Blog Parousie de Patrick ROBLES (Puget-Théniers, Alpes-Maritimes - FRANCE)
Vœu de perfection de
Sainte Marguerite-Marie Alacoque
31 octobre 1686
« Voici la manière du vœu duquel je me sens pressée depuis longtemps et lequel je n'ai voulu faire que par l'avis de mon directeur et de ma supérieure. Après qu'ils l'ont eu examinés, ils m'ont permis de le faire avec cette condition que, lorsqu'il me causera du trouble ou du scrupule, ils m'en déchargeront ; et ils veulent que mon engagement cesse sur les articles qui me feront de la peine, ce vœu n'étant que pour m'unir plus étroitement au sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et m'engager indispensablement à ce qu'il me fait connaître désirer de moi. Mais, hélas ! je sens en moi tant d'inconstance et de faiblesse, que je n'oserais faire aucune promesse qu'en m'appuyant sur la bonté, miséricorde et charité infinie de cet aimable Cœur de Jésus, pour l'amour duquel je fais ce vœu, sans que je veuille qu'il me rende plus gênée ou contrainte, mais plus fidèle à mon souverain Maître, qui me fait espérer qu'il me rendra lui-même attentive à la pratique de ceci, qui ne m'engage nullement à pécher, encore que j'y manquerais par oubli ou autrement, ne prétendant pas d'en faire la matière d'aucune offense envers mon Dieu, mais pour l'aimer plus ardemment et purement, en crucifiant la chair et les sens. Sa bonté m'en fasse la grâce. Amen.
Vœu fait la veille de la Toussaint de l'année 1686 pour me lier, consacrer et immoler plus étroitement, absolument et plus parfaitement au sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Premièrement : O mon unique amour, je tâcherai de vous tenir soumis et de vous assujettir tout ce qui est en moi, en faisant ce que je croirai être le plus parfait ou le plus glorieux à votre Sacré-Cœur, auquel je promets de ne rien épargner de tout ce qui est en mon pouvoir, et ne rien refuser de faire et souffrir pour le faire connaître, aimer et glorifier.
2. Je ne négligerai ni n'omettrai aucun de mes exercices, ni observance de mes règles, sinon par charité ou vraie nécessité, ou par obéissance à laquelle je soumets toutes mes promesses.
3. Je tâcherai de me faire un plaisir de voir les autres dans l'élévation, bien traitées, animées et estimées, pensant que cela leur est dû et non à moi, qui dois être tout anéantie dans le sacré Cœur de Jésus-Christ, faisant ma gloire de bien porter ma croix et d'y vivre pauvre, inconnue et méprisée ; ne désirant paraître que pour être humiliée, méprisée et contrariée, quelque répugnance que la nature orgueilleuse y puisse sentir.
4. Je veux souffrir en silence, sans me plaindre, quelque traite que l'on me fasse ; n'éviter aucune souffrance ni peine, soit de corps ou d'esprit, soit d'humiliations, mépris ou contradictions.
5. Ne chercher ou ne me procurer aucune consolation, plaisir ni contentement, que celui de n'en point avoir dans la vie. Lorsque la Providence m'en présentera, je les prendrai simplement, non pour le plaisir auquel je renoncerai intérieurement, soit que la nature en rencontre en prenant ses nécessités, ou autrement, ne m'arrêtant point à penser si je me satisfais ou non, mais plutôt à aimer mon Sou qui me donne ce plaisir.
6. Je ne me procurerai aucun soulagement que ceux que la nécessité me fera croire ne pouvoir faire autrement, je les demanderai dans la simplicité de nos constitutions. Ceci est pour m'affranchir de la peine continuelle que je sens de trop flatter et donner à mon corps, mon cruel ennemi.
7. Je laisserai l'entière liberté à la supérieure de disposer de moi, comme bon lui semblera, acceptant humblement et indifféremment les occupations que l'obéissance me donnera, malgré la répugnance effroyable que je sens à toutes les charges ; je tâcherai de n'y plus témoigner ma peine, non plus que celle que je sens d'aller au parloir, ou d'écrire des lettres, faisant tout cela comme si j'avais bien du plaisir.
