans le temps même de son supplice ; voyez-vous comment il ouvre les yeux de l'âme pour reconnaître son libérateur ? Mais aussi, M.F., quel progrès ne fait-il pas, pendant les trois heures qu'il se trouve en la compagnie de son Sauveur mourant ? Il est attaché à la croix, il ne lui reste plus que son cœur et sa langue de libre, voyez avec quel empressement il offre à Jésus-Christ l'un et l'autre : il lui donne tout ce qu'il peut lui donner, il lui consacre son cœur par la foi et par l'espérance, il lui demande humblement une place en paradis, c'est-à-dire, dans son royaume éternel. Il lui consacre sa langue en publiant son innocence et sa sainteté. Il dit à son compagnon de supplice : « Il est juste que nous souffrions ; mais, pour lui, il est innocent . » Dans le temps que les autres ne s'occupent qu'à outrager Jésus-Christ par les blas-phèmes les plus horribles, il devient son panégyriste ; pendant que ses disciples même l'abandonnent, il prend son parti ; et sa charité est si grande, qu'il fait tous ses efforts pour porter l'autre à se convertir. Non, M.F., ne soyons nullement étonnés si nous découvrons tant de vertu dans ce bon larron, parce qu'il n'y a rien de si capable de nous toucher que la vue de Jésus-Christ mourant ; il n'y a point de moment où la grâce nous soit donnée avec tant d'abondance, et cependant nous en sommes témoins tous les jours. Hélas ! M.F., si, dans ce moment heureux de la Consécration, nous avions le bonheur d'être animés d'une foi vive, une seule Messe suffirait pour nous arracher de quelques mauvais vices où nous serions, et pour faire de nous de vrais pénitents, c'est-à-dire, de parfaits chrétiens.
Pourquoi est-ce donc, me direz-vous, que nous assis-tons à tant de messes et que nous sommes toujours les mêmes ? Hélas ! M.F., c'est que nous y sommes pré-sents de corps et que notre esprit n'y est nullement, et que nous y venons plutôt achever notre réprobation par les mauvaises dispositions avec lesquelles nous y assis-tons. Hélas ! que de messes mal entendues, qui, bien loin d'assurer notre salut, nous endurcissent davantage ! Jésus-Christ étant apparu à sainte Mechtilde, lui dit : -« Sache, ma fille, que les saints assisteront à la mort de tous ceux qui auront entendu dévotement la sainte Messe, pour les aider à bien mourir, pour les défendre contre les tentations du démon et pour présenter leurs âmes à mon Père. » Quel bonheur pour nous, M.F., d'être assistés, dans ce moment redoutable, par autant de saints que nous aurons entendu de saintes Messes !...
Non, M.F., ne craignons jamais que la sainte Messe nous retarde dans nos affaires temporelles ; c'est bien tout le contraire : nous sommes sûrs que tout ira mieux, et que même nos affaires nous réussiront mieux que si nous avons le malheur de ne pas y assister. En voici un exemple admirable. Il est rapporté de deux artisans, qui étaient du même métier et qui demeu-raient dans un même bourg, que l'un d'eux, étant chargé d'une grande quantité d'enfants, ne manquait jamais d'entendre tous les jours la sainte Messe et vivait très commodément dans son métier ; mais l'autre, au contraire, qui n'avait point d'enfants, travaillait une partie de la nuit et tout le jour, et souvent le saint jour de dimanche, encore avait-il toutes les peines du monde à vivre. Celui-ci, qui voyait les affaires de l'autre si bien lui réussir, lui demanda, un jour qu'il le rencontra, où il pouvait prendre de quoi entretenir si bien une famille si grande que la sienne ; tandis que lui, qui n'avait que lui et sa femme, et qui travaillait sans cesse, était sou-vent dépourvu de toutes choses. L'autre lui répondit que, s'il voulait, il lui montrerait le lendemain, d'où il tenait tout son profit. L'autre, bien content d'une si bonne nouvelle, ne voyait que l'heure d'arriver au lendemain, qui lui devait apprendre à faire sa fortune. En effet, l'autre ne manqua pas d'aller le prendre. Le voilà qui part de bon cœur et le suit avec bien de la fidélité. L'autre le conduisit jusqu'à l'église, où ils entendirent la sainte Messe. Après qu'ils furent retour-nés : « Mon ami, lui dit celui qui était bien à son aise, retournez à votre travail. » Il en fit autant le lendemain ; mais, l'étant allé prendre une troisième fois pour la même chose : « Comment, lui dit l'autre ? Si je veux aller à la Messe, je sais le chemin sans que vous preniez la peine de venir me chercher ; ce n'est pas ce que je voulais savoir ; mais le lieu où vous trouvez tout ce bien qui vous fait vivre si bien à votre aise ; je voulais voir si, faisant comme vous, je pourrais y trouver mon compte. - Mon ami, lui répondit l'autre, je ne sais point d'autre lieu que celui de l'église, et pas d'autre moyen que d'entendre tous les jours la sainte Messe ; et pour moi, je vous assure que je n'ai point employé d'autres moyens pour avoir tout le bien qui vous étonne. Mais, n'avez-vous pas vu ce que Jésus-Christ nous dit dans l'Évangile, de chercher première-ment le royaume des cieux, et que tout le reste nous sera donné. » Ces paroles firent comprendre à cet homme le dessein de l'autre en le menant à la sainte Messe. « Eh bien ! lui dit-il, vous avez raison : celui qui ne compte que sur son travail est un aveugle, et je vois que jamais la sainte Messe n'appauvrira personne. Vous en êtes une preuve bien grande. Je veux faire comme vous, et j'espère que le bon Dieu me bénira. »
En effet, le lendemain, il commença et continua toute sa vie ; et, en peu de temps, il fut fort à son aise. Quand on lui demandait d'où venait que, maintenant, il ne travaillait plus les dimanches ni la nuit, comme autrefois ; qu'il allait tous les jours à la Messe et qu'il devenait plus riche ; il disait : « J'ai suivi le conseil de mon voisin ; allez le trouver et il vous apprendra à être bien sans travailler davantage, mais en entendant la Messe tous les jours. »
Cela vous étonne peut-être, M.F. ? pas moi. C'est ce que nous voyons tous les jours dans les maisons où il y a de la piété : ceux qui viennent souvent à la sainte Messe, font beaucoup mieux leurs affaires que ceux auxquels leur peu de foi fait croire qu'ils n'ont jamais le temps. Hélas ! si nous avions mis toute notre con-fiance en Dieu, et ne comptions rien sur notre travail, que nous serions plus heureux que nous ne sommes ! - Mais, me direz-vous, si nous n'avons rien, l'on ne nous donne rien. - Que voulez-vous que le bon Dieu vous donne, quand vous ne comptez que sur votre travail et pour rien sur lui ? Puisque vous ne vous donnez pas seulement le temps de faire vos prières le matin ni le soir, et que vous vous contentez de venir une fois la semaine à la sainte Messe. Hélas ! vous ne connaissez pas les ressources de la providence du bon Dieu pour celui qui se confie en lui. En voulez-vous une preuve bien frappante ? elle est devant vos yeux ; jetez les yeux sur votre pasteur et examinez cela devant le bon Dieu. - Oh ! me direz-vous, c'est parce que l'on vous donne. - Mais qui me donne, sinon la providence du bon Dieu ? voilà où sont mes trésors, et pas ailleurs. Hélas ! que l'homme est aveugle de tant se tourmenter pour se damner et être bien malheureux en ce monde ! Si vous aviez le bonheur de bien penser à votre salut et d'assister à la sainte Messe, autant que vous le pouvez, vous verriez bientôt la preuve de ce que je vous dis.
Non, M.F., point de moment plus précieux pour demander à Dieu notre conversion, que celui de la sainte Messe ; vous allez le voir. Un saint ermite nommé Paul, vit un jeune homme fort bien habillé qui entrait dans une église, une quantité de démons l'ac-compagnaient ; mais après la sainte Messe, il vit sortir le jeune homme accompagné d'une troupe d'anges qui marchaient à ses côtés. « O mon Dieu, s'écria le saint, qu'il faut que la sainte Messe vous soit agréable ! » Le saint concile de Trente nous dit que la sainte Messe apaise la colère de Dieu, convertit le pécheur, réjouit le ciel, soulage les âmes du purgatoire, rend gloire au bon Dieu et attire toutes sortes de bénédictions sur la terre . Oh ! M.F., si nous pouvions bien comprendre ce que c'est que le saint sacrifice de la sainte Messe, avec quel respect n'y serions-nous pas ?...
