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  • : Blog Parousie de Patrick ROBLES (Montbéliard, Franche-Comté, France)
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  • Dominus pascit me, et nihil mihi deerit. Le Seigneur est mon berger : je ne manquerai de rien. The Lord is my shepherd; I shall not want. El Señor es mi pastor, nada me falta. L'Eterno è il mio pastore, nulla mi mancherà. O Senhor é o meu pastor; de nada terei falta. Der Herr ist mein Hirte; mir wird nichts mangeln. Господь - Пастырь мой; я ни в чем не буду нуждаться. اللهُ راعِيَّ، فلَنْ يَنقُصَنِي شَيءٌ (Ps 23,1)
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27 juin 2008 5 27 /06 /juin /2008 09:37
                             Saint Père KOLBE


LIVRE QUINZIÈME : AVANT LE DÉLUGE

Ayant traité, dans les quatre livres qui précèdent, de l'origine des deux cités, saint Augustin en expose le progrès dans les quatre livres qui suivent, et, pour cela, il s'attache aux principaux passages de l'Histoire sainte où ce progrès est indiqué. Dans le présent livre, en particulier, il commente le récit de la Genèse depuis Caïn et Abel jusqu'au déluge.

LIVRE QUINZIÈME : AVANT LE DÉLUGE
CHAPITRE PREMIER.

DE LA SÉPARATION DES HOMMES EN DEUX SOCIÉTÉS, A PARTIR DES ENFANTS D'ADAM.
CHAPITRE II.
DES FILS DE LA TERRE ET DES FILS DE PROMISSION.
CHAPITRE IV.
DE LA PAIX ET DE LA GUERRE DANS LA CITÉ TERRESTRE.
CHAPITRE V.
DU PREMIER FONDATEUR DE LA CITÉ DE LA TERRE, QUI TUA SON FRÈRE; EN QUOI IL FUT IMITÉ DEPUIS PAR LE FONDATEUR DE ROME.
CHAPITRE VI.
DES LANGUEURS AUXQUELLES SONT SUJETS, EN PUNITION DU PÉCHÉ, LES CITOYENS MÊMES DE LA CITÉ DE DIEU, ET DONT ILS SONT ENFIN DÉLIVRÉS PAR LA GRACE.
CHAPITRE VII.
LA PAROLE DE DIEU NE DÉTOURNA POINT CAÏN DE TUER SON FRÈRE.
CHAPITRE VIII.
QUELLE RAISON PORTA CAÏN À BÂTIR UNE VILLE DÈS LE COMMENCEMENT DU MONDE.
CHAPITRE IX.
LES HOMMES VIVAIENT PLUS LONGTEMPS ET ÉTAIENT PLUS GRANDS AVANT LE DÉLUGE QUE DEPUIS.
CHAPITRE X.
DE LA DIVERSITÉ QUI SE RENCONTRE ENTRE LES LIVRES HÉBREUX ET LES SEPTANTE QUANT AU NOMBRE DES ANNÉES DES PREMIERS HOMMES.
CHAPITRE XI.
IL FAUT, D'APRÈS L'AGE DE MATHUSALEM, QU'IL AIT ENCORE VÉCU QUATORZE ANS ÀPRÈ5 LE DÉLUGE.
CHAPITRE XII.
DE L'OPINION DE CEUX QUI CROIENT QUE LES ANNÉES DES ANCIENS N'ÉTAIENT PAS AUSSI LONGUES QUE LES NÔTRES.
CHAPITRE XIII.
SI, DANS LA SUPPUTATION DES ANNÉES, IL FAUT PLUTÔT S'ARRÊTER AUX TEXTES HÉBREUX QU'A LA TRADUCTION DES SEPTANTE.
CHAPITRE XIV.
LES ANNÉES ÉTAlENT AUTREFOIS AUSSI LONGUES QU' À PRÉSENT.
CHAPITRE XV.
S'IL EST PRÉSUMABLE QUE LES HOMMES DU PREMIER AGE AIENT PERSÉVÉRÉ DANS L'ABSTINENCE JUSQU'À L'ÉPOQUE OU L'ON RAPPORTE QU'ILS ONT EU DES ENFANTS.
CHAPITRE XVI.
DES MARIAGES ENTRE PROCHES, PERMIS AUTREFOIS A CAUSE DE LA NÉCESSITÉ.
CHAPITRE XVII.
DES DEUX CHEFS DE L'UNE ÉT L'AUTRE CITÉ ISSUS DU MÊME PÈRE.
CHAPITRE XVIII.
FIGURE DE JÉSUS-CHRIST ET DE SON ÉGLISE DANS ADAM, SETE ET ÉNOS.
CHAPITRE XIX.
CE QUE FIGURE LE RAVISSEMENT D'ÉNOCH.
CHAPITRE XX.
COMMENT LA POSTÉRITÉ DE CAÏN EST RENFERMÉE EN HUIT GÉNÉRATIONS, ET POURQUOI NOÉ APPARTIENT A LA DIXIÈME DEPUIS ADAM.
CHAPITRE XXI.
L'ÉCRITURE NE PARLE QU'EN PASSANT DE LA CITÉ DE LA TERRE, ET SEULEMENT EN VUE DE CELLE DU CIEL.
CHAPITRE XXII.
LE MÉLANGE DES ENFANTS DE DIEU AVEC LES FILLES DES HOMMES A CAUSÉ LE DÉLUGE QUI A ANÉANTI TOUT LE GENRE HUMAIN, A L'EXCEPTION DE HUIT PERSONNES.
CHAPITRE XXIII.
LES ENFANTS DE DIEU QUI, SUIVANT L'ÉCRITURE, ÉPOUSÈRENT, LES FILLES DES HOMMES, DONT NAQUIRENT LES GÉANTS, ÉTAIENT-ILS DES ANGES?
CHAPITRE XXIV.
