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  • : In hoc signo vinces. Parousie by ROBLES Patrick
  • : Blog Parousie de Patrick ROBLES (Montbéliard, Franche-Comté, France)
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  • Dominus pascit me, et nihil mihi deerit. Le Seigneur est mon berger : je ne manquerai de rien. The Lord is my shepherd; I shall not want. El Señor es mi pastor, nada me falta. L'Eterno è il mio pastore, nulla mi mancherà. O Senhor é o meu pastor; de nada terei falta. Der Herr ist mein Hirte; mir wird nichts mangeln. Господь - Пастырь мой; я ни в чем не буду нуждаться. اللهُ راعِيَّ، فلَنْ يَنقُصَنِي شَيءٌ (Ps 23,1)
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12 juin 2008 4 12 /06 /juin /2008 13:10

LIVRE CINQUIÈME : ANCIENNES MOEURS DES ROMAINS.

Saint Augustin discute d'abord la question du fatalisme, pour confondre ceux qui expliquaient la prospérité de l'empire romain par le fatum, comme il a fait précédemment pour ceux qui l'attribuaient à la protection des faux dieux. Amené de la sorte à traiter de la prescience divine, il prouve qu'elle n'ôte point le libre arbitre de notre volonté. Il parle ensuite des anciennes moeurs des Romains, et fait comprendre par quel mérite ou par quel arrêt de la divine justice ils ont obtenu, pour l'accroissement de leur empire, l'assistance du vrai Dieu qu'ils n'adoraient pas. Enfin il enseigne en quoi des empereurs chrétiens doivent faire consister la félicité.

LIVRE CINQUIÈME

PRÉFACE.
CHAPITRE PREMIER.
LA DESTINÉE DE L'EMPIRE ROMAIN ET CELLE DE TOUS LES AUTRES EMPIRES NE DÉPENDENT NI DE CAUSES FORTUITES, NI DE LA POSITION DES ASTRES.
CHAPITRE II.
RESSEMBLANCE ET DIVERSITÉ DES MALADIES DE DEUX JUMEAUX. 4
CHAPITRE III
DE L'ARGUMENT DE LA ROUE DU POTIER, ALLÉGUÉ PAR LE MATHÉMATICIEN NIGIDIUS DANS LA QUESTION DES JUMEAUX.
CHAPITRE IV.
DES DEUX JUMEAUX ÉSAÜ ET JAGOB, FORT DIFFÉRENTS DE CARACTÈRE ET DE CONDUITE.
CHAPITRE V.
PREUVES DE LA VANITÉ DE L'ASTROLOGIE.
CHAPITRE VI.
DES JUMEAUX DE SEXE DIFFÉRENT.
CHAPITRE VII.
DU CHOIX DES JOURS, SOIT POUR SE MARIER, SOIT POUR SEMER OU PLANTER.
CHAPITRE VIII.
DE CEUX QUI APPELLENT DESTIN L'ENCHAÎNEMENT DES CAUSES CONÇU COMME DÉPENDANT DE LA VOLONTÉ DE DIEU.
CHAPITRE IX.
DE LA PRESCIENCE DE DIEU ET DE LA LIBRE VOLONTÉ DE L'HOMME, CONTRE LE SENTIMENT DE CICÉRON.
CHAPITRE X.
S'IL Y A QUELQUE NÉCESSITÉ QUI DOMINE LES VOLONTÉS DES HOMMES.
CHAPITRE XI.
LA PROVIDENCE DE DIEU EST UNIVERSELLE ET EMBRASSE TOUT SOUS SES LOIS.
CHAPITRE XII.
PAR QUELLES VERTUS LES ANCIENS ROMAINS ONT MÉRITÉ QUE LE VRAI DIEU-ACCRUT LEUR EMPIRE, BIEN QU'ILS NE L'ADORASSENT PAS.
CHAPITRE XIII.
L'AMOUR DE LA GLOIRE, QUI EST UN VICE, PASSE POUR UNE VERTU, PARCE QU'IL SURMONTE DES VICES PLUS GRANDS.
CHAPITRE XIV.
IL FAUT ÉTOUFFER L'AMOUR DE LA GLOIRE TEMPORELLE, LA GLOIRE DES JUSTES ÉTANT TOUTE EN DIEU.
CHAPITRE XV.
DE LA RÉCOMPENSE TEMPORELLE QUE DIEU A DONNÉE AUX VERTUS DES ROMAINS.
CHAPITRE XVI.
DE LA RÉCOMPENSE DES CITOYENS DE LA CITÉ ÉTERNELLE, A QUI PEUT ÊTRE UTILE L'EXEMPLE DES VERTUS DES ROMAINS.
CHAPITRE XVII.
LES VICTOIRES DES ROMAJNS NE LEUR ONT PAS FAIT UNE CONDITION MEILLEURE QUE CELLE DES VAINCUS.
CHAPITRE XVIII.
LES CHRÉTIENS N'ONT PAS A SE GLORIFIER DE CE QU'ILS FONT POUR L'AMOUR DE LA PATRIE CÉLESTE, QUAND LES ROMAINS ONT FAIT DE SI GRANDES CHOSES POUR UNE PATRIE TERRESTRE ET POUR UNE GLOIRE TOUT HUMAINE.
CHAPITRE XIX.
EN QUOI L'AMOUR DE LA GLOIRE DIFFÈRE DE L'AMOUR DE LA DOMINATION.
CHAPITRE XX.
IL N'EST GUÈRE MOINS HONTEUX D'ASSERVIR LES VERTUS A LA GLOIRE HUMAINE QU'A LA VOLUPTÉ.
CHAPITRE XXI.
C'EST LE VRAI DIEU, SOURCE DE TOUTE PUISSANCE ET PROVIDENCE SOUVERAINE DE L'UNIVERS, QUI A DONNÉ L'EMPIRE AUX ROMAINS.
CHAPITRE XXII.
LA DURÉE ET L'ISSUE DES GUERRES DÉPENDENT DE LA VOLONTÉ DE DIEU.
CHAPITRE XXIII.
DE LA GUERRE CONTRE RADAGAISE, ROI DES GOTHS, QUI FUT VAINCU DANS UNE SEULE ACTION AVEC TOUTE SON ARMÉE.
CHAPITRE XXIV.
EN QUOI CONSISTE LE BONREUR DES PRINCES CHRÉTIENS, ET COMBIEN CE BONHEUR EST VÉRITABLE.
CHAPITRE XXV.
DES PROSPÉRITÉS QUE DIEU A RÉPANDUES SUR L'EMPEREUR CHRÉTIEN CONSTANTIN.
CHAPITRE XXVI.
DE LA FOI ET DE LA PIÉTÉ DE L'EMPEREUR THÉODOSE.
PRÉFACE.