Le saint abbé Nilus nous rapporte que son maître saint Jean Chrysostome lui avait dit un jour, en confi-dence, qu'il voyait, pendant la sainte Messe, une troupe d'anges qui descendaient du ciel pour adorer Jésus-Christ sur l'autel, et que plusieurs allaient dans l'église pour inspirer aux fidèles le respect et l'amour qu'ils doivent avoir pour Jésus-Christ présent sur l'autel. Moment précieux, moment heureux pour nous, M.F., que celui où Jésus-Christ est présent sur nos autels ! Hélas ! si les pères et mères le comprenaient bien et qu'ils sussent en profiter, leurs enfants ne seraient pas si misérables, si éloignés du chemin du ciel. Mon Dieu, que de gens pauvres auprès d'un si grand trésor !
3° Nous avons dit que le centenier nous servirait d'exemple quand nous avons le bonheur de communier, ou spirituellement ou corporellement. Je dis que nous devons communier spirituellement par un grand désir de nous unir à Jésus-Christ . L'exemple de ce cente-nier est si admirable, qu'il semble que l'Église prenne plaisir à nous le remettre devant les yeux, chaque jour, à la sainte Messe. « Seigneur, lui dit cet humble servi-teur, je ne suis pas digne que vous veniez dans ma mai-son, mais dites seulement une parole, et mon serviteur sera guéri . » Ah ! si le bon Dieu voyait en nous cette même humilité, cette même connaissance de notre néant, avec quel plaisir et avec quelle abondance de grâces ne viendrait-il pas dans notre cœur ? Que de force et de courage pour vaincre l'ennemi de notre salut ! Voulons-nous, M.F., obtenir notre changement de vie : c'est-à-dire, quitter le péché pour revenir au bon Dieu ? Entendons quelques messes à cette intention, et nous sommes sûrs, si nous les entendons dévotement, que le bon Dieu nous aidera à sortir du péché ; en voici un exemple. Il est rapporté dans l'histoire qu'une jeune fille, pendant plusieurs années, menait une vie bien misérable avec un jeune homme. Tout, par une fois, elle se sentit frappée de frayeur, en considérant l'état où pouvait être sa pauvre âme, en menant la vie qu'elle menait. De suite, après la sainte Messe, elle va trouver un prêtre pour le prier de l'aider à sortir du péché. Le prêtre, qui connaissait sa vie, lui demanda ce qui l'avait portée à un tel changement. « Mon père, lui dit-elle, pendant la sainte Messe, que ma mère, avant de mou-rir, me fit promettre d'entendre tous les samedis, j'ai conçu une si grande horreur de mon état, que je ne puis plus y tenir. » - « O mon Dieu ! s'écrie le saint prêtre, voilà une âme sauvée par le mérite de la sainte Messe ! »
Ah ! M.F., que d'âmes sortiraient du péché, si elles avaient le bonheur d'entendre la sainte Messe avec de bonnes dispositions ! Ne soyons pas étonnés si le démon nous met dans la tête tant de pensées étrangères. Hélas c'est qu'il prévoit, bien mieux que vous, la perte que vous faites, en y assistant avec si peu de respect et de dévotion. Ah ! M.F., combien la sainte Messe nous pré-serve d'accidents et de morts subites ! Combien de personnes que, pour une sainte Messe qu'elles auront entendue, le bon Dieu garantira du malheur ! Saint Antonin nous en rapporte un bel exemple. Il nous dit qu'un jour de fête, il y avait deux jeunes gens qui étaient allés faire une partie de chasse : l'un avait entendu la sainte Messe, mais pas l'autre. Étant en che-min, le temps devint noir ; ils entendaient les tonnerres les plus épouvantables, et ils voyaient des éclairs si mul-tipliés, qu'il leur semblait que le ciel fût en feu. Mais ce qui les effrayait encore plus, c'est que, parmi toutes ces foudres, ils entendaient à chaque instant une voix qui semblait être en l'air et qui criait : « Frappez ces mal-heureux, frappez-les ! » Mais le temps s'étant un peu calmé, ils commencèrent à se rassurer. Continuant leur chemin, tout à coup il vint un coup de tonnerre qui moulut celui qui n'avait pas entendu la sainte Messe. L'autre fut saisi d'une si grande frayeur, qu'il ne savait s'il devait aller plus loin ou tomber par terre. Comme il était dans cette frayeur, il entendit la voix qui criait : « Frappez, frappez le malheureux ! » ce qui redoublait d'autant plus sa frayeur, qu'il venait de voir écraser à ses pieds son compagnon. « Frappez, frappez encore celui-ci ! » Se croyant perdu, il entendit une autre voix qui dit : « Non, ne le frappez pas, il a entendu la sainte Messe ce matin. » De sorte que ce fut la sainte Messe qu'il avait entendue avant de partir, qui le préserva d'une mort si épouvantable. Voyez-vous M.F., com-bien le bon Dieu nous accorde de grâces et nous pré-serve de malheurs, quand nous avons le bonheur d'en-tendre la sainte Messe comme il faut ? Hélas ! à quels châtiments doivent s'attendre ceux qui ne font point difficulté d'y manquer le dimanche ! D'abord ce qu'il y a de visible, c'est qu'ils périssent presque tous misérable-ment ; leurs biens vont en décadence, la foi abandonne leur cœur, et, par là, ils sont doublement malheureux Mon Dieu ! que l'homme est aveugle sous tous les rap-ports, pour l'âme et pour le corps !