COMMENT IL FAUT ENTENDRE CE QUE DIEU DIT A CEUX QUI DEVAIENT PÉRIR PAR LE DÉLUGE « : ILS NE VIVRONT PLUS QUE CENT VINGT ANS ».
CHAPITRE XXV.
LA COLÈRE DE DIEU NE TROUBLE POINT SON IMMUABLE TRANQUILLITÉ.
CHAPITRE XXVI.
TOUT CE QUI EST DIT DE L'ARCHE DE NOÉ DANS LA GENÈSE FIGURE JÉSUS-CHRIST ET L'ÉGLISE.
CHAPITRE XXVII.
ON NE DOIT PAS PLUS DONNER LES MAINS A CEUX QUI NE VOIENT QUE DE L'HISTOIRE DANS CE QUE LA GENÈSE DIT DE L'ARCHE DE NOË ET DU DÉLUGE, ET REJETTENT LES ALLÉGORIES, QU'À CEUX QUI N'Y VOIENT QUE DES ALLÉGORIES ET REJETTENT L'HISTOIRE.
CHAPITRE PREMIER.
DE LA SÉPARATION DES HOMMES EN DEUX SOCIÉTÉS, A PARTIR DES ENFANTS D'ADAM.
On a beaucoup écrit sur le paradis terrestre, sur la félicité dont on y jouissait, sur la vie qu'y menaient les premiers hommes, sur leur crime et leur punition. Et nous aussi, nous en avons parlé dans les livres précédents, selon ce que nous en avons lu ou pu comprendre dans l'Ecriture; mais un examen détaillé de tous ces points ferait naître une infinité de questions qui demanderaient à être traitées avec plus d'étendue, et qui passeraient de beaucoup les bornes de cet ouvrage et de notre loisir. Où en trouver assez, si nous prétendions répondre à toutes les difficultés que nous pourraient faire des esprits oisifs et pointilleux, toujours plus prêts à former des objections que capables d'en comprendre les solutions? J'estime toutefois avoir déjà éclairci les grandes et difficiles questions du commencement et de la fin du monde, de la création de l'âme et de celle de tout le genre humain, qui a été distingué en deux ordres, l'un composé de ceux qui vivent selon l'homme, et l'autre de ceux qui vivent selon Dieu. Nous donnons encore à ces deux ordres le nom mystique de Cités, par où il faut entendre deux sociétés d'hommes, dont l'une est prédestinée à vivre éternellement avec Dieu, et l'autre à souffrir un supplice éternel avec le diable. Telle est leur fin, dont nous traiterons dans la suite. Maintenant, puisque nous avons assez parlé de leur naissance, soit dans les anges, soit dans les deux premiers hommes, il est bon, ce me semble, que nous en considérions le cours et le progrès, depuis le moment où les deux premiers hommes commencèrent à engendrer jusqu'à la fin des générations humaines. C'est de tout cet espace de temps, où il se fait une révolution continuelle de personnes qui meurent, et d'autres qui naissent et qui prennent leur place, que se compose la durée des deux cités.
Caïn, qui appartient à la cité des hommes, naquit le premier des deux auteurs du genre humain ; vint ensuite Abel, qui appartient à la cité de Dieu. De même que nous expérimentons dans chaque homme en particulier la vérité de cette parole de l'Apôtre, que ce n'est pas ce qui est spirituel qui est formé le premier, mais ce qui est animal 1, d'où vient que nous naissons d'abord méchants et charnels, comme sortant d'une racine corrompue, et ne devenons bons et spirituels qu'en renaissant de Jésus-Christ, ainsi en est-il de tout le genre humain. Lorsque les deux cités commencèrent à prendre leur cours dans l'étendue des siècles, l'homme de la cité de la terre fut celui qui naquit le premier, et, après lui, le membre de la cité de Dieu, prédestiné par la grâce, élu par la grâce, étranger ici-bas par la grâce, et par la grâce citoyen du ciel. Par lui-même, en effet, il sortit de la même masse qui avait été toute condamnée dans son origine ; mais Dieu, comme un potier de terre (car c'est la comparaison dont se sert saint Paul 2, à dessein, et non pas au hasard), fit d'une même masse un vase d'honneur et un vase d'ignominie 3. Or, le vase d'ignominie a été fait le premier, puis le vase d'honneur, parce que dans chaque homme, comme je viens de le dire, précède ce qui est mauvais, ce par où il faut nécessairement commencer, mais où il n'est pas nécessaire de demeurer; et après vient ce qui est bon, où nous parvenons par notre progrès dans la vertu, et où nous de. vons demeurer. Il est vrai dès lorsque tous ceux qui sont méchants ne deviendront pas bons; mais il l'est aussi qu'aucun ne sera bon qui n'ait été originairement méchant. L'Ecriture dit donc de Caïn qu'il bâtit une ville4; mais A bel,
1. I Cor. XV, 46.
2. Saint Paul emprunte cette comparaison à Isaïe (XLV, 9) et à Jérémie (XVIII, 3 et seq.)
3. Rom. IX, 21. - 4. Gen. IV, 17.
(309)
qui était étranger ici-bas, n'en bâtit point. Car la cité des saints est là-haut, quoiqu'elle enfante ici-bas des citoyens en qui elle est étrangère à ce monde, jusqu'à ce que le temps de son règne arrive et qu'elle rassemble tous ses citoyens au jour de la résurrection des corps, quand ils obtiendront le royaume qui leur est promis et où ils régneront éternellement avec le Roi des siècles, leur souverain.
CHAPITRE II.
DES FILS DE LA TERRE ET DES FILS DE PROMISSION.