Puisqu'il est constant que tous nos désirs possibles ont pour terme la félicité, laquelle n'est point une déesse, mais un don de Dieu, et qu'ainsi les hommes ne doivent point adorer d'autre Dieu que celui qui peut les rendre heureux (car si la félicité était une déesse, elle seule devrait être adorée), voyons maintenant pourquoi Dieu, qui a dans ses mains, avec tout le reste, cette sorte de biens que peuvent posséder les hommes mêmes qui ne sont pas bons, ni par conséquent heureux, a voulu donner à l'empire romain tant de grandeur et de durée : avantage que leurs innombrables divinités étaient incapables de leur assurer, ainsi que nous l'avons déjà fait voir amplement, et que nous le montrerons à l'occasion.
CHAPITRE PREMIER.
LA DESTINÉE DE L'EMPIRE ROMAIN ET CELLE DE TOUS LES AUTRES EMPIRES NE DÉPENDENT NI DE CAUSES FORTUITES, NI DE LA POSITION DES ASTRES.
La cause de la grandeur de l'empire romain n'est ni fortuite, ni fatale, à prendre ces mots dans le sens de ceux qui appellent fortuit ce qui arrive sans cause ou ce dont les causes ne se rattachent à aucun ordre raisonnable, et fatal, ce qui arrive sans la volonté de Dieu ou des hommes, en vertu d'une nécessité inhérente à l'ordre des choses. Il est hors de doute, en effet, que c'est la providence de Dieu qui établit les royaumes de la terre; et si quelqu'un vient soutenir qu'ils dépendent du destin, en appelant destin la volonté de Dieu ou sa puissance, qu'il garde son sentiment, mais qu'il corrige son langage. Car pourquoi ne pas dire tout d'abord ce qu'il dira ensuite quand on lui demandera ce qu'il entend par destin? Le destin, en effet, dans le langage ordinaire, désigne l'influence de la position des astres sur les événements, comme il arrive, dit-on, à la naissance d'une personne ou au moment qu'elle est conçue. Or, les uns veulent que cette influence ne dépende pas de la volonté de Dieu, les autres qu'elle en dépende.
Mais, à dire vrai, le sentiment qui affranchit nos actions de la volonté de Dieu, et fait dépendre des astres nos biens et nos maux, doit être rejeté, non-seulement de quiconque professe la religion véritable, mais de ceux-là mêmes qui en ont une fausse, quelle qu'elle soit. Car où tend cette opinion, si ce n'est à supprimer tout culte et toute prière? Mais ce n'est pas à ceux qui la soutiennent que nous nous adressons présentement; nos adversaires sont les païens qui, pour la défense de leurs dieux, font la guerre à la religion chrétienne. Quant à ceux qui font dépendre de la volonté de Dieu la position des étoiles, s'ils croient qu'elles tiennent de lui, par une sorte de délégation de son autorité, le pouvoir de décider à leur gré de la destinée et du bonheur des hommes, ils font une grande injure au ciel de s'imaginer que dans cette cour brillante, dans ce sénat radieux, on ordonne des crimes tellement énormes qu'un Etat qui en ordonnerait de semblables, verrait le genre humain tout entier se liguer pour le détruire. D'ailleurs, si les astres déterminent nécessairement les actions des hommes, que reste-t-il à la décision de Celui qui est le maître des astres et des hommes? Dira-t-on que les étoiles ne tiennent pas de Dieu le pouvoir de disposer à leur gré des choses humaines, mais qu'elles se bornent à exécuter ses ordres ? Nous demanderons comment il est possible d'imputer à la volonté de Dieu ce qui serait indigne de celle des étoiles. Il ne reste donc plus qu'à soutenir, comme ont fait quelques hommes 1 d'un rare
1. Il y a peut-être ici une allusion à origène. Voyez sur ce point Eusèbe, Praepar. evang., lib. VI, cap II.
(92)
savoir, que les étoiles ne font pas les événements, mais qu'elles les annoncent, qu'elles sont des signes et non des causes. Je réponds que les astrologues n'en parlent pas de la sorte. Ils ne disent pas, par exemple: Dans telle position Mars annonce un assassin; ils disent Mars fait un assassin. Je veux toutefois qu'ils ne s'expliquent pas exactement, et qu'il faille les renvoyer aux philosophes pour apprendre d'eux à s'énoncer comme il faut, et à dire que les étoiles annoncent ce qu'ils disent qu'elles font; d'où vient qu'ils n'ont jamais pu rendre compte de la diversité qui se rencontre dans la vie de deux enfants jumeaux, dans leurs actions, dans leur destinée, dans leurs professions, dans leurs talents, dans leurs emplois, en un mot dans toute la suite de leur existence et dans leur mort même ; diversité quelquefois si grande, que des étrangers leur sont plus semblables qu'ils ne le sont l'un à l'autre, quoiqu'ils n'aient été séparés dans leur naissance que par un très-petit espace de temps, et que leur mère les ait conçus dans le même moment?
CHAPITRE II.
RESSEMBLANCE ET DIVERSITÉ DES MALADIES DE DEUX JUMEAUX.
L'illustre médecin Hippocrate a écrit, au rapport de Cicéron, que deux frères étant tombés malades ensemble, la ressemblance des accidents de leur mal, qui s'aggravait et se calmait en même temps, lui fit juger qu'ils étaient jumeaux 1. De son côté, le stoïcien Posidonius, grand partisan de l'astrologie expliquait le fait en disant que les deux frères étaient nés et avaient été conçus sous la même constellation. Ainsi, ce que le médecin faisait dépendre de la conformité des tempéraments, le philosophe astrologue l'attribuait à celle des influences célestes. Mais la conjecture du médecin est de beaucoup la plus acceptable et la plus plausible; car on comprend fort bien que ces deux enfants, au moment de la conception, aient reçu de la disposition physique de leurs parents une impression analogue, et qu'ayant pris leurs premiers accroissements au ventre de la même mère, ils soient nés avec la même complexion. Ajoutez à cela que, nourris dans
1. Ce fait curieux ne se rencontre dans aucun ries écrits qui nous sont restés, soit de Cicéron, soit d'Hippocrate. Un savant commentateur de saint Augustin, E. Vivès, conjecture que le passage en question devait se trouver dans le petit écrit de Cicéron, De fato, qui n'est parvenu jusqu'à nous qu'incomplet et mutilé.