III. - La plupart des gens du monde n'entendent la sainte Messe qu'en pharisiens, en mauvais larron, en Judas. Nous avons dit que la sainte Messe est le sou-venir de la mort de Jésus-Christ sur le Calvaire ; c'est pourquoi Jésus-Christ veut que toutes les fois que nous célébrons le saint sacrifice de la Messe, nous le fassions en mémoire de lui. Cependant, nous pouvons dire en gémissant que, pendant que nous renouvelons le sou-venir des souffrances de Jésus-Christ, plusieurs des assistants renouvellent le crime des Juifs et des bour-reaux qui l'attachèrent à la croix. Mais, pour mieux vous faire connaître si vous avez le malheur d'être du nombre de ceux qui déshonorent de la sorte nos saints mystères, je vais vous faire remarquer, M.F., que parmi ceux qui furent témoins de la mort de Jésus-Christ sur la croix, il y en avait de trois sortes : les uns ne faisaient que passer devant la croix, sans s'arrêter et sans entrer dans les sentiments d'une véritable douleur, plus insen-sibles que les créatures les plus inanimées. D'autres s'approchaient du lieu du supplice et considéraient toutes les circonstances de la passion de Jésus-Christ ; mais ce n'était que pour s'en moquer, en faire un sujet de raillerie et l'outrager par les blasphèmes les plus horribles. Enfin, un petit nombre versait des larmes amères de voir exercer tant de cruautés sur le corps de leur Dieu et de leur Sauveur. Voyez à présent du nombre desquels vous êtes. Je ne parlerai pas de ceux qui courent entendre une Messe à la hâte dans une paroisse où ils ont quelque affaire, ni de ceux qui n'y viennent que la moitié du temps ; qui, pendant ce temps, vont trouver un voisin pour boire une bouteille ; laissons--les de côté, parce que ce sont des personnes qui vivent comme si elles étaient sûres de n'avoir point d'âme à sauver ; elles ont perdu la foi, et, par là, tout est perdu. Mais parlons seulement de ceux qui y viennent ordinai-rement.
Je dis 1° que plusieurs n'y viennent que pour voir et être vus, avec un air tout dissipé, comme vous iriez dans un marché, dans une foire et, si j'ose le dire, dans un bal. Vous vous y tenez sans modestie. : à peine mettez-vous les deux genoux par terre pendant l'Élé-vation ou la Communion. Y priez-vous, M.F.... ? Hélas ! non ; c'est que la foi vous manque. Dites-moi, quand vous allez chez quelques personnes qui sont au-dessus de vous, pour leur demander quelque grâce, vous en êtes occupés tout le long du chemin ; vous entrez avec modestie, vous leur faites un profond salut, vous vous tenez découverts devant elles, vous ne pensez pas même à vous asseoir ; vous avez les yeux baissés, vous ne pensez qu'à la manière de bien vous exprimer et dans les termes les plus hauts. Si vous leur manquez, vous vous excusez vite sur votre peu d'éducation... Si ces personnes vous reçoivent avec bonté, vous sentez la joie naître dans votre cœur. Eh bien ! dites-moi, M.F., cela ne doit-il pas vous confondre, voyant que vous prenez tant de précaution pour quelque bien tem-porel ? tandis que vous venez à l'église avec une espèce de dédain, de mépris, devant un Dieu qui est mort pour nous sauver, et qui répand chaque jour son sang pour vous obtenir grâce auprès de son Père. Quel affront, M.F., n'est-ce pas pour Jésus-Christ, de se voir insulté par de viles créatures ? Hélas ! combien qui, pen-dant la sainte messe, commettent plus de péchés que pendant toute la semaine. Les uns ne pensent pas seu-lement au bon Dieu, d'autres parlent, tandis que leur cœur et leur esprit se noient les uns, dans l'orgueil ou le désir de plaire, les autres, dans l'impureté. O grand Dieu ! se peut-il qu'ils osent nommer Jésus-Christ, qui, auprès d'eux, est si saint et si pur !... Combien d'autres laissent entrer et sortir toutes les pensées et les désirs que le démon veut bien leur donner. Combien ne font point de difficulté de regarder, de tourner la tête, de rire et de causer, de dormir comme dans leur lit, et peut-être, encore bien mieux. Hélas ! que de chrétiens qui sortent de l'église avec peut-être plus de trente et cinquante péchés mortels de plus que quand ils y sont entrés !