Il a existé sur la terre, à la vérité, une ombre et une image prophétique de cette cité,
pour en être le signe obscur plutôt que la représentation expresse, et cette image a été
appelée elle-même la cité sainte, comme le symbole et non comme la réalité de ce qui
doit s'accomplir un jour. C'est de cette image inférieure et subordonnée dans son contraste
avec la cité libre qu'elle marquait, que l'Apôtre parle ainsi aux Galates: « Dites-moi, je
vous prie, vous qui voulez être sous la loi, n'avez-vous point ouï ce que dit la loi? Car il
est écrit qu'Abraham a eu deux fils, l'un de la servante et l'autre de la femme libre. Mais
celui qui naquit de la servante naquit selon la chair, et celui qui naquit de la femme libre naquit en vertu de la promesse de Dieu. Or, tout ceci est une allégorie. Ces deux femmes sont les deux alliances, dont la première, qui a été établie sur le mont Sina et qui n'engendre que des esclaves, est figurée par Agar. Agar est en figure la même chose que Sina, montagne d'Arabie, et Sina représente la Jérusalem terrestre qui est esclave avec ses enfants, au lieu que la Jérusalem d'en haut est vraiment libre, et c'est elle qui est notre mère; car il est écrit : Réjouissez-vous, stériles qui n'enfantez point ; poussez des cris de joie, vous qui ne concevez point; car celle qui était délaissée a plus d'enfants que celle qui a un mari. Nous sommes donc, mes frères, les enfants de la promesse, ainsi qu'Isaac. Et comme alors celui qui était né
selon la chair persécutait celui qui était né selon l'esprit, il en est encore de même aujourd'hui. Mais que dit l'Ecriture? Chassez la servante et son fils; car le fils de la servante ne sera point héritier avec le fils de la femme libre. Or, mes frères, nous ne sommes point les enfants de la servante, mais de la femme libre; et c'est Jésus-Christ qui nous a acquis cette liberté 1 ». Cette explication de l'Apôtre nous apprend comment nous devons entendre les deux Testaments. Une partie de la cité de la terre est devenue une image de la cité du ciel. Elle n'a pas été établie pour elle-même, mais pour être le symbole d'une autre; et ainsi la cité de la terre, image de la cité du ciel, a en elle-même une image qui la représentait. En effet, Agar, servante de Sarra, et son fils étaient en quelque façon une image de cette image, une figure de cette figure; et comme, à l'arrivée de la lumière, les ombres devaient s'évanouir, Sarra, qui était la femme libre et signifiait la cité libre, laquelle figurait elle-même la Jérusalem terrestre, dit: « Chassez la servante et son fils; car le fils de la servante ne sera point héritier avec mon fils Isaac », ou, comme dit l'Apôtre: « Avec le fils de la femme libre ». Nous trouvons donc deux choses dans la cité de la terre, d'abord la figure d'elle-même, et puis celle de la cité du ciel qu'elle représentait. Or, la nature corrompue par le péché enfante les citoyens de la cité de la terre, et la grâce, qui délivre la nature du péché, enfante les citoyens de la cité du ciel; d'où vient que ceux-là sont appelés des vases de colère, et ceux-ci des vases de miséricorde 2. C'est encore ce qui a été figuré dans les deux fils d'Abraham, attendu que l'un d'eux, savoir Ismaël, est né selon la chair, de la servante Agar, et l'autre, Isaac, est né de la femme libre, en exécution de la promesse de Dieu. L'un et l'autre à la vérité sont enfants d'Abraham, mais l'un engendré selon le cours ordinaire des choses, qui marquait la nature, et l'autre donné en vertu de la promesse, qui signifiait la grâce. En l'un paraît l'ordre des choses humaines, et dans l'autre éclate un bienfait particulier de Dieu.
CHAPITRE III.
DE LA STÉRILITÉ DE SARRA QUE DIEU FÉCONDA PAR SA GRÂCE.
Sarra était réellement stérile; et, comme elle désespérait d'avoir des enfants, elle résolut d'en avoir au moins de sa servante qu'elle donna à son mari pour habiter avec elle. De cette sorte, elle exigea de lui le devoir conjugal, usant de son droit en la personne d'une autre. Ismaël naquit comme les autres
1. Galat. IV, 21-31. - 2. Rom. IX, 21, 23.
(309)
hommes de l'union des deux sexes, suivant la loi ordinaire de la nature : c'est pour cela que l'Ecriture dit qu'il naquit selon la chair, non que les enfants nés de cette manière ne soient des dons et des ouvrages de Dieu, de ce Dieu dont la sagesse atteint sans aucun obstacle d'une extrémité à l'autre et qui dispose toutes choses avec douceur 1 , mais parce que, pour marquer un don de la grâce de Dieu entièrement gratuit et nullement dû aux hommes, il fallait qu'un enfant naquît contre le cours ordinaire de la nature. En effet, la nature a coutume de refuser des enfants à des personnes aussi âgées que l'étaient Abraham et Sarra quand ils eurent Isaac, outre que Sarra était même naturellement stérile. Or, cette impuissance de la nature à produire des enfants dans cette disposition, est un symbole de la nature humaine, corrompue par le péché et justement condamnée, et désormais déchue de toute véritable félicité. Ainsi Isaac, né en vertu de la promesse de Dieu, figure très-bien les enfants de la grâce, les citoyens de la cité libre, les cohéritiers de l'éternelle paix, où ne règne pas l'amour de la volonté propre, mais une charité humble et soumise, unie dans la jouissance commune du bien immuable, et qui de plusieurs coeurs n'en fait qu'un.
CHAPITRE IV.
DE LA PAIX ET DE LA GUERRE DANS LA CITÉ TERRESTRE.