la même maison, des mêmes aliments, respirant le même air, buvant la même eau, faisant les mêmes exercices, toutes choses qui, selon les médecins, influent beaucoup sur la santé, soit en bien, soit en mal, ce genre de vie commun a dû rendre leur tempérament si semblable, que les mêmes causes les faisaient tomber malades en même temps. Mais vouloir expliquer cette conformité physique par la position qu'occupaient les astres au moment de leur conception ou de leur naissance, quand il a pu naître sous ces mêmes astres, semblablement disposés, un si grand nombre d'êtres si prodigieusement différents d'espèces, de dispositions et de destinées, c'est à mon avis le comble de l'impertinence. Je connais des jumeaux qui non-seulement diffèrent dans la conduite et les vicissitudes de leur carrière, mais dont les maladies ne se ressemblent nullement. Il me semble qu'Hippocrate rendrait aisément raison de cette diversité en l'attribuant à la différence des aliments et des exercices, lesquels dépendent de la volonté et non du tempérament; mais quant à Posidonius ou à tout autre partisan de l'influence fatale des astres, je ne vois pas ce qu'il aurait à dire ici, à moins qu'il ne voulût abuser de la crédulité des personnes peu versées dans ces matières. On essaie de se tirer d'affaire en arguant du petit intervalle qui sépare toujours la naissance de deux jumeaux, d'où provient, dit-on, la différence de leurs horoscopes 1; mais ou bien cet intervalle n'est pas assez considérable pour motiver la diversité qui se rencontre dans la conduite des jumeaux, dans leurs actions, leurs moeurs et les accidents de leur vie, où il l'est trop pour s'accorder avec la bassesse ou la noblesse de condition commune aux deux enfants, puisqu'on veut que la condition de chacun dépende de l'heure où il est né. Or, si l'un naît immédiatement après l'autre, de manière à ce qu'ils aient le même horoscope, je demande pour eux une parfaite conformité en toutes choses, laquelle ne peut jamais se rencontrer dans les jumeaux les plus semblables; et si le second met un si long temps à venir après le premier, que cela change l'horoscope, je demande ce qui ne peut non plias se rencontrer en deux jumeaux, la diversité de père et de mère.
1. Horoscope, remarque saint Augustin, veut dire observation de l'heure, horae notatio (en grec òroskopéion, d'òra, heure, et axopein, observer).
(94)
CHAPITRE III
DE L'ARGUMENT DE LA ROUE DU POTIER, ALLÉGUÉ PAR LE MATHÉMATICIEN NIGIDIUS DANS LA QUESTION DES JUMEAUX.
On aurait donc vainement recours au fameux argument de la roue du potier, que Nigidius 1 imagina, dit-on, pour sortir de cette difficulté, et qui lui valut le surnom de Figulus 2. Il imprima à une roue de potier le mouvement le plus rapide possible, et pendant qu'elle tournait, il la marqua d'encre à deux reprises, mais si rapprochées, qu'on aurait pu croire qu'il ne l'avait touchée qu'une fois; or, quand on eut arrêté la roue, on y trouva deux marques, séparées l'une de l'autre par un intervalle assez grand. C'est ainsi, disait-il, qu'avec la rotation de la sphère céleste, encore que deux jumeaux se suivent d'aussi près que les deux coups dont j'ai touché la roue, cela fait dans le ciel une grande distance, d'où résulte la diversité qui se rencontre dans les moeurs des deux enfants et dans les accidents de leur destinée. A mon avis, cet argument est plus fragile encore que les vases façonnés avec la roue du potier. Car si cet énorme intervalle qui se trouve dans le ciel entre la naissance de deux jumeaux, est cause qu'il vient un héritage à celui-ci et non à celui-là, sans que leur horoscope pût faire deviner cette différence, comment ose-t-on prédire à d'autres personnes dont on prend l'horoscope, et qui ne sont point jumelles, qu'il leur arrivera de semblables bonheurs dont la cause est impénétrable, et cela avec la prétention de faire tout dépendre du moment précis de la naissance. Diront-ils que dans l'horoscope de ceux qui ne sont point jumeaux, ils fondent leurs prédictions sur de plus grands intervalles de temps, au lieu que la courte distance qui se rencontre entre la naissance de deux jumeaux ne peut produire dans leur destinée que de petites différences, sur lesquelles on n'a pas coutume de consulter les astrologues, telles que s'asseoir, se promener, se mettre à table, manger ceci ou cela? mais ce n'est pas là résoudre la difficulté, puisque la différence que nous signalons entre les jumeaux comprend
1. Nigidius, célèbre astrologue, contemporain de Varron; il est question de ses prédictions dans Suétone (Vie d'Auguste, ch. 94) et dans Lucain (lib. I, vers. 639 et seq.)
2. Figulus veut dire potier.
leurs moeurs, leurs inclinations et les vicissitudes de leur destinée.
CHAPITRE IV.
DES DEUX JUMEAUX ÉSAÜ ET JAGOB, FORT DIFFÉRENTS DE CARACTÈRE ET DE CONDUITE.
Du temps de nos premiers pères naquirent deux jumeaux (pour ne parler que des plias célèbres), qui se suivirent de si près en venant au monde, que le premier tenait l'autre par le pied 1. Cependant leur vie et leurs moeurs furent si différentes, leurs actions si contraires, l'affection de leurs parents si dissemblable, que le petit intervalle qui sépara leur naissance suffit pour les rendre ennemis. Qu'est-ce à dire? S'agit-il de savoir pourquoi l'un se promenait quand l'autre était assis, pourquoi celui-ci dormait ou gardait le silence quand celui-là veillait ou parlait? nullement; car de si petites différences tiennent à ces courts intervalles de temps que ne sauraient mesurer ceux qui signalent la position des astres au moment de la naissance, pour consulter ensuite les astrologues. Mais point du tout : l'un des jumeaux de la Bible a été longtemps serviteur à gages, l'autre n'a pas été serviteur; l'un était aimé de sa mère, l'autre ne l'était pas; l'un perdit son droit d'aînesse, si important chez les Juifs, et l'autre l'acquit. Parlerai-je de leurs femmes, de leurs enfants, de leurs biens? Quelle diversité à cet égard entre les deux frères? Si tout cela est une suite du petit intervalle qui sépare la naissance des deux jumeaux et ne peut être attribué aux constellations , je demande encore comment on ose, sur la foi des constellations, prédire à d'autres leur destinée? Aime-t-on mieux dire que les destinées ne dépendent pas de ces intervalles imperceptibles, mais bien d'espaces de temps plus grands qui peuvent être observés? A quoi sert alors ici la roue du potier, sinon à faire tourner des coeurs d'argile et à cacher le néant de la science astrologique?
CHAPITRE V.
PREUVES DE LA VANITÉ DE L'ASTROLOGIE.