Mais, me direz-vous, il vaut bien mieux ne pas y assister. - Savez-vous ce qu'il faut faire ?... Y assister et y assister bien comme il faut, en faisant trois sacri-fices à Dieu, je veux dire : celui de votre corps, de votre esprit et de votre cœur. Je dis : notre corps, qui doit honorer Jésus-Christ par une modestie religieuse. Notre esprit ; en entendant la sainte Messe, doit se pénétrer de notre néant et de notre indignité ; évitant toutes sortes de dissipations, repoussant loin de lui les distractions. Nous lui devons consacrer notre cœur, qui est l'offrande qui lui est la plus agréable, puisque c'est notre cœur qu'il nous demande avec tant d'instance : « Mon fils, nous dit-il, donne-moi ton cœur . »
Concluons, M.F., en disant combien nous sommes malheureux lorsque nous entendons mal la sainte Messe, puisque nous trouvons notre réprobation là où les autres trouvent leur salut. Fasse le ciel, que toutes les fois que nous pourrons, nous assistions à la sainte Messe, puisque les grâces y sont si abondantes ; et que nous y apportions toujours d'aussi bonnes dispositions que nous pourrons ! et que, par là, nous attirions sur nous toutes sortes de bénédictions en ce monde et en l'autre !... C'est ce que je vous souhaite.
3ème dimanche après la Pentecôte
(PREMIER SERMON)
Sur la miséricorde de Dieu

Erant autem appropinquantes ei publicani et pecca-tores, ut audirent illum.
Les publicains et les pécheurs se tenaient auprès de Jésus-Christ pour l'écouter.
(S. Luc., XV, 1.)

La conduite que Jésus-Christ tenait pendant sa vie mortelle, nous montre la grandeur de sa miséricorde pour les pécheurs. Nous voyons qu'ils viennent tous lui tenir compagnie ; et lui, bien loin de les rebuter ou du moins de s'éloigner d'eux, au contraire, il prend tous les moyens possibles pour se trouver parmi eux, afin de les attirer à son Père. Il les va chercher par les remords de conscience, il les ramène par sa grâce et les gagne par ses manières amoureuses. Il les traite avec tant de bonté, qu'il prend même leur défense contre les scribes et les pharisiens qui veulent les blâmer, et qui semblent ne pas vouloir les souffrir auprès de Jésus-Christ. Il va encore plus loin, il veut se justifier de la conduite qu'il tient à leur égard, par une parabole qui leur dépeint, comme l'on ne peut pas mieux, la grandeur de son amour pour les pécheurs, en leur disant : « Un bon pas-teur qui avait cent brebis, en ayant perdu une, laisse toutes les autres pour courir après celle qui s'est égarée, et, l'ayant retrouvée, il la met sur ses épaules pour lui éviter la peine du chemin ; puis, l'ayant rapportée à son bercail, il invite tous ses amis à se réjouir avec lui, d'avoir retrouvé la brebis qu'il croyait perdue. » Il ajoute encore cette parabole d'une femme qui, ayant dix drachmes et en ayant perdu une, allume sa lampe pour la chercher dans tous les coins de sa maison, et l'ayant retrouvée, elle invite toutes ses amies pour s'en réjouir. « C'est ainsi, leur dit-il, que tout le ciel se réjouit du retour d'un pécheur qui se convertit et qui fait pénitence. Je ne suis pas venu pour les jus-tes, mais pour les pécheurs ; ceux qui sont en santé n'ont pas besoin de médecin, mais ceux qui sont malades. » Nous voyons que Jésus-Christ s'applique à lui-même ces vives images de la grandeur de sa misé-ricorde envers les pécheurs. Ah ! M.F., quel bonheur pour nous de savoir que la miséricorde de Dieu est infinie ! Quel violent désir ne devons-nous pas sentir naître en nous, d'aller nous jeter aux pieds d'un Dieu qui nous recevra avec tant de joie ! Non, M.F., si nous nous damnons, nous n'aurons point d'excuses, quand Jésus-Christ nous montrera lui-même que sa miséri-corde a toujours été assez grande pour nous pardonner comme que nous soyons coupables. Et pour vous en don-ner une idée, je vais aujourd'hui vous montrer : 1° la grandeur de la miséricorde de Dieu envers le pécheur ; 2° ce que nous devons faire, de notre côté, pour mériter le bonheur de l'obtenir.