Mais la cité de la terre, qui ne sera pas éternelle (car elle ne sera plus cité, quand elle sera condamnée au dernier supplice), trouvera-ici-bas son bien, dont la possession lui procure toute la joie que peuvent donner de semblables choses. Comme ce bien n'est pas tel qu'il ne cause quelques traverses à ceux qui l'aiment, il en résulte que cette cité est souvent divisée contre elle-même, que ses citoyens se font la guerre, donnent des batailles et remportent des victoires sanglantes. Là chaque parti veut demeurer le maître, tandis qu'il est lui-même esclave de ses vices. Si, lorsqu'il est vainqueur, il s'enfle de-ce succès, sa victoire lui devient mortelle; si, au contraire, pensant à la condition et aux disgrâces communes, il se modère par la considération des accidents de la fortune, cette victoire lui est plus avantageuse; mais la
1. Sag. VIII, 1.
mort lui en ôte enfin le fruit; car il ne peut pas toujours dominer sur ceux qu'il s'est assujétis. On ne peut pas nier toutefois que les choses dont cette cité fait l'objet de ses désirs ne soient des biens, puisque elle-même, en son genre, est aussi un bien, et de tous 1er biens de la terre le plus excellent. Or, pour jouir de ces biens terrestres, elle désire une certaine paix, et ce n'est que pour cela qu'elle fait la guerre. Lorsqu'elle demeure victorieuse et qu'il n'y a plus personne qui lui résiste, elle a la paix que n'avaient pas les partis contraires qui se battaient pour posséder des choses qu'ils ne pouvaient posséder ensemble. C'est cette paix qui est le but de toutes les guerres et qu'obtient celui qui remporte la victoire. Or, quand ceux qui combattaient pour la cause la plus juste demeurent vainqueurs, qui doute qu'on ne doive se réjouir de leur victoire et de la paix qui la suit? Ces choses sont bonnes, et viennent sans doute de Dieu; mais si l'on se passionne tellement pour ces moindres biens, qu'on les croie uniques ou qu'on les aime plus que ces autres biens beaucoup plus excellents qui appartiennent à la céleste cité, où il y aura une victoire suivie d'une paix éternelle et souveraine, la misère alors est inévitable et tout se corrompt de plus en plus.
CHAPITRE V.
DU PREMIER FONDATEUR DE LA CITÉ DE LA TERRE, QUI TUA SON FRÈRE; EN QUOI IL FUT IMITÉ DEPUIS PAR LE FONDATEUR DE ROME.
C'est ainsi que le premier fondateur de la cité de la terre fut fratricide. Transporté de jalousie, il tua son frère, qui était citoyen de la cité éternelle et étranger ici-bas. Il n'y a donc rien d'étonnant que ce crime primordial et, comme diraient les Grecs, ce type du crime, ait été imité si longtemps après, lors de la fondation de cette ville qui devait être la maîtresse de tant de peuples et la capitale de la cité de la terre. Ainsi que l'a dit un de leurs poëtes :
« Les premiers murs de Rome furent teints du sang d'un frère tué par son frère ».
En effet, l'histoire- rapporte que Romulus tua son frère Rémus, et il n'y a 1'autre différence entre ce crime et celui de Caïn, sinon
1. Lucain, dans la Pharsale, au livre I, V. 95.
(310)
qu'ici les frères étaient tous deux citoyens de la cité de la terre, et que tous deux prétendaient être les fondateurs de la république romaine. Or, tous deux ne pouvaient avoir autant de gloire qu'un seul; car une puissance partagée est toujours moindre. Afin donc qu'un seul la possédât tout entière, il se défit de son compétiteur et accrut par son crime un empire qui autrement aurait été moins grand, mais plus juste. Caïn et Abel n'étaient pas touchés d'une pareille ambition, et ce- n'était pas pour régner seul que l'un des deux tua l'autre. Abel ne se souciait pas, en effet, de dominer sur la ville que son frère bâtissait; en sorte qu'il ne fut tué que par cette malignité diabolique qui fait que les méchants portent envie aux gens de bien, sans autre raison sinon que les uns sont bons et les autres méchants. La bonté ne se diminue pas pour être possédée par plusieurs; au contraire, elle devient d'autant plus grande, que ceux qui la possèdent sont plus unis; pour tout dire en un mot, le moyen de la perdre est de la posséder tout seul, et l'on ne la possède jamais plus entière que quand on est bien aise de la posséder avec plusieurs. Or, ce qui arriva entre Rémus et Romulus montre comment la cité de la terre se divise contre elle-même; et ce qui survint entre Caïn et Abel fait voir la division qui existe entre les deux cités, celle de Dieu et celle dès hommes. Les méchants combattent donc les uns contre les autres, et les méchants combattent aussi contre les bons; mais les bons, s'ils sont parfaits, ne peuvent avoir aucun différend entre eux. Ils en peuvent avoir, quand ils n'ont pas encore atteint cette perfection; comme un homme peut n'être pas d'accord avec soi-même, puisque dans le même homme la chair convoite souvent contre l'esprit et l'esprit contre la chair 1. Les inclinations spirituelles de l'un peuvent dès lors combattre les inclinations charnelles de l'autre, et réciproquement, de même que les bons et les méchants se font la guerre les uns aux autres; ou encore, les inclinations charnelles de deux hommes de bien, mais qui ne sont pas encore parfaits, peuvent se combattre l'une l'autre, comme font entre eux les méchants, jusqu'à ce que la grâce victorieuse de Jésus-Christ les ait entièrement guéris de ces faiblesses.
1. Galat. V, 12
CHAPITRE VI.
DES LANGUEURS AUXQUELLES SONT SUJETS, EN PUNITION DU PÉCHÉ, LES CITOYENS MÊMES DE LA CITÉ DE DIEU, ET DONT ILS SONT ENFIN DÉLIVRÉS PAR LA GRACE.