Ces deux frères, dont la maladie augmentait ou diminuait en même temps, et qu'à ce signe le coup d'oeil médical d'Hippocrate reconnut jumeaux, ne suffisent-ils pas à
1. Gen. XXV, 25.
(95)
confondre ceux qui veulent imputer aux astres une conformité qui s'explique par celle du tempérament? Car, d'où vient qu'ils étaient malades en même temps, au lieu de l'être l'un après l'autre, suivant l'ordre de leur naissance, qui n'avait pu être simultanée? Ou si le moment différent de leur naissance n'a pu faire qu'ils fussent malades en des moments différents, de quel droit vient-on soutenir que cette première différence en a produit une foule d'autres dans leurs destinées? Quoi ! ils ont pu voyager en des temps différents, se marier, avoir des enfants, toujours en des temps différents, et cela, dit-on, parce qu'ils étaient nés en des temps différents; et ils n'ont pu être malades en des temps différents! Si la différence dans l'heure de la naissance a influé sur l'horoscope et causé les mille diversités de leurs destinées, pourquoi l'identité dans le moment de la conception s'est-elle fait sentir par la conformité de leurs maladies? Dira-t-on que les destins de la santé sont attachés au moment de la conception, et ceux du reste de la vie au moment de la naissance? mais alors les astrologues ne devraient rien prédire touchant la santé d'après les constellations de la naissance, puisqu'on leur laisse forcément ignorer le moment de la conception. D'un autre côté, si on prétend prédire les maladies sans consulter l'horoscope de la conception, sous prétexte qu'elles sont indiquées par le moment de la naissance, comment aurait-on pu annoncer à un de nos jumeaux, d'après l'heure où il était né, à quelle époque il serait malade, puisque l'intervalle qui a séparé la naissance des deux frères ne les a pas empêchés de tomber malades en même temps. Je demande en outre à ceux qui soutiennent que le temps qui s'écoule entre la naissance de deux jumeaux est assez considérable pour changer les constellations et l'horoscope, et tous ces ascendants mystérieux qui ont tant d'influence sur les destinées, je demande, dis-je, comment cela est possible, puisque les deux jumeaux ont été nécessairement conçus au même instant. De plus, si les destinées de deux jumeaux peuvent être différentes quant au moment de la naissance, bien qu'ils aient été conçus au même instant, pourquoi les destinées de deux enfants nés en même temps ne seraient-elles pas différentes pour la vie et pour la mort? En effet, si le même moment où ils ont été conçus n'a pas empêché que l'un ne vînt avant l'autre, je ne vois pas par quelle raison le même moment où ils sont nés s'opposerait à ce que celui-ci mourût avant celui-là ; et si une conception simultanée a eu pour eux des effets si différents dans le ventre de leurs mères, pourquoi une naissance simultanée ne serait-elle pas suivie dans le cours de la vie d'accidents non moins divers, de manière à confondre également toutes les rêveries d'un art chimérique ? Quoi ! deux enfants conçus au même moment, sous la même constellation, peuvent avoir, même à l'heure de la naissance, une destinée différente ; et deux enfants, nés dans le même instant et sous les mêmes signes, de deux différentes mères, ne pourront pas avoir deux destinées différentes qui fassent varier les accidents de leur vie et de leur mort, à moins qu'on ne s'avise de prétendre que les enfants, bien que déjà conçus, ne peuvent avoir une destinée qu'à leur naissance? Mais pourquoi dire alors que, si l'on pouvait savoir le moment précis de la conception, les astrologues feraient des prophéties encore plus surprenantes, ce qui a donné lieu à cette anecdote, que plusieurs aiment à répéter, d'un certain sage qui sut choisir son heure pour avoir de sa femme un enfant merveilleux. Cette opinion était aussi celle de Posidonius, grand astrologue et philosophe, puisqu'il expliquait la maladie simultanée de nos jumeaux par la simultanéité de leur naissance et de leur conception. Remarquez qu'il ajoutait conception , afin qu'on ne lui objectât pas que les deux jumeaux n'étaient pas nés au même instant précis; il lui suffisait qu'ils eussent été conçus en même temps pour attribuer leur commune maladie, non à la ressemblance de leur tempérament, mais à l'influence des astres. Mais si le moment de la conception a tant de force pour régler les destinées et les rendre semblables, la naissance ne devrait pas les diversifier; ou, si l'on dit que les destinées des jumeaux sont différentes à cause qu'ils naissent en des temps différents, que ne dit-on qu'elles sont déjà changées par cela seul qu'ils naissent en des temps différents? Se peut-il que la volonté des vivants ne change point les destins de la naissance, lorsque l'ordre même de la naissance change ceux de la conception? (96)
CHAPITRE VI.
DES JUMEAUX DE SEXE DIFFÉRENT.
Il arrive même souvent dans la conception des jumeaux, laquelle a certainement lieu au même moment et sous la même constellation, que l'un est mâle et l'autre femelle. Je connais deux jumeaux de sexe différent qui sont encore vivants et dans la fleur de l'âge. Bien qu'ils se ressemblent extérieurement autant que le comporte la différence des sexes, ils mènent toutefois un genre de vie très-opposé, et cela, bien entendu, abstraction faite des occupations qui sont propres au sexe de chacun : l'un est comte, militaire, et voyage presque toujours à l'étranger; l'autre ne quitte jamais son pays, pas même sa maison de campagne. Mais voici ce qui paraîtra incroyable si l'on croit à l'influence des astres; et ce qui n'a rien de surprenant si l'on considère le libre arbitre de l'homme et la grâce divine : le frère est marié, tandis que la soeur est vierge consacrée à Dieu; l'un a beaucoup d'enfants, et l'autre n'en veut point avoir. On dira, je le sais, que la force de l'horoscope est grande. Pour moi, je pense en avoir assez prouvé la vanité ; et, après tout, les astrologues tombent d'accord qu'il n'a de pouvoir que pour la naissance. Donc il est inutile pour la conception, laquelle s'opère indubitablement par une seule action, puisque tel est l'ordre inviolable de la nature qu'une femme qui vient de concevoir cesse d'être propre à la conception; d'où il résulte que deux jumeaux sont de toute nécessité conçus au même instant précis 1, Dira-t-on qu'étant nés sous un horoscope différent, ils ont été changés au moment de leur naissance, l'un en mâle et l'autre en femelle? Peut-être ne serait-il pas tout à fait absurde de soutenir que les influences des astres soient pour quelque chose dans la forme des corps ainsi, l'approche ou l'éloignement du soleil produit la variété des saisons, et suivant que la lune est à son croissant ou à son décours, on voit certaines choses augmenter ou diminuer, comme les hérissons de mer, les huîtres et les marées; mais vouloir soumettre aux mêmes influences les volontés des hommes, c'est nous donner lieu de chercher des raisons pour en affranchir
1. Saint Augustin parait ici trop absolu. Il a contre lui l'autorité des grands naturalistes de l'antiquité : Hippocrate (De superfet.), Aristote (Hist. anim., lib, VII, cap. 4) et Pline (Béat. nat., lib. vu, cap. 11).
jusqu'aux objets corporels. Qu'y a-t-il de plus réellement corporel que le sexe ? et cependant des jumeaux de sexe différent peuvent être conçus sous la même constellation. Aussi, n'est-ce pas avoir perdu le sens que de dire ou de croire que la position des astres, qui a été la même pour ces deux jumeaux au moment de leur conception, n'a pu leur donner un même sexe, et que celle qui a présidé au moment de leur naissance a pu les engager dans des états aussi peu semblables que le mariage et la virginité?