I. - Oui, M.F., tout est consolant, tout est engageant dans la conduite que Dieu tient à notre égard. Quoique bien coupables, sa patience nous attend, son amour nous invite à sortir du péché pour revenir à lui, sa miséricorde nous reçoit entre ses bras. Par la patience, le prophète Isaïe nous dit que le Seigneur nous attend pour nous faire miséricorde. Nous n'avons pas plus tôt péché que nous méritons d'être punis : « Rien, nous dit-il, n'est plus dû au péché que la punition ; dès que l'homme s'est révolté contre Dieu, toutes les créatures deman-dent vengeance, en disant : Seigneur, voulez-vous que nous allions faire périr ce pécheur qui vous a outragé ? Voulez-vous, lui dit la mer, que je l'engloutisse dans mes abîmes ? La terre lui dit : Seigneur, que j'ouvre mes entrailles pour le faire descendre tout vivant dans les enfers. L'air lui dit : Seigneur, souffrirez-vous que je le suffoque ? Le feu lui dit : Ah ! de grâce, laissez-moi le brûler. Et ainsi, toutes les autres créatures deman-dent vengeance à grands cris. Le tonnerre et les éclairs vont jusqu'au trône de Jésus-Christ pour lui demander le pouvoir de l'écraser et de le dévorer. - Mais non, reprend ce bon Jésus, laissez-le sur la terre jusqu'au moment que mon Père a résolu ; peut-être que j'aurai le bonheur de le voir converti. « Si ce pécheur s'égare davantage, ce tendre Père en verse des larmes, et ne cesse de le poursuivre par sa grâce, en faisant naître en lui de violents remords de conscience. « O Dieu des miséricordes, s'écrie saint Augustin, encore pécheur je m'éloignais de vous toujours de plus en plus, mes pas et toutes mes démarches étaient comme autant de nou-velles chutes dans le mal, mes passions s'allumaient toujours davantage, et cependant, vous preniez patience et vous m'attendiez. O patience de mon Dieu ! il y a tant d'années que je vous offense, et vous ne m'avez pas encore puni : d'où peut venir ce long retard ? Hélas ! Seigneur, c'est que vous vouliez que je me convertisse, et que je retournasse à vous par la pénitence. »
Est-il bien possible, M.F., que, malgré le désir que le bon Dieu a de nous sauver, nous nous perdions si volontairement ? Oui, M.F., si nous voulons parcourir les différents âges du monde, nous voyons partout la terre couverte des miséricordes du Seigneur, et les hommes enveloppés de ses bienfaits. Non, M.F., ce -n'est pas le pécheur qui revient à Dieu pour lui demander pardon ; mais c'est Dieu lui-même qui court après le pécheur et qui le fait revenir à lui. En voulez-vous un bel exemple ? Voyez comment il s'est comporté avec Adam. Après son péché, au lieu de le punir, comme il le méritait, pour cette révolte contre son Créateur, qui lui avait accordé tant de privilèges, qui l'avait orné de tant de grâces, destiné à une fin si heureuse, qui était d'être son ami et de ne jamais mourir... Adam, après son péché, s'enfuit de la présence de Dieu ; mais le Sei-gneur, comme un père désolé qui a perdu son enfant, court le chercher et l'appelle comme en pleurant : « Adam, Adam, où es-tu ? Pourquoi fuis-tu la présence de ton Créateur ? » Il a tant le désir de le pardonner, qu'à peine il lui donne le temps de demander pardon ; déjà il lui annonce qu'il le pardonne, et qu'il lui enverra son Fils, qui naîtra d'une Vierge, et réparera la perte que le péché lui a faite à lui et à tous ses des-cendants, et que cette réparation se ferait d'une manière admirable. En effet, M.F., sans le péché d'Adam, nous n'aurions jamais eu le bonheur d'avoir Jésus-Christ pour Sauveur, ni de le recevoir dans la sainte communion, ni même de le posséder dans nos églises. Pendant tant de siècles que le Père éternel demeura sans envoyer son Fils sur la terre, il ne cessa de renouveler ces conso-lantes promesses, par la bouche de ses patriarches et de ses prophètes. O charité, que vous êtes grande pour les pécheurs ! Voyez-vous, M.F., la bonté de Dieu pour le pécheur ? Pourrons-nous encore désespérer de notre pardon ?