Cette langueur, c'est-à-dire cette désobéissance dont nous avons parlé au quatorzième livre 1, est la peine de la désobéissance du premier homme, et ainsi elle ne vient pas de la nature, mais du vice de la volonté; c'est pourquoi il est dit aux bons, qui s'avancent
dans la vertu et qui vivent de la foi dans ce pèlerinage: « Portez les fardeaux les uns des
autres, et vous accomplirez la loi de Jésus- Christ 2 » ; et dans un autre endroit: « Reprenez ceux qui sont turbulents, consolez les affligés, supportez les faibles, et soyez débonnaires à tout le monde. Prenez garde de ne point rendre le mal pour le mal 3 »; et encore : « Si quelqu'un est tombé par surprise en quelque péché, vous qui êtes spirituels, reprenez-le avec douceur, songeant que vous pouvez être tentés de même 4 » et ailleurs: «Que le soleil ne se couche point sur votre colère 5 » ; et dans l'Evangile: « Lorsque votre frère vous a offensé, reprenez-le en particulier entre vous et lui 6 ». L'Apôtre dit aussi, à l'occasion des péchés où
l'on craint le scandale: « Reprenez devant tout le monde ceux qui ont commis quelque
crime, afin de donner de la crainte aux autres 7». L'Ecriture recommande vivement
pour cette raison le pardon des injures, afin d'entretenir la paix, sans laquelle personne
ne pourra voir Dieu «. De là ce terrible jugement contre ce serviteur que l'on condamne
à payer les dix mille talents qui lui avaient été remis, parce qu'il n'en avait pas voulu
remettre cent à un autre serviteur comme lui. Après cette parabole, Notre-Seigneur
Jésus-Christ ajouta : « Ainsi vous traitera votre Père qui est dans les cieux, si chacun de vous ne pardonne à son frère du fond du cœur 9 ». Voilà comme sont guéris les citoyens de la cité de Dieu, qui sont voyageurs ici-bas et qui soupirent après le repos de la céleste patrie. Mais c'est le Saint-Esprit qui opère au dedans et qui donne la vertu aux remèdes qu'on emploie au dehors. Quand
1. Aux chap. I et II.
2. Galat. VI, 2. - 3. I Thess. V, 14, 15. - 4. Galat. VI, 11. - 5. Ephés. iv, 26. - 6. Matt. XVIII, 15. - 7. 1 Tim. V, 20. - 8.Hébr. XII, 14. - 9. Matt. XVIII, 35.
(311)
Dieu lui-même se servirait des créatures qui lui sont soumises, pour nous parler en songes ou de toute autre manière, cela serait inutile, si en même temps il ne nous touchait l'âme d'une grâce intérieure. Or, il en use de la sorte lorsque, par un jugement très-secret, mais très-juste, il sépare des vases de colère les vases de miséricorde. Si, en effet, à l'aide du secours qu'il nous prête par des voies cachées et admirables, le péché qui habite dans nos membres, ou plutôt la peine du péché, ne règne point dans notre corps mortel, si, domptant ses désirs déréglés, nous ne lui abandonnons point nos membres pour accomplir l'iniquité 1, notre esprit acquiert dès ce moment un empire sur nos passions qui les rend plus modérées, jusqu'à ce que, parfaitement guéri et revêtu d'immortalité , il jouisse dans le ciel d'une paix souveraine.
CHAPITRE VII.
LA PAROLE DE DIEU NE DÉTOURNA POINT CAÏN DE TUER SON FRÈRE.
Mais de quoi servit à Caïn d'être averti de tout cela par Dieu même, quand Dieu s'adressa à lui en lui parlant sous la forme dont il avait coutume de se servir pour parler aux premiers hommes 2 ? En accomplit-il moins le fratricide qu'il méditait? Comme Dieu avait discerné les sacrifices des deux frères, agréant ceux de l'un parce qu'il était homme de bien, et rejetant ceux de l'autre à cause de sa méchanceté, Caïn, qui s'en aperçut sans doute par quelque signe visible, en ressentit un vif déplaisir et en fut tout abattu. Voici comment l'Ecriture s'exprime à ce sujet: « Dieu dit à Caïn: Pourquoi êtes-vous triste et abattu? Quand vous faites une offrande qui est bonne, mais dont le partage n'est pas bon, ne péchez-vous pas? Tenez-vous en repos. Car il se tournera vers vous, et vous lui commanderez 3 ». Dans cet avertissement que Dieu donne à Caïn, il n'est pas aisé de bien entendre ces mots: « Quand vous faites une offrande qui est bonne, mais dont le partage n'est pas bon, ne péchez-vous pas? » C'est ce qui a donné lieu aux commentateurs d'en tirer divers sens. La vérité est que l'on offre bien le sacrifice, lorsqu'on l'offre au
1. Rom. VI, 12, 13.
2. Voyez le De Gen. ad litt. , lib. VIII, n. 37 ; IX, n. 3 et 4.
3. Gen. IV, 6, 7, sec. LXX.
Dieu véritable à qui seul il est dû, mais on ne partage pas bien, lorsqu'on ne discerne pas comme il faut ou les lieux, ou les temps, ou les choses offertes, ou celui qui les offre, ou ceux à qui l'on fait part de l'offrande pour en manger. Ainsi, partage serait synonyme de discernement, soit quand on n'offre pas où il faut, ou ce qu'il y faut offrir, soit lorsqu'on offre dans un temps ce qu'il faudrait offrir dans un autre, ou qu'on offre ce qui ne doit être offert en aucun lieu ni en aucun temps, soit qu'on retienne pour soi le meilleur du sacrifice au lieu de l'offrir à Dieu, soit enfin qu'on en fasse part à un profane ou à quelque autre qu'il n'est pas permis d'y associer. Il est difficile de décider en laquelle de ces choses Caïn déplut à Dieu; toutefois, comme l'Apôtre saint Jean dit, à propos de ces deux frères:
« N'imitez pas Caïn qui était possédé du malin esprit, et qui tua son frère. Et pourquoi le tua-t-il? parce que ses propres oeuvres ne valaient rien, et que celles de son frère étaient bonnes 1 » ; nous en pouvons conclure que les offrandes de Caïn n'attirèrent point les regards de Dieu, parce qu'il ne partageait pas bien et se réservait pour lui-même une partie de ce qu'il offrait à Dieu. C'est ce que font tous ceux qui n'accomplissent pas la volonté de Dieu, mais la leur, c'est-à-dire qui, n'ayant pas le coeur pur, offrent des présents à Dieu pour le corrompre, afin qu'il ne les aide pas à guérir leurs passions, mais à les satisfaire. Tel est proprement le caractère de la cité du monde, de servir Dieu ou les dieux pour remporter par leur secours des victoires sur ses ennemis et jouir d'une paix humaine, dans le désir non de faire du bien, mais de s'agrandir. Les bons se servent du monde pour jouir de Dieu, et les méchants au contraire veulent se servir de Dieu pour jouir du monde; encore, je parle de ceux qui croient qu'il y a un Dieu et qu'il prend soin des choses d'ici-bas, car il en est même qui ne le croient pas. Lors donc que Caïn connut que Dieu n'avait point regardé son sacrifice et qu'il avait regardé celui de son frère, il devait imiter Abel et non pas lui porter envie; mais la tristesse et l'abattement qu'il en ressentit constituent principalement le péché que Dieu reprit en lui, savoir de s'attrister de la bonté d'autrui, et surtout de celle de son frère. Ce fut le sujet de la réprimande