CHAPITRE VII.
DU CHOIX DES JOURS, SOIT POUR SE MARIER, SOIT POUR SEMER OU PLANTER.
Comment s'imaginer qu'en choisissant tel ou tel jour pour commencer telle ou telle entreprise, on puisse se faire de nouveaux destins? Cet homme, disent-ils, n'était pas né pour avoir un fils excellent, mais plutôt pour en avoir un méprisable; mais il a eu l'art, voulant devenir père, de choisir son heure. Il s'est donc fait un destin qu'il n'avait pas, et par là une fatalité a commencé pour lui, qui n'existait pas au moment de sa naissance. Etrange folie! on choisit un jour pour se marier, et c'est, j'imagine, pour ne pas tomber, faute de choix, sur un mauvais jour, ers d'autres termes, pour ne pas faire un mariage malheureux; mais, s'il en est ainsi, à quoi servent les destins attachés à notre naissance? Un homme peut-il, par le choix de tel ou tel jour, changer sa destinée, et ce que sa volonté détermine ne saurait-il être changé par une puissance étrangère? D'ailleurs, s'il n'y a sous le ciel que les hommes qui soient sOumis aux influences des astres, pourquoi choisir certains jours pour planter, pour semer, d'autres jours pour dompter les animaux, pour les accoupler, et pour toutes les opérations semblables? Si l'on dit que ce choix a de l'importance, parce que tous les corps animés ou inanimés sont assujétis à l'action des astres, il suffira de faire observer combien d'êtres naissent ou commencent en même temps, dont la destinée est tellement différente que cela suffit pour faire rire un enfant, même aux dépens de l'astrologie. Où est en effet l'homme assez dépourvu de sens pour croire que chaque arbre, chaque plante, chaque bête, serpent, oiseau, vermisseau, ait pour (97) naître son moment fatal? Cependant, pou éprouver la science des astrologues, on a cou turne de leur apporter l'horoscope des animaux et de donner la palme à ceux qui s'écrient en le regardant : Ce n'est pas un homme qui est né, c'est une bête. Ils vont jusqu'à désigner hardiment à quelle espèce elle appartient, si c'est une bête à laine ou une bête de trait, si elle est propre au labourage ou à la garde de la maison. On les consulte même sur la destinée des chiens, et l'os écoute leurs réponses avec de grands applaudissements. Les hommes seraient-ils donc assez sots pour s'imaginer que la naissance d'un homme arrête si bien le développement de tous les autres germes, qu'une mouche ne puisse naître sous la même constellation que lui? car, si on admet la production d'une mouche, il faudra remonter par une gradation nécessaire à la naissance d'un chameau ou d'un éléphant. ils ne veulent pas remarquez qu'au jour choisi par eux pour ensemencer un champ, il y a une infinité de grains qui tombent sur terre ensemble, germent ensemble, lèvent, croissent, mûrissent en même temps, et que cependant, de tous ces épis de même âge et presque de même germe, les uns sont brûlés par la nielle, les autres mangés par les oiseaux, les autres arrachés par les passants. Dira-t-on que ces épis, dont la destinée est si différente, sont sous l'influence de différentes constellations, ou, si on ne peut le dire, conviendra-t-on de la vanité du choix des jours et de l'impuissance des constellations sur les êtres inanimés, ce qui réduit leur empire à l'espèce humaine, c'est-à-dire aux seuls êtres de ce monde à qui Dieu ait donné une volonté libre? Tout bien considéré, il y a quelque raison de croire que si les astrologues étonnent quelquefois par la vérité de leurs réponses, c'est qu'ils sont secrètement inspirés par les démons, dont le soin le plus assidu est de propager dans les esprits ces fausses et dangereuses opinions sur l'influence fatale des astres; de sorte que ces prétendus devins n'ont été en rien guidés dans leurs prédictions par l'inspection de l'horoscope, et que toute leur science des astres se trouve réduite à rien.
CHAPITRE VIII.
DE CEUX QUI APPELLENT DESTIN L'ENCHAÎNEMENT DES CAUSES CONÇU COMME DÉPENDANT DE LA VOLONTÉ DE DIEU.
Quant à ceux qui appellent destin, non la disposition des astres au moment de la conception ou de la naissance, mais la suite et l'enchaînement des causes qui produisent tout ce qui arrive dans l'univers, je ne m'arrêterai pas à les chicaner sur un mot, puisqu'au fond ils attribuent cet enchaînement de causes à la volonté et à la puissance souveraine d'un principe souverain qui est Dieu même, dont il est bon et vrai de croire qu'il sait d'avance et ordonne tout, étant le principe de toutes les puissances sans l'être de toutes les volontés. C'est donc cette volonté de Dieu, dont la puissance irrésistible éclate partout, qu'ils appellent destin, comme le prouvent ces vers dont Annaeus Sénèque est l'auteur, si je ne me trompe:
« Conduis-moi, père suprême, dominateur du vaste univers, conduis-moi partout où tu voudras, je l'obéis sans différer; me voilà. Fais que je te résiste, et il faudra encore que je t'accompagne en gémissant; il faudra que je subisse, en devenant coupable, le sort que j'aurais pu accepter avec une résignation vertueuse. Les destins conduisent qui les suit et entraînent qui leur résiste 1 »
Il est clair que le poëte appelle destin au dernier vers, ce qu'il a nommé plus haut la volonté du père suprême, qu'il se déclare prêt à suivre librement, afin de n'en pas être entraîné: « Car les destins conduisent qui les suit, et entraînent qui leur résiste». C'est ce qu'expriment aussi deux vers homériques traduits par Cicéron :
« Les volontés des hommes sont ce que les fait Jupiter, le père tout-puissant, qui fait briller sa lumière autour de l'univers 2».
Je ne voudrais pas donner une grande autorité à ce qui ne serait qu'une pensée de poète; mais, comme Cicéron nous apprend que les stoïciens avaient coutume de citer ces vers d'Homère en témoignage de la puissance du destin, il ne s'agit pas tant ici de la pensée d'un poète que de celle d'une école de philosophes, qui nous font voir très-clairement ce qu'ils entendent par destin, puisqu'ils appellent
1. Ces vers se trouvent dans les lettres de Sénèque (Epist. 107), qui les avait empruntés, en les traduisant habilement, au poète et philosophe Cléanthe le stoïcien.
2. Ces deux vers sont dans l'Odyssée, chant XVIII, V. 136, 137. L'ouvrage où Cicéron les cite et les traduit n'est pas arrivé jusqu'à nous. Facciolati conjecture que ce pouvait être dans un des livres perdus des Académiques.
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Jupiter ce dieu suprême dont ils font dépendre l'enchaînement des causes.
CHAPITRE IX.