8. Je m'abandonne totalement au sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour me consoler ou m'affliger selon son bon plaisir, sans me plus vouloir mêler de moi-même, me contentant d'adhérer à toutes ses saintes opérations et dispositions, me regardant comme sa victime qui doit toujours être dans un continuel acte d'immolation et de sacrifice, selon son bon plaisir, ne m'attachant à rien qu'à l'aimer et le contenter, en agissant et souffrant en silence.
9. Je ne m'informerai jamais des fautes du prochain ; et lorsque je serai obligée d'en parler, je le ferai dans la charité du sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en me mettant dans la pensée si je serais bien aise que l'on me fît ou que l'on dît cela de moi, et lorsque je lui verrai commettre quelque faute, j'offrirai au Père éternel une vertu contraire du sacré Cœur pour la réparer.
10. Je regarderai tous ceux qui m'affligeront ou parleront mal de moi comme mes meilleurs amis, et tâcherai de leur rendre tous les services et tout le bien que je pourrai.
11. Je tâcherai de ne point parler de moi, ou fort courtement, et non jamais, s'il se peut, pour me louer ou justifier.
12. Je ne chercherai l'amitié d'aucune créature que lorsque le sacré Cœur de Jésus m'y excitera pour la porter à son amour.
13. Je ferai une continuelle attention de conformer et soumettre en tout ma volonté à celle de mon Souverain.
14. Je ne m'arrêterai point volontairement à aucune pensée non seulement mauvaise, mais inutile. Je me regarderai comme une pauvre dans la maison de Dieu, qui doit être soumise à toutes, et à qui l'on fait et donne tout par charité. Je penserai que j'ai toujours trop.
Je ne ferai, tant que je le pourrai, ni plus ni moins, par le respect humain ou vaine complaisance des créatures.
15. Et comme j'ai demandé à Notre-Seigneur de ne rien laisser paraître en moi de ses grâces extraordinaires, que ce qui m'attirera le plus de mépris, de confusions et d'humiliation devant les créatures, aussi tiendrai-je à grand honneur quand tout ce que je dirai ou ferai sera méprisé, censuré ou blâmé ; tâchant de tout faire et souffrir pour l'amour et gloire du sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ et dans ses saintes intentions, auxquelles je m'unirai en tout.
16. Je ferai attention à rendre mes actions et paroles glorieuses à Dieu, édifiantes à mon prochain et salutaires à mon âme, en me rendant fidèlement constante à la pratique du bien que mon divin Maître me fait connaître qu'il désire de moi, n'y faisant point, si je peux, de fautes volontaires, et je ne m'en pardonnerai point sans m'en venger sur moi par quelques pénitences.
17. Je me rendrai attentive à n'accorder à la nature que ce que je ne pourrai pas légitimement lui refuser qu'en me rendant singulière, ce que je veux fuir en tout. Enfin je veux vivre sans choir, ne tenir à rien, disant en tout événement : Fiat voluntas tua.
Dans la multitude de toutes ces choses, je me suis sentie saisie d'une si grande crainte d'y manquer, que je n'avais pas le courage de m'y engager, si je n'avais été fortifiée et rassurée par ces paroles qui me furent dites dans le plus intime de mon cœur : "Que crains-tu, puisque j'ai répondu pour toi et me suis rendu ta caution ? L'unité de mon pur amour te tiendra lieu d'attention dans la multiplicité de toutes ces choses ; je te promets qu'il réparera les fautes que tu y pourrais commettre et s'en vengera lui-même sur toi."
Ces paroles imprimèrent en moi une si grande confiance et assurance que cela serait, que, nonobstant ma grande fragilité, je ne crains plus rien, ayant mis ma confiance en celui qui peut tout et duquel j'espère tout, et rien de moi. »
"Vœu de perfection de Marguerite-Marie, Vie et Œuvres", op. cit., t. I, pp.248 à 252.