1. I Jean, III, 12.
(312)
qu'il lui adressa, quand il lui dit: « Pourquoi « êtes-vous triste et abattu? » Dieu voyait bien au fond qu'il portait envie à son frère, et c'est de quoi il le reprenait. En effet, comme les hommes ne voient pas le coeur, ils pourraient se demander si cette tristesse ne venait pas de ce qu'il était fâché d'avoir déplu à Dieu par sa mauvaise conduite, plutôt que du déplaisir de ce que Dieu avait regardé favorablement le sacrifice de son frère. Mais du moment que Dieu lui déclare pour quelle raison il n'avait pas voulu recevoir son offrande, et qu'il devait moins imputer ce refus à son frère qu'à lui- même, il fait voir que Caïn était rongé d'une secrète jalousie.
Comme Dieu ne voulait pas, après tout, l'abandonner sans lui donner quelque avis salutaire : « Tenez-vous en repos, lui dit-il; car il se tournera vers vous, et vous lui commanderez ». Est-ce de son frère qu'il parle ? Non vraiment, mais bien de son péché, car il avait dit auparavant: « Ne péchez-vous pas? » puis il ajoute : « Tenez-vous en repos; car il se tournera vers vous, et vous lui commanderez ». On peut entendre par là que l'homme ne doit s'en prendre qu'à lui-même de ce qu'il pèche, et que le véritable moyen d'obtenir le pardon de son péché et l'empire sur ses passions, c'est de se reconnaître coupable; autrement, celui qui prétend excuser le péché ne fera que le renforcer et lui donner plus de pouvoir sur lui. Le péché peut se prendre aussi en cet endroit pour la concupiscence de la chair, dont l'Apôtre dit: « La chair convoite contre l'esprit 1 » car il met aussi l'envie au nombre de ses convoitises, et c'est elle qui anima Caïn contre son frère. D'après cela, ces paroles: « Il se tournera vers vous, et vous lui commanderez », signifieraient que la concupiscence nous sera soumise et que nous en deviendrons les maîtres. Lorsque, en effet, cette partie charnelle de l'âme que l'Apôtre appelle péché dans ce passage où il dit: « Ce n'est pas moi qui fais le mal, mais c'est le péché qui habite en moi 2 », cette partie dont les philosophes avouent qu'elle est vicieuse et ne doit pas commander, mais obéir à l'esprit; lors, dis-je, que cette partie charnelle est émue, si l'on pratique ce que prescrit l'Apôtre: « N'abandonnez point vos membres au péché pour lui servir d'instruments à mal faire 3 », elle se tourne vers l'esprit et se
1. Galat. V, 17. - 2. Rom. VII, 17. - 3. Rom VI, 13
soumet à l'empire de la raison. C'est l'avertissement que Dieu donne à celui qui était transporté d'envie contre son frère, et qui voulait ôter du monde celui qu'il devait plutôt imiter « Tenez-vous en repos », lui dit-il, c'est-à-dire : Ne commettez pas le crime que vous méditez; que le péché ne règne point en votre corps mortel, et n'accomplissez point ses désirs déréglés; n'abandonnez point vos membres au péché pour lui servir d'instruments à mal faire; car il se tournera vers vous, pourvu que, au lieu de le seconder, vous tâchiez de le réprimer, et vous aurez empire sur lui, parce que, lorsqu'on ne lui permet pas d'agir au dehors, il s'accoutume à ne se plus soulever au dedans contre la raison. On voit au même livre de la Genèse qu'il en est à peu près de même pour la femme, quand, après le péché, le diable reçut l'arrêt de sa condamnation dans le serpent, et Adam et Eve dans leur propre personne. Après que Dieu eut dit à Eve: « Je multiplierai les sujets de vos peines et de vos gémissements, et vous enfanterez avec douleur », il ajoute: « Et vous vous tournerez vers votre mari, et il aura empire sur vous 1 ». Ce qui est dit ensuite à Caïn du péché ou de la concupiscence de la chair, est dit ici de la femme pécheresse, pour montrer que le mari doit gouverner sa femme comme l'esprit gouverne la chair. C'est ce qui fait dire à l'Apôtre: « Celui qui aime sa femme s'aime soi-même; car jamais personne ne hait sa propre chair 2 ». Il faut donc guérir ces maux comme étant véritablement en nous, au lieu de les condamner comme s'ils ne nous appartenaient pas. Mais Caïn, qui était déjà corrompu, ne tint aucun compte de l'avertissement de Dieu, et, l'envie se rendant maîtresse de son coeur, il égorgea perfidement son frère. Voilà ce qu'était le fondateur de la cité de la terre. Quant à considérer Caïn comme figurant aussi les Juifs qui ont fait mourir Jésus-Christ, ce grand Pasteur des âmes, représenté par Abel, pasteur de brebis, je n'en veux rien faire ici, et je me souviens d'en avoir touché quelque chose contre Fauste le Manichéen 3.
1. Gen III, 16 - 2. Ephes V, 28, 29.
2. Voyez le Contra Faust., lib. XII, cap. 9 et seq.
(313)
CHAPITRE VIII.