DE LA PRESCIENCE DE DIEU ET DE LA LIBRE VOLONTÉ DE L'HOMME, CONTRE LE SENTIMENT DE CICÉRON.
Cicéron s'attache à réfuter le système stoïcien, et il ne croit pas en venir à bout, s'il ne supprime d'abord la divination; mais en la supprimant il va jusqu'à nier toute science des choses à venir. Il soutient de toutes ses forces que cette science ne se rencontre ni en Dieu, ni dans l'homme, et que toute prédiction est chose nulle. Par là, il nie la prescience de Dieu et s'inscrit en faux contre toutes les prophéties, fussent-elles plus claires que le jour, sans autre appui que de vains raisonnements et certains oracles faciles à réfuter et qu'il ne réfute même pas. Tant qu'il n'a affaire qu'aux prophéties des astrologues, qui se détruisent elles-mêmes, son éloquence triomphe; mais celà n'empêche pas que la thèse de l'influence fatale dés astres ne soit au fond plus supportable que la sienne, qui supprime toute connaissance de l'avenir. Car, admettre un Dieu et lui refuser la prescience, c'est l'extravagance la plus manifeste. Cicéron l'a tort bien senti, mais il semble qu'il ait voulu justifier cette parole de l'Ecriture
« L'insensé a dit dans son coeur: Il n'y a point de Dieu 1 ». Au reste, il ne parle pas en son nom; et ne voulant pas se donner l'odieux d'une opinion fâcheuse, il charge Cotta, dans le livre De la nature des dieux, de discuter contre les stoïciens et de soutenir que la divinité n'existe pas. Quant à ses propres opinions, il les met dans la bouche de Balbus, défenseur des stoïciens 2. Mais au livre De la divination, Cicéron n'hésite pas à se porter en personne l'adversaire de la prescience. n est clair que son grand et unique objet, c'est d'écarter le destin et de sauver le libre arbitre, étant persuadé que si l'on admet la science des choses à venir, c'est une conséquence
1. Ps. XIII, 1.
2. Saint Augustin parait ici peu exact et beaucoup trop sévère pour Cicéron, qu'il a traité ailleurs d'une façon plus équitable. Le personnage du De natura deorum qui exprime le mieux les sentiments de Cicéron, ce n'est point Balbus, comme le dit saint Augustin, mais Cotte. De plus, l'académicien Cotta ne représente point l'athéisme, qui aurait plutôt dans l'épicurien Velléius son organe naturel; Colla représente les incertitudes de la nouvelle Académie, et ce probabilisme spéculatif ou inclinait Cicéron.
inévitable qu'on ne puisse nier le destin. Pour nous, laissons les philosophes s'égarer dans le dédale de ces combats et de ces disputes, et, convaincus qu'il existe un Dieu souverain et unique, croyons également qu'il possède une volonté, une puissance et une prescience souveraines. Ne craignons pas que les actes que nous produisons volontairement ne soient pas des actes volontaires ; car ces actes, Dieu les a prévus, et sa prescience est infaillible. C'est cette crainte qui a porté Cicéron à combattre la prescience, et c'est elle aussi qui a fait dire aux stoïciens que tout n'arrive pas nécessairement dans l'univers, bien que tout y soit soumis au destin.
Qu'est-ce donc que Cicéron appréhendait si fort dans la prescience, pour la combattre avec une si déplorable ardeur? C'est, sans doute, que si tous les événements à venir sont prévus, ils ne peuvent manquer de s'accomplir dans le même ordre où ils ont été prévus; or, s'ils s'accomplissent dans cet ordre, il y a donc un ordre des événements déterminé dans la prescience divine; et si l'ordre des événements est déterminé, l'ordre des causes l'est aussi, puisqu'il n'y a point d'événement possible qui ne soit précédé par quelque cause efficiente. Or, si l'ordre des causes, par qui arrive tout ce qui arrive, est déterminé, tout ce qui arrive, dit Cicéron, est l'ouvrage du destin. « Ce point accordé, ajoute-t-il, toute l'économie de la vie humaine est renversée; c'est en vain qu'on fait des lois, en vain qu'on a recours aux reproches, aux louanges, au blâme, aux exhortations; il n'y a point de justice à récompenser les bons ni à punir les méchants 1 ». C'est donc pour prévenir des conséquences si monstrueuses, si absurdes, si funestes à l'humanité, qu'il rejette la prescience et réduit les esprits religieux à faire un choix entre ces deux alternatives qu'il déclare incompatibles: ou notre volonté a quelque pouvoir, ou il y a une prescience. Démontrez-vous une de ces deux choses ? par là même, suivant Cicéron, vous détruisez l'autre, et vous ne pouvez affirmer le libre arbitre sans nier la prescience. C'est pour cela que ce grand esprit, en vrai sage, qui connaît à fond les besoins de la vie humaine, se décide pour le libre arbitre; mais, afin de l'établir, il nie
1. Ce passage, attribué à Cicéron par saint Augustin, ne se rencontre pas dans le De divinatione, mais on trouve au chap. 17 du De fato quelques ligues tout à fait analogues.
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toute science des choses futures ; et voilà comme en voulant faire l'homme libre il le fait sacrilége. Mais un coeur religieux repousse cette alternative; il accepte l'un et l'autre principe, les confesse également vrais, et leur donne pour base commune la foi qui vient de la piété. Comment cela ? dira Cicéron ; car, la prescience étant admise, il en résulte une suite de conséquences étroitement enchaînées qui aboutissent à conclure que notre volonté ne peut rien; et si on admet que notre volonté puisse quelque chose, il faut, en remontant la chaîne, aboutir à nier la prescience. Et, en effet, si la volonté est libre, le destin ne fait pas tout ; si le destin ne fait pas tout, l'ordre de toutes les causes n'est point déterminé; si l'ordre de toutes les causes n'est point déterminé, l'ordre de tous les événements n'est point déterminé non plus dans la prescience divine, puisque tout événement suppose avant lui une cause efficiente ; si l'ordre des événements n'est point déterminé pour la prescience divine, il n'est pas vrai que toutes choses arrivent comme Dieu a prévu qu'elles arriveraient; et si toutes choses n'arrivent pas comme Dieu a prévu qu'elles arriveraient, il n'y a pas, conclut Cicéron, de prescience en Dieu.