Puisque le Seigneur témoigne tant le désir de nous pardonner ; si nous restons dans le péché, c'est donc bien notre faute. Voyez la manière dont il se conduisit envers Caïn, après qu'il eut tué son frère ? Il va le trouver pour le faire rentrer en lui-même, afin de pouvoir le pardonner ; parce qu'il faut nécessairement lui demander pardon si nous voulons qu'il nous le donne... Ah ! mon Dieu, est-ce trop ? « Caïn, Caïn, qu'as-tu fait ? Demande-moi pardon pour que je puisse te pardonner. » Caïn ne veut pas, il désespère de son salut, il s'endurcit dans son péché. Cependant nous voyons que le bon Dieu le laissa longtemps sur la terre, afin de lui donner le temps de se convertir, s'il l'avait voulu. Voyez encore sa miséricorde envers le monde, lorsque les crimes des hommes eurent couvert la terre et l'eurent imbibée du jus des infâmes passions : le Seigneur se voyait forcé de les punir ; mais, avant que d'en venir à l'exécution, que de précautions, que d'avertissements, que de retards ! Il les menace bien longtemps avant que de les punir, afin de les toucher, et de les faire rentrer en eux-mêmes. Voyant que leurs crimes allaient toujours en augmentant, il leur envoya Noé, à qui il commanda de bâtir une arche, et d'y mettre cent ans, et de dire à tous ceux qui demanderaient pourquoi il faisait ce bâtiment, que c'était le Seigneur qui allait faire périr le monde entier par un déluge universel ; mais que, s'ils voulaient se convertir et faire pénitence, il changerait son arrêt. Mais enfin, voyant que tous ces avertissements ne ser-vaient de rien, qu'on se moquait de ses menaces, il fut forcé de les punir. Cependant, nous voyons que le Seigneur dit qu'il se repentait de les avoir créés : ce qui nous montre la grandeur de sa miséricorde. C'est comme s'il avait dit : J'aimerais mieux ne pas vous avoir créés que de me voir forcé de vous punir ? Dites-moi, M.F., tout Dieu qu'il est, pouvait-il porter plus loin sa miséricorde ?
M.F., c'est ainsi qu'il attend les pécheurs à la péni-tence, et qu'il les y invite par les mouvements intérieurs de sa grâce et par la voix de ses ministres. Voyez encore comment il se comporte envers Ninive, cette grande ville pécheresse. Avant d'en punir les habitants, il com-mande à son prophète Jonas d'aller, de sa part, leur annoncer que, dans quarante jours, il allait les punir. Jonas, au lieu d'aller à Ninive, s'enfuit d'un autre côté.