QUELLE RAISON PORTA CAÏN À BÂTIR UNE VILLE DÈS LE COMMENCEMENT DU MONDE.
J'aime mieux maintenant défendre la vérité de l'Ecriture contre ceux qui prétendent qu'il n'est pas croyable qu'un seul homme ait bâti une ville, parce qu'il semble qu'il n'y avait encore alors que quatre hommes sur la terre, ou même trois depuis le meurtre d'Abel, savoir: Adam, Caïn et son fils Enoch, qui donna son nom à cette ville. Ceux qui raisonnent de la sorte ne considèrent pas que l'auteur de l'Histoire sainte n'était pas obligé de mentionner tous les hommes qui pouvaient exister alors, mais seulement ceux qui servaient à son sujet. Le dessein de l'écrivain, qui servait en cela d'organe au Saint-Esprit, était de descendre jusqu'à Abraham par la suite de certaines générations, et de venir des enfants d'Abraham au peuple de Dieu, qui, séparé de tous les autres peuples de la terre, devait annoncer en figure tout ce qui regardait la cité dont le règne sera éternel, et Jésus-Christ son roi et son fondateur, sans néanmoins oublier l'autre société d'hommes que nous appelons la cité de la terre, et d'en dire autant qu'il fallait pour rehausser par cette opposition l'éclat de la cité de Dieu. En effet, lorsque l'Ecriture sainte rapporte le nombre des années de la vie de ces premiers hommes, et conclut toujours ainsi de chacun d'eux : « Et il engendra des fils et des filles, et un tel vécut tant de temps, et puis il mourut 1 » ; dira-t-on, sous prétexte qu'elle ne nomine pas ces fils et ces filles, que, pendant un si grand nombre d'années qu'on vivait alors, il n'ait pu naître assez d'hommes pour bâtir même plusieurs villes? Mais il était de l'ordre de la providence de Dieu, par l'inspiration duquel ces choses ont été écrites, de distinguer d'abord ces deux sociétés: d'une part les générations des hommes, c'est-à-dire de ceux qui vivaient selon l'homme, et de l'autre, les générations des enfants de Dieu, en allant jusqu'au déluge où tous les hommes furent noyés, excepté Noé et- sa femme, avec leurs trois fils et leurs trois brus , huit personnes qui méritèrent seules d'échapper dans l'arche à cette ruine universelle.
Lors donc qu'il est écrit: « Caïn connut sa femme, et elle enfanta Enoch, et il bâtit une
1. Gen. V, 4, 5 et al.
ville du nom de son fils Enoch », il ne s'ensuit pas qu'Enoch ait été son premier fils. L'Ecriture dit la même chose d'Adam, lorsqu'il engendra Seth: « Adam, dit-elle, connut Eve sa femme, et elle conçut et enfanta un fils qu'elle nomma Seth » ; et cependant, Adam avait déjà engendré Caïn et Abel. Il ne s'ensuit pas non plus, de ce qu'Enoch donne son nom à la ville bâtie par Caïn, qu'il ait été son premier-né. Il se pouvait qu'il l'aimât plus que ses autres enfants. En effet, Juda, qui donna son nom à la Judée et aux Juifs, n'était pas l'aîné des enfants de Jacob. Mais quand Enoch serait le fils aîné de Caïn, il n'en faudrait pas conclure qu'il ait donné son nom à cette ville dès qu'il fut né; car un seul homme ne pouvait pas faire une ville, qui n'est autre chose qu'une multitude d'hommes unis ensemble par quelque -lien de société. Il faut croire plutôt que, la famille de Caïn s'étant si fort accrue qu'elle formait un peuple, il bâtit une ville et l'appela du nom de son aîné. Dans le fait, la vie de ces premiers hommes était si longue, quo celui qui a le moins vécu avant le déluge, selon le témoignage de 1'Ecriture, a vécu sept cent cinquante-trois ans 2. Plusieurs même ont passé neuf cents ans , quoique aucun n'ait été jusqu'à mille. Qui peut donc douter que, pendant la vie d'un seul homme, le genre humain n'ait pu tellement se multiplier qu'il ait été suffisant pour peupler plusieurs villes? Cela se peut facilement conjecturer, puisque le peuple hébreu, sorti du seul Abraham, s'accrut de telle façon, en l'espace d'un peu plus de quatre cents ans, qu'à la sortie d'Egypte l'Ecriture compte jusqu'à six cent mille hommes capables de porter les armes 3, pour ne rien dire des Iduméens qui sortirent d'Esaü, petit-fils d'Abraham, ni de plusieurs autres nations issues du même Abraham, mais non pas par sa femme Sarra 4.
CHAPITRE IX.
LES HOMMES VIVAIENT PLUS LONGTEMPS ET ÉTAIENT PLUS GRANDS AVANT LE DÉLUGE QUE DEPUIS.
Il n'est donc point d'esprit judicieux qui
1. Gen. IV, 17, 25.
2. Ce personnage est Lamech, du moins selon la version des Septante; car la Vulgate porte sept cent soixante-dix-sept ans.