Contre ces témérités sacriléges du raisonnement, nous affirmons deux choses : la première, c'est que Dieu connaît tous les événements avant qu'ils ne s'accomplissent; la seconde, c'est que nous faisons par notre volonté tout ce que nous sentons et savons ne faire que parce que nous le voulons. Nous sommes si loin de dire avec les stoïciens: le destin fait tout, que nous croyons qu'il ne fait rien, puisque nous démontrons que le destin, en entendant par là, suivant l'usage, la disposition des astres au moment de la naissance ou de la conception, est un mot creux qui désigne une chose vaine, Quant à l'ordre des causes, où la volonté de Dieu a la plus grande puissance, nous ne la nions pas, mais nous ne lui donnons pas le nom de destin, à moins qu'on ne fasse venir le fatum de fari, parler 1; car nous ne pouvons contester qu'il ne soit écrit dans les livres saints: « Dieu a parlé une fois, et j'ai entendu ces deux choses : la puissance est à Dieu, et la miséricorde est aussi à vous, ô mon Dieu, qui rendrez à
1. Cette étymologie est celle des grammairiens de l'antiquité, de Varron en particulier : De ling. lat., lib. VI, § 52.
chacun selon ses œuvres 1 ». Or, quand le psalmiste dit : Dieu a parlé une fois, il faut entendre une parole immobile, immuable, comme la connaissance que Dieu a de tout ce qui doit arriver et de tout ce qu'il doit faire. Nous pourrions donc entendre ainsi le fatum, si on ne le prenait d'ordinaire en un autre sens, que nous ne voulons pas laisser s'insinuer dans les coeurs. Mais la vraie question est de savoir si, du moment qu'il y a pour Dieu un ordre déterminé de toutes les causes, il faut refuser tout libre arbitre à la volonté. Nous le nions; et en effet, nos volontés étant les causes de nos actions, font elles-mêmes partie de cet ordre des causes qui est certain pour Dieu et embrassé par sa prescience. Par conséquent, celui qui a vu d'avance toutes les causes des événements, n'a pu ignorer parmi ces causes les volontés humaines, puisqu'il y a vu d'avance les causes de nos actions.
L'aveu même de Cicéron, que rien n'arrive qui ne suppose avant soi une cause efficiente, suffit ici pour le réfuter. Il ne lui sert de rien d'ajouter que toute cause n'est pas fatale, qu'il y en a de fortuites, de naturelles, de volontaires; c'est assez qu'il reconnaisse que rien n'arrive qui ne suppose avant soi une cause efficiente. Car, qu'il y ait des causes fortuites, d'où vient même le nom de fortune, nous ne le nions pas; nous disons seulement que ce sont des causes cachées, et nous les attribuons à la volonté du vrai Dieu ou à celle de quelque esprit. De même pour les causes naturelles, que nous ne séparons pas de la volonté du créateur de la nature. Restent les causes volontaires, qui se rapportent soit à Dieu, soit aux anges, soit aux hommes, soit aux bêtes, si toutefois on peut appeler volontés ces mouvements d'animaux privés de raison, qui les portent à désirer ou à fuir ce qui convient ou ne convient pas à leur nature. Quand je parle des volontés des anges, je réunis par la pensée les bons anges ou anges de Dieu avec les mauvais anges ou anges du diable, et ainsi des hommes, bons ou méchants. H suit de là qu'il n'y a point d'autres causes efficientes de tout ce qui arrive que les causes volontaires, c'est-à-dire procédant de cette nature qui est l'esprit de vie. Car l'air ou le vent s'appelle aussi en latin esprit; mais comme c'est un corps, ce n'est point l'esprit de vie. Le véritable esprit de vie, qui vivifie toutes choses et qui est le
1. Ps. LXI, 41.
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créateur de tout corps et de tout esprit créé, c'est Dieu, l'esprit incréé. Dans sa volonté réside la toute-puissance, par laquelle il aide les bonnes volontés des esprits créés, juge les mauvaises, les ordonne toutes, accorde la puissance à celles-ci et la refuse à celles-là. Car, comme il est le créateur de toutes les natures, il est le dispensateur de toutes les puissances, mais non pas de toutes les volontés, les mauvaises volontés ne venant pas de lui, puisqu'elles sont contre la nature qui vient de lui. Pour ce qui est des corps, ils sont soumis aux volontés, les uns aux nôtres, c'est-à-dire aux volontés de tous les animaux mortels, et plutôt des hommes que des bêtes; les autres à celles des anges; mais tous sont soumis principalement à la volonté de Dieu, à qui même sont soumises toutes les volontés en tant qu'elles n'ont de puissance que par lui. Ainsi donc, la cause qui fait les choses et qui n'est point faite, c'est Dieu. Les autres causes font et sont faites: tels sont tous les esprits créés et surtout les raisonnables. Quant aux causes corporelles, qui sont plutôt faites qu'elles ne font, on ne doit pas les compter au nombre des causes efficientes, parce qu'elles ne peuvent que ce que font par elles les volontés des esprits. Comment donc l'ordre des causes, déterminé dans la prescience divine, pourrait-il faire que rien ne dépendît de notre volonté, alors que nos volontés tiennent une place si considérable dans l'ordre des causes ? Que Cicéron dispute tant qu'il voudra contre les stoïciens, qui disent que cet ordre des causes est fatal, ou plutôt qui identifient l'ordre des causes avec ce qu'ils appellent destin 1; pour nous, cette opinion nous fait horreur, surtout à cause du mot, que l'usage a détourné de son vrai sens. Mais quand Cicéron vient nier que l'ordre des causes soit déterminé et parfaitement connu de la prescience divine, nous détestons sa doctrine plus encore que ne faisaient les stoïciens; car, ou il faut qu'il nie expressément Dieu, comme il a essayé de le faire, sous le nom d'un autre personnage, dans son traité De la nature des dieux; ou si en confessant l'existence de Dieu il lui refuse la prescience, cela revient encore à dire avec l'insensé dont parle l'Ecriture : Il n'y a point de Dieu. En effet, celui qui ne connaît point l'avenir n'est point Dieu. En résumé, nos
1. Voyez Cicéron, De fato, cap. 11 et 12¸et De divinat. Lib. 1, cap. 55 ; lib. II, cap. 8
volontés ont le degré de puissance que Dieu leur assigne par sa volonté et sa prescience; d'où il résulte qu'elles peuvent très-certainement tout ce qu'elles peuvent, et qu'elles feront effectivement ce qu'elles feront, parce que leur puissance et leur action ont été prévues par celui dont la prescience est infaillible. C'est pourquoi, si je voulais me servir du mot destin, je dirais que le destin de la créature est la volonté du Créateur, qui tient la créature en son pouvoir, plutôt que de dire avec les stoïciens que le destin (qui dans leur langage est l'ordre des causes) est incompatible avec le libre arbitre.
CHAPITRE X.
S'IL Y A QUELQUE NÉCESSITÉ QUI DOMINE LES VOLONTÉS DES HOMMES.