Il veut traverser la mer ; mais, bien loin de laisser les Ninivites sans avertissement avant de les punir, Dieu fait un miracle pour conserver son prophète, pendant trois jours et trois nuits dans le sein d'une baleine, qui, au bout de trois jours, le vomit sur la terre. Alors le Sei-gneur dit à Jonas : « Va annoncer à la grande ville de Ninive, que dans quarante jours elle périra. » Il ne leur donne point de conditions. Le prophète étant parti, annonça à Ninive que, dans quarante jours elle allait périr. A cette nouvelle, tous se livrent à la pénitence et aux larmes, depuis le paysan jusqu'au roi. « Qui sait, leur dit le roi, si le Seigneur n'aura pas encore pitié de nous ? » Le Seigneur, les voyant recourir à la pénitence, semblait se réjouir d'avoir le plaisir de les pardonner. Jonas voyant le temps échu pour les punir, se retira hors de la ville, afin d'attendre que le feu du ciel tombât sur elle. Voyant qu'il ne tombait pas : « Ah ! Seigneur, s'écrie Jonas, est-ce que vous m'allez faire passer pour un faux prophète ? Faites-moi plutôt mourir. Ah ! je sais bien que vous êtes trop bon, vous ne demandez qu'à par-donner ! - Eh quoi ! Jonas, lui dit le Seigneur, tu voudrais que je fisse périr tant de personnes qui se sont humiliées devant moi ? Oh ! non, non, Jonas, je n'en n'aurais pas le courage ; au contraire, je les aimerai et les conserverai . »
Voilà précisément, M.F., la conduite que Jésus-Christ tient à notre égard ; il semble quelquefois vou-loir nous punir sans miséricorde ; au moindre repentir, il nous pardonne et nous rend son amitié. Voyez ce qu'il fit, lorsqu'il voulut faire descendre le feu du ciel sur Sodome, Gomorrhe et les villes voisines. Il sem-blait ne pas pouvoir s'y résoudre sans consulter son serviteur Abraham, comme pour savoir ce qu'il devait faire. « Abraham, lui dit le Seigneur, les crimes de Sodome et de Gomorrhe sont montés jusqu'à mon trône, je ne puis plus les souffrir ; je vais les faire périr par le feu du ciel. - Mais, Seigneur, lui dit Abraham, allez-vous punir les justes avec les pé-cheurs ? - Oh ! non, non, lui dit le Seigneur. - Eh bien ! lui dit Abraham, s'il y avait trente justes dans Sodome, la puniriez-vous, Seigneur ? - Non, dit-il, si j'en trouve trente, je pardonne à toute la ville en faveur des justes . » Il alla jusqu'à dix. Hélas ! chose étrange ! dans une si grande ville, il n'y eut pas dix justes. Vous voyez que le Seigneur semblait prendre plaisir à consulter son serviteur sur ce qu'il fallait faire. Se voyant forcé de les punir, il envoya vite un ange dire à Loth de sortir, lui et toute sa famille, afin de ne pas les punir avec les coupables . Ah ! mon Dieu, quelle patience ! que de retards avant d'en venir à l'exécution !
Voulez-vous savoir quel est le péché qui a forcé le Seigneur à faire tomber sur la terre tant de châtiments ? Hélas ! c'est ce maudit péché d'impureté dont la terre était toute couverte. Voulez-vous voir comment Dieu est long à punir ? Voyez ce qu'il fit pour punir Jéri-cho . Il ordonna à Josué de faire porter l'arche d'al-liance, qui était un instrument qui montrait la gran-deur de la miséricorde du Seigneur. Il voulut qu'elle fût portée par les prêtres, qui sont les dépositaires de ses miséricordes. Il ordonna de faire, pendant sept jours, le tour des murs de la ville, faisant sonner les mêmes trompettes dont on se servait pour annoncer l'année du jubilé, qui était une année de réconciliation et de par-don. Cependant, nous voyons que ces mêmes trom-pettes qui leur annonçaient leur pardon, firent tomber les murs de la ville, pour nous montrer que si nous ne voulons pas profiter des grâces que le bon Dieu veut bien nous accorder, nous n'en devenons que plus cou-pables ; mais que si nous avons le bonheur de nous convertir, il en éprouve une si grande joie qu'il nous dit qu'il vient plus promptement nous accorder notre pardon qu'une mère ne tire son enfant du feu.
Nous venons de voir, M.F., que, depuis le commen-cement du monde, jusqu'à la venue du Messie, ce n'est que miséricorde, que grâce et que bienfaits. Cependant nous pouvons dire que, sous la loi de grâce, les bienfaits dont il a comblé le monde sont encore bien plus abon-dants et bien plus précieux. Quelle miséricorde dans la personne du Père éternel, de n'avoir qu'un Fils et de consentir à lui faire perdre la vie pour nous sauver tous ! Hélas ! M.F., si nous parcourions toute la pas-sion de Jésus-Christ avec un cœur reconnaissant, que de larmes ne verserions-nous pas ! En voyant le tendre Jésus dans sa crèche, et le reste...

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