3. Exod. XII, 37.
4. Saint Augustin veut parler des Ismaélites, issue d'Ismaël, fils d'Abraham et d'Agar.
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doute que Caïn n'ait pu bâtir une ville, même ort grande, dans un temps où la vie des hommes était si longue 1, à moins qu'on ne veuille encore discuter là-dessus et prétendre qu'il n'est pas vrai qu'ils aient vécu aussi longtemps que 1'Ecriture le rapporte. Une chose encore que les incrédules se refusent à croire, c'est que les hommes fussent alors beaucoup plus grands qu'ils ne sont aujourd'hui. Cependant le plus célèbre de leurs poëtes, Virgile, à propos d'une grosse pierre qui servait de borne à un champ et qu'un homme très-robuste des temps anciens leva dans le combat et lança en courant contre son ennemi, s'exprime ainsi :
« A peine douze hommes de nos jours, choisis parmi les plus forts, l'auraient-ils pu porter 2 »
Par où il veut montrer que la terre produisait alors des hommes bien plus grands qu'à présent. Combien donc l'étaient-ils encore davantage dans les premiers âges du monde avant le déluge? Mais les sépulcres, découverts par la suite des années ou par des débordements de fleuves et autres accidents, où l'on a trouvé des ossements d'une grandeur incroyable, doivent convaincre les plus opiniâtres. J'ai vu moi-même, sur le rivage d'Utique, et plusieurs l'ont vue avec moi, une dent mâchelière d'homme, si grosse qu'on en eût pu faire cent des nôtres 2 : elle avait appartenu, je crois, à quelque géant ; car si les hommes d'alors étaient généralement plus grands que nous, ils l'étaient moins que les géants. Aussi bien, dans tous les temps et même au nôtre, des phénomènes de ce genre n'ont pas cessé de se produire. Pline, ce savant homme, assure 4 que plus le temps avance dans sa marche, plus les corps diminuent; et il ajoute que c'est une chose dont Homère se plaint souvent. Mais, comme j'ai déjà dit, les os que l'on découvre quelquefois dans de vieux monuments peuvent justifier la grandeur des
1. Sur la longévité des hommes primitifs, voyez Josèphe, Ant. Hebr., lib. I, cap. 3, § 9, et Pline l'Ancien, Hist. nat. , lib. VII, capp. 49, 50.
2. Virgile en cet endroit (Enéide, livre XII, v. 899, 900) a suivi Homère, mais en l'exagérant. Voyez l'Iliade (chant V, v. 302-304), où le fils de Tydée lance une pierre que deux hommes ordinaire, auraient eu de la peine à soulever. Deux hommes n'ont pas suffi à Virgile, il en a mis douze, et de choix.
3. Cette dent prodigieuse était, selon toute probabilité, une dent d'éléphant fossile. Voyez mir ce point, comme aussi sur la taille et la longévité des anciens hommes, la lettre de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire à M. Poujoulat, auteur d'une Histoire de saint Augustin (tome III, pages 339 et suiv.) On consultera également avec fruit le livre récent de M. Flourens: De la longévité humaine.
4. En son Histoire naturelle, au livre VII, ch. 16.
corps des premiers hommes, tandis que l'on ne saurait prouver de même la durée de leur vie, parce que personne ne vit plus aussi longtemps. Cependant cela ne doit pas empêcher d'ajouter foi à l'Histoire sainte, puisqu'il y aurait d'autant plus d'imprudence à ne pas croire ce qu'elle nous raconte du passé, que nous voyons de nos yeux l'accomplissement de ce qu'elle a prédit de l'avenir. Le même Pline dit toutefois qu'il existe encore une nation où l'on vit deux cents ans 1. Si donc quelques pays qui nous sont inconnus conservent encore des restes de cette longue vie dont nous n'avons pas d'expérience, pourquoi ne croirions-nous pas aussi qu'il y a eu des temps où l'on vivait autant que l'Ecriture le témoigne ? S'il est croyable que ce qui n'est point ici soit ailleurs, pourquoi serait-il incroyable que ce qui n'est pas maintenant ait été autrefois?
CHAPITRE X.
DE LA DIVERSITÉ QUI SE RENCONTRE ENTRE LES LIVRES HÉBREUX ET LES SEPTANTE QUANT AU NOMBRE DES ANNÉES DES PREMIERS HOMMES.
Ainsi, bien qu'il semble qu'il y ait quelque diversité, quant au nombre des années, entre les livres hébreux et les nôtres 2, sans que je sache d'où elle provient, elle n'est pas telle néanmoins qu'ils ne s'accordent touchant la longue vie des hommes de ce temps-là. Nos livres portent qu'Adam engendra Seth à l'âge de deux cent trente ans, et ceux des Hébreux à l'âge de cent trente 3; mais aussi, selon les leurs, il vécut huit cents ans depuis, au lieu que, selon les nôtres, il n'en vécut que sept cents 4; et ainsi ils conviennent dans la somme totale. Il en est de même des autres générations; les cent années que les Hébreux comptent de moins que nous avant qu'un père ait engendré un tel qu'ils nomment, ils les reprennent ensuite, en sorte que cela revient au même. Dans la sixième génération, il n'y a aucune diversité. Pour la septième, il y a la même que dans les cinq premières, et elle s'accorde aussi de même. La huitième n'est
1. Pline parle en effet de cette nation, qui est celle des Epéens dans l'Italie, mais il n'en parle pas en témoin oculaire; il rapporte un fait qu'il a lu dans un vieil historien, nommé Hellanicus. Voyez Hist. nat., lib. VII, cap. 49.
2. Par nos livres, saint Augustin entend ceux dont l'Eglise de son temps faisait usage, c'est-à-dire une version du grec des Septante, antérieure à la Vulgate ou version de saint Jérôme; il entend par livres hébreux une autre version latine de l'Ecriture, faite sur l'hébreu même.
3. Gen. V, 3. - 4. Ibid. 4.
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pas plus difficile à accorder. Il est vrai que, suivant les Hébreux, Enoch, lorsqu'il engendra Mathusalem, avait vingt ans de plus que nous ne lui en donnons; mais aussi lui en donnent-ils vingt de moins lorsqu'il l'eut engendré 1. Ce n'est que dans La neuvième génération, c'est-à-dire dans les années de Lamech, fils de Mathusalem et père de Noé, qu'il se rencontre quelque différence dans la somme totale ; encore n'est-elle pas considérable, puisqu'elle se borne à vingt-quatre années d'existence que les Hébreux donnent de plus que nous à Lamech ils lui attribuent six ans de moins que nous avant qu'il engendrât Noé, et trente de plus que nous après qu'il l'eût engendré 2; de sorte que, rabattant ces six ans, restent vingt-quatre.

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