Cessons donc d'appréhender cette nécessité tant redoutée des stoïciens , et qui leur a fait distinguer deux sortes de causes : les unes qu'ils soumettent à la nécessité , les autres qu'ils en affranchissent, et parmi lesquelles ils placent la volonté humaine, étant persuadés qu'elle cesse d'être libre du moment qu'on la soumet à la nécessité. Et en effet, si on appelle nécessité pour l'homme ce qui n'est pas en sa puissance, ce qui se fait en dépit de sa volonté, comme par exemple la nécessité de mourir, il est évident que nos volontés, qui font que notre conduite est bonne ou mauvaise, ne sont pas soumises à une telle nécessité. Car nous faisons beaucoup de choses que nous ne ferions certainement pas si nous ne voulions pas les faire. Telle est la propre essence du vouloir : si nous voulons, il est; si nous ne voulons pas, il n'est pas, puisque enfin on ne voudrait pas, si on ne voulait pas. Mais il y a une autre manière d'entendre la nécessité, comme quand on dit qu'il est nécessaire que telle chose soit ou arrive de telle façon; prise en ce sens, je ne vois dans la nécessité rien de redoutable, rien qui supprime le libre arbitre de la volonté. On ne soumet pas en effet à la nécessité la vie et la prescience divines, en disant qu'il est nécessaire que Dieu vive toujours et prévoie toutes choses, pas plus qu'on ne diminue la puissance divine en disant que Dieu ne peut ni mourir, ni être trompé. Ne pouvoir pas mourir est si peu une impuissance, que si Dieu pouvait mourir, il ne serait pas la (101) puissance infinie. On a donc raison de l'appeler le Tout-Puissant, quoiqu'il ne puisse ni mourir, ni être trompé; car sa toute-puissance consiste -à faire ce qu'il veut et à ne pas souffrir ce qu'il ne veut pas; double conditiOn sans laquelle il ne serait plus le Tout-Puissant. D'où l'on voit enfin que ce qui fait que Dieu ne peut pas certaines choses, c'est sa toute-puissance même:. Pareillement donc, dire qu'il est nécessaire que lorsque nous voulons, nous voulions par notre libre arbitre, c'est dire une chose incontestable; mais il ne s'ensuit pas que notre libre arbitre soit soumis à une nécessité qui lui ôte sa liberté. Nos volontés restent nôtres, et c'est bien elles qui font ce que nous voulons faire , ou , en d'autres termes, ce qui ne se ferait pas si nous ne le voulions faire. Et quand j'ai quelque chose à souffrir du fait de mes semblables et contre ma volonté propre, il y a encore ici une manifestation de la volonté, non sans doute de ma volonté propre, mais de celle d'autrui, et avant tout de la volonté et de la puissance de Dieu. Car, dans le cas même où la volonté de mes semblables serait une volonté sans puissance, cela viendrait évidemment de ce qu'elle serait-empêchée par une volonté supérieure; elle supposerait donc une autre volonté, tout en restant elle-même une volonté distincte, impuissante à faire ce qu'elle veut. C'est pourquoi, tout ce que l'homme souffre contre sa volonté, il ne doit l'attribuer, ni à la volonté des hommes, ni à celle des anges ou de quelque autre esprit créé, mais à la volonté de Dieu, qui donne le pouvoir aux volontés.
On aurait donc tort de conclure que rien ne dépend de notre volonté, sous prétexte que Dieu a prévu ce qui devait en dépendre. Car ce serait dire que Dieu a prévu là où il n'y avait rien à prévoir. Si en effet celui qui a prévu ce qui devait dépendre un jour de notre volonté, a véritablement prévu quelque chose, il faut conclure que ce quelque chose, objet de sa prescience, dépend en effet de notre volonté. C'est pourquoi nous ne sommes nullement réduits à cette alternative, ou de nier le libre arbitre pour sauver la prescience de Dieu, ou de nier la prescience de Dieu, pensée sacrilège ! pour sauver le libre arbitre; mais nous embrassons ces deux principes, et nous les confessons l'un et l'autre avec la même foi et la même sincérité: la prescience, pour bien croire; le libre arbitre, pour bien vivre. Impossible d'ailleurs de bien vivre, si on ne croit pas de Dieu ce qu'il est bien d'en croire. Gardons-nous donc soigneusement, sous prétexte de vouloir être libres, de nier la prescience de Dieu, puisque c'est Dieu seul dont la grâce nous donne ou nous donnera la liberté. Ainsi, ce n'est pas en vain qu'il y a des lois, ni qu'on a recours aux réprimandes, aux exhortations, à la louange et au blâme; car Dieu a prévu toutes ces choses, et elles ont tout l'effet qu'il a prévu qu'elles auraient; et de même les prières servent pour obtenir de lui les biens qu'il a prévu qu'il accorderait à ceux qui prient; et enfin il y a de la justice à récompenser les bons et à châtier les méchants. Un homme ne pèche pas parce que Dieu a prévu qu'il pécherait; tout au contraire, il est hors de doute que quand il pèche, c'est lui-même qui pèche, celui dont la prescience est infaillible ayant prévu que son péché, loin d'être l'effet du destin ou de la fortune, n'aurait d'autre cause que sa propre volonté. Et sans doute, s'il ne veut pas pécher, il ne pèche pas; mais alors Dieu a prévu qu'il ne voudrait pas pécher.
CHAPITRE XI.
LA PROVIDENCE DE DIEU EST UNIVERSELLE ET EMBRASSE TOUT SOUS SES LOIS.
Considérez maintenant ce Dieu souverain et véritable qui, avec son Verbe et son Esprit saint, ne forme qu'un seul Dieu en trois personnes, ce Dieu unique et tout-puissant, auteur et créateur de toutes les âmes et de tous les corps, source de la félicité pour quiconque met son bonheur, non dans les choses vaines, mais dans les vrais biens, qui a fait de l'homme un animal raisonnable, composé de corps et d'âme, et après son péché, ne l'a laissé-ni sans châtiment, ni sans miséricorde; qui a donné aux bons et aux méchants l'être comme aux pierres, la vie végétative comme aux plantes, la vie sensitive comme aux animaux, la vie intellectuelle comme aux anges; ce Dieu, principe de toute règle, de toute beauté, de tout ordre; qui donne à tout le nombre, le poids et la mesure; de qui dérive toute production naturelle, quels qu'en soient le genre et le prix : les semences des formes, les formes des semences, le mouvement des semences et des formes; ce Dieu qui a créé la chair avec sa beauté, sa vigueur, sa fécondité, la disposition de ses organes et la concorde (102) salutaire de ses éléments; qui a donné à l'âme animale la mémoire, les sens et l'appétit, et à l'âme raisonnable la pensée, l'intelligence et la volonté; ce Dieu qui n'a laissé aucune de ses oeuvres, je ne dis pas le ciel et la terre, je ne dis pas les anges et les hommes, mais les organes du plus petit et du plus vil des animaux, la plume d'un oiseau, la moindre fleur des champs, une feuille d'arbre, sans y établir la convenance des parties, l'harmonie et la paix; je demande s'il est croyable que ce Dieu ait souffert que les empires de la terre, leurs dominations et leurs servitudes, restassent étrangers aux lois de sa providence?

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